Gestion Santé

 

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Interview de Bernard Guennebaud à l’occasion de la mise en ligne sur Gestion Santé de son article « Quand le BCG pulvérise la morale du Comité d'éthique »

 

Jacques Valentin : Vous êtes mathématiciens et avez été 6 ans chercheur au CNRS. Mais vous avez publié en 2000 (par l’association ALIS) un livre intitulé « Tuberculine et BCG – Les deux vérité » Comment en arrive-t-on à s’intéresser à ce point à la tuberculose, au BCG et à la tuberculine ?

Parce que, quand j’étais jeune je suis tombé… dans une marmite pleine de tuberculine ! Plus précisément, une énorme goutte déposée sur mon bras lors d’une cuti au collège à la suite d’une plaisanterie avec l’infirmière. Trois autres élèves « bénéficieront » du même traitement de faveur . Résultat : nous ferons tous les quatre une tuberculose 3 mois après…J’ai en particulier raconté et décrypté cette histoire dans le livre que vous citiez.

J.V. : On parle beaucoup de la tuberculose en France alors qu’il n’y a jamais eu aussi peu de cas, n’est-ce pas paradoxal ?

Oui, en apparence c’est paradoxal : il y a 25 ans, quand il y avait 3 fois plus de cas qu’aujourd’hui, on pensait que la maladie allait disparaître des pays riches. On sait maintenant que non.

J.V. : Pourquoi ?

Depuis, il s’est produit 4 grands événements qui ont bouleversé la donne : le sida, la mondialisation de l’économie créant nos SDF, l’effondrement de l’URSS et les grandes vagues d’immigration des pays pauvres vers les riches. Leur action conjuguée est très puissante et nous n’en avons pas encore vu toutes les conséquences, en particulier sur la tuberculose et la menace qu’elle représente pour l’avenir avec en particulier les bacilles ultra-résistants qui existent maintenant en Russie.

Pour contenir le phénomène il est devenu indispensable de mettre en œuvre rapidement de tout autres moyens. En France notre BCG ainsi que la tuberculine font barrage à cette évolution indispensable en focalisant l’attention et en absorbant les moyens financiers et humains qui pourraient être utilisés de façon plus efficace.

J.V. : Oui le risque s’est effondré dans la population générale et les sources de contamination émanent de populations de plus en plus étroites et relativement bien identifiées (immigrés récents, SDF, etc.) pourtant, contredisez moi si je me trompe, les dispositifs à destination de ces populations à risque sont encore très éclatés et peu performants. Dans votre article vous donnez l’exemple de l’incroyable périple survenu en France en 1999/2000 à une jeune lycéenne d'origine vietnamienne atteinte de tuberculose.
Dans un billet du 23/11/05, je donnais l’exemple de la maternité de l’hôpital Lariboisière où s’est produit une contamination très grave par une aide-soignante atteinte de tuberculose. Ce sont de bons exemples de l’extraordinaire et illusoire sentiment de sécurité que donne, bien à tort, le BCG.
Vous évoquez dans votre article une population de 3000 nouveaux tuberculeux non soignés contagieux par an qui seraient à l’origine de la quasi totalité des cas. Et vous proposez si je vous ai bien compris une stratégie adaptée au cas français du protocole DOTS de l’OMS pour les trouver et les soigner. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le DOTS, nous dire s’il est appliqué en France et nous dire comment vous préconisez de l’adapter au cas français ?

Ce n'est pas moi qui propose mais des experts du ministère qui tentent depuis plusieurs années d'infléchir la politique de lutte contre la tuberculose en France en l'orientant non pas de façon privilégiée vers les enfants qui ne sont jamais contagieux, mais en priorité vers les adultes contagieux non soignés et qui contaminent les enfants, très souvent les leurs d'ailleurs. Le DOTS est un sigle crée par l'OMS (traitement de brève durée sous surveillance directe). Je soupçonne l'OMS de l'avoir crée pour faire le pendant au sigle BCG. C'est "son étendart" selon ses termes, pour promouvoir une stratégie de recherche et de traitement des contagieux dans le monde entier, après avoir constaté "que la trop grande confiance dans le BCG était l'une des causes de l'échec mondial de la lutte contre la tuberculose".

