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Quand le BCG pulvérise la morale du Comité d'éthique

par Bernard Guennebaud

 

Le 1er janvier 2006 a été marqué par la disparition du BCG monovax et son remplacement exclusif par le BCG intradermique souche Copenhague 1331 jugée plus immunogène mais aussi beaucoup plus réactogène et utilisée par la Suède depuis 1979 sur les seuls enfants à risque élevé de tuberculose.
Aussi, la fin de l 'année 2005 a t-elle été marquée par le très vigoureux avertissement lancé par l'Académie de médecine au ministère, réclamant dès le premier janvier, comme pour la Suède en 1975, l'interruption du BCG généralisé pour le limiter aux seuls enfants à risque. Les sociétés de pédiatries et de médecins généralistes lui emboîtèrent aussitôt le pas, considérant ce maintien "comme une erreur majeure" et allant même, comme la Fédération des médecins de Bretagne, jusqu'à conseiller à leurs adhérents, non seulement de ne plus pratiquer le BCG sur les enfants à faible risque mais de rédiger des certificats de non indication au BCG ! Ce qui était une sorte d'incitation à manifestation…
On pouvait donc s'attendre à ce que le calendrier vaccinal 2006, paru le 18 juillet, annonce la suppression de la pratique généralisée et obligatoire du BCG, en limitant cette vaccination aux enfants jugés particulièrement exposés.

Il n'en fut rien et l'obligation du BCG a au contraire été réaffirmée. Mais ce qui fut surtout spectaculaire ce fut l'entrée en lice de notre Comité consultatif d'éthique, un éléphant dans un magasin de porcelaine…

La souffrance des bébés vaccinés

Pour avoir idée de ce que vivent de nombreux bébés vaccinés par le BCG SSI
intradermique, le seul disponible depuis janvier 2006, il suffit de consulter des blogs type " maman bébé ". Ils sont nombreux et c'est édifiant! (4)
La description qui ressort le plus souvent est la suivante : un mois après la vaccination apparaît au point d'injection une boule très dure et rouge en surface. Le médecin déclare que c'est devenu classique avec le nouveau vaccin et que ça partira peut-être au bout de plusieurs mois. Les semaines passent, la boule devient jaune avec du pus. L'abcès perce spontanément un mois après son apparition (parfois il faut pratiquer une incision chirurgicale). Une grande quantité de pus qui s'évacue mais la boule peut malgré tout persister et conduire le médecin à déclarer aux parents que "si l'abcès de mûrit pas plus et ne se vide pas totalement dans les jours qui viennent, il faudra lui administrer un traitement antituberculeux dans les prochains jours en injection directe dans l'abcès."
Un autre reçoit "un traitements anti-tuberculeux pendant 4 mois avec pleins d'examens médicaux pour voir si tout va bien" dit sa maman la peur au ventre. D'autres mamans sont "déchirées de devoir faire volontairement du mal à leur bébé pour pouvoir retravailler."
Mais pour le président du Comité technique des vaccinations "il n'y a pas de réelles complications avec le BCG intradermique. C'est un fantasme ! Un ganglion qui suinte sous l'aisselle se résorbera avec un petit traitement" (Le Parisien du 7/07/06). Comme si un antituberculeux qui peut avoir des conséquences hépatiques était un petit traitement…

C'est dans ce contexte de polémiques, de grognes et de souffrances que le Comité d'éthique va rendre son avis le 6 juillet, au cours d'une conférence de presse. Le président d'InfoVac et correspondant du Conseil national de pédiatrie, le pédiatre Robert Cohen, dénoncera au Figaro (7/07/06) la position du Comité d'éthique : "Ce n'est pas de la vraie morale. Nous sommes dans le politiquement correct. Encore une fois, on prend des positions qui nous isolent par rapport au reste de l'Europe. La vaccination systématique est arrêtée partout, sauf au Portugal où il y a cinq fois plus de cas qu'en France".
Dès décembre 2005 l'Académie de médecine unanime mettait pourtant en garde contre "le désarroi des familles pouvant conduire au refus du BCG " ainsi " qu'une situation de flou et d'ambiguïté qui pourrait, selon toute vraisemblance, faire remettre en question, une fois encore, le bien-fondé des vaccinations en général". Essayons donc de comprendre cette affaire particulièrement embrouillée et importante.

