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A la DGCCRF, la chasse aux compléments alimentaires est ouverte

 

Dans notre dossier sur "L'expertise santé à la française" consacré à une exploration des lobbies et des réseaux d'influence, bien souvent occultes, qui déterminent nombre d'aspects de la politique de santé française, nous évoquions en passant la DGCCRF et écrivions que "Cette administration, fort utile à certains égards, est malheureusement aussi un des bras armés de l'administration dans sa lutte impitoyable pour bouter hors de France les compléments nutritionnels."

Pour étayer notre affirmation et en savoir un peu plus, nous avons notamment consulté le site de la DGCCRF sur Internet. Des rapports d'activité édifiants nous confirme dans notre vision très négative du rôle de cette administration vis à vis des compléments nutritionnels. Il nous permet aussi d'apporter un éclairage complémentaire au lecteur de Gestion Santé soucieux de se repérer dans les systèmes de pouvoir et de décisions, particulièrement opaques, qui interviennent pour combattre le développement de la complémentation alimentaire et de la santé alternative en général. A l'issu de la lecture de cette page, je pense qu'il comprendra nettement mieux comment s'articule l'action de la DGCCRF avec celle des agences de santé et des tribunaux.

Présentation de la DGCCRF
Une action répressive menée en coordination avec les nouvelles agences de santé
Le problème de la définition du complément alimentaire
L'expertise et les tribunaux
Un bilan d'activité consternant
Conclusion
Sujets liés

Présentation de la DGCCRF

La DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) est une direction du ministère des finances. Ses missions sont :

La régulation du marché en faveur des entreprises, des consommateurs et des collectivités locales
Le libre jeu de la concurrence
La sécurité des consommateurs
La qualité des produits et des services et la loyauté des transactions
La protection des intérêts économiques des consommateurs

Il s'agit de missions évidemment très larges. La mission "sécurité des consommateurs" inclut la sécurité alimentaire comme une mission importante. Les compléments alimentaires sont eux-mêmes une bien modeste sous-rubrique des problèmes de sécurité alimentaire, mais nous verrons qu'ils semblent justifier l'emploi de moyens particulièrement importants au sein de la DGCCRF.

Dans le domaine de l'alimentation, la DGCCRF "s’appuie, dans ses actions, sur les avis d’instances scientifiques ou d’expertise. En matière de sécurité alimentaire, les échanges sont permanents avec l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), mise en place en 1999, qui réunit le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique, la Commission Interministérielle et Interprofessionnelle de l’Alimentation animale, la Commission de Technologie Alimentaire et la Commission Interministérielle des Produits Destinés à une Alimentation Particulière. En matière de sécurité des produits industriels et des services, elle prend en compte les avis de la Commission de Sécurité des Consommateurs."

Il faudrait aussi ajouter à ces instances l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) car elle joue un rôle très important en matière de complémentation nutritionnelle (cf. la question du millepertuis ci-après).

Par ailleurs en ce qui concerne la qualité des produits alimentaires sa mission s'inscrit dans un contexte européen et mondial:

"Dans le cadre communautaire, elle collabore avec les instances européennes pour définir et adapter les réglementations. Au niveau international, elle joue un rôle actif au sein du Codex Alimentarius, organisme conjoint de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), qui a pour vocation la protection de la santé des consommateurs et le respect de la loyauté des transactions commerciales dans le domaine de l’alimentation."

Une action répressive menée en coordination avec les nouvelles agences de santé

La DGCCRF met ses rapports d'activité en ligne depuis 1996.

