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Le scandale de la cérivastatine de Bayer : Les médicaments anti-cholestérol et la politique de santé publique

Un article résumant et adaptant une partie de cette page, est paru dans la revue "Pratiques - Les cahiers de la médecine utopique", n°21, d'avril 2003 :

Les statines en prévention primaire ?

Cette revue à comité de lecture, qui est la revue du syndicat de la médecine générale, le SMG, s'intéresse notamment aux questions de santé publique. Nous remercions la coordinatrice de ce numéro spécial sur le médicament qui nous a sollicité et fait confiance pour la rédaction de cet article. Ceci d'autant plus que la revue ne défend pas particulièrement les approches médicales alternatives ou complémentaires comme la supplémentation nutritionnelle abondamment traitée par Gestion Santé. Je ne peux que me réjouir de cette ouverture puisque je suis convaincu que c'est une convergence des approches traditionnelles et complémentaires en matière de santé, accompagnée d'une critique sans concession de l'idéologie et de l'organisation médicale dominante qui permettra à terme une évolution de la santé publique vers la prévention et l'optimisation du potentiel santé des individus.

Lors de l'été 2001 Bayer a retiré brutalement du marché son médicament leader, une statine anti-cholestérol. Gestion Santé met à votre disposition une information indépendante sur les questions de santé liées au taux de cholestérol et à son traitement. Une fois de plus, on constate que les pouvoirs publics mènent une politique de santé désastreuse fondée sur une information douteuse, pour le plus grand bénéfice de l'industrie pharmaceutique.

Bayer retire précipitamment son médicament vedette du marché
Le cholestérol et son métabolisme
Les critiques de la pensée dominante sur le cholestérol
Le paradoxe français ou "french paradox"
Le cholestérol et la population féminine, le cholestérol et les suppléments hormonaux
Les personnes âgées
Les fibrates, médicaments anti-cholestérol de première génération
Les effets secondaires des statines, anti-cholestérol de seconde génération
L'inhibition du cholestérol
L'inhibition du coQ10
Les statines ont-elles une responsabilité dans l'explosion du nombre de déficience cardiaque congestive ?
Risque cancéreux et autres effets secondaires
Statines et mélavonates
L'efficacité des statines, les essais thérapeutiques et les AMM
Le problème des régimes
La vitamine B3 (niacine et Inositol Hexaniacinate)
Vers un élargissement des indications des statines ?
Une incroyable malprescription
Le pouvoir des laboratoires pharmaceutiques
Les essais thérapeutiques
Le contrôle des essais thérapeutiques
Les clauses de confidentialité et la publication des essais
La réalisation des essais et les autorisations de mise sur le marché (AMM)
A chacun sa statine
Le suivi des médicaments après leur mise sur le marché
La pharmacovigilance
Les essais de phase IV
Quelques propositions de réformes de bon sens
Conclusion

Bayer retire précipitamment son médicament vedette du marché

On sait que cet été Bayer a retiré brutalement du marché son médicament anti-cholestérol de dernière génération (il avait obtenu son AMM en 1997) provoquant un désarroi certain parmi le public et tout particulièrement parmi les utilisateurs de statines, classe récente de médicaments dont faisait partie la cérivastatine. Le médicament de Bayer, appelé en France le Staltor ou le Cholstat (ce dernier était commercialisé par les laboratoires Fournier), et Lipobay dans les pays anglophones, s'est en effet avéré toxique dans certains cas et a provoqué la mort de 52 patients par rhabdomyolyse. Dans cette affection aiguë, les cellules musculaires sont détruites et libérées dans le sang. Elle déclenche des douleurs musculaires très vives, généralement dans les mollets et le bas du dos. Dans les cas extrêmes, les malades sont atteints de défaillances rénales ou d'autres organes, potentiellement mortels. Le chiffre initial de 52 victimes au niveau mondial (une centaine en définitive) peut sembler faible par rapport au nombre de malades traité à la cérivastatine, d'autant qu'il n'y aurait eu qu'un seul décès en France sur 500 000 utilisateurs du produit de Bayer. Mais outre que les 100 morts officiellement recensés sont peut-être sensiblement plus nombreux en réalité (il souvent difficile de s'assurer de la responsabilité d'un médicament lors d'un décès), il est probable que la statine de Bayer a aussi été une causalité associée à d'autres pathologies ayant entraîné des décès. Il faut bien sûr aussi penser à tous ceux qui ont pu être plus ou moins sérieusement affectés par ces troubles sans que cela ait heureusement entraîné de décès. Ils seraient 29 dans ce cas en France. Mais on sait que la pharmacovigilance qui, en France, est du ressort du médecin traitant (le malade n'ayant pas le droit de signaler directement ses troubles éventuels) est caractérisée par une phénoménale sous-déclaration.

Nous verrons aussi, qu'outre cette maladie très particulière, les statines en général peuvent avoir des effets secondaires plus que préoccupants, comme les troubles hépatiques et la baisse du taux de Co-Q10, un antioxydant majeur, cardio-protecteur de surcroît, laquelle est systématiquement entraînée par le traitement. On évoque même des effets cancérigènes, lesquels semblent avoir été jusqu'à présent volontairement passés sous silence, mais qui mériteraient de faire l'objet d'une étude approfondie pour toutes les classes de statines, compte tenu que ce médicament est le plus souvent pris sur plusieurs années, voire à vie. Les risques associés à la prise des statines sont accentués par la surprescription dont ils font l'objet, notamment en France où la surprescription d'anticholestérol (et de toutes les classes de médicament) est une vieille tradition (1).

On sait qu'en France le poids des lobbies pharmaceutiques sur le corps médical pousse inlassablement vers le "tout médicament", ce qui limite singulièrement tout ce qui a trait aux conseils hygiéno-diététiques qui devraient pourtant dans la plupart des cas précéder ou accompagner le traitement médical. Dans le cas des hypocholestérolémiants un régime approprié doit être appliqué, ce qui est prévu dans les indications thérapeutiques. Quels sont les régimes proposés par les médecins ? Sont-ils adaptés ? Quelle est l'efficacité réelle du traitement quand le régime n'est pas suivi ? Quel pourcentage de la population sous statine ne suit pas de régime ? S'il y a des études sur ces questions, elles sont soigneusement occultées...

Afin de traiter ce sujet de façon aussi complète que possible, nous donnerons d'abord une série d'information sur la chimie et le métabolisme du cholestérol, puis nous examinerons de façon critique un des lieux commun de la pensée médicale actuelle, qui associe de façon mécanique un taux de cholestérol élevé aux pathologies cardio-vasculaires (il s'agit plus précisément de l'athérosclérose, voir ci-dessous), sujet qui en réalité fait débat, en tout cas chez les chercheurs qui ont su maintenir leur indépendance à l'égard de l'industrie pharmaceutique. Il s'agit d'un problème fondamental car les fibrates puis les statines ont été testées au départ sur des malades cardio-vasculaires avec un taux de cholestérol élevé et qu'elles sont maintenant très majoritairement prescrites à des "malades" dont la seule "maladie" est, en fait, d'avoir un taux de cholestérol élevé, sensé devoir inéluctablement aboutir à l'athérosclérose. Nous verrons que ce problème est particulièrement crucial pour la population française qui jouit du french paradox, c'est-à-dire que le lien de causalité entre cholestérol et maladie coronarienne y est beaucoup plus faible que dans d'autres pays.

Nous examinerons ensuite le rôle des statines, leur efficacité réelle et leurs effets secondaires. Nous comparerons leur efficacité à celle des régimes et en particulier le régime méditerranéen. Nous resituerons la mise sur le marché des statines d'un point de vue commercial avec une analyse des rapports de forces entre l'industrie pharmaceutique, les gouvernements et les agences de santé, le rôle de l'expertise dans le domaine de la santé avec notamment le rôle des mandarins de la santé dans les études cliniques qui précèdent la demande de mise sur le marché, puis nous étudierons le rôle des agences de santé en particulier de l'AFSSAPS, l'agence française du médicament. Enfin, avant de conclure, nous proposerons quelques réformes de bon sens qui nous paraissent s'imposer.

Le cholestérol et son métabolisme

On s'inquiète beaucoup du cholestérol, mais il s'agit d'un corps gras d'une importance tout à fait vitale. Il est ainsi à la base de la synthèse de tout une série d'hormones comme les corticoïdes et les hormones sexuelles dont la fameuse DHEA! Il participe à la fabrication de la vitamine D, c'est un constituant majeur des sels biliaires (nécessaires pour l'assimilation des graisses). Son rôle dans le cerveau est fondamental car il participe à 10% du poids du cerveau (eau non comprise). En dehors du cerveau, il contribue à la fabrication de l'enveloppe des nerfs qui parcourent tout l'organisme et plus généralement c'est un constituant essentiel de l'enveloppe de toutes les cellules.

Lorsque l'on se réfère au "bon" et au "mauvais" cholestérol, c'est un abus de langage qui a de plus l'inconvénient de masquer la réalité dont on parle. D'abord ce cholestérol là est en fait le cholestérol transporté dans le sang par opposition au cholestérol utilisé pour fabriquer d'autres constituants ou stocké comme agent de structure dans les cellules.

Le sang et la lymphe étant des milieu aqueux, les graisses comme le cholestérol ne peuvent y être transportées telles quelles (car les graisses ne peuvent se mélanger à l'eau (2)). Au départ, les graisses, dont le cholestérol alimentaire, vont dans le foie en provenance de l'intestin via des transporteurs appelés chylomicrons. Au niveau du foie, une synthèse supplémentaire de cholestérol est effectuée par le foie qui fabrique environ les 2/3 du cholestérol en sus du cholestérol alimentaire. La fabrication par le foie augmente lorsque l'apport de cholestérol alimentaire diminue et vice-versa.

Le transport des lipides dans le sang depuis le foie et leur retour au foie depuis les organes s'effectue par l'intermédiaire de lipoprotéines qui sont constituées d'un assemblage de protéines (fabriquées par le foie et les intestins) et de lipides (les graisses), dont le cholestérol. Les lipides des lipoprotéines sont enveloppées par les protéines qui leur apportent une bonne capacité à se solubiliser dans le sang, milieu aqueux. Les lipoprotéines sont donc des transporteurs sanguin et lymphatiques de lipides.

Ce transport s'effectue dans deux sens. Les LDL apportent le cholestérol fabriqué par le foie aux organes et cellules qui en ont besoin tandis que les HDL récupèrent à l'inverse le cholestérol en excès et le ramène au foie où il est dégradé ou remis en circulation dans de nouveaux LDL suivant les besoins. Les deux systèmes sont évidemment très utiles, mais on a pris l'habitude d'appeler abusivement LDL le "mauvais" cholestérol et le HDL le "bon" cholestérol parce que l'on pense que si le LDL devient trop élevé le HDL n'arrive plus à ramener l'excès de cholestérol dans le foie où il peut être éliminé. Ce phénomène est accentué par le fait que le niveau de cholestérol HDL dépasse difficilement une certain seuil, alors que le LDL peut couramment atteindre des taux très élevés. C'est pourquoi lorsque l'on teste le cholestérol on examine le taux de HDL, de LDL et le rapport entre les deux.

Lorsque les HDL ramènent le cholestérol au foie, celui-ci élimine l'excédent via la bile qui se déverse dans l'intestin grèle. Ce cholestérol peut donc être renvoyé dans le foie par les chylomicrons lors de la digestion ou être définitivement évacué de l'organisme, l'ensemble du système étant géré par des systèmes de régulations complexes qui visent normalement à éviter les phénomènes de manque ou d'excès.

L'excès de LDL par rapport au HDL serait à l'origine du dépôt du cholestérol dans les artères, ce qui provoque à la longue la formation de la plaque d'athérome. Cette plaque limite le flux sanguin vers les organes. Au niveau du coeur, cela provoque l'angine de poitrine et dans les jambes des douleurs qui peuvent entraver la marche. L'infarctus survient lorsqu'une artère est ainsi totalement bouchée. C'est souvent le cas des artères du coeur, mais toutes les artères et organes peuvent aussi être touchées par le même mécanisme. Si un fragment de plaque se détache, c'est "l'attaque" dont le risque est très augmenté parl'hypertension (la pression artérielle). Le fragment se retrouve à un moment ou un autre bloqué dans une artère plus petite qu'il obstrue. S'il s'agit d'une attaque cérébrale, celle-ci va empêcher l'irrigation cérébrale et entraîner rapidement la mort des neurones de la zone concernée.

En ce qui concerne la dénomination, les lipoprotéines sont classées traditionnellement selon leur densité des plus légères aux plus lourdes. On distingue ainsi les LDL (Low Density Lipoproteins), lipoprotéines de faible masse volumique, le "mauvais" cholestérol. Les HDL (High Density Lipoproteins), lipoprotéines de haute masse volumique, le "bon" cholestérol. Les VLDL (Very Low Density Lipoproteins), lipoprotéines de très faible masse volumique contiennent un peu de cholestérol et une grande quantité de triglycérides. Un taux trop élevé de VLDL est également considéré comme défavorable. Les triglycérides constituent des graisses utilisables pour fournir de l'énergie ou des graisses de réserve.

Actuellement les chercheurs préfèrent classer les lipoprotéines d'après la structure de leurs protéines, classification qui recoupe la précédente, mais permet une classification plus fine et une meilleure prédiction du risque cardiovasculaire. Les protéines des lipoprotéines sont appelées des apoprotéines parmi lesquelles on distingue en particulier les apo A1 et les apo B. L'apo A1 se trouve principalement dans les HDL et les apo B dans le LDL. Outre qu'elles permettent la solubilisation des lipoprotéines qu'elles enveloppent, les apoprotéines sont la partie "intelligente" de la lipoprotéine, la partie qui va "informer" la membrane des cellules rencontrées de la nature de la lipoprotéine. Les tests des des apo A-I et B sont désormais bien au point, mais ne sont pas utilisés en pratique courante, en effet, "si les dosages d'apo A-I et d'apo B sont extrêmement informatifs pour le clinicien permettant de faire un diagnostic précis de l'équilibre des lipoprotéines athérogènes et protectrices, ils ne se justifient pas dans le cadre de la surveillance d'une hyperlipémie traitée et normalisée, pour laquelle le dosage du cholestérol et des triglycérides suffit [sic]." On peut s'étonner de cet énoncé pour le moins contradictoire quand on connait le coût des traitements par les anticholestérols d'une part et la faible corrélation entre taux de choestérol et risque cardio-vasculaire d'autre part ! Il est vrai que, comme nous le verrons, de très nombreux médecins prescrivent actuellement les anticholestérols sans utiliser systématiquement ni correctement les bilans HDL/LDL. Devant une telle incurie, on comprend qu'il faille être prudent avant d'introduire de nouveaux tests, même s'ils sont plus performants (2b). A noter que le fait que d'après les dernières recherches c'est bien le ratio apo B/A-I qui est le plus prédicteur par rapport au LDL, HDL, au cholesterol total, aux Triglycerides, ou aux ratios lipidiques.

Il faut également savoir que le lien entre plaque d'athérome et cholestérol, un des lieux commun du discours médical dominant, ne va pas de soi. De nombreuses études épidémiologiques ont été menées à ce sujet pour tenter de démontrer un lien de causalité. La vulgate sur la question est que le risque cardio-vasculaire croit de façon exponentielle avec l'augmentation du taux de cholestérol. En général les ouvrages de vulgarisation et même des ouvrages scientifiques réputés sur le sujet présentent ces études comme ayant effectuées une démonstration définitive du phénomène. Nous allons voir ce qu'il en est en réalité.

Les critiques de la pensée dominante sur le cholestérol

Nous reprenons ici les recherches et théories de Uffe Ravnskov, un chercheur indépendant de bonne réputation (ses articles et courriers sont régulièrement publiés par la presse scientifique), qui a réexaminé soigneusement les données scientifiques sur lesquelles reposent la théorie actuelle sur la dangerosité du cholestérol. Ses analyses et conclusions sont, on va le voir, des plus surprenantes. Nous ne résumerons ici qu'une partie de ses analyses et démonstrations qui méritent d'être consultées en détail.

Uffe Ravnskov établit d'abord une distinction fondamentale entre le fait qu'un mauvais ratio HDL/LDL indique un risque cardio-vasculaire et le fait qu'il en soit la cause. Il convient selon lui de vérifier si d'autres facteurs de risques cardio-vasculaires ne se traduisent pas par une augmentation du cholestérol, sans que celle-ci soit elle-même pathologique, donc sans qu'il soit justifié de s'attaquer directement au taux de cholestérol.

Un bon exemple de ce phénomène est l'obésité. Lorsque les personnes obèses perdent du poids, on observe en général une amélioration de leur ratio HDL/LDL. On peut donc se demander si ce n'est pas le poids, par lui-même, plus que le cholestérol qui est pathologique. Et en effet, le surpoids per se entraîne une surmortalité bien établie, notamment dans le domaine cardio-vasculaire. Un des facteurs d'explication (il y en a a surement d'autres) est que beaucoup de personnes en surpoids sont diabétiques ou prédiabétiques (elles régulent alors mal leur taux de glucose après les repas), ce qui va entraîner une liaison pathologique des protéines avec les sucres, qui entraîne une dégradation de la qualité du collagène des parois vasculaires et une dégradation des lipoprotéines. Cet exemple signifie qu'une bonne partie de la surmortalité cardio-vasculaire des obèses est due à des facteurs indépendants de la dégradation du ratio HDL/LDL. D'autres facteurs de risque cardio-vasculaire se traduisent également par une dégradation du ratio HDL/LDL sans que celui-ci soit forcément la cause de la maladie cardio-vasculaire. C'est le cas de la sédentarité par opposition à la pratique d'exercice physique, du tabagisme, de l'hypertension, du stress, pour ne citer que les facteurs clairement identifiés...

Il faut donc, lorsque l'on fait l'étude statistique d'une population portant sur le lien entre le taux de cholestérol et l'athérosclérose, s'assurer que ces différents facteurs de risques indépendants du cholestérol sont bien pris en compte, c'est-à-dire procéder à des analyses multi-factorielles complexes où l'on ajuste l'étude à ces facteurs de risque. Le résultat auquel on souhaite aboutir est, par exemple, lorsque l'on compare l'état de santé de deux sous-fraction de la population étudiée ayant un taux de cholestérol différent il faut s'assurer qu'il y ait un pourcentage similaire d'obèses dans les deux sous-population (en admettant qu'on ajuste l'étude uniquement sur ce critère). Or, plus on prend de tels facteurs en considération pour ajuster l'étude, ce qui est indispensable, plus le lien entre cholestérol et pathologie cardio-vasculaire s'affaiblit. Par ailleurs, pour ces études à plusieurs facteurs, on est amené à individualiser des sous-fractions réduites de la population étudiée, ce qui affaiblit nettement le caractère démonstratif de l'étude d'un point de vue mathématique.

De plus de telles études utilisent des outils mathématiques sophistiqués qui échappent à la compréhension du commun des mortels, ce qui fait que rares sont les personnes en mesure de comprendre et de critiquer leurs aspects statistiques. Souvent on se rapporte aux conclusions sans être en mesure d'évaluer la qualité de la recherche et de plus, même en laissant de côté la validité statistique de l'étude, on constate une effrayante déperdition ou même déformation de l'information entre ce que les études indiquent avoir établi et ce que l'on peut en lire un peu plus tard, même dans des ouvrages de bon niveau.

Un exemple est fourni par l'ouvrage de vulgarisation de Jean-Marie Bourre, "Les bonnes graisses" (3) qui se veut d'une haute tenue scientifique et est publié dans une collection de référence. Le Dr Bourre est d'ailleurs médecin, docteur ès science et directeur de recherche au CNRS. C'est un spécialiste de la question des graisses et du cholestérol au niveau du système nerveux, et il traite dans son livre des corps gras dans l'alimentation avec une relative objectivité en apportant de nombreuses explications scientifiques intéressantes. Cependant il écrit "que toutes les études épidémiologiques prospectives (...) ont montré la relation négative entre le taux de cholestérol sanguin à l'entrée dans l'étude et la survie dans les années suivantes. Pour un homme d'âge moyen, ne fumant pas, non hypertendu, non diabétique, la probabilité de développer un accident coronarien aigu dans les années suivantes varie de façon exponentielle avec la concentration de cholestérol de départ. (4)".