La première difficulté est de trouver les malades. L'OMS ne préconise nullement le dépistage tuberculinique mais le diagnostic bactériologique quand des signes d'appel de la maladie sont présents et conduisent à un examen clinique concluant. Même l'examen radiologique n'est pas considéré par l'OMS comme vraiment utile.

J.V. : On ne peut quand même pas demander à tout le monde de cracher pour un examen bactériologique !

Evidemment non ! C'est pourquoi il faut un élément initial particulier pour engager le processus. Les experts français, largement devancés par leurs collègues suédois, suisses ou canadiens par exemple, proposent d'enquêter systématiquement dans les groupes les plus à risque; de plus, il est officiellement demandé aux autorités locales, depuis fin 2004, d'engager des enquêtes systématiques à partir de tout cas découvert de tuberculose afin de rechercher d'autres malades dans le voisinage humain de ce dernier; le traitement préventif des personnes infectées, même si elles ne sont pas malades, est également prévu alors qu'on sait que seulement une personne contaminée sur 10 devient tuberculeuse. Le dépistage prévu est radiologique, clinique et tuberculinique. Ces interventions ont cependant provoqué des refus individuels voire communautaires : j'ai entendu le Directeur général de la santé, le Pr Didier Houssin reconnaître qu'il fallait passer par les élus de certaines communautés et qu'il n'avait pas toujours été possible de mettre le dispositif en place en raison de leur opposition.

J.V. : Pourquoi ? D'autres pays pratiquent cela depuis longtemps et n'ont pas ce problème.

C'est une des conséquences indirectes des vaccinations obligatoires : notre système de santé publique, trop habitué à imposer, n'a pas appris à se faire accepter par les populations concernées. Il est patent de constater que les pays qui n'ont pas d'obligations vaccinales parviennent mieux à mettre en place ces enquêtes que nous. Pense-t-on vraiment que le meilleur moyen pour se faire accepter soit de brandir des seringues chargées de tuberculine ? En réalité, nos équipes de santé n'imaginaient même pas qu'elles pourraient rencontrer des oppositions. Les documents du ministère qui décrivent minutieusement le protocole seraient destinés à des vétérinaires pour application à des bovins il suffirait d'y changer "personne-contact" par "bovin-contact". A aucun moment ne sont étudiées les réactions possibles des personnes désignées comme contact, le stress que cela peut engendrer pour elles, la façon de les aborder, de leur annoncer la nouvelle et de leur expliquer ce qu'on leur propose et pourquoi. J'ai eu à connaître un cas dans un établissement scolaire où les contacts n'avaient même pas le droit de savoir de quelle maladie il s'agissait !!! (www.invs.sante.fr/publications/2005/jvs_2005/veille_sanitaire_citoyens.pdf - lire "Cas de tuberculose en milieu scolaire" à la fin du document).

J.V. : Vous soulevez comme moi mais plus en détail la question des abcès froids que peuvent développer les enfants depuis le changement récent du mode de vaccination et l'adoption du BCG intradermique souche Copenhague 1331. Je m'interroge sur la fréquence de ces réactions qui inquiètent beaucoup les parents. La pharmacovigilance est en France dans un état pitoyable en ce qui concerne les médicaments (Cf. une section de mon article sur les statines - notre billet du 23/04/06 : Collectif Europe et Médicament : quoi de neuf ? – et la section de notre article sur le rapport du Sénat consacré à la pharmacovigilance) . Qu’en est-il du BCG ? A-t-on des statistiques fiables sur les effets secondaires et quels sont-ils ? Peut-on quantifier correctement le risque où en est-on réduit aux hypothèses faute d’outils de mesures systématiques ?

C'est difficile de quantifier sur l'expérience française du BCG SSI qui a commencé en janvier. Mais on peut citer les expériences de ceux qui nous ont précédé comme la Finlande qui utilise ce vaccin depuis août 2002. Dans le mois du changement on a observé 285 adénites pour 100 000 au lieu de 8 auparavant, pour se stabiliser à 140 pour 100 000 ensuite. Le même phénomène fut aussi observé à Londres. Il y a eu 6 ostéites (complication extrêment grave) en 2003 en Finlande.
"Les réactions au BCG SSI ont influencé la perception de la vaccination par le corps médical et le public. Avec la décroissance de la TB les complications ne sont plus acceptables" écrivait le correspondant finlandais d'eurosurveillance. De fait, la Finlande a renoncé au BCG généralisé en 2005. Les expériences des uns n'étant pas celles des autres...il nous faut passer par les mêmes étapes...