Dans le domaine de la répression du commerce des compléments alimentaires, la DGCCRF a toujours joué un rôle clé, mais ce n'est apparemment que depuis le rapport de 1999 qu'elle affiche officiellement dans ses rapports sa politique ouvertement répressive dans ce domaine et son "tableau de chasse" des fabricants ou distributeurs qu'elle a réussi à faire condamner en justice. Tout cela semble correspondre à une commande politico-administrative de plus en plus appuyée, assortie de consignes de fermeté dans la prise de mesures répressives. Cela n'étonnera pas les observateurs avertis qui ont pu constater, depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir et depuis la mise en place des nouvelles agences de santé, l'AFSSA et l'AFSSAPS, une agressivité sans cesse croissante à l'égard de la complémentation nutritionnelle et des médecines alternatives en général. Ce phénomène s'est accompagné, pour de nombreux sujets de santé publique, d'un poids croissant des lobbies de tous ordres et des franges les plus conservatrices des milieux de la santé.

Nous avons largement évoqué dans notre dossier sur "L'expertise santé à la française" les dérives plus que préoccupantes qui affectent les nouvelles agences de santé qui ont largement trahi l'ambition qui avait présidé à leur création par le législateur. En ce qui concerne l'AFSSA, nous avons évoqué plus particulièrement sa situation dans les sections "Le secteur privé et l'expertise" et "Une presse qui verrouille l'information". Dans un autre article présentant "Le Journal Santé", nous avons également présenté "le dossier sur la créatine", une "expertise" de l'AFSSA descendue en flamme par l'ensemble des experts internationaux de ce complément alimentaire, consternés par la nullité scientifique de l'avis rendu par l'AFSSA. Cette affaire est très significative et très grave, car un tel avis est destiné à éclairer la politique répressive de l'administration et passe pour une vérité révélée pour les tribunaux. Elle est significative de la manière dont s'organise la chasse aux compléments alimentaires qui sévit dans notre pays. Voici comment les choses semblent se passer. La DGCCRF reçoit des consignes de fermeté sur les compléments alimentaires, elle se "couvre" auprès des agences de santé, qui soutiennent sans réserve son action répressive. La DGCCRF transmet ensuite nombre des procès-verbaux qu'elle a dressé au parquet, alors que cela ne devrait concerner que les infractions les plus graves, les autres n'étant traitées normalement qu'au niveau administratif. Le parquet engage les poursuites et les malheureux fabricants ou distributeurs sont alors traînés devant les tribunaux où ils peuvent être condamnés sous des chefs d'accusation très graves comme l'exercice illégal de la pharmacie. Les juges se fondent évidemment très largement sur les avis, recommandations ou même simples courriers des experts des agences de santé qui sont supposés, bien à tort selon nous, être d'une qualité scientifique irréprochable et dénués de tout parti pris.

Le problème de la définition du complément alimentaire

Il faut savoir qu'en France, le médicament est défini dans le Code de la Santé d'une façon démesurément étendue. Tout produit peut être dit médicament par "nature ou par présentation". Par nature veut dire, de par son efficacité thérapeutique, et par présentation veut dire que, si quelqu'un dit qu'un produit quelconque a une action thérapeutique, l'administration considère que cela devient un médicament et que le commercialiser devient de l'exercice illégal de la pharmacie. Aussi, les distributeurs de compléments alimentaires ne peuvent-ils revendiquer aucun "effet santé" puisque leur produit risque alors de devenir un médicament par présentation (quelle que soit d'ailleurs la qualité des informations fournies à cette occasion). Ceci est d'autant plus génant que les consommateurs sont très demandeurs d'une information santé précise et complète dans ce domaine.

Il serait d'ailleurs fort intéressant de disposer d'une étude juridique comparative de la situation respective de la qualification de médicaments ou de compléments alimentaires dans les principales démocraties. La définition française est particulièrement obsolète, car les développements de la nutrition et de la pharmacologie ont montré à travers d'innombrables études, l'activité thérapeutique d'une multitude de plantes, alimentaires ou non, sans parler des vitamines et des minéraux, sur l'état de santé. Il suffit pourtant de les mettre en gélule ou d'en faire des extraits pour en faire des médicaments aux yeux de l'administration française. C'est ainsi que l'administration n'hésite pas, parfois, à dresser procès-verbal pour de l'ail en gélule! Tous les compléments alimentaires deviennent donc de dangereux médicaments vendus, de plus, sans autorisation de mise sur le marché (AMM). Ce qui n'empêche pas d'ailleurs les pharmaciens de les vendre... une fortune dans leurs officines, sans être le moins du monde inquiété.