Or, on est loin du compte selon Uffe Ravnskov qui a étudié soigneusement toutes les études sur le sujet. Ainsi l'étude du Dr. Stuart Pocock de 1986 qui correspond tout à fait aux critères précités et qui portait sur 7000 personnes. Or, après ajustement de plusieurs des facteurs de risque que nous avons évoqués précédemment, le taux de cholestérol devenait un facteur d'explication négligeable. Il en va de même pour nombre d'autres études, qui de plus ne sont jamais ajustées sur la totalité des facteurs de risque connus (sans parler des facteurs de risque non encore identifiés ou délibérément pas pris en compte malgré une dangerosité établie comme les acides gras trans (5)). Par ailleurs aucune étude convaincante ne valide la pertinence du ratio HDL/LDL. Les quelques études qui vont dans le sens d'un facteur de risque sont pertinentes uniquement sur des tranches d'âge par sexe relativement étroites. Par ailleurs, le risque lié au cholestérol n'est pas le plus important (autrement dit il sera beaucoup plus profitable pour le malade d'arrêter de fumer, de traiter son hypertension, de faire du sport, de perdre du poids ou d'avoir une alimentation équilibrée que de se préoccuper de son cholestérol). Les données disponibles semblent donc indiquer que les mauvais taux de cholestérol seraient à considérer plutôt comme un indicateur de mauvaise hygiène de vie et encore avec de nombreuses exceptions. On voit donc que la démonstration de la dangerosité du taux de cholestérol reste à établir.

En fait, Uffe Ravnskov a montré que les études défavorables à la relation entre cholestérol et risque cardio-vasculaire ne sont quasiment jamais citées par les "experts" et que certaines études défavorables sont mêmes citées à tort comme favorable!

Le Dr Bourre en donne d'ailleurs un remarquable exemple en écrivant que "un travail important étudia l'effet des facteurs d'environnement sur des Japonais, de même origine ethnique, installés respectivement au Japon, aux îles Hawaii et en Californie. Il a permis de démontrer que les Japonais vivant en Californie (...) qui ont adopté un régime de type occidental, riche en lipide saturés, ont un taux de cholestérol dans le sang et une incidence de maladies cardiaques très proche de celles des Américains, très supérieurs aux chiffres observés chez ceux qui sont demeurés au Japon".

Le Dr Bourre ne donne pas la référence de l'étude qu'il évoque (mauvais signe en général...). Il s'agit de l'étude Marmot qu'Uffe Ravnskov signale comme étant en général l'une des plus improprement citées. En effet, ainsi qu'il l'explique "L'augmentation de la mortalité cardiaque n'était pas associée au régime ou au cholestérol sanguin, mais au contexte culturel; ceux qui vivaient selon les traditions japonaises étaient protégés. Plus surprenant encore, les émigrants qui avaient maintenus la tradition japonaise, mais mangeaient les graisses du régime américain avaient un plus faible risque que ceux qui s'étaient habitués au style de vie américain mais mangeaient la nourriture japonaise pauvre en matière grasse(6)". Bref, il s'agit probablement ici de l'intervention de facteurs psychologiques dans les maladies cardio-vasculaires, facteurs qui malheureusement sont très rarement pris en compte dans les études car particulièrement difficiles à quantifier. A ce propos on peut quand même citer les résultats impressionnant d'une très importante étude de Mika Kivimäki publiée dans le British Medical Journal (6b). Menées pendant 25 ans sur le personnel d'une usine, elle montre que la mortalité cardio-vasculaire est doublée chez le personnel stressé. Ces résultats confortent les évaluations précédemment proposées comme celles recensées par le Dr Patrick Légeron (6c).

Cette légèreté du Dr Bourre renvoie à un problème beaucoup plus important qui est la difficulté, pour tout un chacun, et en particulier pour le lecteur cultivé non spécialisé, d'accéder aux innombrables publications scientifiques comme cette étude Marmot. Moi-même, je suis contraint de me référer à Uffe Ravnskov et de faire confiance à ce qui me semble être son étude approfondie de la question. Il faut savoir que hormis le personnel scientifique spécialisé qui dispose d'abonnements, ces études scientifiques ne sont pas accessibles gratuitement sur Internet. Il y a actuellement un mouvement très important des scientifiques pour obliger les revues à mettre gratuitement leur contenu en ligne, et on ne peut qu'espérer qu'il aboutisse.

Nous ajouterons qu' Uffe Ravnskov met en question beaucoup d'autres idées toutes faites, notamment sur l'alimentation, les régimes et le cholestérol. Il nous faut également évoquer à ce propos les caractéristiques de la population française vis à vis du risque coronarien.

Le paradoxe français ou "french paradox"

Il nous faut faire ici une aparté concernant les particularités des risques cardio-vasculaires au sein de la population française. Nous avons vu avec Uffe Ravnskov que le risque cardio-vasculaire d'une population augmentait effectivement avec le taux de cholestérol sanguin, mais nous avons longuement expliqué pourquoi cela ne voulait pas dire pour autant que le cholestérol était forcément responsable de l'athérosclérose. Mais, il faut aussi savoir que, si on prend les études de risque sans faire aucun ajustement des variables comme le tabagisme, l'obésité, etc., le lien de causalité entre cholestérol et maladie cardio-vasculaire demeure malgré tout faible.

Une manifestation de ce phénomène est que lorsque l'on mesure le niveau moyen de cholestérol des populations de divers pays et que l'on le compare avec le taux d'accident cardio-vasculaire dans la population concernée, certaines populations se comportent de façon très anormales (7). On peut aussi dire que la ventilation du risque cardio-vasculaire autour de la moyenne du taux de cholestérol est très élevée ... ou encore que la mesure du taux de cholestérol explique faiblement le risque de maladie cardio-vasculaire... En tout cas, on constate que les français meurent ainsi deux à trois fois moins de maladies cardio-vasculaires que la moyenne des populations internationales ayant le même taux de cholestérol. On explique en général ce phénomène par le régime alimentaire de type méditerranéen et par la consommation de vin rouge, riche en polyphénol (un antioxydant) mais il ne s'agit probablement que d'une explication partielle, les italiens, par exemple qui ont un taux de cholestérol proche du notre, sont dans une bonne position par rapport au risque cardio-vasculaire, mais tout de même sensiblement moins favorable, alors qu'on pourrait penser qu'ils ont un régime plus "méditerranéen" que le notre... A ces réserves près, il est probable que le régime alimentaire des français joue un rôle important.

Ces données ont plusieurs significations. Elles montrent d'abord que certains des facteurs les plus importants de protection contre l'athérosclérose sont sans lien avec le taux de cholestérol. Elle montre aussi que l'alimentation et le mode de vie en général sont des facteurs de protection beaucoup plus puissant que tous les traitements médicaux actuellement disponibles. En ce qui concerne l'évaluation des traitements anti-cholestérol, les conséquences sont également fondamentales. Comme le lien entre maladie cardio-vasculaire et cholestérol est particulièrement faible en France, il est plus que probable que les bénéfices à attendre des traitements standard anti-cholestérol appliqués à la population française seront, en moyenne, beaucoup plus faible que sur la population de référence de l'essai. Autre façon de le dire : les effets secondaires négatifs des médicaments y pèsent beaucoup plus lourdement qu'ailleurs. Encore une autre façon d'envisager la question : lorsque vous lisez des études sur l'essai de tel ou tel anti-cholestérol, regardez dans quel pays elles ont été menées. Et surtout ne soyez pas surpris si les patients des pays pour lesquels le lien de causalité entre cholestérol et maladies cardio-vasculaire est le plus élevé sont surreprésentés dans les essais... C'est que les firmes pharmaceutiques peuvent s'intéresser à la nutrition à leur façon et quand ça les arrange!

Le cholestérol et la population féminine le cholestérol et les suppléments hormonaux

Les femmes, souvent mieux suivi médicalement que les hommes, sont de longue date une cible de choix des labos qui tentent d'écouler leurs médicaments anticholestérol. Comme nous l'avons déjà incidemment évoqué, la corrélation entre cholestérol et risque coronarien est beaucoup plus faible chez la femme que chez l'homme. Mais dans quelles proportions exactement ?

Nous nous réfèrerons ici au livre du Pr Marian Apfelbaum (8) qui balaie lui aussi bien des idées fausses dans ce domaine et que nous citerons un peu longuement compte tenu de la clarté de son exposé:

"Qu'en est-il chez la femme? Trois études prospectives, incluant des informations sur l'infarctus du myocarde et les taux de cholestérol LDL et HDL, avaient été faites: celle de Framingham, déjà citée, celle de Lipid Clinics [Circulations, 1987, p. 1102-1109] et celle de Tel Aviv [Am. J. Cardiol., 1987, p. 1271-1276]. Toutes trois nous apprennent qu'il n'y a aucune relation entre infarctus et taux de cholestérol total jusqu'à 2,65g, et une au-dessus. Par l'étude de Tel Aviv, on apprend que, pour le groupe de femmes dont le taux de cholestérol HDL est au-dessus de la médiane, il n'y a pas de relation cholestérol-infarctus, même pour les taux de cholestérol au-dessus de 2,65g.
En conclusion, chez la femme, la mortalité coronarienne ne dépend point du taux de cholestérol total, sauf valeur très élevée, et cette protection perdure jusqu'à la ménopause. Il est urgent de faire connaître une donnée majeure: la supplémentation en oestrogènes chez la femme ménopausée lui assure le maitien de l'immunité. Deux publications suffiront à une documentation robuste (parmi la trentaine sur le sujet, toutes concordantes): lorsqu'on a donné, pendant un mois, à la fois une diète riche en cholestérol (995mg par jour, soit trois fois plus que la consommation moyenne) et un microgramme par kilo de poids corporel d'un oestrogène, l'éthinyl-oestradiol, on trouve que le taux de cholestérol total (après la période avec oestrogène, contre celle sans oestrogène) diminue de 25%, le "mauvais" cholestérol (LDL) diminue de 25%, le "bon" (HDL) augmente de 20% et, dans le HDL, seule la sous-fraction particulièrement protectrice, HDL2, augmente. Voilà qui est encourageant. Mais cette évolution si favorable des facteurs de risque correspond-elle à un avantage en termes de maladie et de mort?
La réponse est donnée par une autre publication, aux résultats spectaculaires. Des femmes ménopausées, dont les coronaires avaient été angiographiées (radiographiées), ont été suivies pendant dix ans.
L'usage des oestrogènes provoque une amélioration de survie dans tous les groupes; l'avantage est net pour les femmes à coronaires apparemment saines (2% de mort en dix ans contre 9%); fort pour les femmes dont les coronaires sont fortement bouchées (4% de mort contre 15%; énorme pour celles dont les coronaires sont très fortement bouchées (3% de mort contre 40%!). Au total la mortalité est trois fois plus forte chez les femmes dont les coronaires étaient initialement indemnes et qui ne prennent pas d'oestrogène (9%) que chez celles qui avaient les coronaires fortement bouchées mais qui prennent des oestrogènes (3%).
La cause est entendue: le danger coronarien est pratiquement nul, quel que soit leur taux de cholestérol (sauf hypercholestéromies massives), chez les femmes non ménopausées; il suffit qu'elles en prennent toutes à leur ménopause pour que cela demeure vrai longtemps."

Il est malheureusement particulièrement difficile en France de savoir quelle est la prescription des différents types de médicaments anticholestérol chez les femmes par tranche d'âge. On peut simplement dire, au vu des données que nous venons de présenter que la surprescription doit être massive chez la femme non ménopausée ou qui prend des oestrogènes après la ménopause, ce qui est abérent et pose un très sérieux problème de santé publique. Attention, il y a toutefois oestrogènes et oestrogènes ! Plusieurs études récentes ont notamment montré que le Prémarin n'avait pas ces qualités. Il s'agit d'oestogènes d'origine équine. La dernière étude de grande ampleur avec Prempro (un dérivé contenant en sus de la progestérone de synthèse non naturelle) a du être arrétée en catastrophe car elle augmentait de façon parfois massive toutes les principales causes de mortalité chez les femmes âgées du groupe testé! Le magazine LEF de décembre 2002 vient de rentre compte en détail de cette affaire avec de nombreuses références scientifiques à l'appui. Mais ce n'est pas d'hier que les partisans des approches de médecine naturelle font une réputation épouvantable à ce produit. Il n'y avait d'ailleurs pas besoin d'être devin pour prévoir la catastrophe, les oestrogènes équins n'étant pas tous identiques ni dosés dans les mêmes proportions que ceux de la femme ! (voir la bonne synthèse, en français de Nutranews). Notons que comme d'habitude l'AFSSAPS (agence du médicament) dans un communiqué de presse minore le risque et pousse la délicatesse jusqu'à ne pas citer le nom des médicaments concernés! Bien entendu aucune mesure de protection des femmes n'est prise, contrairement à la FDA qui a revue et encadrée strictement les indications (voir article LEF précédent).

Les études rapportées par le Pr Apfelbaum concernant les oestrogènes, sont aussi probablement à situer et à compléter par rapport à la question de la théorie hormonale du vieillissement. Ainsi des niveaux faibles de testostérone et de DHEA semblent nettement corrélés avec le risque cardio-vasculaire et coronarien.

Le magazine américain LEF (Life Extension Foundation) d'août 2001 rapportait les études montrant comment la DHEA protégeait le système cardiovasculaire (ma traduction):

"Les études épidémiologiques continuent à confirmer la corrélation entre les niveaux de DHEA chez les hommes avec leur risque de maladie cardiovasculaire. Tout récemment l'étude du Massachusett sur le vieillissement masculin a suivi plus de 1700 hommes entre les âges de 40 et 70 ans pendant 9 ans. Les auteurs ont découvert que les hommes situés dans le quartile inférieur pour le sérum de DHEA avait 60% de plus de risque de développer une maladie cardiaque ischémique (...). De même les études sur le sujet continuent de confirmer que des taux bas de DHEA se combinent avec des taux d'insuline majorés, avec une "forte corrélation inverse" entre l'insuline et la DHEA. Cela soulève la question de savoir si la DHEA ne serait pas le "lien manquant" entre l'hyperinsulinémie et l'athérosclérose.

Une étude canadienne très importante a partiellement élucidée la façon dont la DHEA protège les vaisseaux sanguin de l'atherosclerosis. Les auteurs ont découvert que chez les personnes âgées, la vitamine E est incapable de restaurer la résistance des LDL à l'oxydation aux niveaux constatés dans le jeune âge. La DHEA, par contre permet d'augmenter la résistance des LDL à l'oxydation d'une façon dose-dépendante. L'étude à mis en évidence que la DHEA est incorporée dans les molécules de LDL et de HDL où elle joue un rôle antioxydant. Mais avec le vieillissement, la DHEA liée au cholestérol disparaît presque totalement et devient pratiquement indétectable chez les personnes âgées. Leur cholestérol LDL devient donc très sensible au dommage oxydatif. (Les esters d'oestrogènes semblent fonctionner d'une façon similaire en protégeant les LDL de l'oxydation) [Lien vers les références des études citées dans l'article]"

Ces informations peuvent être mise en relation avec le récent rapport de l'AFSSAPS sur la DHEA qui, au mépris de la littérature scientifique disponible, et commentant l'étude du Dr Beaulieu sur la DHEA, prétendait que la DHEA en faisant (légèrement) baisser les taux de cholestérol pouvait majorer le risque coronarien! La même AFSSAPS qui a si complaisamment autorisée la mise sur le marché de l'ensemble des statines et qui, dans sa récente réévaluation du service médical rendu (SMR) des médicaments, jugeait encore les fibrates, anticholestérol de première génération, comme ayant un SMR important...

Les personnes âgées

Outre les femmes, les personnes âgées des deux sexes sont aussi des cibles de choix de la surprescription de médicaments et d'anticholestérols.

Le cholestérol est à cet égard dans une situation tout à fait paradoxale. L'excès de cholestérol est associé à une surmortalité chez les personnes relativement jeunes, mais chez les personnes jeunes la mortalité liée à l'athérosclérose reste extrèmement faible, même dans la population masculine. Ainsi à la fin des années 80, 76% des morts coronariennes chez l'homme survenaient après 65 ans et 82,8% après 75 ans chez les femmes! Le problème c'est qu'après 65 ans, il n'y a plus aucune corrélation entre cholestérol élevé et augmentation de la mortalité! Ceci explique qu'il faille des études gigantesques et extrèmement couteuses pour pouvoir mesurer un effet thérapeutique des médicaments anticholestérols car les études sont faites sur des populations âgées en général de 40 à 60 ans.

En effet, toujours selon le Pr Apfelbaum, "Au-dessus de 65 ans, le cholestérol total a perdu tout, ou la plus grande partie de son pouvoir prédictif (alors que le cholestérol HDL a gardé le sien [un HDL élevé protège à l'inverse la santé], pourtant là [à cet âge] le danger coronarien est le plus grand; donc, il faudra privilégier raisonnablement, entre augmenter le taux de cholestérol HDL ou diminuer celui de LDL, la première branche de l'alternative. Car (...) il y a alternative; et il est fort difficile de poursuivre les deux objectifs simultanément, car les menus diététiques destinés à faire baisser le cholestérol total ont une facheuse tendance à le faire au détriment du cholestérol HDL. Donc au-dessus de 65 ans, et avec un cholestérol total entre 2,50g et 3g, si le cholestérol HDL est lui-même au-dessus de 0,40g, le risque-cholestérol est normal, et il est prudent de ne rien changer à la diète - mais d'essayer d'augmenter le cholestérol HDL... (9)"

Ajoutons que d'autres chercheurs comme Uffe Ravnskov situent, après analyse des études disponibles, encore plus tôt l'âge pour lequel le cholestérol élevé n'est pas nuisible pour la personne âgée. A cela il faut ajouter que le cholestérol n'intervient que comme une cause parmi d'autres de la mortalité coronarienne, de l'ordre de 20%, à peu près à équivalence avec l'hypertension (mais pour l'hypertension la corrélation entre tension et risque coronarien est extrèmement forte contrairement au cholestérol et le traitement de l'hypertension fait baisser massivement le risque contrairement au traitement du cholestérol) et bien après le tabagisme.

Ceci pose un énorme problème de santé publique puisqu'il est très risqué de soigner la personne âgée avec des produits anticholestérol et qu'il est aussi très risqué de soigner la population jeune car elle est le plus souvent asymptomatique et que l'on est obligé de traiter une population énorme pendant une très longue période pour un bénéfice extrèmement limité. De plus les effets secondaires de l'ensemble des médicaments anticholestérols sont importants. Ceci explique pourquoi les mesures hygiéno-diététique sont d'un bénéfice très largement supérieur aux traitements médicaux existants dès qu'il s'agit de prendre en charge l'excès de cholestérol et cela même pour la prévention secondaire (cad après un premier accident coronarien). Les médicaments anticholestérol sont donc à manier avec beaucoup de prudence et à réserver à priori à des pathologies bien identifiées (occlusions avancées et prévention de la récidive), à distinguer soigneusement de la présomption de risque que constitue un cholestérol élevé. En tout état de cause même les médicaments les plus récents n'ont prouvé leur efficacité en prévention primaire que pour l'un d'entre eux dans le cadre d'une étude sur une population très spécifique et qui ne peut guère servir de base pour le traitement de la population générale française (discussion ci-après).

Chez la personne âgée, le régime méditerranéen révisé par le Dr Serge Renaud (voir ci-dessous) qui est relativement riche en bonne graisses tout en étant très protecteur du risque coronarien sera particulièrement bien adapté à la personne âgée, en augmentant le bon cholestérol, alors que la baisse du cholestérol, du co-Q10 et des hormones sexuelles entrainée par les statines risque d'être particulièrement nocive pour la personne âgée en dehors d'une maladie coronarienne clairement diagnostiquée. Il n'est bien sur tenu quasi aucun compte de ces données par les prescripteurs et d'innombrables personnes âgées sont traitées par les statines sans tenir compte des risques biens connus associés à ce traitement et qui sont beaucoup plus fréquents chez la personne âgée. Ce point a été souligné dans le dernier rapport de la Cours des Comptes qui s'est intéressé au traitement médicamenteux des personnes âgées.

Là encore on retrouve l'importance des mesures hygiéno-diététiques comme l'alimentation, l'arrêt du tabac, le traitement de l'hypertension, beaucoup plus efficaces que les médicaments et applicables à tous les âges.

Les fibrates, médicaments anti-cholestérol de première génération

Nous avons vu que, dans les années 90, les français étaient déjà les premiers consommateurs européens d'anticholestérol. Quelle était l'efficacité et la sécurité d'utilisation des médicaments de l'époque?

Toujours selon Uffe Ravnskov plus de 40 essais ont été menés pour évaluer si le fait de baisser le cholestérol pouvait prévenir une attaque cardiaque. Certains essais sont légèrement positifs, mais si on prend également en compte les essais négatifs, la moyenne ne donne aucune amélioration. Lorsque l'on observe une légère augmentation de la situation des malades cardio-vasculaires, celle-ci est annulée par l'augmentation générale de la mortalité dans le groupe traité (c'est-à-dire par les effets secondaires du traitement!).