L'ordre moral du Comité d'éthique

Le Comité consultatif d'éthique (CCNE) avait été sollicité par le ministre en janvier pour donner un avis éthique sur la vaccination BCG limitée aux enfants à risque. Pourrait-elle être perçue comme discriminatoire ? Voici ses 2 recommandations essentielles (3) :

"Le Comité souhaite que soit affirmé l'intérêt, pour le dépistage, de tests cutanés à la tuberculine par voie intra-dermique, généralisés à tous les enfants d'âge scolaire. Le CCNE recommande qu'une évaluation du coût et de l'efficacité d'un dépistage généralisé soit réalisée et périodiquement renouvelée pendant un temps donné, sachant que la mise en place d'un tel dépistage représenterait un préalable indispensable à l'abandon de la vaccination généralisée. "

" Il recommande que cette vaccination, si elle doit n'être réservée qu'à certaines personnes, ne soit effectuée chez le nourrisson et l'enfant que pour des raisons strictement médicales, appréciées par le seul médecin (scolaire, de PMI, pédiatre et généraliste), qui doit, bien sûr, prendre en compte une situation sociale spécifique, à l'exclusion de toute démarche discriminante négative."

Retour au dépistage généralisé !

Le Comité d'éthique recommande donc le retour au dépistage généralisé à la tuberculine ! Rien de moins ! J'ai connu cela dans les années 50 : une, voire 2 cutis chaque année du primaire à la terminale, dans un département où le BCG n'était pas encore pratiqué, comme dans beaucoup d'autres. Ce procédé a été abandonné avec l'implantation du BCG qui le rendait inopérant et aussi parce qu'il fut jugé " de coût trop élevé et d'efficacité limitée ". Cette appréciation a été récemment réitérée par les comités d'experts qui ne recommandent que le dépistage ciblé (avis du 30/09/05 relatif au renforcement des moyens de lutte en France (1)). Or justement, et c'est assez surprenant, ce Comité demande le retour à un tel dépistage en milieu scolaire avant la suppression du BCG alors qu'il faudrait pratiquement attendre au moins 10 ans après sa suppression pour que la positivité du test devienne significative. Bien que le Comité en soit conscient et l'exprime il en tire la conclusion opposée !

Il écrit en effet : "Peut-on rendre plus difficile le dépistage chez les sujets à risque en les vaccinant ? La vaccination par le BCG ne remplace pas le dépistage. Paradoxalement, elle peut même le gêner en ne permettant pas au test intradermique d'être discriminant. Ce dépistage est rendu d'autant plus difficile en France que le test cutané à la tuberculine ne permet pas de distinguer les sujets vaccinés par le BCG des sujets atteints par la tuberculose"

Ce qui n'empêche nullement le Comité de parler de : "la cohérence qui doit présider à une politique de dépistage active et une politique de vaccination qui lui est indissociablement liée."
Pourtant, les recommandations de l'OMS relatives au contrôle de la tuberculose en Europe et qui résultent d'un consensus de tous les pays européens n'évoquent pas le recours au dépistage généralisé qui n'est pratiqué dans aucun pays d'Europe de l'Ouest mais préconisent que la surveillance de la tuberculose soit basée sur trois éléments : l'évolution des cas actifs de la maladie, la prévalence de la résistance aux médicaments antituberculeux et le suivi du traitement.