Evidemment tout ceci est largement abusif et traduit l'existence d'un vide juridique portant sur la définition du complément alimentaire, doté d'un "effet santé" sans être pourtant un médicament. J'en proposerai un essai de définition, qui n'engage bien sûr que moi: "un produit de santé à visée essentiellement préventive, mais aussi parfois curative, qui agit en régulant certaines fonctions métaboliques de l'organisme dans un sens favorable à l'équilibre biologique à long terme, et qui est dépourvu de toxicité lorsqu'il est utilisé conformément à ses indications". Cette définition a l'intérêt de souligner "l'effet santé" du complément alimentaire désormais démontré de façon irréfutable, et également de permettre de prévoir une superposition possible entre compléments alimentaires et médicaments dans certains domaines, dans le cas des vitamines ou des minéraux, par exemple. Précisons que d'autres définitions font plutôt référence à l'apport de nutriments, vitamines et minéraux en complément de l'apport journalier alimentaire et évite de faire référence à l'effet santé.

L'expertise et les tribunaux

En l'absence de définition légale, il appartient aux juridictions civiles et administratives de protéger le citoyen et le consommateur en rappelant à la puissance Étatique que tout ce qui n'est pas explicitement interdit et ne nuit pas est autorisé. Malheureusement tout le domaine de l'expertise scientifique judiciaire qui est sensé permettre aux juridictions de prendre des décisions éclairées est en fait étroitement contrôlée par la puissance publique. Non seulement l'administration s'informe elle-même de façon partiale et orientée pour justifier sa politique de répression, mais le même phénomène se déroule également au niveau de la justice pénale que ce soit à l'occasion de l'instruction ou du jugement. Il faut signaler que la situation de la justice administrative est heureusement beaucoup plus saine, car elle travaille beaucoup plus sur dossier et de façon rigoureuse et a l'habitude de sanctionner les débordements de la puissance publique. Malheureusement cette modération de la justice administrative est de peu d'utilité pour les justiciables si l'administration renouvelle indéfiniment les procédures contentieuses pour briser les résistances.

Dans le domaine pénal par contre, l'expertise est, en France, et malheureusement pas que dans le domaine de la complémentation nutritionnelle, largement au service de l'accusation, ce qui mine l'équité de nombreux procès et donc l'État de droit. A ce phénomène déjà très grave s'ajoute la déliquescence de la politique pénale, particulièrement incohérente, du fait du poids de puissants groupes de pression, ce qui empêche que la justice puisse se fixer une hiérarchie et des priorités fondé sur l'intérêt public. Enfin, au niveau local, l'existence de réseaux de notables, souvent puissants et très conservateurs, auxquels participent de nombreux magistrats et membre des milieux judiciaires, facilite l'adoption de points de vue très conservateurs et très peu favorables aux libertés publiques, quand il devient nécessaire de prendre en compte, dans la jurisprudence, d'importantes transformations des pratiques sociales. Ainsi d'innombrables procès sur les compléments alimentaires, sans intérêt en terme de santé publique, et qui auraient dû, pour la plupart, être classés sans suite dès le début de l'affaire par le parquet, encombrent-ils nos tribunaux. Rappelons, pour situer tout de même les enjeux que, exemple entre mille, pour l'amiante, qui va tuer des dizaines de milliers de personnes dans notre pays dans les prochaines années et où des travailleurs sont encore délibérément mis en danger tous les jours par des patrons irresponsables dans des travaux de dépose ou d'entretien, pas un seul procès pénal n'a encore été engagé par la puissance publique!