Dans un bon article de Sciences et Avenir d'octobre 2001 qui reprend l'histoire calamiteuse des anti-cholestérol, les journalistes (Thierry Souccar et Anne Marie Raphaël) signalent en particulier le cas d'une fibrate, le clofibrate : "Alors qu'ils font le siège de Mary Lasker et du Coronary Drug Project, les fabricants du clofibrate déploient un lobbying intense pour convaincre l'OMS que leur médicament peut réduire infarctus et mortalité chez les personnes en bonne santé ayant simplement un cholestérol élevé. Impressionnée, l'OMS met alors sur pied une étude de prévention primaire auprès de 10 627 hommes: une partie prendra du clofibrate, l'autre un placebo. Le clofibrate diminuera comme promis d'environ 20 % l'incidence des infarctus. Mais il augmente la mortalité cardio-vasculaire (208 décès, contre 173 dans le groupe placebo) et surtout la mortalité par cancers. Malgré ces résultats calamiteux, le clofibrate est mis sur le marché en France au début des années 1970 ; il n'en sera retiré qu'en 1990."

Ce médicament a été testé pendant 5,3 ans sur une population de grandes villes européennes sur des hommes d'âge mur en bonne santé, mais présentant une hypercholestéromie. La mortalité dans le groupe traité a été 1,74 fois plus grande que dans le groupe sous placebo, avec une validité statistique très forte! Après la fin du traitement, la surmortalité du groupe traité s'est résorbée progressivement, d'après l'association ARCOL. C'est ce qu'on appelle un médicament d'une redoutable efficacité! Pour paraphraser le langage que les médecins proche de l'industrie pharmaceutique tiennent lorsqu'ils commentent ce type de résultat, le clofibrate a néanmoins fait la preuve de son efficacité sur le critère principal de l'étude à savoir la réduction du nombre d'infarctus puisque celle-ci a été de 20%! En effet, l'augmentation de la mortalité dans la population traitée n'a pas empéché que le médicament soit mis sur le marché comme anticholestérol ! Je suppose que les industriels ont su se montrer comme pour tant d'autres médicaments particulièrement convaincants vis-à-vis des leaders d'opinions et des décideurs administratifs, et vogue la galère...

On frémit en pensant qu'un tel médicament a pu être prescrit pendant près d'une vingtaine d'année et on peut légitimement s'interroger sur la chaîne des décisions qui a pu aboutir à l'AMM d'un tel produit. En plus il faut toujours garder à l'esprit les caractéristiques de la population française, à savoir qu'à taux de cholestérol équivalent, la mortalité cardio-vasculaire y est beaucoup plus faible que dans d'autres pays. Par ailleurs les femmes ont aussi reçu le médicament alors que le cholestérol est beaucoup moins dangereux pour elles. On peut donc en déduire que le traitement d'une population française à cholestérol élevé par le clofibrate a eu beaucoup moins d'effets positifs en terme d'accidents coronariens, d'autant que la surprescription des anti-cholestérols en France est ancienne et massive, ce qui veut dire que ces produits sont souvent utilisés pour faire baisser le cholestérol en dehors de toute pathologie coronarienne. D'autre part, prescrits souvent sur de très longues durées, supérieures à 5 ans, la surmortalité a dû être nettement supérieure à celle indiquée dans l'étude pour ceux qui l'ont reçu au-delà de cette durée. Si l'on regroupe tous ses considérations, on en déduit que la prescription des clofibrates a contribué dans des proportions substantielles et à grand frais à abréger la vie de nombre de nos compatriotes.

Il en va de même, avec parfois (mais pas toujours!) moins d'effets secondaires négatifs pour les autres fibrates, dont les plus récentes ont été appelées "fibrates de deuxième génération" sans doute pour faire croire à une innovation ou une amélioration, pourtant inexistante, par rapport aux produits de "première génération". Malgré d'innombrables études, les résultats des études de prévention sont très mauvais en terme de mortalité, qui est globalement augmentée (synthèse de tous les essais disponibles publiée par Muldoon en 1990). Seule les traitements de prévention secondaire chez les personnes ayant survécus à un infarctus présente un intérêt. Malheureusement cette population ne représente qu'une toute petite partie de la population effectivement traitée par les fibrates (et les anticholestérols en général).

En plus tous ces essais souvent énormes et terriblement coûteux ont été très largement financés sur fonds publics en plus du financement de l'industrie pharmaceutique. Plutôt que de reconnaître que cet argent avait été dépensé en vain et de restreindre drastiquement la prescription des fibrates à la prévention secondaire, une effroyable collusion entre industriels, experts et décideurs étatiques a permis une prescription de masse de ces produits comme "anticholestérol".

Malgré ces résultats désastreux, toutes les fibrates n'ont pas été retirées à ce jour du marché français et leurs indications n'ont pas été sévèrement limitées. Ceux qui ont lu notre page "L'expertise santé à la française : L'AFSSAPS déclare que 840 médicaments ont un service médical rendu insuffisant" ne seront pas surpris d'apprendre qu'alors que tant de produits utiles se sont retrouvés avec un SMR (service médical rendu) insuffisant, les "experts" de l'AFSSAPS ont tout de même réussi à classer les fibrates comme ayant un SMR important ! Une analyse sociologique de l'origine des "experts" représentés à l'AFSSAPS permettrait sans doute d'expliquer cette énigme scientifique...

Mais voyons maintenant ce qu'il en est des anti-cholestérol de deuxième génération, les statines.

Les effets secondaires des statines, anti-cholestérol de seconde génération

L'inhibition du cholestérol

Il peut sembler paradoxal de citer comme un effet secondaire, la raison même pour laquelle on prend un médicament et qui est de faire baisser le cholestérol LDL. Mais si elles améliorent le ratio HDL / LDL les statines font aussi baisser le niveau total de cholestérol et ce sont des produits très puissants et souvent très délicats à ajuster dans leur posologie. Le surdosage est donc fréquent dans l'utilisation des statines. Ce problème se pose de façon aïgu en France où le suivi des taux de cholestérol associé au traitement est extraordinairement déficient (Cf. infra la section consacrée à la malprescription) ou est prescrit pour des dosages de cholestérol qui ne justifieraient pas la prise de ces médicaments.

Le taux de cholestérol total ne devrait pas descendre en dessous de 180 mg/dL. Un taux de cholesterol total inférieur à 180 (mg/dL) peut augmenter le risque d'hémoragie cérébrale et d'autres maladies potentiellement mortelles. Selon la LEF, les études scientifiques montrent que le dosage optimal de cholestérol se situe entre 180-220, et que le LDL-cholesterol devrait être inférieur à 100 et le HDL-cholestérol supérieur à 50. Les statines étant des produits très puissants, il n'est pas rare, surtout dans le cas fréquent en France ou le suivi des analyses biologiques est déficient, que le cholestérol total descende en dessous des seuils de sécurité. Rappelons aussi à nouveau que les femmes non ménauposées et les personnes âgées ont des seuils de sécurité différents du reste de la population (supra).

Dans le même ordre d'idée, des cardiologues expérimentés comme Brian Vonk soulignent que d'après son expérience et celle de plusieurs de ses collègues, les statines provoquent des phénomènes dépressifs ou une perte de motivation chez de très nombreux patients, probablement du fait de l'altération du métabolisme du cholestérol au niveau des cellules cérébrales. Or il s'agit de praticiens expérimentés qui sont certainement restés dans les seuils de sécurité du taux de cholestérol. A noter pour éclairer cette donnée de fait qui pourrait sembler anecdotique que le lien entre un cholestérol en dessous de la normale et la dépression est bien établi et résulte probablement du mauvais fonctionnement des cellules cérébrales qu'il induit et de l'inhibition de la sérotonine qu'induit cette baisse (Psychosomatic Medicine 2000;62).

Enfin, dans un article particulièrement bien documenté sur le dosage des médicaments, Jay Cohen montre avec l'exemple de l'atorvastatine, dont le plus petit dosage est de 10mg, que cette posologie est surdosée pour de nombreux patients, d'où des effets secondaires qui peuvent être sérieux. Cela n'a rien d'étonnant car à cette dose le cholestérol LDL est réduit en moyenne de 39% ce qui est déjà beaucoup trop pour de nombreux patients. Certains auraient besoin de 2,5mg à 5mg seulement, dosage non disponibles et non documentés par le fabriquant. Il faut aussi savoir que les statines sont souvent aussi efficaces à une même posologie, prises un jour sur deux. Ainsi dans une étude de l'American Heart Journal (2002 Oct;144(4):674-7), commentée dans LEF magazine, la prise un jour sur deux donnait la même réduction du cholestérol que la prise quotidienne. Ceci pour un prix évidemment lui aussi réduit par deux ce qui n'est pas négligeable pour ces produits très couteux et qui de surcroit permettrait, peut-être, de réduire certains effets secondaires.

L'inhibition du coQ10

Le mécanisme d'action des statines sur le taux de cholestérol est liée à l'inhibition d'une enzyme clé, la HMG CoA réductase. Un des nombreux inconvénients des statines, en plus de ceux déjà évoqués en introduction, est que cette inhibition ne vise pas spécifiquement le cholestérol, mais, se situant très en amont, inhibe la synthèse de nombreux autres produits utiles pour l'organisme, dont le co-Q10. Comme l'explique le Dr Jean-Marc Robin, voir schéma et illustration "Le Coenzyme Q10 est synthétisé activement par nos cellules (il n’est donc pas classé dans les vitamines). La boucle Quinone du Coenzyme Q est dérivée de l’acide aminé tyrosine et la chaîne latérale polyisoprénoïde est formée à partir d’acétyl CoA. Jusque-là, les réactions en jeu sont les mêmes que celles de la biosynthèse de cholestérol. Ces deux «produits finis» sont en fin de chaîne et contrôlés par une enzyme clé, la HMG CoA réductase. C’est pourquoi la prise d’inhibiteur de l’HMG-CoA réductase comme la pravastatine, la simvastatine, ou la lovastatine…, par des patients sujets à l’hypercholestérolémie, (pour réduire la synthèse de cholestérol), entraîne une baisse de la synthèse de coenzyme Q10 qui provoque une diminution d’environ 50 % de sa concentration plasmatique alors que, dans le même temps, le cholestérol ne baisse que de 20 à 30 % ! De plus, le rapport LDL cholestérol sur CoQ10 serait nettement plus prédictif de cardiopathie ischémique (angine de poitrine, infarctus…) que le rapport cholestérol total sur cholestérol HDL et le taux de LDL cholestérol total. Un rapport ou un taux de LDL élevé est un risque important de développer une maladie cardiovasculaire. La prise de statine seule, pourrait donc même aggraver ce risque : la baisse de CoQ10 étant supérieure à celle du LDL, le rapport LDL cholestérol sur CoQ10 augmente."

Évidemment l'importance de cette baisse du taux de CoQ10, extrêmement préoccupante n'est jamais soulignée. De façon caractéristique, un site comme Pharmacorama, intéressant et utile par ailleurs, écrit, à propos des effets secondaires indésirables, dans un article très complet sur les hypolipémiants, et de façon plus que sibylline: "Diminution de la synthèse d'ubiquinone (coenzyme Q10) sans que ses conséquences cliniques aient été démontrées." On voudrait occulter délibérément les risques liés à ces produits que l'on ne formulerait pas les choses autrement. Ainsi, parce que les firmes pharmaceutiques ont réussi à obtenir leur AMM de pouvoirs publics extraordinairement complaisants sans que des investigations complémentaires aient été systématiquement effectuées sur les conséquences de la baisse très préoccupante du CoQ10, on ose écrire que cette baisse n'a pas de conséquence clinique démontrée ! Il est pourtant établi que la baisse du CoQ10 induite par les statines augmente l'oxydation du cholestérol LDL ce qui le rend plus nuisible pour l'organisme.

Le CoQ10 est un élément clé de la fabrication de l'ATP, la principale source d'énergie cellulaire, dans les mitochondries des cellules. Le CoQ10 a de ce fait une très forte affinité pour les cellules du coeur et du cerveau. De nombreuses études récentes montrent également le rôle tout à fait remarquable du CoQ10 en complémentation en cas de troubles ou accidents cardiaques (Cf. les références des études fournies par LEF ainsi que la bonne synthèse en français de Maurice Legoy). Outre les cellules cardiaques, le CoQ10 a une très grande affinité pour les cellules du système nerveux. Celles-ci étant exceptionnellement riches en acides gras, il est probable que le CoQ10 joue la aussi un rôle majeur de protection et que sa diminution augmente les risques de maladies dégénératives du système nerveux, de dépression, etc. En fait, le CoQ10 serait certainement considéré comme un remède miracle par l'industrie pharmaceutique et ferait les grands titres de la presse s'il était brevetable. Comme c'est un complément nutritionnel seuls ceux qui s'intéressent à la complémentation nutritionnelle en ont entendu parler...

Outre qu'elle majore fortement le risque cardio-vasculaire, la baisse du CoQ10 est étroitement liée au vieillissement de l'ensemble des cellules. En effet, le CoQ10 est très présent dans la paroi des mitochondries où il joue un rôle crucial dans la production d'ATP, l'énergie cellulaire produite dans les cellules, et comme anti-oxydant protégeant à la fois la membrane des mitochondries et leur matériel génétique (10). Les scientifiques lient de plus en plus le vieillissement et la mort cellulaire à la dégénérescence des mitochondries qui deviennent morphologiquement anormales. Or le CoQ10 prévient et ralenti très significativement cette évolution. Il est donc plus que probable que les statines prise sur une longue durée ont un effet très négatif sur le phénomène du vieillissement en général. Il faut noter que seuls les sites spécialisés dans la complémentation nutritionnelle et qui connaissent bien l'intérêt du CoQ10 ont tiré la sonnette d'alarme quant aux conséquences de la prise de statines sur le taux de CoQ10 (10b).

Selon des recherches japonaises récentes évoquée par la Life Extension Foundation, il existe des classes de statines distinctes, certaines étant plutôt solubles dans l'eau, les autres ayant au contraire des affinités pour les corps gras. Les études animales montrent que les statines lipophiles (solubles dans les graisses) seraient plus inhibitrices de la production d'énergie cellulaire que les autres, peut-être par une inhibition du CoQ10, ce qui serait d'ailleurs logique, le CoQ10 étant lui-même soluble dans les graisses. Cet effet pourrait se surajouter à à la baisse du niveau de CoQ10 résultant de l'inhibition de l'enzyme HMG CoA réductase.

Les statines ont-elles une responsabilité dans l'explosion du nombre de déficiences cardiaques congestives ?

Compte tenu de son intérêt majeur en cardiologie on peut tout naturellement se se demander si les statines n'auraient pas un impact majeur sur des pathologies cardiaques où le taux de coQ10 cellulaire constitue un élément majeur du pronostique.

Cela semble hélas être le cas. Maurice Legoy a attiré mon attention sur un article fondamental de Peter H. Langsjoen dont il a assuré la traduction française "L'utilisation thérapeutique des inhibiteurs de la HMG CoA-reductase (statines) et son association avec la diminution du co-facteur indispensable coenzyme Q10".

Pour cet auteur,

"5 - La déficience en CoQ10 induite par les statines est en rapport avec la dose de statines utilisée et les effets cliniques sont particulièrement marqués chez les personnes âgées et chez ceux qui présentent des antécédents de déficience cardiaque congestive (CHF : Congestive Heart Failure).
(...)
8 - Nous sommes en train de vivre une véritable épidémie de CHF aux Etats-Unis. Environ 4,8 millions d'Américains sont atteints de cette affection. La moitié d'entre eux va mourir dans les 5 années qui viennent. Chaque année, 400.000 nouveraux cas sont diagnostiqués : voir sur http://www.nhbi.nih/gov/health/public/heart/other. Même si les raisons de cette épidémie sont encore inconnues à ce jour, la déficience en Coq10 consécutive à l'administration des statines n'a pas été écartée en tant que facteur favorisant.
9 - Tous les essais sur grande échelle des statines ont écarté des études les patients présentant des troubles cardiaques NYHA classes III et IV, de sorte qu'aucune étude n'a été faite sur l'innocuité de l'administration à long terme des statines."

Nous renvoyons à la lecture intégrale de cet article remarquable et particulièrement bien documenté, extraordinairement inquiétant par ses conséquences en terme de mortalité et de santé publique, soit directement sur le site de Maurice Legoy, soit en copie locale sur Gestion Santé.

Voilà qui une nouvelle fois en dit long sur la capacité du système pharmaco-industriel a museler la recherche et l'information officielle dès qu'elle risque de nuire au développement de ses intérêts financiers.

Risque cancéreux et autres effets secondaires

Un autre problème avec les statines, c'est qu'elles sont cancérigènes chez l'animal, comme le clofibrate. Selon Uffe Ravnskov, il est très optimiste de supposer que les statines seront aussi sûres après cinq ans d'essais cliniques (durée des essais les plus longs) qu'après 10 ou 20 ans d'utilisation. Il rapporte les propos de Newman and Hulley qui se sont longuement penchés sur les effets carcinogènes des statines et :

"se sont demandés comment ces drogues avaient pu être approuvées par la Food and Drug Administration. La réponse était que les doses utilisées dans les expériences animales étaient beaucoup plus élevées que celles recommandé pour l'utilisation clinique. Mais pour reprendre le commentaire des Drs. Newman et Hulley, il est plus approprié de comparer les taux sanguins, et les niveaux atteints chez les rongeurs sont très proches de ceux retrouvés chez les patients.
La période de latence entre l'exposition à un carcinogène et l'apparition des manifestations cliniques d'un cancer peut atteindre 20 ans et plus. En l'absence de toute étude clinique de cette durés signifie que nous ignorons si le traitement par les statines conduira à un taux accru de cancer dans les prochaines décennies.
Ainsi, des millions de personnes asymptomatiques qui n'ont qu'un taux de cholestérol élevé comme symptôme] sont traitées par des médicaments dont les effets ultimes sont encore inconnus. C'est pourquoi, les Drs. Newman et Hulley recommandent que les nouvelles statines ne soient utilisées que par des personnes à risque coronarien élevé, puisqu'un tel traitement devrait être évité par les individus ayant une espérance de vie supérieure à 10 ou 20 ans. Et les personnes en bonne santé avec un taux de cholestérol élevé font partie de cette catégorie.(11)"

Uffe Ravnskov apporte des données complémentaires sur certains essais inquiétants, ainsi "dans l'une des études sur les statines, il y a eu 13 cas de cancer du sein dans le groupe traité avec de la pravastatine (Pravachol®), contre seulement un dans le groupe de contrôle non traité, un élément alarmant qui n'est jamais mentionné dans les publications ou les procédures de traitement.
Il est également alarmant que dans l'une des expérimentation les plus importantes, l'essai EXCEL, la mortalité totale après seulement un an avec de la lovastatine (Mevacor®) était significativement plus élevée parmi ceux qui recevaient le traitement par les statines. Malheureusement (ou heureusement?) l'essai fut arrêté avant que des observations plus complètes aient pu être effectuées. (11)"

Heureusement il semble que ces facteurs de risque ne se soient pas confirmés. Notamment une étude plus complète sur la pravastatine publiée en 1998 (N Engl J Med. 1998;339:1349-57) ne montre pas de différence significative entre groupe traité et placebo pour le cancer du sein. Il en irait de même pour d'autres statines. Plus généralement, on pense aujourd'hui que la réduction de l'inflammation par les statines, qui est une des raisons principales de leur efficacité thérapeutique pour les maladies coronariennes aurait aussi un effet inhibant sur le développement de certains cancers. On peut en conclure prudemment au vu des données disponibles que certaines statines pourraient avoir un effet diminuant légèrement le risque de développement de certains cancers, du fait de leur effet antiinflammatoire, et que cet effet serait plus important que l'effet promoteur du cancer constaté dans les études animales et qui pourrait être associé aussi à l'inhibition du CoQ10. A mon sens, il n'est pas exclu que l'on ait de bons effets sur certains cancers et de très mauvaises surprises sur d'autres et de façon très variable suivant le type de statine...