A quel jeu joue notre Comité d'éthique en demandant comme préalable incontournable à la suppression du BCG une condition totalement irréaliste et à l'opposé des orientations actuelles tout en prétendant ne pas vouloir intervenir dans cette suppression? Comprenne qui pourra ! À moins que nos spécialistes en éthique ne roulent pour l'Institut Pasteur qui ne serait sans doute pas fâché de troquer le BCG pour des tests systématiques à la tuberculine…

Ne vacciner que pour raison médicale

On pourrait a priori y souscrire et c'est ce que le Comité recommande pour la vaccination BCG si elle devait devenir ciblée. Mais pourquoi ne réclame-t-il pas dès maintenant l'application de cette condition aux enfants concernés par la vaccination ciblée, c'est à dire à haut risque de tuberculose ? En effet, la vaccination de ces enfants est d'ores et déjà dissociée de celle des enfants à faible risque depuis la circulaire du 5/10/05 de la Direction générale de la santé : dès la naissance pour les premiers, pas avant 6 mois pour les autres, sauf si l'enfant est placé en collectivité. Pourquoi, tant qu'on vaccine aussi avenue de Neuilly, la vaccination des enfants à haut risque peut-elle être pratiquée sans raison médicale et sans encourir les foudres du CCNE et pourquoi faudrait-il soudain des raisons médicales individualisées quand on décidera de ne plus vacciner les enfants à faible risque ? Pour éviter, disent-ils, qu'elle ne soit perçue comme discriminatoire à l'égard des populations à risque.
Mais si on raisonne au niveau de l'Europe, on constate que certains pays ne font pas le BCG aux enfants : comme le note lui-même le Comité d'éthique, "le BCG n'existe pas aux Pays-Bas, en Allemagne et en Amérique du Nord. Il n'est donné qu'aux seuls " groupes " à risque au Royaume-Uni, Suisse et Suède". Ainsi, un petit Hollandais n'a pas à recevoir le BCG mais un petit Français oui. Le Comité répondrait peut-être que sa juridiction est nationale et non européenne, ce qui serait botter en touche, et ajouterait probablement que le risque est plus grand en France qu'aux Pays-Bas. Mais c'est justement pour cette raison que les experts proposent la vaccination des enfants quand ils proviennent d'une région à haute fréquence de tuberculose comme l'Afrique.

Et puis, quelles raisons médicales le dit comité envisage-t-il, car il n'en propose aucune ? C'est d'ailleurs en opposition avec l'objectif même de la pratique vaccinale : s'il est habituel d'avoir une raison médicale pour prescrire un antibiotique il est rare qu'on attende une telle raison pour effectuer une vaccination. Exiger des raisons médicales pour vacciner reviendrait pratiquement à supprimer les vaccinations... Ce n'est sans doute pas l'objectif de notre CCNE !
Néanmoins, essayons d'en trouver au moins une. Si l'enfant est déjà contaminé, ce qui serait de nature médicale, il ne faut surtout pas lui faire de BCG. S'il y a dans sa famille un tuberculeux contagieux et reconnu comme tel, ce sera considéré aujourd'hui comme raison médicale (alors que dans les années 50 on y voyait une raison de ne pas pratiquer le BCG sans une mesure préalable d'isolement; voir : Les limites du test tuberculinique…). Mais le plus simple, le plus efficace et le moins risqué pour l'enfant serait alors de traiter ce contagieux : 2 à 3 semaines après il cessera de l'être ; le BCG n'apporterait pas à l'enfant une protection plus sûre ni plus rapide.

C'est donc seulement en fonction d'un risque possible mais non explicité par la présence d'un tuberculeux connu, que la décision de vaccination sera prise, ce qui n'est plus strictement médical. C'est clair : on veut vacciner les enfants à risque parce qu'on n'a pas la maîtrise des adultes tuberculeux qu'il a une forte probabilité de rencontrer mais qu'on ne peut localiser et donc soigner. Et comme la tuberculose est très directement liée aux conditions sociales on voit mal comment définir des conditions médicales qui en seraient indépendantes. Le Comité ne donne aucune indication sur sa pensée à ce sujet. La conclusion tirée par le Comité de ses propres analyses est à l'opposé de celles-ci : maintenir pour tous alors que la conclusion devrait être " supprimer pour tous sauf pour quelques uns qui auraient une raison médicale spécifique ".