Un bilan d'activité consternant

Mais revenons à l'action de la DGCCRF, telle qu'elle ressort de ses rapports d'activité. Seuls les deux derniers rapport d'activité (1999 et 2000) traitent explicitement de notre sujet. Auparavant la DGCCRF n'affichait pas ses activités répressives dans ce domaine. Elles apparaissent donc dans le rapport 1999 et sont encore bien plus développées dans le rapport 2000. Il est probable que la DGCCRF souhaite montrer qu'elle suit avec zèle les consignes de fermeté que lui transmet sa hiérarchie. Nous citerons in extenso la partie du rapport 2000 qui concerne les compléments alimentaires. Le rapport 1999 n'apportant pas d'information supplémentaire nous renvoyons le lecteur intéressé au site de la DGCCRF (à la fin de la rubrique Qualité-Sécurité).

Le rapport 2000 est organisé de façon similaire à celui de 1999. Les passages qui nous intéressent se situent dans la rubrique "Qualité-sécurité", sous-rubrique "La nutrition, les produits diététiques, les compléments alimentaires". Nous n'avons retenu dans la citation ci-dessous que ce qui concerne les compléments alimentaires et l'action que pouvait avoir à ce titre la DGCCRF auprès des organismes internationaux où elle représente le gouvernement français.

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Début de l'extrait du rapport 2000 de la DGCCRF

La nutrition, les produits diététiques, les compléments alimentaires


L’argument santé est devenu un enjeu important de la consommation alimentaire en termes économiques, concurrentiels et de santé publique.

La DGCCRF intervient dans ce secteur en pleine expansion en participant à l’élaboration de la réglementation et par ses contrôles.

Elle a participé en 2000 aux travaux du Comité du Codex Alimentarius sur la nutrition qui s’est réuni en juin à Berlin et où ont été examinées la révision des normes sur les laits pour nourrissons, sur les aliments pour bébés à base de céréales et sur les aliments sans gluten, ainsi que l’élaboration de directives pour les compléments alimentaires contenant des vitamines et des minéraux. Un document de travail, élaboré par la France (la DGCCRF est porte-parole de la délégation française dans cette instance) et les États-Unis, consacré à la définition des critères scientifiques relatifs au fondement des allégations santé a également été présenté au cours de cette session.

La réglementation

Au niveau national (...) [passage supprimé, car sans rapport avec le sujet traité par Gestion Santé]

Au niveau communautaire, une proposition de directive relative aux compléments alimentaires

La Commission européenne a présenté, en mai 2000, une proposition de directive relative aux compléments alimentaires, destinée à harmoniser les règles de commercialisation de ces produits.

Cette directive a pour objectif de fixer un cadre général et des règles de sécurité pour l’adjonction de vitamines et de sels minéraux dans les compléments alimentaires commercialisés dans l’Union européenne. Elle permettra de donner au consommateur des informations détaillées sur la nature, la composition et le mode d’utilisation des produits qui seront mis en vente.

Ce texte comporte une liste de substances qui pourront être incorporées dans ces produits et prévoit également que les doses minimales et maximales seront fixées en tenant compte de l’évaluation des risques et des besoins.

Cette proposition, qui s’inscrit dans l’ensemble des mesures annoncées dans le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire adopté par la Commission au début de l’année, a fait l’objet, au niveau du Conseil de l’Union européenne, de quatre réunions présidées par la France, représentée par la DGCCRF.

Parallèlement, la Commission de l’environnement, de la santé publique et des consommateurs au Parlement Européen a examiné ce texte et présentera ses amendements aux députés européens.

Le Millepertuis

Le millepertuis (Hypericum perforatum ou St John’s wort) est une plante médicinale utilisée traditionnellement en phytothérapie pour le traitement des troubles de l’humeur.

Cette plante est considérée en France comme une plante médicinale inscrite à la pharmacopée française qui ne peut être vendue que par les pharmaciens et dans certaines conditions.