Toutes ces données sur les effets secondaires sont bien sûr à ajouter aux troubles musculaires graves évoqués en introduction (rhabdomyolyse). S'y ajoutent des atteintes hépatiques fréquentes et une augmentation du risque hémorragique en cas de prise simultanée d'anticoagulants oraux. Dans une interview, Georges Alexandre Imbert, Président de l'Association d'Aide aux Victimes des Accidents de Médicaments, évoquait également, sur la base de nombreux témoignages de malades, le cas de patients ayant des atteintes au niveau oculaire tel que des cataractes, suite au traitement, élément de risque quasiment jamais évoqué (voir lien). Evidemment lorsque l'on prescrit les statines à trois millions d'utilisateurs en France, ces risques sont extrèmement difficiles à maîtriser.

En fait, de nouvelles études viennent régulièrement ajouter de nouveaux effets secondaires. Ainsi une étude danoise publiée dans le numéro de mai 2002 de la revue américaine Neurology met en évidence pour la première fois un risque accru d'atteintes des nerfs périphériques. Le risque d'atteintes nerveuses, lentement réversible à l'arrêt du traitement, serait multiplié par 4 à 16 chez les utilisateurs de statines. Compte tenu des budgets de recherche faramineux investis par l'industrie pharmaceutique on se demande comment un facteur de risque aussi significatif statistiquement a pu échapper aux industriels. Ne sont-ils vraiment pas apparus chez l'animal ou chez l'homme lors des tests ? Les industriels ont-ils donné des données sincères, n'ont-ils pas masqués des résultats ? Les données fournies par les industriels ont-elles l'objet d'un véritable contrôle par les agences de santé ? Nous verrons dans la suite que les éléments de réponses que l'on peut apporter à ces diverses questions sont tous particulièrement inquiétants.

Statines et mélavonates

Le lecteur interpellé par les données qui contestent le lien entre cholestérol et risque coronarien va sans doute se demander quels sont malgré tout les effets des statines et leur mode d'action. Selon Uffe Ravnskov, leur efficacité n'est pas liée à l'importante baisse du cholestérol qu'elles induisent. En effet, leur efficacité ne correspond pas à ce que nous savons du cholestérol:

"Premièrement, les statines sont également efficace sur les femmes. C'est très étonnant parce que la plupart des études ont montré qu'un cholestérol élevé n'est pas un facteur de risque chez les femmes.
Deuxièmement, les individus âgés sont protégés tout aussi bien que les jeunes, malgré le fait que la plupart des études ont montré qu'un cholestérol élevé est un faible facteur de risque, ou pas un facteur de risque du tout, pour les hommes de plus de cinquante ans.
Troisièmement, le nombre d'attaques a également été réduit par les statines, alors qu'aucune étude n'a montré qu'un cholestérol élevé est un facteur de risque pour les attaques.
Quatrièmement, les patients ayant déjà eu un accident coronarien ont été protégés, alors que la plupart des études ont montré qu'un taux élevé de cholestérol est un risque faible ou nul pour ceux qui ont déjà eu un accident coronarien (...).
Et pour finir les statines protégeaient contre les accidents coronarien que le cholestérol soit élevé ou bas, quoique la plupart des études ont montré qu'un cholestérol normal ou bas n'est pas un facteur de risque coronarien. (11)"

Au vu de ces éléments étonnants le lecteur perspicace se demande peut-être pourquoi l'industrie pharmaceutique et les lobbies médicaux tiennent tant à lier si étroitement cholestérol élevé et statines au lieu de lier les statines aux pathologies traitées par elles indépendamment du taux de cholestérol. Nous reviendrons dans la suite sur cette très importante question qui s'explique par les stratégies commerciales développées par les laboratoires pharmaceutiques et que nous pouvons résumer en une phrase : le marché du cholestérol élevé est gigantesque comparé à celui beaucoup plus réduit de la maladie coronarienne proprement dite.

Pour Uffe Ravnskov, l'hypothèse la plus vraisemblable est que "les statines inhibent la production par l'organisme d'une substance appelée mélavonate qui est un précurseur du cholestérol Cf. illustration]. Quand la production de mélavonate diminue, moins de cholestérol est fabriqué par les cellules et ainsi le cholestérol sanguin diminue également. Mais le mévalonate est aussi le précurseur d'autres substances, lesquelles ont d'importantes fonctions biologiques. Les voies métaboliques n'en sont pas connues dans tous les détails, mais moins de mévalonate pourrait expliquer pourquoi la simvastatine rend les cellules des muscles lisses moins actives et les plaquettes sanguines moins disposées à produire du thromboxane. L'une des premières étapes de l'arteriosclerosis c'est la croissance et la migration de cellules des muscles lisses vers l'intérieur des parois artérielles et le thromboxane est une substance qui favorise l'obstruction sanguine. Ainsi, en inhibant les cellules musculaires lisses et les plaquettes, la simvastatine pourrait être bénéfique pour les maladies cardiaques par au moins deux mécanismes et ces deux mécanismes sont indépendants du niveau de cholestérol (11)"

Uffe Ravnskov donne ensuite le résultat de plusieurs expériences montrant que les effets qu'il vient d'évoquer sont bien indépendant du niveau de cholestérol.

L'efficacité des statines, les essais thérapeutiques et les AMM

Il est très important de savoir que dans cette indication de protection coronarienne, seules deux statines ont prouvé leur efficacité à savoir la simvastatine et à la pravastatine, selon la revue Prescrire (n° 190, 1998) (12) et que seule la pravastatine a pu prouver une quelconque efficacité en prévention primaire (population asympomatique à cholestérol élevée). Le lecteur avait du déjà se pincer quand je lui ai indiqué que la lovastatine a pu obtenir son autorisation de mise sur le marché alors qu'une des études de seulement un an montrait qu'elle augmentait la mortalité générale de la population traitée (cette statine n'est pas vendue en France). D'une façon relativement similaire, la cérivastatine de Bayer aurait seulement prouvé son aptitude à faire baisser le cholestérol. Mais le dogme "cholestérol élevé = maladie coronarienne" est tellement ancré dans les esprits par la propagande médicale qu'il suffit à faire autoriser de tels produits à partir du moment où ils font partie de la classe des statines. Souvent aussi, les laboratoires réalisent des études soigneusement ciblées pour mettre en évidence l'effet positif du produit et gommer les effets négatifs qu'ils ont préalablement repérés. Ainsi une étude de Merck récente sur la lovastatine relaté sur Atmedica où l'on pouvait lire "Que dire du risque ? Le problème de la sécurité d'emploi du traitement hypocholestérolémiant, en particulier en ce qui concerne la mortalité non cardiovasculaire et le risque de cancer du sein, a déjà été évoqué par certains travaux précédents. La puissance de cette étude était insuffisante pour apporter des réponses précises." Mais l'important, c'est que le lecteur retienne le titre de l'article "La lovastatine prévient les événements coronariens chez les sujets en bonne santé ayant un cholestérol-HDL bas". On utilise ainsi sélectivement quelques études positives que l'on surestime et on oublie les "mauvaises études".

Il convient également de revenir sur un phénomène que nous avons déjà évoqué, et qui concerne les populations sélectionnées par les laboratoires pour les essais, qui se situent systématiquement dans des pays où des sous-populations où le risque coronarien lié au cholestérol est très élevé, contrairement à la France où il est très faible.

Le cas de l'étude WOSCOPS est tout à fait symptomatique à cet égard. Ce gros essai est celui qui sert de référence pour justifier l'utilisation de la pravastatine en prévention en cas de cholestérol élevé. Selon ARCOL "Les résultats remarquables de l'étude WOSCOPS ont posé le problème de la transposition de ces résultats à des populations différentes. La population de l'étude présentait un risque cardio-vasculaire absolu assez élevé (tableau II) du fait notamment de l'origine géographique (Écosse), de la proportion de fumeurs (44%) et de patients avec des antécédents vasculaires (16%). Le nombre de sujets à traiter (NST) pour éviter un événement coronarien majeur est donc apparu très raisonnable.
A partir des données épidémiologiques, on peut estimer qu'en France où l'incidence des maladies coronariennes est sensiblement moindre qu'en Écosse, le NST serait multiplié par 2 à 3."

Il faut savoir que la population masculine de l'essai était de 45-64 ans, âge où la relation entre cholestérol et maladie cardiovasculaire est très forte. La Grande-Bretagne est caractérisée par une forte corrélation entre le taux de cholestérol et les accidents cardio-vasculaire. Cependant c'est L'Ecosse qui tient la palme mondiale avec la Finlande de la plus forte corrélation avec une corrélation largement supérieure à celle de la Grande-Bretagne. Les taux d'infarctus chez les 35 - 64 ans y sont cinq fois supérieurs à ceux de la France d'après l'étude Monica. A cela s'ajoute que la population traitée de l'étude WOSCOPS comporte plus de fumeurs qu'une population masculine française du même âge et qu'il y a une proportion importante d'antécédents vasculaires, ce deuxième élément faussant d'ailleurs l'étude qui n'est plus une véritable étude de prévention (alors qu'elle est toujours présentée comme telle). Dans ces conditions dire comme ARCOL qu'il faudrait multiplier le NST (c'est-à-dire le nombre de personnes à traiter pour éviter un nombre équivalent d'accident coronariens), par 2 ou 3 ne tient pas debout. Il faudrait multiplier par 5 au minimum conformément à l'étude Monica et encore bien sûr seulement s'il s'agit d'une population du même âge, de même sexe, comportant le même nombre de fumeurs et d'antécédent d'accidents vasculaires... Si par contre on passe à la population française en général à cholestérol élevé visée par les traitements anti-cholestérol, qui comporte notamment des femmes et beaucoup de non fumeurs, qui a des âges moins à rique, etc. et ayant essentiellement un cholestérol élevé, le NST est probablement à multiplier par 15 ou par 20 pour la France, si ce n'est d'avantage!!!

Et rappelons les résultats de l'étude WOSCOP résumés par Uffe Ravnskov "61 moururent dans le groupe placebo, 41 dans le groupe traité, une réduction de risque de 0.6%. Pour sauver ces 20 vies il a fallu traiter 3302 personnes en bonne santé pendant 5 ans, ou 165 personnes par vie sauvée.
Pour le dire autrement, le risque de mourir d'une attaque cardiaque au cours des cinq années si vous êtes un homme d'environ 55 ans et si votre cholestérol est d'environ 272 mg par dl est de 1.8%. Avec le traitement par la pravastatine, le risque est réduit à 1.2% (...)
La raison pour laquelle le résultat des essais devrait être donné en valeur absolue et pas en valeur relative, est que les effets secondaires sont donnée en valeur absolue. Supposons qu'un effet secondaire mortel se produise chez 0.5 % des patients. Vous risquez de ne pas lui accorder d'importance si vous comparez ce chiffre à une réduction du risque relatif de 28%. Mais comme la réduction du risque absolu était de 0.6% l'efficacité du traitement à pratiquement disparu.
Pour être honnête, il faudrait aussi préciser que le nombre d'attaques cardiaques non mortelles a été également réduit. Dans l'essai WOSCOP par exemple, 248 individus du groupe de contrôle ont eu une accident coronarien mortel ou non mortel contre 174 dans le groupe traité par la pravastatine."

Ainsi, si l'on ajoute les accidents coronariens mortels et non mortels, on a une réduction du risque absolu de 2,2%, ce qui reste très faible pour un traitement médical coûteux présentant des effets secondaires nombreux et souvent sévères. Réfléchir à partir du NST est très éclairant et conduit très vite à se poser la question évidente: Peut-on accepter (sans même évoquer le coup prohibitif du traitement pour la collectivité) de prendre le risque de traiter, quasiment à vie, une population asymptomatique aussi importante, pour un aussi faible résultat, avec un médicament dont l'inocuité n'est pas totale?

Ceci d'autant plus que, comme nous venons de le voir, le lien cholestérol - risque vasculaire est probablement à diviser par 15 ou par 20 pour la France, pour la population qui y est effectivement traitée, par rapport à l'essai WOSCOPS. Rappelons que cela signifie qu'il faut multiplier par 10 ou 20 la population traitée pour éviter un nombre comparable de décès ou d'accidents coronariens. Avec un facteur de seulement 10, la réduction de risque serait inférieure à 0,22%, soit non détectable statistiquement. Évidemment plus le bénéfice se rapproche de zéro, plus les effets secondaires négatifs qui sont nombreux deviennent comparativement importants. Autrement dit on peut faire l'hypothèse qu'il y a une très forte probabilité qu'avec la population cible traitée par les statines en France (avec moins de fumeurs qu'ailleurs, beaucoup de femmes, des habitudes alimentaires protectrices...), et avec le mode de prescription actuel (prescription massive en dehors des taux de cholestérol recommandés), et sans nier qu'individuellement ces produits peuvent sauver des vies chez les malades coronariens, si l'on se réfère à l'ensemble de la population effectivement traitée en France, que les statines qui coutent (selon Martine Perez dans Le Figaro du 14/05/02) 530 millions d'euros (3,5 milliards de francs), soit plus de 3 % du budget affecté en France aux dépenses médicamenteuses, et qui sont prises par trois millions de personnes, dégradent du fait de leurs effets secondaires, l'état de santé et provoquent des décès plus nombreux que les états qu'elles améliorent ou les vies qu'elles sauvent ! On comprend pourquoi les Drs. Newman et Hulley recommandent que les statines ne soient utilisées que par des personnes à risque coronarien élevé (c.a.d. une occlusion coronarienne sévère diagnostiquée ou en prévention secondaire de récidive d'accident coronarien), et qu'un tel traitement devrait être évité par les individus ayant une espérance de vie supérieure à 10 ou 20 ans.

Semblant confirmer notre analyse, les résultats d'une grosse étude récente publiée dans JAMA (2002;288:2998-3007) sur la pravastatine (une des deux statines de référence) effectuée sur la population américaine a été incapable de démontrer la moindre amélioration thérapeutique comparé au traitement usuel (qui n'est malheureusement pas décrit dans le résumé que j'ai pu consulter). Les auteurs en concluent prudemment que la population sélectionnée n'avait pas un cholestérol assez élevé pour permettre la mise en évidence de l'effet thérapeutique !

Ces différents éléments d'information sont à rapprocher de la bonne parole dispensée aux médecins par l'AFSSAPS dans son "argumentaire de référence sur la prise en charge du patient dyslipidémique" (p. 18), censé fournir un avis autorisé et d'une haute tenue scientifique:

"- Certaines statines ont permis d'obtenir une réduction importante :
• de la morbi-mortalité coronaire lors d'essais cliniques contrôlés menés en prévention secondaire (étude 4S avec la simvastatine, études CARE et LIPID avec la pravastatine),
• de la mortalité totale en prévention secondaire (études 4S et LIPID),
• de la morbi-mortalité coronaire et de la mortalité totale en prévention primaire (étude WOSCOPS avec la pravastatine). Il faut du reste souligner que l’autorisation de mise sur le marché de la pravastatine en prévention primaire repose sur l’extrapolation des résultats de l’étude WOSCOPS, mis en évidence dans une population à haut risque cardiovasculaire, à une population-cible française de niveau de risque qui pourrait être équivalent, chez l’homme mais aussi chez la femme.
- Les statines commercialisées à ce jour, en France, sont la simvastatine, la pravastatine, la fluvastatine, l'atorvastatine."

Il faut vraiment lire l'AFSSAPS entre les lignes pour comprendre que plusieurs statines autorisées par l'AFSSAPS (la fluvastatine et l'atorvastatine et bien sûr la cérivastatine de Bayer) n'ont pas démontré d'efficacité thérapeutique ni dans des essais cliniques contrôlés en prévention primaire (avant accident vasculaire sur la base d'un cholestérol élevé) ni même secondaire (après accident vasculaire). Pourquoi donc ont-elles été autorisées? Les vrais amateurs apprécieront aussi le chef d'oeuvre de phrase (mes soulignés) : "Il faut du reste souligner que l’autorisation de mise sur le marché de la pravastatine en prévention primaire repose sur l’extrapolation des résultats de l’étude WOSCOPS, mis en évidence dans une population à haut risque cardiovasculaire, à une population-cible française de niveau de risque qui pourrait être équivalent, chez l’homme mais aussi chez la femme." Ainsi l'agence a effectué une "extrapolation" dont tous les spécialistes savent quelle est dénuée de tout fondement scientifique en ce qui concerne la population française, comme nous l'avons abondamment développé (extrapoler selon le Larousse, c'est tirer une conclusion de données partielles ou incomplètes...). On reste de plus complètement interloqué puisque l'AFSSAPS sous-entend que seule la pravastatine a été autorisée en prévention primaire, sur la base de l'essai WOSCOPS, alors que tout le monde sait que toutes les statines sont utilisées en prévention primaire et qu'elles sont d'ailleurs classées dans les médicaments anticholestérol par l'AFSSAPS. Or un médicament ne devrait être classé comme anticholestérol que s'il est efficace en prévention primaire. En effet faire baisser le cholestérol per se n'a évidemment aucun sens si aucun bénéfice en terme de santé n'est associé à cette baisse !!! Or c'est bien le cas pour toutes les statines sauf la pravastatine. Autoriser un médicament anticholestérol dans un autre contexte, comme l'a fait l'AFSSAPS pour plusieurs produits est une véritable hérésie médicale et scientifique ! Mais sans doute l'AFSSAPS après avoir extrapolé les résultats de l'étude WOSCOPS à la situation française et extrapolée de la population masculine à la population féminine a-t-elle extrapolé les résultats de la pravastatine à toutes les statines. Et en effet, dans tous les documents récents où elle évalue les statines, par exemple en étudiant le bénéfice / risque par rapport aux cas de rhabdomyolyses (et en oubliant tous les autres effets secondaires des statines!) l'AFSSAPS effectue le même incroyable tour de passe-passe "oubliant" d'une part qu'une seule statine est efficace en prévention primaire (mais nous avons vu ce qu'il fallait en penser) et d'autre part que les résultats de l'essai WOSCOPS ne sont absolument pas transposables à la population française traitée et à la population féminine en particulier...

Concernant la population féminine justement, et pour la simvastatine, Kenneth S. Bannerman, après avoir analysé les résultats de l'étude 4S citée par l'AFSSAPS pour justifier l'utilisation de cette statine en prévention secondaire indique que "dans l'étude Scandinavian Simvastatin Survival Study (4S), un impressionnant 35% de réduction du risque relatif d'évènement coronarien (morts coronariennes, infarctus du myocarde non mortel, et arrêt cardiaques réversibles) a été mis en évidence dans la cohorte des femmes ayant pris la simvastatine [Lancet. 1994;344:1383-9]. Toutefois , la mortalité générale a en réalité augmentée dans ce groupe. Quoique l'augmentation de la mortalité totale n'ait pas été statistiquement significative, la tendance allait certainement dans la mauvaise direction (in Annals of Internal Medecine)". Autrement dit, le bénéfice de la prise de simvastatine est nul ou même négatif sur le sous groupe féminin en terme de mortalité générale ! On reste abasourdi devant ce type d'information, soigneusement occultées au commun des mortels, et qui nécessitent de passer les revues spécialisées au peigne fin pour être accessibles.

Bref, on comprend que les médecins français puissent avoir de la difficulté à prescrire les statines à bon escient (voir plus bas notre description de l'effarente malprescription de ces produits), entre la pression forcenée des visiteurs médicaux et la langue de bois de l'AFSSAPS, grande spécialiste d'une toute nouvelle discipline scientifique typiquement française, l'extrapolation, qui, si j'ai bien compris, permet, au terme d'un savant calcul de probabilité, d'accorder de façon totalement aléatoire les AMM des médicaments.

La Cour des Comptes dans son rapport 2001 sur la Sécurité Sociale, dont je conseille la lecture, confirme certaines de nos interrogations. Elle s'interroge ainsi sur la pertinence et la lisibilité des règles de prescription des statines par l'AFSSAPS que nous venons de commenter et s'étonne aussi que les AMM des statines ne mentionnenent même plus le taux de cholestérol qui doit justifier la prescription, depuis 1992 ! Elle constate que les statines ont bénéficié par rapport aux autres pays européens de prix de mise sur le marché très élevés, peu différents de la demande des entreprises, et supérieurs aux prix pratiqués dans plusieurs autres pays européens. Elle remarque surtout que les statines mises sur le marché le plus tardivement et dont nous avons montré qu'elles n'avaient pas démontré d'efficacité thérapeutique sur la maladie coronarienne avaient eu des prix d'entrée sur le marché similaire aux meilleures statines (celles qui avaient prouvé une efficacité en prévention primaire et/ ou secondaire), ce qui est proprement scandaleux (la Cour des Comptes signale l'anomalie mais s'en étonne à peine). Par ailleurs la Cour des Comptes écrit que "Pour les statines (...) l’objectif d’abaisser le taux de cholestérol n’est qu’un objectif intermédiaire par rapport à celui de réduire la mortalité/morbidité due aux accidents coronariens. Or, seules deux statines sur cinq sont indiquées en prévention des accidents coronariens (une seule en prévention primaire). Les autres, dont la plus vendue, n’ont comme indication que la réduction du taux de cholestérol (mon souligné)" Sans que la Cour des Comptes semble s'en rendre compte, cette déclaration est tout à fait surréaliste. En effet, dire que deux statines sur cinq sont indiquées en prévention des accidents coronariens signifie que trois d'entre elles n'auraient jamais du obtenir leur AMM (puisqu'elles n'ont même pas pu prouver qu'elles pouvaient diminuer les récidives d'accidents coronariens!). Et dire qu'une seule statine est indiquée en prévention primaire est synonyme de dire qu'une seule statine a pu prouver qu'elle diminuait le risque coronarien en faisant baisser le cholestérol chez les personnes en bonne santé n'ayant pas eu d'accident coronarien, et donc qu'elle pouvait seule être raisonnablement utilisée chez ces patients (mais nous avons aussi montré que ce n'était pas transposable à la population française masculine et encore moins féminine) (22b). En d'autres termes, cela veut dire que c'est la seule statine qu'on pourrait à la rigueur prendre le risque d'utiliser en dehors de la maladie coronarienne pour faire baisser un cholestérol élevé. Utiliser les autres statines pour faire baisser le cholestérol est donc une aberration médicale et fait courir au patient un risque parfaitement inconsidéré.