Le Comité d'éthique fait dans la caricature

Voici comment il expose le caractère discriminant de la vaccination ciblée : "On peut imaginer par exemple, dans une école rassemblant des populations diverses, les difficultés de choix entre ceux qui seront ou ceux qui ne seront pas vaccinés, et les conséquences stigmatisantes de ce choix." Mais il oublie que ce BCG ciblé ne sera jamais pratiqué dans une école puisqu'il ne peut désormais être fait qu'une seule fois et qu'il devra être pratiqué dans les premières semaines de la vie. Il y a une raison médicale à cette dernière condition : l'enfant vivant dans un milieu à fort risque de contamination tuberculeuse, il pourrait être contaminé si on attend trop longtemps et en particulier quand il sera d'âge scolaire et ne serait plus vaccinable ; c'est pourquoi la soi disant ségrégation par le BCG à l'école imaginée par le Comité d'éthique n'a guère de signification. C'est d'ailleurs grâce à la suppression, en juin 2004, des activités de revaccination et du test préalable, que le dépistage autour d'un cas de tuberculose a pu être institué fin 2004 en libérant des moyens financiers et humains. (Depuis cette date la législation limite à au plus un seul, le nombre de vaccinations BCG exigibles par individu).

Ainsi, le Comité fait délibérément une caricature des propositions élaborées par les experts et résumées dans l'avis du 30 septembre 2005 relatif au BCG et au renforcement des moyens de lutte contre la tuberculose, avis du Comité technique des vaccinations (CTV) et du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) (1)

Et encore, il semble, selon un article du Parisien (7/07/06), que les propos tenus oralement lors de la conférence de presse par Didier Sicard président du CCNE, soient allés beaucoup plus loin encore dans la caricature, voire la falsification délibérée : "Dire : il y a ceux qui vont nous contaminer à l'est du périphérique c'est totalement absurde du point de vue de la santé publique". Certes, mais l'avis du CTV et CSHPF précise : "la vaccination par le BCG ne protège que les sujets vaccinés et n'intervient en rien sur la chaîne de transmission de la maladie", confirmant bien que l'interprétation du Comité d'éthique est totalement fantaisiste. Cette vaccination ciblée est destinée aux nourrissons exposés qui, même contaminés, ne sont jamais contagieux pour la tuberculose. L'objectif est d'essayer de les protéger, une fois contaminés, d'une dissémination interne du bacille de Koch qui pourrait déclencher une complication grave comme une méningite tuberculeuse ou une miliaire. C'est pratiquement la seule ambition de cette vaccination ciblée.

Notre Comité d'éthique est-il compétent ?

Très certainement, son rapporteur principal étant le Pr Alain Grimfeld, Chef de pédiatrie à Trousseau et Directeur du comité scientifique de l'Afssaps. Mais quand il écrit ceci on pourrait en douter :
"L'abandon de la vaccination systématique et son remplacement par une vaccination ciblée sont-ils de nature à protéger les enfants défavorisés, ou à diminuer le risque qu'ils font courir aux autres ? Une vaccination ciblée pourrait aboutir à ce que les personnes considérées comme dangereuses, si elles échappent à la vaccination, soient prises pour bouc émissaire d'une endémie persistante."
Notre Comité semble ignorer d'une part que les enfants ne sont jamais contagieux, d'autre part que leur vaccination ne vise qu'à tenter de leur éviter une complication de l'infection tuberculeuse et non cette infection elle-même et que les seules personnes dangereuses, les adultes contagieux, le deviendront indépendamment du fait qu'ils aient où non été vaccinés dans l'enfance.

Le BCG ciblé est-il indispensable ?

Mais faut-il pour autant défendre à tout prix cette vaccination ciblée qui devait nous libérer de la vaccination généralisée et qui provoque l'invraisemblable réaction du Comité d'éthique ? Car enfin, les propriétés du BCG sont-elles si remarquables qu'il serait indispensable pour les enfants à risque ? De grands pays comme les USA s'en dispensent fort bien ainsi que les Pays-Bas et maintenant l'Allemagne, la Belgique et même le Danemark dont un laboratoire entretient la souche maintenant utilisée en France.
Dans une étude de 40 pages publiée en août 2001 par l'Institut de veille sanitaire "Impact épidémiologique d'une modification de la politique de vaccination par le BCG en France" on lit page 28 :

"Au plan national, le nombre de cas de tuberculose évités actuellement chaque année par le BCG se situe entre moins d'une dizaine, dans l'hypothèse la plus défavorable au vaccin à plus de 250 dans l'hypothèse la plus favorable envisagée. Cependant, les données de la littérature plaident en faveur d'un pouvoir protecteur réel du BCG proche de la première hypothèse (efficacité limitée à la prévention des miliaires et méningites du jeune enfant)."

