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Angine et surprescription générale des antibiotiques en France

Cet article constituait auparavant une sous-section de notre page sur le déremboursement des médicaments. Compte tenu de ce qu'il s'agissait pour l'essentiel d'une disgression par rapport au sujet principal traité, et que cela alourdissait considérablement la lecture, nous traitons maintenant ce sujet à part.

Médicaments trop et mal prescrits ou médicaments inefficaces?

En 2001, les pouvoirs publics se sont enfin décidés à traiter un problème de santé publique majeur, la surprescription massive des antibiotiques en France.

On lisait ainsi le 7 juin 2001, dans un article d'Eric Favereau :

"Comment éviter ces 9 millions de prescriptions d'antibiotiques dont 8 millions, selon la Cnam (Caisse nationale d'assurance maladie), seraient inutiles? ".

Voilà certes une bonne question (mais les chiffres sont totalement faux, voir ci-dessous...), que le journaliste, spécialiste santé du journal, traitait de façon qui risquait d'induire le lecteur en erreur en liant la question à celle du déremboursement de certains médicaments initiée à la même époque par le gouvernement. Il s'agit en réalité de problèmes totalement distincts. Un médicament peut être fort utile et être très mal prescrit, c'est-à-dire en général beaucoup trop souvent pour des maladies qui ne le justifient pas. C'est en effet souvent le cas des antibiotiques. Le Figaro du 8 juin 2001 a publié un article du Dr Martine Pérez sur ce sujet. Elle indique que :

"Chaque année en France, entre 9 et 11 millions de personnes consultent leur médecin pour une angine. Dans plus de 90 % des cas, le médecin prescrit des antibiotiques. En effet, le simple examen de la gorge ne permet pas de distinguer une angine virale d'une angine à streptocoque. Cette dernière doit être traitée par des antibiotiques en raison du risque de complications, notamment de rhumatisme articulaire aigu. Au-delà du coût de cet usage systématique inutile, il faut prendre en compte les effets secondaires non négligeables de ces médicaments. La question la plus angoissante est la croissance actuelle de la résistance des bactéries aux antibiotiques due à un usage incontrôlé et excessif de ces médicaments depuis des années."

Evidemment, la page santé du Figaro et un fief de la médecine allopathique et on ne parlera donc pas de l'homéopathie qui soigne très bien l'angine sans antibiotique et sans envoyer pour autant à l'hôpital des bataillons de malades atteints de rhumatisme articulaire aigu. Sans doute grâce à l'effet placebo... mais passons. Par ailleurs le "doit être traitée par des antibiotiques", sans aucune nuance, et qui ne laisse aucune marge d'appréciation au médecin, laisse songeur, même dans le cadre de la médecine allopathique traditionnelle.

L'article indique ensuite que début 1999 sont arrivés des tests à... 11F! qui permettent de tester directement chez le praticien s'il s'agit d'une angine virale ou à streptocoque. Ces tests très fiables ont été évalués en Bourgogne pendant plus d'un an par 750 praticiens préalablement formés et ont donné toute satisfaction. 71% des angines testées étaient virales et 82% de ces angines virales ont été traitées sans antibiotiques. Voilà une opération qui si elle était étendue permettrait de faire baisser dans des proportions assez sensationnelles la prescription des antibiotiques.

Mais, comme nous l'explique avec une certaine naïveté l'auteur de l'article, le déploiement de ces nouvelles procédures risque de se heurter à des obstacles d'une redoutable complexité, qu'on en juge plutôt : "Comment distribuer les tests? Comment les faire financer par le patient et rembourser par l'assurance-maladie? Comment motiver les médecins pour qui il est plus simple de faire une ordonnance d'antibiotiques qu'un prélèvement et une prescription adaptée? Comment concilier ces tests de dépistage rapide avec le monopole des laboratoires d'analyses médicales en matière d'examens biologiques? Les administrations habilitées à autoriser ces tests et à réglementer leur utilisation ne semblent pas être en mesure d'apporter une réponse précise."

Bigre, bousculer des habitudes, innover et surtout remettre en question des rentes de situation! Et pourquoi pas faire la révolution tant qu'on y est ! Dans une France de plus en plus sclérosée et bureaucratisée, on peut en effet se demander si des changements même aussi simples et de bon sens peuvent encore être initiés, surtout si ça ne rapporte d'argent à personne...

On notera au passage que les 9 millions de prescriptions d'antibiotiques du journaliste de Libération couvrent tout juste les prescriptions pour l'angine... Cherchez l'erreur !

Finalement le test à quand même été généralisé sur toute la France et une formation de l'ensemble des généralistes intéressés a été organisée a l'emploi du test (1).