Evidemment la Cours des Comptes en dit trop et pas assez à la fois et les rédacteurs n'ont probablement pas été autorisés à écrire ce qu'ils pensaient réellement. Car tout de même on a du mal à penser que les rédacteurs ne se soient pas scandalisés de ce que, par un incroyable tour de passe-passe, l'agence du médicament ait autorisé l'utilisation de toutes les statines pour faire baisser le cholestérol, sans que cela ait le moindre intérêt thérapeutique prouvé, pour un coup exorbitant pour la collectivité et en mettant gravement en danger les personnes qui reçoivent ces médicaments de façon tout à fait inadaptée ! Comment en est-on arrivé là et comment l'AFSSAPS a-t-elle pu prendre de telles décisions ? Je ne suis malheureusement pas en mesure d'y répondre... Il est vrai que quand un industriel qui dirige une multinationale, dont le chiffre d'affaire dépasse allègrement le PNB de certains pays du tiers monde, vous remet son dossier en disant, qu'il a dépensé x milliards pour mettre ce médicament au point, qu'il est déjà autorisé dans tel et tel pays, que vous savez que les principaux mandarins francais ont reçus des ponts d'or pour le tester, et qu'il vous demande combien il va pouvoir le vendre en France, il faut du courage, du culot et une exceptionnelle intégrité pour dire que le roi est nu est que ledit médicament ne vaut pas un clou !

Le problème des régimes

Une question qui vient assez naturellement à l'esprit est de situer au moins sommairement la puissance thérapeutique des statines par rapport au suivi de règles hygiéno-diététiques. Celles-ci paraissent souvent difficiles à suivre pour un résultat incertain. Peut-on situer leur efficacité par rapport aux statines?

Prenons pour exemple un régime extrêmement "basique", qui n'a rien d'une révolution des habitudes alimentaires, et qui a consisté, lors d'une étude, l'essai DART, à recommander aux patients qui avaient déjà eu un infarctus deux repas de poisson gras par semaine (c.a.d. maquereau, sardine, saumon,..). L'essai a montré une réduction de 29 % de la mortalité totale sur 2 ans!!!

Ainsi, avec cette modification très limitée des habitudes alimentaires, on atteint déjà une puissance thérapeutique comparable à celle des statines, pour un coup financier nul et sans aucun effet secondaire. Or, on peut encore spectaculairement augmenter ces scores en prenant des fruits et des légumes à chaque repas, en cuisinant à l'huile d'olive et à l'huile de colza et en réorientant la consommation alcoolique vers la prise modérée de vin rouge pendant les repas...

Selon Arcol, ce "régime de type méditerranéen avec huile d'olive et de colza en prévention secondaire (...) a rapidement apporté des résultats spectaculaires, supérieurs à ceux des thérapeutiques : une diminution de 73 % des récidives coronariennes et des décès cardiaques, une baisse de 66 % de tous les évènements cardiaques et une diminution de la mortalité globale de 70%."

Par rapidement, il faut entendre, dès la fin de la première année pour ce régime inspiré du régime Crétois et défendu par deux chercheurs lyonnais de l'INSERM, Michel de Lorgeril et Serge Renaud (13), et par supérieur il faut comprendre deux à trois fois plus efficace que les meilleures statines et beaucoup plus rapidement ! Ce régime apporte des "bonnes graisses" (en particulier un bon équilibre entre Oméga-3 et 6) et un large éventail d'anti-oxydants. Il faut entendre régime au sens d'ensemble d'habitudes culinaires et non de restrictions nutritionnelles frustrantes. A noter que contrairement à beaucoup d'idées reçues ce régime n'est pas particulièrement pauvre en graisse. Il suppose toutefois que le nombre de calories absorbées ne soient pas excessif. Outre son efficacité dans le domaine cardio-vasculaire il est très efficace contre les autres maladies, en particulier le cancer. C'est ce qui explique que l'effet sur la mortalité soit similaire au nombre d'accident vasculaire (alors que les statines sont beaucoup moins efficace en terme de mortalité). Autre facteur, très important mais rarement souligné, ce régime modifie peu le taux de cholestérol montrant à nouveau que celui-ci est faiblement corrélé au risque cardio-vasculaire.

Bien que l'étude du Dr Serge Renaud ait été menée de 1988 à 1992 elle ne constitue pourtant pas, à ma connaissance, le régime de base pour tous les essais menés sur les statines ou pour tous les médicaments testés concernant les maladies coronariennes effectués depuis cette date. Il est vrai qu'il s'agit d'une étude de prévention secondaire (post infarctus) et non primaire. L'AFSSAPS dans son "argumentaire de référence sur la prise en charge du patient dyslipidémique" (p. 36) ne daigne consacrer que quatre lignes a ces recherches pourtant fondamentales :

"Certaines huiles végétales (colza) sont riches en acide gras oméga 3 (acide alphalinolénique). Une étude de prévention secondaire française a montré une diminution des récidives des événements coronariens chez des patients consommant une margarine enrichie en acide alphalinolénique et suivant un régime dit méditerranéen."

Evidemment aucune donnée chiffrée à l'appui ce qui aurait mis en évidence la supériorité du traitement par rapport aux statines. Il ne faut sans doute pas décourager les médecins préscripteurs de statines ! Par contre l'AFSSAPSse croit obligée de préciser "A l'heure actuelle, il n'existe aucune étude contrôlée qui ait prouvé l’efficacité de leur usage en prévention primaire."

Pourtant le régime de Renaud et Lorgeril est une transposition du régime crétois évidemment transposé à cause de ses exceptionnels effets préventifs ! De plus l'étude de l'AFSSAPS date de 2000 date où étaient connus les résultats d'une étude particulièrement bien conçue de 1996 (13b) montrant l'effet particulièrement protecteur pour les accidents cardiovasculaires de l'apport en acide alphalinolénique sur d'importantes cohortes de population dont le régime fait l'objet d'une analyse approfondie. Ces résultats ont été régulièrement confirmés depuis par des études similaires. On voit combien l'attitude de l'AFSSAPS est à nouveau partiale.

Il faut toutefois se réjouir qu'un tel essai ait pu être mené par un médecin ouvert aux problèmes nutritionnels. Mais que de temps et d'argent dilapidés en recherches de produits coûteux, peu efficaces et dangereux alors que l'on sait depuis des dizaines d'années que le régime de type crétois est un facteur de protection cardio-vasculaire majeur. Pourtant aucun essai mené sur des bases scientifiques en double aveugle n'avait été mené, alors qu'un tel essai est pourtant simple et d'un coût relativement modeste. Cela n'est malheureusement qu'un exemple parmi tant d'autres du mode de fonctionnement d'une médecine complètement dévoyée.

Mais sachant qu'un régime d'accompagnement est imposé lors des essais thérapeutiques de produits anti-cholestérol, la question est de savoir de quel régime il s'agit ? La réponse est simplissime, on ne conseille pas le régime méditerranéen aux patients mais un régime "bidon" qui ne risque pas de troubler l'étude.

Il s'agit d'un régime pauvre en graisse et surtout en cholestérol alimentaire. Or toutes les études ont montré qu'un tel régime n'avait qu'un effet très faible sur le cholestérol et aucun effet favorable sur l'état de santé. En effet, le corps fabrique trois ou quatre fois plus de cholestérol que l'apport alimentaire. La production de cholestérol augmente quand on mange peu de cholestérol et diminue quand on en mange beaucoup. C'est ce qui explique pourquoi le régime ne peut pas faire baisser le cholestérol de plus de quelques pour-cent en moyenne.

Il est bien évident que les laboratoires ne souhaitent pas que les personnes participant aux essais puissent suivre des régimes dont les effets seraient largement supérieurs aux molécules qu'ils testent. On notera d'ailleurs que les essais ne sont jamais menées sur des populations dont les traditions culinaires sont proches d'un tel régime. Sachant que le régime diminue les récidives de 73% en prévention secondaire, son efficacité en prévention primaire rendrait l'effet des statines indétectables. Il est même possible que le médicament ne soit pas synergique au régime crétois et augmente la mortalité via ses effets secondaires. Mais il est quand même incroyable de voir ainsi bafoué les règles de la déontologie médicale et que les patients qui testent les médicaments ne bénéficie pas des meilleurs traitements disponibles.

Il faut dire aussi que, d'un point de vue plus général, faire suivre un régime, ce n'est plus, pour une large partie du corps médical universitaire faire de la médecine. La déshumanisation du rapport médecin-malade est intégré très profondément par ces professionnels hyper spécialisés. Gérer un régime, l'adapter à la psychologie du malade, à sa culture et à son mode de vie, est inimaginable : c'est du travail d'infirmière ou d'aide soignante, comme changer un malade incontinent ! Le généraliste serait beaucoup plus apte à initier ces changements de pratiques alimentaires, mais tout s'y oppose. Il n'est pas formé pour cela (disons même qu'il est désinformé pour faire le contraire), il n'est pas payé pour mener ce genre de consultation plus longue que la normale, il ne bénéficie d'aucun soutien des pouvoirs publics pour le légitimer dans ce rôle. C'est pourquoi le régime n'est, dans la très grande majorité des cas même pas proposé par le médecin selon les résultats de deux études régionales (d'après Libération du 5/06/02).

Il faut tout de même savoir pour situer les enjeux financiers qu'une prescription, à une posologie moyenne (14), de statines atteint les 380€ /an (examens biologiques de surveillance et visites médicales non compris) et que ce traitement à vocation à être reconduit d'année en année. La cérivastatine de Bayer, qui n'a pas d'efficacité démontrée à part faire baisser le cholestérol à été prescrite à 500 000 français et les statines sont prescrites à trois millions de personne en France...

Cela donne une idée des sommes colossales dilapidées depuis plusieurs années et ce que l'on aurait pu faire au niveau de l'éducation à la nutrition et à la santé en général avec de tels budgets annuels par patients traités pour cholestérol élevé! Par exemple cela correspondrait à 8 séances annuelles de consultations de suivi diététique à 45€, soit largement de quoi mettre en place un programme de modifications des habitudes alimentaires ou de traiter un autre problème de santé comme le tabagisme, et en assurer le suivi et l'intégration dans la vie du patient. Mais s'occuper de la personne, l'écouter, l'accompagner dans sa démarche d'évolution, ce serait jeter l'argent par les fenêtres. Déshumaniser le rapport médecin-malade, prescrire des statines en 5 ou 10 minutes de consultation, avec les conseils diététiques d'accompagnement dont on imagine la pertinence, ça c'est scientifique, ça c'est du solide et du rationnel !!!

Évidemment on ne peut pas basculer comme cela le budget des statines sur une prise en charge diététique. Il s'agit là de changements de société profonds et qui ne s'improvisent pas. Ils auraient d'ailleurs dû commencé à être mis en oeuvre depuis de nombreuses années et être accompagnés de tout un ensemble de mesures d'information du public et de mesures concrètes pour réorienter la consommation alimentaire par des mesures d'incitation à consommer des fruits et légumes ou les "bonnes huiles" et d'autres mesures inverses sur les produits "nuisibles" (sodas, aliments trop salés ou trop sucrés, mauvaises graisses cuites, corps gras hydrogénés, etc.).

Ce type de mesures nécessite aussi de prendre en compte la demande, la motivation du patient. Seule une partie des patients va, par exemple, être intéressée par une remise en ordre de ses habitudes alimentaires. Or les sociétés bureaucratiques et déshumanisées comme la notre ont horreur de gérer les situations ou une offre doit rencontrer une demande et obtenir une adhésion. Elles préfèrent appliquer sous la contrainte des traitements standardisés à visé aussi universelle que possible dont la vaccination est le prototype idéal. Comme le fait remarquer très justement Edouard Zarafian l'idéologie sociale est profondément imprégnée de toute une série de lieux communs qui se présentent à tort comme des évidences: "Les représentations sociales véhiculées chez les médecins comme chez les consommateurs jouent aussi un rôle non négligeable. Quelques notions simples, régulièrement répétées, prévalent: le médicament, substance noble qui sauve et garantie la santé des Français, explique l'augmentation de la durée de vie, permet de maintenir la productivité du citoyen, et coûte moins cher que n'importe quelle intervention humaine nécessitant du temps (...) (15)".

C'est pourtant le propre de la démocratie que de vivre et de se nourrir de situations sociales où l'adhésion s'obtient par la négociation et une réflexion menée en commun, dans une démarche qui vise à une responsabilisation de tous les acteurs. Mais, précisément, on peut se demander si la bureaucratie sanitaire dans laquelle nous vivons est compatible avec la démocratie. Un des objectifs de ce site est de montrer, à partir de nombreux exemples, à quel point le système médical de masse tel qu'il existe actuellement suppose la dénaturation des mécanismes les plus essentiels de la démocratie et par ailleurs se traduit, en particulier pour tout ce qui concerne la prévention, par une terrible inefficacité.

La vitamine B3 (niacine et Inositol Hexaniacinate)

Le seul traitement médicamenteux qui se rapproche de l'efficacité du régime crétois (en prévention secondaire) est celui qui associe la simvastatine avec une des deux formes de la vitamine B3. Utilisée avec la simvastatine, une statine, la niacine (vitamine B3) triple l'efficacité du traitement du malade coronarien. Les résultats d'une étude de B. Greg Brown et coll., publiée en 2001 dans le « New England Journal of Medicine » montre qu'au bout de trois ans de traitement, les résultats sont bien meilleurs qu'avec la statine seule, par la régression (et non le ralentissement) des sténoses et une réduction de 60 à 90 % d'un premier événement cardio-vasculaire (décès, infarctus, AVC ou revascularisation) au lieu des 24-34 % attendus. Malheureusement, la niacine n'est pas disponible en pharmacie française et ce traitement ne bénéficie pas d'une AMM. Le traitement nécessiterait un suivi hépathique, la niacine étant parfois mal supportée à dose élevée par certains patients (les statines peuvent aussi avoir un impact hépathique). Suite à différentes études la niacine a été réintroduite sur le marché français mais seulement en complément des statines (lire les bonnes remarques de Thierry Souccar sur cette question). La niacine provoque aussi des rougissements de la peau fort désagréables bien que sans gravité, même en utilisant les formes à libération prolongée proposés par les fabricants. Ce phénomène est à l'origine de la plupart des abandons de traitement, relativement nombreux. Il existe pourtant une forme retard l'Inositol Hexaniacinate (IH) où les molécules de niacine sont liées à un noyau ester d'inositol qui libère la niacine très lentement dans l'organisme en supprimant les rougissements. Ce produit est de plus beaucoup moins toxique pour le foie aux dosages thérapeutiques utiles. Manque de chance il n'est pas brevetable car les études sur l'utilisation de ce produit dans le contrôle des lipides sanguins remontent au début des années 60 (alors que les ingrédients des formes retards peu performantes des fabricants sont brevetables) ce qui fait que ce produit remarquable, disponible en supplément alimentaire, ne fait pas l'objet d'une demande de médicament en l'absence de demande d'un fabricant (et puisque les pouvoirs publics de la quasi totalité des pays développés ont totalement privatisé la mise sur la marché des médicaments depuis des décennies). Par contre les fabricants font réaliser l'étude "HPS2-THRIVE qui étudie une nouvelle combinaison de tablette contenant une niacine à libération prolongée avec un bloqueur spécifique de la prostaglandine D2 pour prévenir le rougissement associé à la prise de niacine." (source). Tout cela parce que les fabricants ne veulent pas utiliser l'IH ! Où est l'éthique médicale dans tout cela ?

Vers un élargissement des indications des statines ?

Nous avons indiqué précédemment, en exposant les théories de Ravnskov que les statines agissaient, pour une large part, indépendamment des variations du taux de chlestérol, par un mécanisme proche de celui des antiinflammatoires. Ces hypothèses se sont trouvés confirmées par une grosse étude récente publié le 6/07/02 par The Lancet (360: 23-33), la Heart Protection Study (HPS) utilisant la simvastatine de MerckSharp and Dohme (MSD).

La population traitée comportait beaucoup de diabétiques (mais pas uniquement) à haut risque d'accident vasculaire. Difficile de dire au travers des comptes rendus que j'ai pu lire jusqu'à présent s'il s'agit d'une étude de prévention secondaire stricto sensu ou plus probablement d'une étude intermédiaire entre prévention primaire et secondaire. Toutes causes confondues, la mortalité s’est trouvée diminuée de 13%, et la mortalité cardiovasculaire de 17%. Selon une déblorable habitude les données brutes ne sont pas fournies et le nombre de décès évités n'est pas ramené au nombre de sujets traités, le NST. Selon les communiqués de presse le traitement était très bien supporté et très sûr. Ce n'est pas mon avis, et si j'interprète bien les chiffres, la différence de 4% (17 - 13) entre mortalité cardiovasculaire et mortalité totale donne l'idée de l'effet iatrogène du traitement, loin d'être négligeable. En effet, le fait que la mortalité totale ne suive pas la baisse de la mortalité cardiovasculaire indique que le traitement augmente sensiblement les décès pour d'autres causes par rapport au groupe placebo. A titre de comparaison lors de l'étude WOSCOPS avec la pravastatine, précédemment discutée, la réduction de la mortalité était bien supérieure, de 28% en valeur relative mais de 0,6% seulement de la population traitée en valeur absolue. Les valeurs absolue n'ayant pas été données dans les communiqués de presse de HPS, c'est peut-être parce qu'elles sont très faibles.

Ce genre d'étude pose des problèmes très complexes d'interprétation, les diabétiques en particulier âgés souffrant le plus souvent de pathologies diverses et souvent combinées. Il faudrait donc étudier en détail la façon dont ils étaient soignés, leur style de vie (tabagisme), les habitudes nutritionnelles, etc. La mortalité induite par le traitement étant élevée, elle frappe probablement préférentiellement des sous-segments de la population traité qu'il paraîtrait essentiel d'identifier.

Il faut savoir que les habitudes nutritionnelles, l'obésité, le tabagisme et la pratique sportive ont un impact majeur sur l'espérance de vie des diabétiques. A mon avis sans commune mesure avec ce que l'on peut espérer de la prise d'une statine au vu des résultats sus décrits.

Bref une étude aux résultats montés en épingle et qui risque de détourner d'autres modes de prise en charge non médicamenteux autrement performant du diabète. Au demeurant cette étude partiellement sur fonds publics (anglais) me paraît particulièrement mal conçue en terme d'objectifs de santé publique. Il aurait mieux valu tester l'effet des statines indépendamment du taux de cholestérol sur une population homogène de patients diabétiques ayant des signes majeurs d'arthériosclérose diagnostiqués. Mais évidemment c'est l'objectif du fabriquant, imposer une extension de sa statine en prévention primaire pour l'indication de diabète, qui l'a emporté sur toute autre considération. Comme d'habitude les fabriquants veulent le beurre et l'argent du beurre, c'est_à-dire généraliser encore plus l'usage des statines en prévention primaire. Ils étaient sur le point d'y parvenir lorsque l'affaire de la cérivastatine a éclaté et reviennent maintenant à la charge. La campagne médiatique qui a accompagné les résultats de l'étude était sans ambiguïté sur ce point.

Mais pour nous le triomphalisme n'est vraiment pas de mise, malgré des médias qui comme Le Monde et Libération qui s'extasiaient sur les résultats !