J.V. : Dans mon billet j’ai soulevé le cas des contre indications absolues à la vaccination. Mais je crois avoir fait quelques erreurs et approximations. Après vous avoir lu et m’être documenté je crois avoir compris que le problème venait notamment des enfants ayant des maladies génétiques qui ne sont pas encore diagnostiquées parce qu’ils font partis des populations venant de populations à risque et qui sont vaccinés à la maternité quelques jours après la naissance. Combien d’enfants sont concernés et y a-t-il d’autres contre indications formelles ?

On estime à 100 000 par an le nombre de nourrissons à risque que l'on veut vacciner dès la naissance. A cet âge les déficits immunitaires sont rarement diagnostiqués (sauf le HIV si lié à la mère). Or le BCG condamne pratiquement à mort un enfant vacciné et souffrant d'un tel déficit. C'est pour cette raison que la Suède, qui a abandonné la vaccination généralisée en 1975 et opté pour le BCG SSI en 1979, a décidé depuis 1994 de repousser la vaccination au delà de 6 mois chez les enfants à risque. C'est aussi pour cette raison que le Canada, qui ne pratiquait le BCG que sur les enfants inuits, réexamine sa stratégie de vaccination depuis quelques années.

Les autres contre-indications officielles et légales en France sont les dermatoses étendues évolutives mais le fabricant en énumère d'autres : le BCG SSI ne doit pas être administré aux personnes recevant une corticothérapie par voie générale ou un traitement immunosuppresseur y compris la radiothérapie, aux personnes souffrant d'affections malignes (par exemple lymphome, leucémie, maladie de Hodgkin ou autres tumeurs du système réticulo-endothélial).

J.V. : Vous semblez d’accord avec le fait que le BCG protège de certaines complications neurologiques en cas de contamination par la tuberculose, même si vous contestez la balance bénéfice – risque globale de la vaccination même chez les populations dites à risque. Quelle est la nature de cette protection et ces formes méningées sont-elles réservées à la toute petite enfance ?

Les experts nationaux et mondiaux (OMS...) sont d'accord sur le fait que le BCG aurait 75% d'efficacité sur les méningites tuberculeuses et les miliaires (tuberculose généralisée) chez les enfants de moins de 15 ans (ces complications de la tuberculose touchent aussi l'adulte). Il ne servirait à rien de chercher à contester cela. Au contraire, cette contestation conduirait à valider l'idée que pour supprimer le BCG il faudrait d'abord établir qu'il ne serait pas efficace dans ces cas. Ce serait s'épuiser en pure perte, même s'il est reconnu que des enfants vaccinés font des méningites tuberculeuses et que le BCG peut aussi en provoquer.

Il vaut mieux montrer que cet effet, même réel, est si dérisoire dans la lutte générale contre la maladie qu'il n'y a pas à en tenir compte d'un point de vue stratégique, comme l'ont très bien compris les pays qui ne font aucun usage de ce vaccin (Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Danemark, USA...). Au mieux, cela évite 15 cas non contagieux par an en France, alors que les conséquences les plus graves du BCG sont au moins aussi nombreuses, sans parler des autres. Mais faute d'avoir autre chose de plus consistant à nous offrir, les partisans du BCG se gargarisent avec des phrases du genre :"le BCG a 80% d'efficacité contre les formes graves de tuberculose"...

J.V. : Depuis l’avis du CCNE que nous avons beaucoup critiqué tous les deux, le projet de limiter la vaccination aux groupes à risque semble à nouveau bloqué. Vous avez attiré mon attention sur un débat qui doit se tenir à la Société Française de Santé Publique, les 13 & 14 novembre prochains. De quoi s’agit-il et quels en sont les enjeux ?