A noter que d'autres affections que l'angine donnent lieu à des prescriptions aberrantes d'antibiotiques, et sans qu'il y ait vraiment de risque de confusion comme dans le cas des angines. C'est le cas des rhino-pharyngites où les antibiotiques n'ont prouvé aucune efficacité comparés au placebo et où ils sont pourtant prescrits dans près de 50% des cas alors qu'aucun d'eux n'a reçu d'autorisation de mise sur le marché pour ces affections. On peut consulter à ce sujet l'article "Les Français, grands amateurs d'antibiotiques" paru dans Le journal Santé et le dossier complet que ce journal a publié sur le sujet "Quand les bactéries font de la résistance". Selon un bilan de l'assurance maladie dont la presse a rendu compte en septembre 2003, la baise de consommation des antibiotiques a été de l'ordre de 10% ce qui n'est pas négligeable, mais on reste vraissemblablement encore en situation de surprescription massive.

A noter qu'en France la surprescription des médicaments est un phénomène général qui touche toutes les classes de médicaments. Elle est liée à de nombreux facteurs dont les principaux sont :

-perte du sens clinique par des médecins devenus avant tout prescripteurs de médicaments ;
-durée trop courte des consultations;

- absence quasi complète de véritables consultations hygiéno-diététiques pour traiter les grands problèmes de santé (tabagisme, alimentation inadaptée, alcoolisme...) pour lesquelles les médecins ne sont ni formés ni rémunérés;
- pression constante des visiteurs médicaux sur les médecins et survalorisation générale du rôle du médicament.
- contrôle de l'essentiel de la formation continue des médecins par l'industrie pharmaceutique.

Nous avons aussi donné, dans notre page sur les statines, l'exemple d'une classe de produits faisant l'objet d'une surprescription massive pour un coût phénoménal pour la collectivité et des effets secondaires importants mais occultés. Le même problème s'est reproduit récemment avec les AINS (anti-inflammatoires non stéroidiens) de dernière génération, comme Christian Lehmann le rappelle très bien dans un dossier sur le sujet dans son livre, "Patients, si vous saviez - Confessions d'un médecin généraliste", Robert Laffont, 2003 (p. 244 et suivantes).

La résistance aux antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire

La surprescription des antibiotiques que nous venons d'évoquer pose aussi la question de la résistance aux antibiotiques. Un article de Elisabeth Bursaux dans Le Monde du 1er et 2 avril évoquait la résistance croissante aux antibiotiques en médecine humaine. La situation est catastrophique en France et en Espagne avec, par exemple, une moyenne de 60% de résistance de Streptococcus Pneumoniae à la pénicilline G. Or les deux pays sont justement les deux plus gros prescripteurs d'antibiotiques européens. Notons que de nombreux autres pays européens arrivent à se maintenir autour de la barre des 10% de résistance seulement grâce à une politique de prescription beaucoup plus raisonnable. La différence et énorme et montre en tout cas qu'à santé à peu près équivalente on arrive à prescrire infiniment moins d'antibiotiques sans pour autant risquer d'hypothétiques complications.

La résistance aux antibiotiques trouve peut-être aussi une partie de son origine dans l'élevage industriel (par opposition à l'élevage traditionnel), où les animaux sont bourrés d'antibiotiques pour augmenter leur vitesse de croissance et éviter qu'ils ne soient décimés par les épidémies liée à une excessive promiscuité (cas des élevages de poules pondeuses, des porcheries industrielles, des "usines à lait"...). Il valait la peine de lire à ce sujet "L'élevage des animaux, facteur de risque pour l'homme", de la même Elisabeth Bursaux du Monde. Ce court article, particulièrement confus, laissait pour le moins perplexe ! Ainsi on apprend que les animaux d'élevage industriel sont en permanence supplémentés en antibiotiques... mais qu'il est strictement interdit d'inclure des antibiotiques dans les aliments pour animaux vendus aux éleveurs... mais que les antibiotiques sont néanmoins mélangés à l'eau de boisson ou à la nourriture des animaux (si vous voyez une différence, faites le moi savoir...). Et un peu plus loin on lit que deux antibiotiques sont autorisés comme additifs (ah bon je croyais que c'était interdit...) parce qu'ils ne sont pas utilisés en médecine humaine (et risquent moins de rendre les bactéries résistantes aux antibiotiques humains, en tout cas on l'espère)... mais un peu plus loin encore, je lis que certains antibiotiques animaux autorisés font partie des mêmes classes médicamenteuses qu'en médecine humaine... (2). Heureusement que d'autres pays que le notre s'inquiètent des problèmes de l'agriculture industrielle, ont un comportement plus responsable et proposent des réformes au niveau européen. Quand aux études scientifiques sur ce sujet majeur de santé publique, il est probable que comme elle dérangent, on ne fait rien pour les encourager (3)... Par contre tous les laboratoires de recherche publique engouffrent des sommes énormes dans la recherche sur les OGM dont personne ne veut...