Plus récemment encore, le Lancet du 14 juin 2003 a publié les résultats d'une nouvelle étude sur la simvastatine. Au terme de cette étude, la simvastatine a réduit par rapport au placebo, chez les diabétiques et les non diabétiques, la fréquence des accidents cardiovasculaires de 20 à 25 %. Comme l'indique le rédacteur de Pharmacorama, "Pour ma part, je m'étonne de n'avoir trouvé dans ces articles aucune allusion à la mortalité toutes causes confondues car il s'agit d'un paramètre essentiel et facile à mesurer." En ce qui me concerne je trouve cela inadmissible de la part d'une revue de ce niveau. Je suppose que les résultats en terme de mortalité sont calamiteux et justifient pleinement notre septicisme quand à l'intérêt des statines pour le diabète. Une fois de plus l'argent des multinationales est dilapidé dans des études phénoménalement coûteuses et sans intérêt en terme de santé publique.

Le seul intérêt de ces études est de confirmer que l'effet des statines est largement indépendant du taux de cholestérol. Il faut toutefois garder à l'esprit que la baisse trop importante du taux de cholestérol est à l'origine des principaux effets secondaires des statines. En ce qui me concerne, rien dans tout cela ne modifie mon opinion que ces produits sont à réserver à la prévention secondaire même si elles suggèrent d'abaisser le seuil de cholestérol à partir duquel on initie le traitement. Mais j'aurais préféré de beaucoup que cela soit démontré par une véritable étude de prévention secondaire.

Nous ne manquerons pas de réécrire cette section dès que nos lectures nous aurons permi d'avoir des comptes rendus plus détaillés des études précitées.

Une incroyable malprescription

Il faut aussi savoir qu'au-delà d'une efficacité très discutable et d'effets secondaires largement minorés, la malprescription de ces produits par les professionnels est incroyablement élevée. Ainsi, selon Martine Perez, dans le Figaro du 27 juin 2002, "l'étude menée en Ile-de-France sur 398 personnes traitées en prévention primaire montre que 33 % d'entre elles n'avaient pas bénéficié d'un dosage de LDL. Un taux qui est de 43 % selon l'étude menée en Corse, de 26 % pour celle de Vesoul et de 38 % à Elbeuf." Par ailleurs, la tentative de régime normalement obligatoire avant traitement éventuel ne serait pas mis en place dans près de 40% des cas. Lorsque les analyses sont réalisées, "selon les mêmes études, un quart à un tiers des traitements sont initiés avec un taux de LDL inférieur au seuil recommandé." De même les analyses du taux de cholestérol postérieures au traitement et destinées à ajuster celui-ci seraient tout aussi déficientes. On imagine ce que peut donner la surveillance des effets secondaires dans un tel contexte...

Personnellement je pense qu'initier un traitement aux statines sur la base de la seule mesure des HDL / LDL n'est pas raisonnable. Il faut étudier les habitudes alimentaires, les autres facteurs de risque (tabagisme hypertension), l'état de santé général, effectuer des examens complémentaires, comme la mesure du taux d'homocystéine, celui de la lipoprotéine Lp(a), des apoprotéines A1 et B, étudier la glycémie et le taux d'insuline, etc. et bien sur s'assurer qu'il y a un début d'occlusion. Mais que dire et que faire lorsque le cholestérol n'est même pas mesuré ou correctement apprécié ? A ce propos, pour ceux qui souhaite approfondir la question, le site du Dr Mercola a publié une des pages les plus complètes et les plus claires que j'ai pu lire, rédigée par le Dr Brian Vonk sur les indicateurs et examens les plus importants et leur interprétation pour déterminer l'état de santé cardiovasculaire d'une personne (en anglais).

A cela s'ajoute évidemment la responsabilité accablante de l'AFSSAPS qui a autorisé la mise sur le marché de toutes les statines, ce qui fait que les médecins, sauf ceux qui lisent avec suffisamment d'attention des revues indépendante de l'industrie comme Prescrire ne prescrivent pas les meilleures statines, mais celle que leur a présenté le visiteur médical le plus convaincant. Ainsi de la statine de Bayer prescrite à 500 000 français et qui a probablement eu avec la France un de ses taux de part de marché le plus important. Je me souviens d'ailleurs avec amusement avoir lu dans une magazine grand public la réaction d'un hospitalo-universitaire qui, à l'occasion du retrait du produit de Bayer, ventait l'intérêt des statines tout en rappelant incidemment qu'il n'avait jamais prescrit la statine de Bayer, histoire de faire comprendre entre les lignes qu'il ne fallait pas l'assimiler avec le médecin de base totalement ignorant des essais cliniques menés sur ces produits...

Ces informations sur la malprescription, qui ont été diffusées de façon relativement confidentielle dans les médias sans en souligner la particulière gravité, vont au-delà de tout ce qu'on pouvait imaginer quand à la malprescription de ces médicaments et sont tout simplement effarantes, traduisant un problème de santé publique gravissime appelant des mesures correctives urgentes. Beaucoup plus de la moitié des médecins ne respectent pas les règles les plus élémentaires de prudence dans la prescription des produits. De plus, il faut savoir que les données récentes ne sont qu'une confirmation de l'ampleur du phénomène déjà bien connu sans qu'aucune mesure corrective n'ait été prise (voir par exemple l'Etude de la consommation des statines en Ile-de-France).

Lors du retrait de la cérivastatine, un des arguments récurrent de l'AFSAAPS pour dire qu'il n'y avait pas de risque en France avec la cérivastatine et les statines en général était que les américains prescrivaient des posologies trop élevées de ces produits et faisaient trop baisser le cholestérol de leur patient. Les études que nous venons de citer démontrent que le niveau de cholestérol n'est en réalité pas correctement ajusté chez une majorité des patients français traités. Cela aggrave tout une série d'effets secondaires potentiels que nous avons évoqués dans notre section sur les effets secondaires.

Dans un tel contexte, la seule mesure de bon sens consisterait, à mon avis, à retirer d'urgence les produits du marché avant de réintroduire progressivement certains d'entre eux sur le marché de façon très encadrée après une vaste campagne d'information du public et des médecins. D'ailleurs ces médicaments ne devraient être prescrits qu'en médecine hospitalière ou par le cardiologue, seuls en mesure d'évaluer avec précision la gravité du risque coronarien avant survenue d'un accident coronarien.

Quant à l'AFSSAPS dans cette affaire et contrairement à son mandat, elle est uniquement préoccupée de se dédouaner par rapport au problème de la rhabdomyolyse, qu'elle présente volontiers et en dépit de l'évidence, comme le seul problème posé par les statines, problème qu'elle considère au demeurant comme extrèmement limité. Que faire et qu'espérer devant une telle incurie d'une agence de santé qui normalement joue un rôle clé pour informer les pouvoirs publics dans le domaine du médicament ?

Le pouvoir des laboratoires pharmaceutiques

Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, le médicament de Bayer, appelé en France le Staltor a aussi été commercialisé sous le nom de Cholstat (ce dernier étant distribué par les laboratoires Fournier). Mais pourquoi ce double circuit de distribution, alors que Bayer est une société européenne bien implantée en France? Cette manoeuvre s'appelle en réalité le "comarketing". Elle était très habituelle dans le passé où, selon le Pr. Apfelbaum (16), elle servait souvent à l'administration, à l'époque où l'industrie pharmaceutique était nationalisée, à faire passer la pilule de prix de vente très élevés de médicaments étrangers, sous prétexte d'en faire bénéficier également les entreprises françaises associées. On imagine les habitudes détestables que peuvent engendrer ce genre de collusion entre industriels et administration. Depuis que les entreprises pharmaceutiques sont privatisées, cette pratique du comarketing peut, à la rigueur, se justifier pour certaines entreprises pharmaceutiques mals implantées commercialement en France, mais elle paraît beaucoup plus discutable et douteuse lorsque ce n'est pas le cas. On peut se demander si, en plus de considérations commerciales (renforcement des structures de distribution), la pratique du comarketing, qui a été utilisé systématiquement pour les différentes statines n'a pas eu pour objet de multiplier les réseaux d'influence permettant de mobiliser tout une série d'experts et de fonctionnaires, tant au sein de l'agence du médicament qui évalue le médicament, que de l'administration qui va en fixer le prix, de façon à ce que les décisions prises sur ces produits soient beaucoup plus favorables à l'industriel que cela n'aurait dû être le cas si ces médicaments avaient été évalués en toute impartialité. Mais il est difficile d'en savoir plus sur le sujet compte tenu de la confidentialité qui entoure ce genre d'affaire auquel très peu de médias s'intéressent, malgré l'énormité des enjeux financiers. En tout cas, le comarketing en doublant les réseaux de distribution ne peut qu'augmenter le risque de surprescription.

Nous allons résumer et adapter ci-dessous à la question des anti-cholestérol les informations que nous avons abondamment développées sur une autre page du site.

Les essais thérapeutiques

Nous avons déjà évoqué l'emprise de l'industrie pharmaceutique sur Gestion Santé. Un des premiers problèmes est celui des essais thérapeutiques. Comme nous allons le montrer ils sont marqués de dysfonctionnement majeurs à toutes les étapes de leur réalisation.

Tout d'abord, iIl s'agit d'un sujet tabou rarement évoqué dans les médias, mais les hospitalo-universitaires reçoivent des rémunérations extrèmement élevées pour chaque patient suivi dans les essais thérapeutiques. Le Point évoque des rémunérations allant de 10000F à 50000F par patient. Les anti-cholestérol qui ont bénéficié des budgets de développement les plus considérables de ces dernières années se situent probablement dans le haut de cette fourchette.

Le contrôle des essais thérapeutiques

Toujours selon Le Point, d'un point de vue légal, les essais thérapeutiques doivent être encadrés par la signature de conventions encadrant la relation praticien - hôpital - industriel. Ces conventions permettent de rémunérer l'hôpital, mais sont aussi, point quasiment jamais évoqué, une garantie offerte au malade quant aux conditions matérielles d'un bon déroulement de l'essai au sein de l'établissement. C'est donc une garantie très importante de sécurité pour le patient. Or souvent ces conventions ne sont pas passées avec l'hôpital (17). Ces pratiques révèlent des carences dans le respect de la législation en vigueur et une inadaptation de la législation en vigueur sur les essais. Il serait en effet indispensable que l'hôpital d'une part examine les conditions matérielles de déroulement de l'essai, mais aussi grâce à une collégialité médicale qui rassemblerait spécialistes et statisticiens, sa pertinence scientifique.

Par ailleurs, depuis 1988, les essais doivent être initialement soumis à l'un des 46 comités consultatifs de protection des personnes participant à la recherche biomédicale (CCPRB). La revue Ca m'intéresse d'Octobre 2002 a publié un dossier très intéressant sur les essais des médicaments. Les remarques concernant les CCPRB sont particulièrement sévères : "Aujourd'hui les comités de protection souffrent de l'absentéisme de leurs membres. Aujourd'hui, rien n'a changé malgré le rapport accablant de l'IGAS et le bilan affligeant du Pr Claude Huriet, présenté l'an dernier au Sénat (...) Les comités ne parviennent pas à enrayer l'absentéisme et les démissions de leurs membres. Dans 30% des cas, les médecins n'assisttent qu'à une réunion sur deux. Les personnes qualifiées dans le domaine de l'éthique manquent à l'appel dans 26% des réunions."

Les conditions de travail sont très mauvaises : "Tel comité examine 80 protocoles, mais croule aussi sous 250 demandes de modifications. Résultat : dix minutes à trois quarts d'heure pour évaluer un dossier. Quel débat peut se conclure en dix minutes? Bon an mal an, les comités rendent 2280 avis dont 2% à peine sont défavorables." Toutefois, ce taux de rejet serait en fait de 10% compte tenu des essais pour lesquels une demande a été demandée et qui ne sont pas représentés.

La sévérité très variable des CCPRB entraineraient des manoeuvres telles que la sélection par les demandeurs des CCPRB les plus laxistes. Certains demandeurs "sonderaient" les présidents des CCPRB avant de présenter leur dossier. Des conflits d'intérêts entre demandeurs et membres du CCPRB ont été constatés.

Surtout par rapport à la problématique qui nous intéresse ici, aucune publication par un organisme centralisé des essais demandés, refusés et réalisés avec un bilan des effets indésirables (graves ou non) constatés n'est effectué. Seuls les effets indésirables graves doivent être signalés au CCPRB. Mais il semble que même pour ceux-ci le retour d'information soit calamiteux. Selon Ca m'intéresse, "Les comités n'ont aucune information pour répondre à des questions vitales. Que devient un essai après avis favorable? S'est-il bien déroulé? A-t-il été interrompu? A-t-il provoqué un accident grave? Les résultats seront-ils publiés? Supposés nous protéger, ces comités sont aveugles, sourds et muets." Certes c'est grave en ce qui concerne la sécurité des personnes participants aux essais, mais que dire aussi de la pertinence des AMM des produits si l'agence du médicament ne peut obtenir d'une source fiable, indépendante des industriels une synthèse des résultat réalisé mettant en particulier en évidence les effets indésirables des médicaments testés ?

C'est ainsi que les laboratoires pharmaceutiques font la loi, à toutes les étapes clés du processus de décision.

Les clauses de confidentialité et la publication des essais

Ces clauses, qui sont associées à la plupart des essais réalisés de nos jours, équivalent à une autorisation de publier préalable de la part de la firme qui a financé l'essai. Elles ont plusieurs conséquences. D'une part elles équivalent à un droit de censure sur l'article publié lui-même, mais tout aussi grave, elles aboutissent à la non publication de certains essais négatifs. Si l'on prend l'exemple des statines, qui comprennent de nombreuses classes de produits, et dont on a vu qu'elles comportent de nombreux effets secondaires, il est de toute première importance de disposer de l'ensemble des études animales et humaines de toutes les classes de ces produits qui ont pu être évaluées. En effet, disposer de ses informations permet lors de l'AMM d'avoir une bien meilleure compréhension de la pharmacologie du produit. Elles permettront aussi de bien mieux orienter les dispositifs de pharmaco-vigilance en leur donnant une vue beaucoup plus large des effets secondaires potentiels de la classe de produit considérée. Or ce n'est pas possible actuellement et de toute façon l'industrie a souvent la haute main sur ce qu'il convient d'écrire sur les effets secondaires.

Ce phénomène s'accompagnent d'autres phénomènes d'une exceptionnelle gravité, comme le fait que l'essentiel du rédactionnel des évaluations des essais normalement à la charge du médecin est en fait assurée par le laboratoire, le médecin suivant l'essai se contentant souvent de signer l'article et d'en tirer ainsi les bénéfices financiers et de prestige. De toute façon, pour tous les essais financés par l'industrie pharmaceutique, celle-ci contrôle entièrement la partie statistique de l'étude, ce qui limite déjà sérieusement l'indépendance du chercheur qui ne dispose pas du soutien d'un spécialiste indépendant connaissant les statistiques.

Ceci conduit à un malaise important et récurant chez les revues scientifiques qui publient les essais. Sur les statines par exemple, les chercheurs liés aux laboratoires ne daignaient même plus, dans certains articles, publier les effets des médicaments sur la mortalité totale. Les chercheurs indépendants sont obligés de les réclamer en protestant et parfois ne les obtiennent même pas (exemple donné par Ravnskov à propos de la lovastatine).

Le Figaro, se faisant l'écho de cette question rendait compte d'un éditorial commun publié par les principales revues scientifiques, ce qui constitue une grande première: "Pour éviter que les laboratoires pharmaceutiques, certes financeurs de ces essais, ne soient à la fois juges et parties «les chercheurs doivent se voir proposer des contrats leur donnant un pouvoir substantiel sur les conditions de l'essai de l'étude, sur l'accès aux données brutes, ainsi que sur la responsabilité d'analyse et d'interprétation de ces données et de droit de publication», soutiennent les éditeurs. (18)" Le reste de l'article était du même tonneau. Curieusement, mais faut-il s'en étonner, les seuls à ne pas se plaindre de cette situation, ce sont les principales "victimes", à savoir les médecins qui réalisent les essais.

Certains se sont sans doute étonnés de voit payer si cher aux médecins les patients inclus dans l'essai alors que l'examen approfondi de la question montre qu'ils n'en contrôlent pas le déroulement et n'ont même pas, dans bien des cas, à en rédiger les comptes rendus et les articles publiés dans la presse scientifique. C'est, sans doute, que ce que l'on achète à prix d'or, c'est leur silence et leur complicité.

La réalisation des essais et les autorisations de mise sur le marché (AMM)

On entend souvent dire que les médicaments font partie des produits de santé les mieux évalués avant d'être mis sur le marché. A la lecture de ce qui précède, le lecteur commence je l'espère à avoir quelques doutes sur la question. On a vu en effet à quel point les essais étaient "sous contrôle" des industriels. Pour certains essais, en particulier pour des produits comme les anti-cholestérol qui visent des millions de personnes, ont peut d'ailleurs se demander si certains essais ne font pas double emploi, et plutôt que d'explorer de nouveaux aspects de la molécule testée, s'ils n'ont pas avant tout pour but de créer des liens financiers entre l'industrie pharmaceutique et le médecin qui conduit l'essai, qui est d'ailleurs choisi parce qu'il est un leader d'opinion à influencer.

L'industrie pharmaceutique est entièrement maître des essais et de leur protocole statistique. Lors du déroulement des essais proprement dits, ceux-ci ne font l'objet d'aucun contrôle externe et nous avons vu que les établissements hospitaliers semblaient, sauf exception, laisser le médecin hospitalier, lequel bénéficie d'une rémunération considérable pour ce faire, disposer des conditions de l'essai avec le laboratoire, sans en contrôler la méthodologie. Toutes sorte de décisions, la sélection des personnes entrant dans l'étude, la sélection du groupe traité et du groupe témoin, tous les choix nécessaires en cours d'essai entraînant la sortie de l'étude de certains patients dépendent donc très largement de l'industriel et sont, on s'en doute, rarement en sa défaveur. Il est probable qu'elles améliorent, dans des proportions variables les résultats positifs du produit évalué et plus encore en minorent certains résultats négatifs. Dans l'interprétation statistique elle-même, il est probable que des résultats secondaires mais importants ne sont mis en évidence que s'ils vont dans le sens de ce que l'industriel souhaite démontrer.

On peut alors se demander si lors de l'AMM (19) proprement dite, l'AFSSAPS est en mesure de corriger le tir. Or, selon Edouard Zarafian, "L'agence du médicament ne possède pas d'outils propres qui permettent de vérifier de manière indépendante des points cruciaux pour l'évaluation du médicament. Les dossiers d'autorisation de mise sur le marché contiennent des essais conçus, suivis et exploités statistiquement par l'industrie pharmaceutique. Ces dossiers ne donnent pas lieu à une vérification détaillée de la manière dont les données ont été statistiquement exploitées (...). Toute la logistique et toutes les compétences existent pourtant dans le service public pour atteindre cet objectif. On les trouvera à l'Agence du médicament, à l'ANDEM et à l'INSERM. (20)"

Selon la revue Prescrire citée par Edouard Zarafian, celle-ci regrette vivement "l'opacité de l'Agence et le secret qui entoure les travaux de ses commissions. Elle note en particulier qu'une pharmacovigilance active pourrait diffuser largement et régulièrement les résultats de ses travaux, et que les réexamens à distance des molécules commercialisées pourraient être systématiques. L'autorisation de mise sur le marché, lit-on encore, s'entoure de secrets et il n'existe aucune publication de ses avis. La revue s'interroge donc: "L'Agence est-elle un organisme de relais des intérêts industriels ou bien un instrument national d'optimisation de la santé publique? (21)".

Et lorsque la réévaluation du Service Médical Rendu intervient comme récemment en France, les statines ou les fibrates continuent à bénéficier d'un SMR important ou majeur comme hypolipémiants en contradiction avec toutes les données scientifiques disponibles et malgré des conditions de prescription inadaptées d'une majorité de médecins !

L'organisation actuelle de l'AFSSAPS fait qu'il est probable que des erreurs méthodologiques même grossières de la part de l'industriel risquent de lui échapper. Il faut également savoir que les experts de l'agence française ne sont pas rémunérés, contrairement à ceux des autres agences dans des pays comparables. Or les experts sont souvent des notables médecins débordés ayant une clientèle publique et souvent privée, qui doivent faire de la figuration à l'agence et qui sont probablement plus habitués à dévorer des petits fours et à vider des coupes de champagne qu'à se pencher sur de volumineuses études aussi techniques que rébarbatives.