En alimentation humaine, le millepertuis peut être utilisé comme source d’arôme sous réserve que la teneur maximale en un principe actif, l’hypéricine, soit inférieure à 0,01mg /kg dans les denrées et les boissons.

Toute autre utilisation du millepertuis ou de ses extraits en alimentation humaine doit faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché.

A la suite d’une information émanant de l’Agence européenne d’évaluation des médicaments, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a diffusé, le 1er mars 2000, un communiqué de presse dans lequel elle appelait l’attention des consommateurs sur les interactions entre le millepertuis et certains médicaments, tels que les anticoagulants, ou des médicaments utilisés dans le traitement des maladies cardiaques, de l’asthme, de l’infection à VIH, ainsi que ceux utilisés dans le cadre d’une contraception orale.

C’est pourquoi la DGCCRF a adressé aux entreprises commercialisant des compléments alimentaires qui contiennent du millepertuis un courrier leur rappelant l’état de la réglementation en la matière.

Il a été parallèlement demandé aux directions départementales d’intensifier les contrôles sur ces produits et de les faire retirer de la vente ou d’engager des procédures contentieuses si nécessaire.

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a également été saisie pour compléter les évaluations scientifiques.

Les contrôles et la jurisprudence

Les contrôles sur les compléments alimentaires

Le marché des compléments alimentaires s’étant fortement développé ces dernières années, un plan de suivi de ce secteur est régulièrement mis en place chaque année.

Dans ce cadre, la composition et l’étiquetage d’environ 3300 compléments alimentaires importés, fabriqués ou commercialisés par 640 entreprises ont été contrôlés. Les actions menées ont conduit à constater que de nombreux produits contenaient des substances ou des ingrédients non autorisés, notamment des plantes ou leurs extraits, ou des vitamines et des éléments minéraux à des doses supérieures aux apports journaliers recommandés. D’après les vérifications effectuées, un nombre de plus en plus important de compléments alimentaires contiennent des plantes ou des extraits de plantes dont l’usage n’est pas traditionnel en alimentation humaine et qui sont souvent utilisés pour leurs propriétés médicinales. De nombreuses anomalies d’étiquetage ont également été constatées. 87 procès verbaux ont été dressés et environ 160 rappels de la réglementation ont été adressés aux professionnels.

La jurisprudence

La cour d’appel de Bourges a confirmé, le 30 mars 2000, le jugement du TGI ayant déclaré coupable du délit d’exercice illégal de la pharmacie un distributeur pour mise en vente et vente de plantes inscrites à la pharmacopée : Ginkgo Biloba, aubépine, harpagophytum, orthosiphon, valériane et bourgeon de pin. Sanction : 50 000 F d’amende.

La cour d’appel de Besançon, dans son arrêt du 7 novembre 2000, a confirmé la condamnation prononcée par le tribunal de grande instance pour détention de compléments alimentaires contenant de la L-carnitine, de la créatine et des acides aminés. Condamnation : 30 000 F d’amende.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’Appel d’Angers du 1er juillet 1999 qui avait condamné le prévenu à 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 F d’amende et à une mesure de publication pour falsification, détention et mise en vente de denrées falsifiées et exercice illégal de la pharmacie. Le prévenu fabriquait et vendait en gros des compléments alimentaires contenant des substances ou des ingrédients non autorisés.

Fin de l'extrait du rapport 2000 de la DGCCRF

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Le commentaire de Gestion Santé

Nous allons suivre l'exposé du rapport en le commentant.

Au niveau international, la DGCCRC participe à deux institutions:

Le Codex Alimentarius traite de nombreux sujets liés à la normalisation internationale des produits alimentaires. Son hostilité de principe à la complémentation nutritionnelle est de notoriété publique. Le Dr Rath un militant très actif du libre accès aux compléments alimentaires, ne cesse de se battre contre cet organisme opaque qui relaie sans complexe depuis des décennies les intérêts des multinationales de l'agro-alimentaire et de l'industrie pharmaceutique. Le Dr Rath a contribué à faire échouer des projets qui auraient définitivement interdit l'accès à la complémentation nutritionnelle. Il est un des rares militants dans le domaine de la complémentation à disposer d'un site multilingue en mesure de fédérer l'action de l'ensemble des européens.