Dans "Place de la vaccination dans la maîtrise de la tuberculose", expertise collective de 282 pages publiée par l'Inserm en novembre 2004 on peut lire page 186 :

"Dans l'hypothèse la plus favorable à la vaccination, elle éviterait jusqu'à 800 cas de tuberculose chez l'enfant de moins de 15 ans, dont au moins 16 cas de forme grave (méningite/miliaire)".

Mais l'hypothèse la moins favorable au vaccin, et pourtant jugée comme la plus probable par l'étude de l'InVS, n'est pas mentionnée alors qu'il existe des auteurs communs aux 2 études….

On mesure toute l'importance de cette "omission" quand on découvre dans l'avis du 30 septembre 2005 (1) que seule l'hypothèse avancée par l'Inserm a été retenue :

"L'arrêt total de la vaccination par le BCG entraînerait une augmentation annuelle des cas de tuberculose chez les enfants de moins de 15 ans non négligeable, estimée de 320 à 800 cas dont au moins 10 à 16 de méningites ou miliaires tuberculeuses chez l'enfant."

Et quand on réalise que c'est cela qui a permis de "justifier" le maintien d'une vaccination ciblée plutôt que la suppression pure et simple du BCG et que c'est cette vaccination ciblée qui a provoqué les foudres du Comité d'éthique…on pourrait se mettre en colère !

Les limites du test tuberculiniques

Il existe d'ailleurs une autre restriction à l'efficacité de la vaccination sur les enfants à risque, malheureusement délibérément ignorée : on sait depuis longtemps que non seulement le BCG ne doit pas être inoculé à une personne infectée, et c'est la raison du test tuberculinique préalable, mais aussi que cette infection ne doit pas se produire pendant une période qu'on peut évaluer à un ou deux mois après la vaccination. Sinon, l'introduction quasi simultanée du bacille vaccinal et sauvage a toute chance de favoriser l'évolution vers la maladie et son aggravation plutôt que l'inverse.

Or, une réaction négative au test n'apporte aucune certitude d'une absence de contamination à ce moment là car le délai estimé pour que la réaction devienne positive après contamination est d'au moins un mois. De plus, elle ne peut garantir que cette contamination ne se produira pas dans les semaines qui suivent. Cela était reconnu dans les années 50 et fut même à l'origine de dispositions légales qui ont été abolies comme cet article 9 du décret d'application de 1951 sur la vaccination BCG :

"Article 9 : Les sujets soumis à la vaccination obligatoire et qui vivent dans un milieu comportant un risque de contamination, devront, avant la vaccination, être mis à l'abri de la contamination pendant une durée de deux mois."

A l'issu de cette période d'isolement on procédait alors à un test tuberculinique dont la négativité offrait plus de sécurité. A l'époque, on voulait ainsi prendre toutes les précautions pour éviter de vacciner un enfant récemment contaminé et dont le test aurait pu être négatif; il était aussi reconnu qu'il fallait attendre un ou 2 mois après la vaccination avant de permettre à l'enfant de retrouver sa famille…
Mais si cet article fut supprimé, la raison médicale associée est toujours active : la vaccination d'enfants dont l'un des membres de la famille serait contagieux pourrait s'avérer non pas salvatrice mais catastrophique alors qu'on veut y voir aujourd'hui une indication médicale justifiant la vaccination immédiate et sans isolement bien entendu. Si on ne s'embarrasse plus de telles considérations c'est qu'elles rendaient la pratique du BCG généralisé quasi impossible en posant un problème pratique et éthique évident. A l'époque on ne savait pas traiter la maladie mais depuis longtemps l'isolement pendant 2 à 3 semaines et le traitement du contagieux mettrait l'enfant à l'abri de ce risque.