Sylvie Simon, une journaliste d'investigation qui a travaillé sur ces sujets donne un exemple concret de ces phénomènes: "en 1992, le Pr. Bernard Régnier de l'Hôpital Bichat à Paris démissionnait avec fracas de la commission d'AMM. Le 7 novembre suivant, il déclarait au magazine "Le Point" en justifiant ce geste: "L'évaluation des médicaments est réalisée dans des conditions proches de l'indigence... Il est clair que ce sont les industriels qui mènent la barque" (22).

Depuis cette date l'agence du médicament est devenue l'AFSSAPS, mais rien n'a été fait pour transformer les méthodes de travail et mettre en oeuvre les mesures de bon sens évoquées par Edouard Zarafian. Le rapport 2001 de la Cours des Comptes confirmait qu'aucune de ces carences n'avait été corrigée.

Pourtant les réformes à entreprendre sont finalement assez simples. C'est ainsi qu'il serait sans doute bien préférable de rémunérer des équipes pluridisciplinaires à l'AFSSAPS comprenant davantage de biologistes, de pharmaciens et de spécialistes de la physiologie que ce n'est le cas actuellement, où la visibilité médiatique et la position hiérarchique reste un important critère de choix des experts, et où les médecins stricto sensu sont probablement surreprésentés par rapport au travail à effectuer. Des spécialistes issus des grands organismes de recherche publique pourraient bénéficier de mi-temps rémunérés à l'agence. Moins médiatiques, plus disponibles et rompus au travail de recherche, ils seraient des interlocuteurs bien mieux armés et plus indépendants face à l'industrie pharmaceutique.

Le caractère non public des avis évoqué par la revue Prescrire, outre qu'il risquerait de révéler le poids de l'industrie pharmaceutique dans des décisions critiquables, tient aussi, à mon avis, à la remarquable médiocrité du travail scientifique réalisé par l'AFSSAPS qui a mon avis reste proche de la situation dénoncée en 1992. Nous avons d'ailleurs émis la même hypothèse lorsque nous avons examiné dans un autre document la façon dont la Commission de la transparence avait réévalué le service médical rendu de 680 médicaments sans fournir à l'appui la moindre monographie des produits évalués.

Ceci dit, la situation des agences étrangères n'est pas forcément idéale. Aux USA, le président de la FDA est nommé par le président et il s'agit en général d'un choix très politique qui souvent récompense les importants financements électoraux accordés par l'industrie pharmaceutique. Cela se ressent évidemment très lourdement dans les décisions de l'agence. En Allemagne, l'affaire de corruption qui a éclaboussée le président Kohl et les Chrétiens Démocrate était étroitement liée à des dons occultes de l'industrie pharmaceutique où Kohl avait d'ailleurs mené une partie de sa carrière professionnelle. Il est probable que des contreparties en terme de nominations dans les autorités de tutelles du médicament ont été accordées.

En France, la nomination du dernier Directeur Général, Philippe Duneton semble avoir correspondu à une reprise en main de l'AFSSAPS par le pouvoir administratif et politique après plusieurs ébauches de réformes et notamment l'importante loi du 1er juillet 1998, dont on pouvait beaucoup espérer, mais dont la mise en oeuvre est particulièrement décevante. Depuis la nomination de son directeur, l'AFSSAPS semble avoir renoncé à toute l'autonomie administrative que lui accordait pourtant ses nouveaux statuts. L'absence de tout projet de réforme, la participation, signalée par des journalistes d'investigation, en dépit de la loi précitée, de certains experts à diverses commissions en dépit de conflits d'intérêts avérés, témoignent de la perpétuation des mauvaises habitudes. On peut en donner d'autres exemples comme tout ce que nous signalions, sur le service médical rendu des médicaments, ou le contrôle des AMM. Évidemment, aucune des réformes indispensables évoquées par Edouard Zarafian n'a reçu le plus petit début de mise en oeuvre. Ainsi, la synthèse du rapport 2001 de la Cour des Comptes sur la Sécurité Sociale indique-t-il à propos de la politique du médicament de façon particulièrement sévère que : "il est regrettable que les institutions publiques en charge d'analyser les propriétés thérapeutiques des médicaments, de mesurer le service médical qu'ils rendent et d'autoriser leur mise sur le marché ne puissent fournir au corps médical l'ensemble des informations objectives qu'elles rassemblent à l'occasion de l'exercice de leurs missions. De ce fait, l'information des prescripteurs est quasiment abandonnée à la seule industrie pharmaceutique. L'Etat, en liaison avec les universités et l'assurance maladie, devrait développer une expertise médicoscientifique autonome. Enfin une amélioration des conditions dans lesquelles fonctionne la commission de la transparence est indispensable car les évaluations et les réévaluations faites à ce stade déterminent largement les décisions prises en aval et l'évolution des dépenses de remboursement.

Mettre en oeuvre ces trois priorités - réactivité, diffusion d'informations indépendantes, amélioration du fonctionnement au stade de l'évaluation du service médical rendu et de son amélioration par les nouveaux produits - permettrait au marché du médicament de ne plus être, comme actuellement, un marché où l'offre influence trop fortement la demande."

Mais rien n'indique que le pouvoir politique souhaite enfin mettre en place les indispensables réformes qu'appellent le fonctionnement actuel de l'AFSSAPS. Ce serait même plutôt le contraire.

A chacun sa statine

La mise en place du marché des statines marque probablement l'apogée de l'approche marketing de la santé par l'industrie pharmaceutique. Elle s'appuie sur une collusion scandaleuse entre l'industrie pharmaceutique et le monde médical des leaders d'opinions hospitalo-universitaires et sur un travail d'infiltration des autorités de régulation politico-administratives, en particulier celles chargées de la régulation du marché des médicaments

. Elle a commencé par un gigantesque travail de désinformation qui a consisté dans une premier temps à confondre et à rendre quasi synonymes deux notions qui n'ont en fait qu'un lien faible entre elles, à savoir la maladie coronarienne et le cholestérol élevé. C'est que la maladie coronarienne est un "marché" somme toute limité surtout si on le compare à celui, vraiment colossal du taux de cholestérol élevé.

Le deuxième temps a consisté à rendre synonyme réduction du taux de cholestérol par un médicament et réduction du risque coronarien.

Le troisième temps a consisté à surestimer de façon scandaleuse les bénéfices des médicaments anti-cholestérol et à occulter leurs effets secondaires.

Le quatrième temps enfin a consisté à partager le marché entre les multinationales du secteur et à faire comme si le fait d'avoir dépensé des milliards en essais thérapeutiques donnait automatiquement droit à la mise sur le marché par chaque société dominante de l'industrie pharmaceutique mondiale d'une déclinaison d'une molécule de statine, de façon largement indépendante de son efficacité et de ses effets secondaires. Ce phénomène s'appelle le me-too, "moi aussi", ce terme anglais est utilisé en mercatique pour désigner un produit concurrent d’un produit innovant, qui cherche à prendre des parts d’un marché rentable. En ce qui concerne les médicaments, les me-too ont, par rapport au produit innovant, des principes actifs différents, mais une même visée thérapeutique. L'AMM des statines me-too s'est effectuée dans dans conditions particulièrement scandaleuses, puisque, comme nous l'avons montré (l'efficacité des statines, les essais thérapeutiques et les AMM) toutes les statines ont bénéficié de prix comparables et très élevés, indépendamment de leur efficacité, et que leur utilisation en prévention primaire et même pour certaines d'entre elle en prévention secondaire ne repose sur aucune base scientifique.

Le désastre de la cérivastatine a heureusement figé l'explosion de la prescription de statines. Il semble aussi que l'adhésion au traitement soit très mauvaise sur la durée, probablement pour partie à cause des effets secondaires. Pour situer l'enjeu, la Cours des Comptes rappellait dans son rapport 2001 que "Si tous les hommes français de 45 à 65 ans ayant un taux de cholestérol supérieur à 2,5 g/l devaient être traités par statine (...), le coût de traitement atteindrait environ 35 MdF (5,3 Md€), soit huit fois les ventes de statine en France en 2000. (p. 93)"

Nous reverrons sans doute encore le genre de scandales que nous venons de décrire dans les années à venir, mais probablement plus dans de telles proportions. On a atteint un tel sommet dans la gabegie qu'il sera sans doute difficile de faire pire... En tout cas, on voit sur cet exemple à quel point le modèle actuel de fonctionnement de l'industrie pharmaceutique est obsolète et complètement contre-productif en terme de santé public. Paradoxalement cela ne se traduit pas par une faillite économique du secteur qui ne s'est jamais aussi bien porté. Néanmoins on pourrait bien à l'avenir assister à de rapides et spectaculaires transformations, en particulier en cas de moralisation de ce secteur d'activité.

Le suivi des médicaments après leur mise sur le marché

Actuellement le suivi des effets des médicaments s'effectue selon deux modalités, d'une part le dispositif de pharmacovigilance et d'autre part des études secondaires à la mise sur le marché du médicament ayant reçu son AMM (essais de phase IV), études entièrement contrôlées par les laboratoires pharmaceutiques.

La pharmacovigilance

Le dispositif de pharmacovigilance est entaché dès le départ d'une ambiguïté fondamentale qui tient à la définition du rôle des professionnels de santé défini dans les bonnes pratiques de pharmacovigilance. Le rôle du professionnel de santé est en effet de notifier "toute présomption d'effets indésirables graves ou inattendus, en rapport avec l'utilisation d'un ou plusieurs médicaments."

Évidemment le tout est de savoir ce que l'on entend par "grave" et par "inattendu". En effet la gravité est souvent liée au manque de surveillance clinique du malade et au prolongement d'un traitement qui aurait dû être rapidement interrompu. Ainsi la rhabdomyolyse provoquée par les statines sera surement rapidement repérée dès ses premiers signes cliniques par un professionnel très expérimenté et prudent et pourra être considérée comme complètement bénigne. A l'inverse un effet secondaire mieux connu, mais non repéré par le médecin peut entraîner des complications gravissimes. Souvent la qualité du dialogue patient - médecin sera décisive, de même que la prudence du malade, à l'écoute des effets du produit sur son état général. Bref le qualificatif de "grave" me semble d'une inquiétante imprécision.

Quand à l'inattendu le terme est tout aussi vague s'agit-il d'un effet qui ne figure pas dans le Vidal? d'un effet rare? Est-il à mettre en rapport avec la gravité? Mystère... On sait aussi qu'il y a toute une pression des leader d'opinions et des visiteurs médicaux pour banaliser la prescription et minorer les effets secondaires. Cela ne facilite pas une démarche assurée de la part du médecin qui suspecterait un effet secondaire inconnu...

Par ailleurs le signalement engage la responsabilité du médecin qui reconnait par la même l'effet secondaire induit par sa prescription. Pour prendre l'exemple d'une statine, a-t-il bien effectué les dosages de cholestérol avant et après la mise en place du traitement ? Les a-t-il correctement interprété ? N'a-t-il pas tardé à intervenir face à des signes cliniques inquiétants ? Toute erreur à chaqune de ces étapes est susceptible d'engager sa responsabilité devant les tribunaux et est remarquablement dissuasive quand au signalement !

A tout cela s'ajoute l'absence de formation à la pharmaco-vigilance pendant les études de médecine, la surcharge de travail des médecins qui doivent faire les déclarations, les difficultés psychologiques liées à la déclaration qui nécessite une remise en question du médecin, qui est forcément amené à s'interroger sur la pertinence de sa prescription et la qualité de son suivi clinique et qui risque de réagir sur le mode de la dénégation, et on aboutit à la production de données dont l'utilité et très variable et surtout totalement inexploitable statistiquement. On sait que la sous-déclaration des effets indésirables est énorme, 5% seulement des effets secondaires graves des médicaments seraient déclarés en France selon une étude récente publiée dans JAMA qui fait la synthèse de trois études donnant des résultats concordants. Par grave, il faut entendre des effets ayant entrainé une hospitalisation ! A partir de là on peut imaginer ce qu'il peut en être de la déclaration des autres effets moins "graves".

En fait le problème vient de ce que l'on fait supporter au médecin une tâche très difficile psychologiquement et qui mobiliserait une grande partie de son temps s'il la faisait sérieusement et que cela arrange, semble-t-il, bien des gens qu'il ne puisse remplir correctement sa mission dans ce domaine.

Il faut savoir qu'un des effets pervers du marché des médicaments sous sa forme actuel est que les firmes pharmaceutiques vivent de quelques produits leaders brevetés et vendus très chers sur un marché mondial. Ces médicaments ne sont vraiment rentables que pendant la période où ils sont brevetés, après quoi ils peuvent être copiés par les génériques ce qui provoque un effondrement des prix. Dans ce contexte de course contre la montre, ils subissent une montée en charge fulgurante, qui fait qu'on passe de quelques milliers de personnes soignées pendant l'essai à plusieurs millions en quelques semaines ou mois. Ceci alors que dans les 25 dernières années, la probabilité de retrait du marché ou de mises en gardes importantes pour l’emploi des nouveaux médicaments était de l’ordre de 20% avec la moitié des retraits se produisant dans les deux ans suivant le lancement d’un produit (Source Esculape).

Pendant les essais, les personnes qui réagissent mal au médicament, sont écartées de l'essai et en plus les participants sont suivis par des professionnels chevronnés dans des conditions proche de l'idéal. Ce qui fait qu'on en sait finalement très peu sur les effets secondaires en condition réelle. De plus aucun dispositif de pharmacovigilance spécifique au lancement des nouveaux médicaments n'est mis en place. C'est plutôt tout le contraire. On passe brutalement à un suivi de masse, accompagné d'une pression très forte sur le prescripteur par les visiteurs médicaux et sur les malades par les médias. Toutes les conditions sont donc réunies pour que se multiplient les accidents. En fait, ce n'est qu'avec quelques années de recul que l'on cerne vraiment la plupart des effets secondaires des médicaments et la cause de ces effets secondaires... et que l'on cerne également mieux leur réelle efficacité par rapport à d'autres produits concurrents et selon la typologie des patients.

En fait la France ne dispose d'aucun outil d'évaluation de l'impact, favorable ou défavorable sur l'état de santé des patients, de l'utilisation des médicaments en situation réelle de prescription de masse ! Les médecins prudents et expérimentés prescrivent d'ailleurs avec beaucoup de circonspection les nouvelles molécules, d'autant qu'ils savent très bien que dans le domaine pharmaceutique, on est loin d'une progression linéaire du savoir et de l'efficacité et que des médicaments anciens sont souvent aussi valables que bien des nouveautés bénéficiant de budgets promotionnels faramineux.

Il faudrait donc, au moins, prévoir, ce qui n'est pas le cas, une pharmacovigilance spécifique et un signalement systématique de tous les effets secondaires lors du lancement d'un nouveau médicament. Dans les conditions actuelles on imagine le sérieux que peut avoir l'annonce à l'unité près du nombre de rhabdomyolyses (troubles musculaires graves) liées à l'utilisation des statines recensées par l'AFSSAPS et qui tend à faire croire, contrairement à toute évidence, qu'une recension exhaustive des cas a été effectuée.

Il n'est donc pas étonnant que l'ampleur des effets secondaires liés à la statine de Bayer ait complètement échappé aux autorités de régulation sanitaire et notamment en France à l'AFSSAPS. On sait en effet que c'est Bayer qui a pris l'initiative de retirer son produit et non les agences de santé des pays où le produit était distribué. La fureur des responsables de l'agence de santé française était perceptible dans les médias dans les jours qui ont suivi le retrait. Il était aussi clair pour les initiés que ce qui préoccupait l'agence ce n'était pas la santé des malades, mais le fait que Bayer n'ait pas pris la peine de maintenir la fiction selon laquelle l'agence de santé avait un quelconque rôle à jouer dans la surveillance de la sécurité d'utilisation des médicaments. Pourtant la décision de Bayer ne fait que traduire la réalité de la situation. La société Bayer qui avait seule une vision mondiale des effets secondaires et disposait des résultats de la totalité des études post AMM en cours était la seule en mesure d'avoir une vision d'ensemble et de pouvoir évaluer le niveau réel du risque pour les populations traitées. Ils'agit de données confidentielles dont aucune autorité de tutelle n'aura jamais connaissance dans leur intégralité (sauf peut-être via les procès américains en cours).

L'AFSSAPS ne disposait que des résultats de la pharmacovigilance qui, nous l'avons vu, est incapable de mesurer statistiquement la fréquence des effets secondaires. Par ailleurs l'influence de leader d'opinions très favorables aux statines a également dû jouer un rôle très important dans la banalisation du risque, comme cela apparaît également dans l'évaluation dans leur service médical rendu qui paraît nettement surévaluée pour certaines d'entre elles (Cf. supra).

Il faut dire aussi que si le produit n'avait été distribué qu'en France il serait toujours sur le marché. Il suffisait pour s'en convaincre d'écouter les mandarins qui défilaient dans les médias quelques jours après le retrait du produit et parlaient tous d'un médicament miracle aux très rares effets secondaires au demeurant parfaitement maîtrisés... Compte tenu de la culture de la désinformation qui est devenu une des spécificités de la bureaucratie sanitaire à la française, il aurait fallu bien des victimes avant que quelque chose ne commence à bouger... C'est le fait que Bayer se soit fondé sur les frais pour procès à prévoir aux USA qui a, en fait, entraîné le retrait du produit au niveau mondial.

Les essais de phase IV

Ainsi, on peut prescrire à des millions de personnes (rien qu'en France) une classe de médicaments nouvelle sur laquelle on dispose de peu de recul et qui entraîne des effets secondaires importants et variés, dont certains sont probablement difficiles à relier à la prise de produit (comme ceux induits par la baisse du co-Q10), effets secondaires qui augmentent probablement pour certains d'entre eux de façon cumulative avec la durée de prescription. Lorsque en parallèle on banalise complètement la prescription, la qualité du suivi clinique des patients diminue en proportion et les accidents se multiplient.

Et pour couronner le tout on ne se dote d'aucun outil d'évaluation post AMM efficace. Nous venons de voir ce qu'il en était de la pharmacovigilance. L'autre source d'information sont ce qu'on appelle les essais de phase IV, mais ceux-ci sont entièrement contrôlés par l'industrie pharmaceutique. Edouard Zarafian résume ainsi la situation:

"Les essais de phase IV sont connus pour obéir à une préoccupation de marketing presque pur, alors qu'ils ont lieu au moment même où le médicament, utilisé en conditions réelles, va enfin pouvoir être cerné dans ses aspects thérapeutiques et sa tolérance. "Quelle connaissance avons-nous de l'ensemble de ces essais? se demande J-P. Bader. Une connaissance presque nulle. Bien que l'on estime à 10% des budgets promotionnels, soit un milliard de francs, le financement de ces phases IV."

Par ailleurs selon le Dr Martine Pérez (article du Figaro du 2/10/01) en France, contrairement à d'autres pays, "(...) nous ne disposons d'aucun système d'information pour mesurer l'impact réel des produits utilisés. Par exemple, il n'y a jamais eu d'études pour mesurer l'effet des statines sur le nombre d'infarctus évités. Ces médicaments coûtent pourtant chaque année des milliards de francs à la collectivité et sont prescrits à des centaines de milliers de personnes. L'affaire de la cérivastatine de Bayer, retirée du marché cet été, suite à 51 décès dans le monde, est venue remontrer de surcroît qu'il n'y a pas de médicaments actifs dénués de risque. D'où la nécessité, au-delà des questions de coût, de réserver les médicaments aux personnes qui en ont vraiment besoin."

Cette situation devrait évoluer. Le comité économique du médicament devrait désormais, selon un projet de réforme, surveiller l'évolution des produits pharmaceutiques, afin de connaître leur impact réel sur la santé publique. Ce dispositif viserait à mettre en place un système de surveillance pour mesurer l'impact sur la santé publique des nouveaux médicaments à fort potentiel de prescription.