Le Codex Alimentarius est également honni de toutes les associations qui luttent contre la mondialisation, pour l'autonomie alimentaire du Tiers Monde, la diversité biologique, et pour la participation de la société civile et des élus du peuple aux décisions en matière d'alimentation et de santé. Il est aussi instructif qu'affligeant de voir que le gouvernement confie sa représentation auprès du Codex Alimentarius à la DGCCRC. On ne comprend pas vraiment pourquoi cette direction des finances aux objectifs essentiellement répressifs est appelée à porter la voix de la France dans cette institution clé (cette situation résulte de la tradition détestable qui consiste à charger les services du ministère des finances de tous les contacts avec les grands organismes internationaux de ce type). La DGCCRC a notamment traité avec une particulière incompétence l'affaire de la viande de boeuf traitée aux hormones que la France refuse, à juste titre, d'importer des États-Unis. Faute d'avoir suscité et coordonné, en temps utile, les études qui auraient pu en démontrer la dangerosité au Codex, la DGCCRC a été à l'origine de la condamnation de la France par les tribunaux commerciaux de l'OMC, la France s'étant présentée avec un dossier en défense quasiment vide... Il y aurait eu pourtant matière à de nombreuses investigations de tous ordres, ces produits ayant été autorisé aux USA dans des conditions particulièrement suspectes.

Evidemment dans toutes ces affaires, où se décident pour le long terme bien des aspects de la vie de notre pays, les français et leurs pitoyables élus ne sont, cela va de soi, jamais informés du déroulement et des enjeux des débats en cours... Pour ce qui concerne plus particulièrement la question des compléments alimentaires, il est évidemment désastreux que la DGCCRC chargée d'une répression sans mesure contre les compléments alimentaires représente la France au Codex Alimentarius.

Il est encore plus inacceptable que la DGCCRC représente à nouveau la France pour le travail préparatoire sur une directive européenne portant uniquement sur le thème de la complémentation nutritionnelle. Il s'agit évidemment de torpiller autant que faire se peut ladite directive, en la vidant de tout contenu, pour la plus grande satisfaction de l'industrie pharmaceutique et des milieux conservateurs de la santé.

Tout ses aspects des négociations internationales menées par une poignée de fonctionnaires sans représentativité serait à traiter dans le cadre d'une réforme profonde de l'État français, aussi pléthorique et intrusif dans la vie de la Cité pour des affaires secondaires, que démuni et incompétent dès lors lorsqu'il s'agit de mener une réflexion approfondie et de qualité sur un sujet de société ou une question de santé publique d'importance. Il faudrait évidemment associer nos élus à toutes les étapes de ces travaux internationaux et fournir en même temps une information de qualité aux représentants de la société civile pour animer la réflexion et susciter des expertises alternatives et indépendantes des groupes de pression.

Mais même dans le cadre de ce fonctionnement archaïque et sclérosé de la société française, on peut s'interroger sur le fait que soit confié à une direction financière aux objectifs essentiellement répressifs, avec les oeillères et l'étroitesse des conceptions qu'entraîne généralement ces missions, des négociations internationales qui concernent visiblement au premier chef les ministères de l'agriculture et de la santé.