La tuberculose, maladie d'une vie

Autre élément d'importance : les statistiques "établissant" l'efficacité du BCG se rapportent toujours à des observations de courtes durées. Par exemple, dans (1), le CTV et le CSHPF présentent une statistique suédoise sur la fréquence de la tuberculose chez les enfants jusqu'à 4 ans. Il faut savoir qu'une fois contaminé, la maladie tuberculeuse peut apparaître au bout d'un an ou beaucoup plus tard, 40 ans après par exemple. Le BCG n'ayant aucune incidence sur la transmission de la maladie, et donc sur l'apparition d'une tuberculose contagieuse chez un adulte vacciné pendant l'enfance, le nombre d'enfants de moins de 4 ans qui seront contaminés sera indépendant de la vaccination, de même que le risque pour eux de faire plus tard la maladie tuberculeuse.
Les seuls effets que l'on peut au mieux espérer du BCG sont, d'une part la réduction du nombre de complications graves de la tuberculose que sont les méningites et les miliaires et d'autre part un effet retard dans l'apparition de la maladie tuberculeuse (sauf pour ceux qui, contaminés et vaccinés à peu près en même temps, verront au contraire leur maladie flamber rapidement). Aussi, sur une durée courte et pour des enfants jeunes, les statistiques pourront sembler favorables. Mais sur une durée plus longue et sur des groupes incluant des adultes c'est une toute autre histoire comme l'a bien mis en évidence l'étude menée dans les années 70 dans la région de Madras en Inde.

Enquête autour d'un bébé

L'action stratégique majeure en matière de lutte spécifique contre la tuberculose doit d'abord viser la réduction des contaminations et pour cela la recherche active des contagieux puis leur traitement comme le préconise l'OMS et comme le recommandent aussi le CTV et le CSHPF qui soulignent (1) : "que la vaccination généralisée des enfants ne sert en aucun cas de stratégie de remplacement de la lutte contre la tuberculose. La première mesure de prévention de la tuberculose de l'enfant est le dépistage précoce des tuberculoses pulmonaires de l'adulte et leur traitement bien conduit".
On estime qu'en France seulement 2 tuberculeux sur 3 sont repérés et soignés. Il y aurait donc chaque année environ 3000 nouveaux tuberculeux non soignés et c'est bien là le problème majeur. Comment les trouver ? On sait que la plupart du temps les jeunes enfants sont contaminés par un de leur proche comme l'un des parents. Alors, dès qu'une future maman vivant dans un milieu à risque serait connue des services de santé, pourquoi ne pas lancer une enquête dans la famille du future bébé en y recherchant les tuberculeux. Ainsi, pendants les premiers temps de sa vie l'enfant vivrait dans un milieu familiale indemne du risque tuberculeux. Si on tient malgré tout à lui faire le BCG il sera alors possible d'attendre au moins 6 mois, comme en Suède, pour éviter de vacciner un enfant ayant un déficit immunitaire non diagnostiqué à la naissance, risque mortel pour lui. De plus, les adultes tuberculeux ainsi découverts et soignés ne participeront plus à la propagation de la maladie. Mais notre comité d'éthique réclame le dépistage systématique dans les écoles alors que les enfants ne sont jamais contagieux, les adolescents très rarement et que ce sont les adultes tuberculeux cavitaires qui propagent le bacille. Dans notre pays aujourd'hui on ne les trouve guère dans les écoles, parfois dans les entreprises mais surtout chez les SDF qui se transmettent la maladie entre eux et chez les immigrés en situation précaire qui, à l'inverse des SDF, tentent de s'insérer dans la société et peuvent avoir des enfants scolarisés qu'ils contaminent. Le plus souvent, ces familles sont décelables dès l'inscription de l'enfant à l'école, si elles ne l'étaient pas avant, mais le chef d'établissement ne doit rien signaler car cela serait jugé discriminatoire …En voici une conséquence :