Toujours selon le Dr Pérez, "Aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en Italie, en Hollande et même en Espagne, il existe des bases de données pour évaluer l'impact des médicaments sur la santé publique qui permettent de recadrer leur utilisation. «Il est dangereux de ne pas avoir d'indicateurs sur ce qui se passe sur le terrain, estime le professeur Bernard Bégaud, pharmacologue, Bordeaux. Aujourd'hui, il faut avoir des données concernant l'importance de la mortalité et de la morbidité évitable grâce à un médicament. Il faut avoir des critères de définition de la population cible qui bénéficiera du médicament. Il n'est plus acceptable d'engager les dépenses de la nation sans connaître les effets de ce que l'on prescrit. Avoir des indicateurs fiables, c'est se protéger contre les crises et l'arbitraire. Il nous reste à développer des compétences et des outils adaptés. Dans ce contexte, la France a accumulé un très grand retard dans l'évaluation des médicaments sur le terrain en post AMM, elle se situe après l'Espagne et l'Italie, dans le peloton de queue, avec la Grèce et le Portugal.» L'idée est donc, que conjointement à la mise sur le marché de nouveaux produits, des évaluations à large échelle soient mises en œuvre. (23)"

L'idée est intéressante, mais il ne faut sans doute pas surévaluer les performances des systèmes de surveillance étrangers comme le montre les lacunes internationales dans la surveillance des statines. Rappelons au passage que ces systèmes de contrôle n'ont aucun rapport avec les essais de phase IV qui échappent dans tous les pays au contrôle des autorités de santé. Quant à la mesure de l'efficacité des médicaments par ce type d'outils, elle supposerait de suivre également une population non traitée, ce qui ne semble pas la finalité de tels dispositifs qui visent avant tout deux objectifs :

Quantifier plus précisément les effets secondaires des médicaments lorsqu'ils sont prescrits à une large population,

et selon un objectif à la fois de santé et financier, évaluer s'il ne se produit pas des dérives trop importantes entre les indications de l'AMM et la population effectivement traitée par le produit. En effet le dérapage de la prescription entraîne des coûts financiers pour les assurances de santé et le traitement de populations ne correspondant pas aux indications du produit, pour des produits à effets secondaires importants multiplie les risques d'accidents sans aucun bénéfice thérapeutique pour les malades mals ciblés. Au demeurant il faut noter que nous disposons pour les statines de tous les indicateurs de mesure sus mentionnés, bien qu'avec beaucoup de retard, et qu'ils se révèlent absolument catastrophiques en particulier au niveau de la malprescription, sans que cela entraîne le plus petit début de réaction de la part des services publics...

De toute façon ce genre d'outil pour être efficace supposerait que en amont les AMM des médicaments et l'évaluation du SMR de l'ensemble des médicaments soit d'une qualité scientifique indiscutable. Or il n'en est rien...

En plus de ces mesures de suivi du médicament, il faudrait effectuer une surveillance en amont du travail des visiteurs médicaux et assurer l'indépendance de la presse médicale et des journalistes santé en général, qui ont pour nombre d'entre eux des liens financiers avec les sociétés du secteur, via entre autre ce qu'on appelle les "ménages" (animation de conférences, etc.) qui peuvent leur rapporter beaucoup plus que salaires et piges de leur journal ! La résolution de ces problèmes ne sont malheureusement pas à l'ordre du jour...

Quelques propositions de réformes de bon sens

La description de la situation que nous avons effectuée tout au long de ce document nous amène tout naturellement à faire un certain nombre de propositions de bon sens, comme nous aimons le faire sur Gestion Santé.

1) Il conviendrait de procéder à une réévaluation des médicaments anti-cholestérol, fibrates et statines, par des experts indépendants, de retirer le cas échéant les produits obsolètes du marché et de ne conserver que les statines les plus efficaces ayant démontré leur efficacité sur les maladies coronariennes. La prescription devrait probablement être réservée à la prévention secondaire, c.a.d. aux malades coronariens et ces produits ne devraient pas être utilisés comme anti-cholestérol. Le traitement devrait être complété par la prise de co-Q10, financée par l'assurance maladie, pour maintenir les taux de cet anti-oxydant à la normale. Des études complémentaires sur les éventuels effets cancérigènes des produits maintenus sur le marché devraient être menées d'urgence.

2) Pour les maladies coronariennes et les personnes à cholestérol élevée, un programme national de suivi diététique devrait être mis en place puis progressivement développé pour encourager l'adoption d'un régime de type méditerranéen. Celui-ci devrait par ailleurs s'imposer pour tous les essais cliniques de médicaments coronariens.

3) Réorientation de la consommation alimentaire des français par des mesures d'incitation, par exemple la suppression de la TVA sur les fruits et légumes ou les "bonnes huiles" et d'autres mesures inverses augmentant la TVA sur les produits "nuisibles" (sodas, aliments trop salés, mauvaises graisses cuites, corps gras hydrogénés, etc.).

4) Interdiction pour tous les experts de l'AFSSA (l'agence française de sécurité sanitaire des aliments) d'avoir des liens financiers avec les industriels de l'alimentation et pour les experts de l'AFSSAPS (agence du médicament) d'avoir des liens financiers avec les sociétés pharmaceutiques.

4) La rémunération des hospitalo-universitaires pour les essais cliniques devrait être interdite, ce travail constituant une partie normale de leur travail de recherche et n'appelant pas de rémunération spécifique.

5) La déclaration des essais cliniques à l'hôpital devrait être obligatoire. L'hôpital devrait remettre un rapport préalable sur la mise en place technique de l'essai dans ses services. Une collégialité de médecins devrait examiner la pertinence scientifique de l'essai et sa non redondance par rapport à d'autres études déjà menées. Elle serait garante de l'indépendance du médecin par rapport à l'industriel. Une cellule statistique indépendante devrait contrôler les données traitées et leur interprétation.

6) Le fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes participant à la recherche biomédicale les CCPRB devrait être entièrement revu afin que les quorum de présence soient respectés, d'éviter la concurrence entre les CCPRB vis à vis des industriels et de s'assurer de la mise à disposition aux chercheurs et aux agences de santé de l'exaustivité des données scientifiques recueillies.

7) Toute restriction à la publication de résultats d'essais devrait être interdite en France et toute interdiction passée antèrieurement pour des recherches menées à l'étranger levée lors de la remise du dossier d'AMM. Pour les recherches ayant fait l'objet de clauses de confidentialité préalables, une réévaluation indépendante approfondie de l'ensemble du protocole de recherche en cause devrait être mené au frais du laboratoire pharmaceutique. La France devrait agir activement pour que des dispositions similaires soient prises au niveau de l'Union Européenne.

8) La France devrait se doter d'un service d'évaluation des AMM entièrement rénové s'appuyant notamment sur les ressources des établissements de recherches publiques permettant une analyse statistique et médico-pharmaceutique approfondie et indépendante.

9) Les essais de phase IV menés par l'industrie pharmaceutique devraient être prévus dans la demande d'AMM et correspondre exclusivement à des objectifs de santé publique. Leur suivi statistique devrait être contrôlé par l'AFSSAPS.

10) Un suivi précis de l'utilisation du médicament devrait être mis en place permettant de mesurer avec précision les effets secondaires induits et pour vérifier si la la population traitée correspond bien aux indications de l'AMM. Ces dispositifs concerneraient tout particulièrement les médicaments nouveaux à large prescription pour lesquels des effets secondaires non négligeables ont été identifiés.

Conclusion

Nous avons ainsi examiné comment le traitement du taux élévé de cholestérol, sensé prévenir la maladie coronarienne, constituait un exemple particulièrement démonstratif de la façon désastreuse dont les pouvoirs publics et la médecine traditionnelle, sous tutelle de l'industrie pharmaceutique, géraient les problème de santé publique.

Pour ne pas alourdir excessivement cette page nous n'avons pas traité de façon approfondie des régimes comme le régime méditerranéen dont nous avons seulement évoqués les grandes lignes. De même nous n'avons qu'évoqué les régles de mode de vie qui permettent de lutter contre les maladies coronariennes et qui sont un point de départ incontournable. Rappelons qu'il convient d'éviter le surpoids, de faire régulièrement du sport, de ne pas fumer, de traiter l'hypertension et le diabète, de ne pas abuser d'alcool et de la réorienter vers le vin rouge... Les facteurs psychologiques semblent aussi extrêmement importants bien qu'ils soient particulièrement difficiles à quantifier par des méthodes scientifiques. Néanmoins tout ce qui va dans le sens de la détente et du bien être joue sûrement un rôle très important. Il faudrait absolument remettre toutes ses notions de base au coeur de la médecine et arréter de faire croire aux gens (en ruinant la société au passage) qu'une médecine médicamenteuse toute puissante pourra toujours réparer ou effacer les erreurs prolongées d'hygiène de vie.

Enfin nous n'avons pas du tout traité, faute de place, de la supplémentation nutritionnelle (vitamines, minéraux, etc.) qui a un rôle primordial à jouer selon nous et devraient permettre d'améliorer encore largement les bénéfices du régime méditerranéen. Il exsiste aussi un produit de phytothérapie qui s'appelle le policosanol est qui a les mêmes effets que les statines sans les effets secondaires et ce pour un prix bien inférieur. Cependant il ne faudrait pas avoir, à son propos, le mauvais réflexe qui consisterait à utiliser ce produit comme les statines dans le cadre d'une conception largement dépassée du risque lié au cholestérol, que nous avons longuement critiquée dans ce qui précède.

A cet égard on peut s'attendre à ce que les meilleurs spécialistes démembrent la problématique du cholestérol en faveur d'autres approches plus éclatées mais beaucoup mieux ciblées. C'est en fait déjà largement le cas dans le domaine de la recherche, mais le fait est encore masqué par l'industrie pharmaceutique trop occupée à traire l'usager et les systèmes d'assurances avec leurs statines et leur conception dépassée du risque lié au cholestérol.

Ainsi, nous avons vu dans notre dossier sur l'homocystéine tout ce que l'on pouvait attendre dans le domaine cardio-vasculaire de la complémentation visant à réguler le taux d'homocystéine. Cette approche est plutôt centrée sur une optimisation des cycles protéiques en milieu aqueux.

Il est aussi important de savoir que les Linus Pauling et le Dr Rath ont proposé une théorie alternative, très connue aux USA, de l'origine et du traitement des maladies cardiovasculaires à l'aide de la vitamine C et des acides aminés lysine et proline.

Du côté des corps gras, il s'agira d'optimiser l'apport dans les meilleurs corps gras possibles, tout en évitant les corps gras nocifs, et de protéger les lipides contre l'oxydation par des compléments spécifiques. Enfin, il faudra aider à leur métabolisation cellulaire aussi complète que possible. D'autres phénomènes physiologiques sont également à surveiller de près, en particulier tout ce qui concerne l'inflammation qui semble jouer un rôle très important dans les maladies coronariennes. Du côté des glucides, il s'agira d'éviter les sucres rapides et de restituer la sensibilité à l'insuline par une complémentation spécifique (et par l'exercice physique) afin de réguler au mieux la glycémie. La glycation, attaque des protéines par les sucres, qui joue également complémentation spécifique.

Il s'agit donc, pour ce qui concerne la prise en charge des taux de cholestérol et de la maladie coronarienne, d'avoir, comme pour toutes les questions de santé, une approche préventive et plurifactorielle et de remettre la personne, avec sa capacité à comprendre et à être motivée par l'adoption d'une bonne hygiène de vie, au centre du dispositif de prévention et de soin.

(1) Edouard Zarafian dans "Le prix du bien-être - psychotropes et société", Edition Odile Jacob, 1996, page 140, donne pour le début des années 90 une consommation d'hypolipémiants (exprimée en dose quotidienne pour 1000 habitants) de 32 pour la France, 13 pour l'Allemagne, 2 pour le Royaume-Uni et 8 pour l'Italie. Il s'agit de statistiques datant d'avant l'introduction des statines (intervenue au milieu des années 90) époque où l'on consommait les fibrates pour lutter contre le cholestérol. La structure de la consommation a du sensiblement changer depuis cette date.

(2) A noter que le même problème du mélange de l'eau et des graisses se pose au niveau de l'appareil digestif. Ce sont les sels biliaires qui solubilisent les lipides, qui sont alors hydrolysées par les enzymes secrétées par le pancréas (et auparavant par celles contenues dans la salive). L'hydrolyse consiste en la segmentation de la molécule lipidique par l'enzyme en présence de l'eau.

(2b) La modification des habitudes et procédures suppose des conférences de consensus pour aboutir à des normes sur l'utilisation des examens biologiques ou d'autres paramètres de la pratique médicale puis une expérimentation locale avec formation ad hoc des médecins, puis enfin une généralisation des mesures au niveau national. Ce type de procédures mises en place pour l'angine (voir page de Gestion Santé) semble donner d'excellent résultats. Malheureusement il n'existe pas en France d'instance nationale pour planifier et mettre en oeuvre les changements des habitudes médicales.

(3) Publié en 1991 aux Editions Odile Jacob.

(4) Op. cit. p.53. Il est assez remarquable de voir qu'en même temps qu'il professe longuement la vulgate habituelle sur le cholestérol, le Dr Bourre donne incidemment (p. 49 à 51) des informations autrement pertinentes sur les problèmes de l'oxydation et de la glycolysation des lipoprotéines qui évoquent des facteurs de risques tous différents. Malheureusement ces informations intéressantes ne sont jamais utilisées pour mettre en question la théorie dominante.

(5) On évoque de plus en plus le rôle des acides gras "trans" (Cf. le livre du Dr Bourre précité p. 193-196 qui donne d'intéressantes explications sur la chimie de ces corps gras). Ces acides gras trans sont issus de l'hydrogénation, un processus industriel de transformation des graisses qui vise notamment à fabriquer des margarines à partir d'huiles végétales initialement liquides. Les acides gras trans sont un sous-produit, présent en quantité variable et difficilement éliminable, de l'hydrogénation. Ils sont présents en particulier dans les margarines et d'innombrables produits utilisant des graisses industrielles alimentaires végétales à bas prix. Ils ont des caractéristiques spatiales anormales qui les rendent non physiologiques, c'est-à-dire qu'ils constituent de véritables polluants inutilisables à la fois pour la synthèse de produits dérivés des corps gras et comme composant structurels des membranes cellulaires. Selon le Dr Bourre, des études montrent qu'ils provoquent des anomalies cardiaques chez l'animal et provoquent des modifications très défavorables des taux de HDL et de LDL d'après les études épidémiologiques qui ont pu être réalisées chez l'homme. De plus sous la pression des lobbies industriels, presque aucune étude sérieuse n'est menée sur le sujet et rien n'est fait pour les interdire dans l'alimentation. Bien entendu les fabriquants ont réussi à obtenir que le pourcentage de corps gras trans ne figure pas dans la description des produits. Maria Enig et Sally Fallon ont écrit un long article particulièrement inquiétant (qui a été traduit de l'anglais par Maurice LEGOY) sur ce sujet, qui contient une mine d'information très utiles. En pratique il convient de bannir toutes les margarines hydrogénées. Ces produits sont d'autant plus redoutables que les personnes ayant un cholestérol élevé les substituent souvent à tort au beurre. Les "bonnes margarines" (ou plutôt les moins mauvaises) indiquent explicitement que leurs huiles végétales ne sont pas hydrogénées et affichent clairement leur taux d'acide gras trans (qui doit être inférieur à 1% du poids du produit), contrairement aux margarines hydrogénées. Mais je ne conseille pas non plus ce type de produit car, contrairement aux études réalisées par le Pr. Serge Renaud (qui a mis à disposition de ses malades une margarine à base de Colza non disponible dans le commerce), celles-ci ont un taux d'acide gras oméga-3 beaucoup trop faible. Le fabriquant n'a jamais mis la margarine conçue pour l'étude sur le marché et les pouvoirs publics n'ont jamais poussé à sa commercialisation !!! Pour la même raison de conception inadaptée, je déconseille les margarines sensées bloquer l'assimilation du cholestérol alimentaire grâce à la présence de phytostérols.

(6) Uffe Ravnskov "Comment créer une idée fausse"(bas de page), ma traduction de l'anglais.

(6b) Factors underlying the effect of organisational downsizing on health of employees: longitudinal cohort study. BMJ Volume 320, pp 971 -975.

(6c) « le Stress au travail », Patrick Légeron, Odile Jacob, 2001.

(7) Cf. le diagramme dans le livre du Dr Bourre, p. 59. Ce type d'études statistiques doivent toutefois être, elles aussi, interprétées avec beaucoup de prudence.

(8) "Vivre avec du cholestérol" Pr Marian Apfelbaum, ed. du Rocher, 1992, p. 33-35. Lors de la parution de son livre, le Pr Apfelbaum était professeur de nutrition au centre hospitalier universitaire Xavier Bichat, directeur de l'unité Inserm nutrition humaine, président de la Société française de nutrition et de diététique, président du Collège des enseignants de nutrition des facultés de médecine. Le Pr Apfelbaum confirme en tout point les analyses de Uffe Ravnskov sur le traitement du cholestérol et le danger des fibrates. Son livre, déjà un peu ancien, ne traite pas par compte, des statines et de l'intérêt des régimes à base de poisson ou de type méditerranéen.

(9) Ibid p. 45-46.

(10) Sur tous ces points, voir le n° de février 2001 du Life Extension Magazine, rubrique "COVER STORY ".

(10b) Une thèse canadienne de doctorat de Guy Rousseau "Comparaison des effets de la lovastatine et de la pravastatine sur les niveaux tissulaires d'ubiquinone et de 4-hydroxynonénal" , étudie une partie de l'effet des statines sur le co-Q10 sur un modèle animal. Il s'agit d'une thèse d'un niveau scientifique très élevé, mais d'une grande richesse et contenant une foule de renseignements utiles sur les statines, les antioxydants et le co-Q10 et dont je conseille vivement la consultation même si je n'en partage pas toutes les analyses.

(11) Ma traduction de l'anglais.

(12) D'après une tribune de Gilles Bardelay, directeur général de la revue "Prescrire", parue dans Le Monde du 11/09/01. Au niveau de l'évaluation du SMR par l'AFSSAPS cela vaut à la simvastatine et à la pravastatine d'être considérée comme ayant un service médical rendu majeur et autres statines un SMR important "seulement". Là encore, c'est le poids énorme du lobby du cholestérol qui explique ces classifications qui si l'on en croit la revue Prescrire sont des plus discutables. La catégorie de classification de ces produits en "Hypolipémiants" alors qu'il s'agit en réalité de produits sensés traiter les problèmes coronarien chez les malades victimes d'athérosclérose est également révélatrice du confusionisme délibérément entretenu par l'AFSSAPS.

(13) Pour une description détaillée de l'étude, cf. Nutranews. Lire aussi le livre de Serge Renaud "Le régime santé", chez Odile Jacob, 1998. Ainsi que les pages du Docteur Axel Ellrodt.

(13b) Ascherio A., Rimm E.B., "Dietary fat and risk of coronary heart disease in men: cohort follow up study in the United States" Brtitish Med. Journal, 1996 ; 313: 84-89. (Cf. lien vers d'autres articles de confirmation en bas de la page en lien).

(14) Exemple pris à partir d'une prescription de pravastatine à 20mg. La posologie est souvent de 40mg, ce qui double le coût du traitement indiqué, qui est donné à titre indicatif et peut varier sensiblement selon les marques et les statines pescrites.

(15) Op. cit. p. 48.

(16) Apfelbaum, op. cit., p.14-15.

(17) Selon Le Point qui évoque à ce propos la lettre de la CRC de Rhone-Alpes sur le CHRU de Grenoble. Lire le point 26, Les relations du CHRU avec les laboratoires pharmaceutiques. La CRC s'intéresse aussi aux associations périphériques financées par l'industrie, qui parfois permettent de rémunérer de véritables actions de recherche, mais servent aussi à faire bénéficier les chercheurs de rémunérations annexes ne correspondant à aucune prestation intellectuelle.

(18) Dr Catherine Petitnicolas, in Le Figaro du 12/09/2001

(19) Médisite propose une bonne description des différentes étapes de l'AMM.

(20) Op. cit. p. 240.

(21) In op. cit. p. 73. D'après la revue Prescrire, tome 16, n°158, 1996, p.70.

(22) Sylvie Simon in le mensuel Biocontact, mars 2001, p. 43, à l'occasion de la sortie de l'édition complétée de son livre "La dictature médico-scientifique", Editions Filipacchi.

(22b) En réalité ce n'est même pas le cas et nous avons préalablement montré que les données de l'essai qui a servi à justifier l'AMM correspondant n'étaient pas transposable en France à cause notamment du french paradox.

(23) Le système décrit par le Dr Perez correspons à peu près au NICE, mis en place en avril 1999 au Royaume-Uni. Le NICE (National Institute for Clinical Excellence) a pour mission d’éclairer patients et professionnels de santé sur les pratiques médicales les plus efficaces, selon la méthode de la « médecine par les preuves ». Cette évaluation se situe en aval de l’autorisation de mise sur le marché. Le rôle du NICE est bien séparé de celui de l’agence du médicament (nationale ou européenne) : l’agence contrôle la sécurité, la qualité et l’efficacité des médicaments, tandis que le NICE contrôle l’efficience clinique et le rapport coût/efficacité. Le NICE cherche des partenaires en Europe pour créer un système commun d’évaluation post-AMM (d'après le rapport 2001 précité de la Cour des Comptes).

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Créé le 3/11/01. Dernière modification le 3/08/06.