Je dois dire que j'ai été plus que ravi de découvrir qu'il y avait une autre personne capable d'assez d'indépendance de pensée pour ne pas accepter sans réagir cet invraisemblable avis de notre Comité d'éthique, navrant par sa nullité, ses incohérences et ses contradictions alors que son principal rédacteur est le Pr Alain Grimfeld Directeur scientifique de l'Afssaps, Chef du service pédiatrie à l'hôpital Trousseau à Paris, Président du Comité de la Prévention et de la Précaution au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement et du Groupe Santé du Plan Régional pour la Qualité de l'Air à la DRIRE Ile-de-France. Il est aussi membre nommé du Conseil Départemental d'Hygiène de la ville de Paris et membre élu du Conseil d'Administration et du Bureau du Comité National contre les Maladies respiratoires et la Tuberculose! Excusez du peu!

Je vous remercie de m'accueillir ainsi sur votre site alors que nous ne nous connaissons guère. Mais cette communauté de vue sur cette affaire et son importance par ce qu'elle révèle a crée un climat immédiat de confiance réciproque qui me réjouis.

C'est le Pr Didier Houssin, qui a demandé en juin à cette société médicale type loi 1901 d'organiser une audition publique ayant pour thème "la vaccination des enfants par le BCG - levée de l'obligation vaccinale?" Je pense qu'il cherche à débloquer la situation qui ne peut s'éterniser avec de nombreux médecins refusant de vacciner pendant que des crèches refusent les enfants pourtant munis de certificats de contre-indication. Il faut savoir que selon ce qui est prévu, le BCG généralisé devrait être supprimé dès qu'un plan tuberculose aura été mis en place. C 'est le 3 février que Didier Houssin avait nommé une commission chargée d'établir ce plan avec obligation de remettre sa copie en juin...Visiblement les négociations ont bloqué puisqu'il a accordé une prolongation de 6 mois et lancé cette audition publique...Les experts les plus en vue comme Daniel Levy-Bruhl et Nicole Guérin interviendront ainsi que les acteurs de cette polémique comme A. Grimfeld, Christian Perronne, Robert Cohen...en tout, plus d'une vingtaine d'intervenants dont, il faut le noter, le Président de la Ligue pour la liberté des vaccinations qui n'a certainement pas l'intention de n'être qu'une caution... La commission chargée de réaliser le compte-rendu sera constituée de 20 personnalités dont des journalistes et représentants de fédérations de parents d'élèves.

J.V. : Oui c'est intéressant de rapprocher le "pédigré" du Pr. Grimfeld du navrant avis du CCNE. C'est un bon résumé de la faillite de l'expertise santé en France et des désastreuses conséquences pour la santé publique qui l'accompagne.
Vous parlez tuberculose, BCG, tuberculine, avez-vous d’autres préoccupations sur les problèmes de santé ?

Oui, depuis cette mésaventure en 1960 j’ai dû batailler ferme pour améliorer ma propre santé fortement détériorée. Cela m’a fait découvrir un certain nombre de produits et techniques qui ont leur efficacité comme je l’ai constaté sur moi-même.

J.V. : Quoi par exemple ?

L’homéopathie à très haute dilution avec la méthode séquentielle du médecin suisse Jean Elmiger, les huiles essentielles, l’ionocinèse du docteur Janet, la vitamine C à assez fortes doses et j'ai vu que vous en parliez sur ce site. Mais de tout cela je n’en connais que les effets sur moi-même et ne peut en parler à un autre niveau.

JV. : Oui nous avons une longue page sur la vitamine C. Parmi les méthodes que vous citez, j’ai parlé de l’ionocinèse du Dr Janet dans un billet du 30/07/06 à l’occasion d’une publication dans Nature d’un article sur l’électrothérapie. C’est un sujet tombé dans un oubli extraordinaire mais auquel s’intéresse à nouveau depuis quelques années et selon une optique un peu différente une équipe dynamique menée par Colin McCaig de l’université de Aberdeen en Ecosse.

Je recevais Bernard Guennebaud. Merci de votre visite et n’hésitez pas à nous tenir au courant des prochaines évolutions sur le sujet.

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Créé le 18/10/06. Dernière modification le 18/10/06.