Un exemple de gabegie à la française

En janvier 99 une jeune lycéenne d'origine vietnamienne et ayant reçu le BCG est dépistée très positive à la tuberculine dans le cadre d'une campagne de revaccination dans son établissement, le lycée Jules Ferry dans le 9ième à Paris. Le médecin de la DASS recommande une radio. Les parents parlent très mal le français ; la radio sera effectuée en avril et confirmera la tuberculose mais l'affaire en restera là, jusqu'en décembre 2000 où la lycéenne, alors en terminale, crachant du sang, sera hospitalisé à Cochin au service des démunis. Devenue contagieuse, une importante opération de dépistage est entreprise dans son lycée et même au delà. Tout cela parce que, pour ne pas faire de discrimination sociale et parce que l'objectif était de rechercher les négatifs pour les vacciner et non les positifs pour les soigner, personne n'a voulu prendre l'affaire en main : ni le chef d'établissement quand il a reçu la famille au moment de l'inscription, ni le médecin de la DASS qui a lu le test ni le radiologue qui a vu la tuberculose…Le journal Le Monde consacrera une page entière à cette affaire très significative de notre système de lutte contre la tuberculose totalement déconnecté de la réalité à laquelle il est confronté.

Où était la source de contamination? Dans la famille de cette lycéenne ; cette jeune fille ne serait jamais devenue contagieuse si l'affaire avait été traitée à temps. En mobilisant d'énormes moyens vers les écoles pour y faire un dépistage généralisé nous n'aurons jamais la volonté d'aller là où personne ne veut aller et, faut-il le dire, on ne recherche pas des tuberculeux contagieux par un test à la tuberculine! Ce serait catastrophique car il ferait rapidement flamber la maladie. Et pourtant il reste recommandé en France en de telles circonstances (arrêté du 13 juillet 2004)…Un tel malade, très asthénié depuis longtemps, tousse toujours, d'une toux d'expectoration et non superficielle. L'observation suivie de l'auscultation et de la confirmation par une analyse bactériologique de crachats sont les moyens recommandés par l'OMS. Cette démarche n'intéresse pas l'Institut Pasteur ; le personnel chargé de la mise en œuvre préférera toujours les écoles bien chauffées et sécurisées… C'est pourquoi le point de vue exprimé par le Comité d'éthique est parfaitement rétrograde et inadapté à la situation présente et future, c'est le moins qu'on puisse dire.

La tuberculose ignore les frontières et l'éthique est en principe porteuse de valeurs universelles. Nous sommes très loin d'avoir assimilé ces deux aspects et tout particulièrement notre Comité d'éthique qui limite la planète à l'hexagone et les valeurs universelles à celles d'intellectuels rivés au BCG comme des moules à leur rocher et englués dans leurs contradictions comme des méduses après la marée noire…

(1) Disponible sur invs.sante.fr, BEH n° 29-30 du 18/07/06 ou sur sante.gouv.fr

(2) www.invs.sante.fr/publications/2005/jvs_2005/veille_sanitaire_citoyens.pdf

(3) Comité consultatif national d'éthique : http://www.ccne-ethique.fr/

(4) Par exemple http://www.leblogbebe.com/2006/01/la_vaccincation.html
On peut en trouver beaucoup d'autres avec par exemple les mots clés BCG mamans bébé

Nombreux liens utiles sur le site de la SFPS :
http://www.sfsp.info/sfsp/infos/documents/auditionpublique.htm

Sujets liés :

Billet du 18 Octobre 2006 : Présentation de "Quand le BCG pulvérise la morale du Comité d'éthique"

Interview de Bernard Guennebaud à l’occasion de la mise en ligne sur Gestion Santé de son article « Quand le BCG pulvérise la morale du Comité d'éthique »

A la Société Française de Santé Publique - J'ai vécu l'audition publique sur la levée de l'obligation du BCG par Bernard Guennebaud

Billet du 2 Décembre 2006 : Bernard Guennebaud a participé à l'audition publique sur la levée de l'obligation du BCG à la Société Française de Santé Publique : Compte rendu en exclusivité pour Gestion Santé !

Billet du 22 Septembre 2006 : Au pays de Tartuffe : la vaccination contre le BCG et l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique

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Créé le 18/10/06. Dernière modification le 18/10/06.