Par ailleurs, il faut aussi savoir que les maladies nosocomiales dont on parle tant sont pour une bonne partie la conséquence de la résistance aux antibiotiques. Certes l'affaiblissement immunitaire de nombreux malades explique pour beaucoup leur fragilité mais la sélection et la diffusion de germes résistants aux antibiotiques joue là aussi un rôle déterminant. Ceci d'autant plus qu'aucune place n'est faite à l'utilisation des antioxydants en milieu hospitalier alors qu'ils devraient jouer un rôle clé en matière de prévention et de traitement (4). L'hôpital était jusqu'à très récemment, en France, un des endroits où étaient sélectionnés et diffusés la majeure partie des germes les plus résistants. Au cours des toutes dernières années, la situation s'est heureusement améliorée grâce à la mise en place d'une politique de prévention portant essentiellement sur l'hygiène. Cette politique de lutte contre les maladies nosocomiales est d'ailleurs une des rares mesures utiles prise dans le domaine de la santé publique au cours de ses dernières années. Mais il faut savoir que la situation est encore très loin d'être devenue satisfaisante puisque le problème de fond de la surprescription des antibiotiques, qui est pour une large part à l'origine du phénomène des maladies nosocomiales n'est jamais traité. Par ailleurs la pénurie de personnel hospitalier consécutive notamment à l'application des 35h aurait entraîné un relachement général et extrèmement préoccupant de l'hygiène hospitalière d'après des informations non officielles qui m'ont été communiquées.

Ainsi on voit qu'alors que le gouvernement se préoccupe du SMR des médicaments, il néglige par ailleurs des problèmes autrement important et prioritaires concernant la "malprescription" des antibiotiques et d'une foule d'autres médicaments qui génèrent des coûts directs et indirects collossaux sans commune mesure avec les médicaments que l'on se propose de dérembourser.

 

(1) En ce qui concerne l'angine, selon la revue Prescrire (n°233-234 tome 22), l'examen clinique méthodique suffit à prédire les AASA (angines aigües à streptocoques bétahémolytiques), les seules justifiant les antibiotiques, sur la base de 4 critères : ganglion sous maxillaire, fièvre supérieure à 38°; pas de toux, grosses amygdales infectées, pondérés par l'âge. Les techniques biologiques viendraient dans le doute et ne sont pas indispensables. D'une certaine façon, on peut considérer que par la généralisation du test de dépistage, la sécu a pris acte de la disparition du sens clinique de la plupart des médecins révélée par la surprescription massive d'antibiotique...

(2) Comme d'habitude, ce n'est pas en lisant Le Monde ou Libération (et autres publications de la "République des copains") que vous pourrez comprendre quelque chose aux problèmes de santé publique. Pour les problèmes d'antibiotiques en santé animale je renvoie à nouveau à une bonne synthèse dans Le Journal Santé "Vers une interdiction des antibiotiques dans l'élevage animal ?".

(3) On peut par exemple se demander si l'apparition de résistances à des antibiotiques des classes animales (sensés être distincts des antibiotiques humains) ne facilite pas quand même l'apparition de résistances à des antibiotiques de classes humaines chez les bactéries ainsi sélectionnées. Quand est-il des classes thérapeutiques communes aux hommes et aux animaux qui sont probablement suprescrits, sans que l'on sache exactement ce qu'il en est. Il faudrait aussi mener des études de terrain et des études épidémiologiques dans des secteurs à forte concentration d'élevage industriel pour mieux cerner les conséquences de l'utilisation massive d'antibiotiques animaux dans ces régions.

(4) Le monde à publié deux articles sur les maladies nosocomiales "Les infections nosocomiales, grandes pourvoyeuses du sepsis" et "Le syndrome septique ou sepsis enfin accessible à certains traitements " [passés en section payant du site]. Le deuxième article est assez frappant par ce qu'il révèle de la méconnaissance où du refus de l'utilisation des antioxydant par les spécialistes, dans des pathologies où ils réduiraient probablement la mortalité de façon spectaculaire. Les antioxydants outre qu'ils renforcent le système immunitaire et l'efficacité des traitements traditionnels, diminuent probablement la tendance à l'augmentation de la virulence des bactéries et virus. En ce qui concerne les virus, ce fait a été démontré récemment en ce qui concerne le sélénium, dont le déficit rend le virus de la grippe très agressif dans une expérimentation animale. Une autre technique, l'ozonothérapie (très utilisée en Allemagne), a aussi des propriétés remarquables en chirurgie comme agent antiinfectieux et pourrait certainement contribuer à lutter efficacement contre les maladies nosocomiales.

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Créé le 14/07/03. Dernière modification le 14/07/03.