La question du millepertuis. Nous avons déjà traité ce sujet sur la page l'affaire du millepertuis. Ajoutons que la position de la DGCCRC est aussi confuse qu'inexacte puisqu'il est dit que le millepertuis est "une plante médicinale inscrite à la pharmacopée française" et que "Toute autre utilisation du millepertuis ou de ses extraits en alimentation humaine doit faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché." En fait, le millepertuis n'est pas inscrit à la pharmacopée parce qu'il ne bénéficie pas d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Ce n'est donc pas un médicament. En France, contrairement à d'autres pays comme l'Allemagne, rares sont les plantes qui bénéficient d'une AMM, en dépit de leur efficacité reconnue, du fait du poids et de l'efficacité du lobby de l'industrie pharmaceutique dans les décisions de santé publique. Ajoutons que dans de nombreux pays "civilisés", le fait d'avoir, dans certains cas, un statut de médicament n'a jamais empêché les plantes ou les vitamines d'être vendues également comme compléments nutritionnels en dehors des pharmacies. Mais de tels usages, alliant bon sens, pragmatisme et tolérance, ne sont visiblement pas compréhensibles par la bureaucratie kafkaïenne à la française. Enfin, le lien que fait la DGCCRC entre alimentation et AMM n'a évidemment aucun sens puisqu'un produit ayant une AMM n'est pas un aliment, mais un médicament. Ce discours confus et ces inexactitudes montrent bien l'embarras de l'administration et l'absence de base légale à son action répressive. A noter toutefois que la DGCCRF a fait régulariser son action répressive par l'AFSSA à postériori (nous sommes en France ne l'oublions pas !) qui a émis deux avis négatif sur l'utilisation du millepertuis, le premier datant du 2 avril 2001.

Les contrôles et les sanctions éventuelles de la DGCCRC paraissent totalement justifiées lorsque le contenu des produits n'est pas conforme à l'étiquetage. L'administration est alors dans son rôle de contrôle. Malheureusement l'essentiel de son activité se situe ailleurs, comme le montre le lamentable tableau de chasse qu'exhibe la DGCCRC. Des procès gagnés contre d'honnêtes commerçants proposant des produits de qualité, qu'on ruine en connaissance de cause, sont placés sur le même plan que ceux qu'on intente à des voyous de l'alimentaire qui trafiquent délibérément de la viande avariée. La DGCCRC perd ainsi son temps et compte tenu de ses moyens limités néglige gravement ses missions de service publique. Evidemment, aucun procès gagné par les fabricants n'est cité et aucune référence n'est faite à l'évolution de la jurisprudence dans cette énumération stupide de condamnations.

La DGCCRC quand il s'agit d'hygiène, d'affaire de "vache folle" ou autre, aime à se prévaloir de la demande de sécurité du public. On se doute que le public qui s'intéresse de plus en plus aux compléments alimentaires ne serait guère satisfait s'il savait que la DGCCRC s'acharne à vider les étalages des produits qu'il recherche. L'action de la DGCCRC est particulièrement pernicieuse à plusieurs égards dans ce domaine:

Une action incohérente et largement inefficace. Ne pouvant asseoir son action ni sur une base légale solide ni sur la demande du public, l'action répressive est dispersée et largement inefficace. Ne pouvant s'afficher honorablement aux yeux du public elle prend souvent un caractère sournois et secret. On visera en particulier les grossistes et les fabricants, mais plus rarement les distributeurs comme les épiceries bio, en contact avec le public, et qui pourraient créer le scandale en mobilisant consommateurs et médias. Une politique de communication de circonstance visera à faire croire au public que l'on a saisit des produits dangereux pour la santé et on cultivera au maximum l'amalgame avec le dopage, etc. Pour le commerçant, il s'agit d'une loterie ou il ne faut surtout pas tirer le mauvais numéro, mais pas d'une interdiction à caractère systématique en l'absence de base légale certaine fondant l'interdiction. Il en résulte que les produits sont toujours vendus, mais les filières de distribution largement désorganisées, au détriment de la qualité et des prix qui sont très élevés. Le marché a en effet tendance à devenir moins transparent, on recourt aux produits importés, etc. D'où une moindre satisfaction du consommateur et un risque démultiplié de produits de mauvaises qualités et finalement d'accidents. Bref tout le contraire de la mission de service publique de la DGCCRC qui consiste à favoriser une concurrence saine et des circuits de distribution fiables et transparents permettant d'assurer une bonne traçabilité des produits.

Des pratiques administratives particulièrement condamnables. Dans un État de droit, les choses sont soit autorisées soit interdites. En particulier, à législation inchangée, elle ne sont pas interdite un jour et autorisées le lendemain ou interdites aux uns et autorisées aux autres. Or ici la répression s'organise de façon totalement aléatoire et dans la plus totale opacité. Le millepertuis serait soit-disant interdit, mais certaines sociétés continuent à le distribuer sans la moindre difficulté et sans se cacher au plus fort de la campagne de répression de la DGCCRC, alors que d'autres sont impitoyablement traquées par l'administration. Au bout de six mois tout le monde peut de nouveau le distribuer... Il en va de même pour la quasi totalité des produits. Qui décide et selon quels critères? Mystère. De telles pratiques de l'administration quand elle devienne chroniques et sont notoirement connues des intéressés, comme c'est le cas ici, ont toujours favorisé les interventions politico-administrative que ce soit pour protéger tel ou tel ou pour lui nuire. Le résultat est l'arbitraire qui vide la démocratie de sa réalité pratique, arbitraire qui comme chacun sait est le terreau ou risque de s'installer la corruption...

Conclusion

Ainsi, la DGCCRC mène avec le soutien des pouvoirs publics une politique extrêmement répressive à l'égard du marché de la complémentation nutritionnelle. Celle-ci s'appuie sur des fondements juridiques incertains et entraîne une explosion du contentieux devant les tribunaux.

Confrontés au l'acharnement procédurier de l'administration, fabricants et distributeurs finissent souvent par fermer boutique et s'expatrient quand ils en ont la possibilité financière, pour bénéficier de conditions de fonctionnement normales dans les pays limitrophes, tout en bénéficiant des dispositions sur la libre circulation des biens et des services au sein de l'Union Européenne.

Tout ceci va à contre-courant de l'évolution sociale et de la demande des consommateurs. Il en résulte une désorganisation des filières de distribution, une augmentation des prix et des risques sanitaires certains. Elle est en contradiction avec les directives européennes sur la légalisation des médecines alternatives et réduit d'importants sujets de société à une gestion administrative et policière de la société.

Cette politique coercitive devra être abandonnée tôt ou tard et le secteur libéralisé sous la pression de l'opinion publique ou de modification de la législation européenne. Dans ce vaste marché, la France sera totalement marginalisée à tous les stades de l'innovation, de la fabrication et de la distribution, alors que, j'en suis convaincu, ce secteur d'activité sera appelé au cours du siècle à prendre un poids équivalent ou supérieur à celui de l'industrie pharmaceutique traditionnelle. Mais qu'importe, il s'agit de résister le plus longtemps possible et par tous les moyens à la demande des consommateurs.

Cette politique de répression bénéficie d'une logistique administrative et policière impressionnante qui entraîne souvent la mobilisation de bataillons de gendarmes, des écoutes téléphoniques, des gardes à vue et des perquisitions, pour démanteler des activités aussi redoutables que, par exemple, des réseaux de vente de gélules de magnésium (véridique). Les juges qui instruisent, dans le plus total dénuement, des affaires aussi graves que des trafics internationaux d'organes contaminés (affaire de l'hormone de croissance) qui ont provoqués la mort de nombreux enfants doivent pâlir d'envie face à cette débauche de moyens dont bénéficie leurs collègues visiblement chargés d'affaires d'État autrement prioritaires que les leurs. Du fait de cette priorité de la politique pénale, on n'hésite d'ailleurs pas à bouleverser le calendrier judiciaire des tribunaux pour pouvoir juger dans les meilleurs délais et avec tout l'apparat qui convient ces très graves affaires qui valent souvent aux prévenus de lourdes condamnations.

Sujets liés :

L'expertise santé à la française

Le Journal Santé

L'affaire du millepertuis

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Créé le 26/01/02. Dernière modification le 26/01/02.