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Pas de liberté s'il vous plait, nous sommes français !

La France s'apprête à adopter la loi la plus restrictive au monde réglementant l'exercice de la psychothérapie

 

Cette page exprime en toute indépendance la position de Gestion Santé. Bien qu'elle défende le libre exercice de la psychothérapie, elle n'a pas vocation à représenter la position des psychothérapeutes ou de leurs représentants vis à vis des projets de réglementation en cours.

Le contexte et l'actualité
Le texte n'apportait aucune garantie quant à la qualité des futurs psychothérapeutes, bien au contraire
La liste des psychothérapies autorisées fixée par décret !
Le texte d'inspiration essentiellement répressive est visiblement inspiré par les dispositions sur l'exercice illégal de la médecine
Des problèmes de frontières majeurs s'annoncent pour délimiter le champ de la psychothérapie
Un texte au service de la normalisation sociale
De graves problèmes de constitutionnalité
L'absence de travaux d'évaluation rigoureux d'origine publique sur la pratique de la psychothérapie
Les projets de normalisation sociale des psychiatres conservateurs
Une impressionnante vacuité conceptuelle
Peut-on se faire une idée de l'exercice actuel de la psychothérapie en France ?
Stéréotypes culturels français négatifs vis à vis de la psychothérapie
L'exception psychanalytique et ses conséquences sur l'organisation de la profession de psychothérapeute
Conséquences désastreuses sur l'organisation des psychothérapeutes
Les fantasmes français de la lutte contre les sectes
Mais pourquoi alors cette omniprésence de la thématique sectaire ?
Une presse sourde, muette et aveugle
Le modèle médical étendu
La psychothérapie constitue un des champs dérivés du modèle médical entendu... mais ne lui est pas limité...
Nouveaux arguments contre une réglementation
L'enjeu du contrôle du champ de la psychothérapie et du développement personnel
En conclusion provisoire
La situation après le vote au Sénat
Revenir aux principes constitutionnels
Principaux sites ressources pour la campagne "touche pas à mon psy"
Suivi du dossier par Gestion Santé

Le contexte et l'actualité

Depuis au moins une décennie, une campagne médiatique de grande ampleur cherche à persuader les français que le recours à la psychothérapie pose des problèmes de sécurité considérables pour les patients ; les raisons avancées sont que de nombreuses personnes sans formation se lanceraient dans la pratique de la psychothérapie, que le secteur aurait été infiltré par les sectes et enfin que de nombreuses méthodes ne seraient pas scientifiquement valides. Nous examinerons ce qu'il en est dans ce qui suit.

C'est dans ce contexte qu'un amendement déposé en catimini par le député médecin Accoyer, qui est vice-président du groupe UMP à l'assemblée nationale, a été voté à l'assemblée, à l'unanimité, par 13 députés présents, selon une technique désormais bien rodée pour faire passer sans débat les dossiers sensibles et bafouer le suffrage universel et le travail parlementaire.

Le texte dont nous allons parler a été entre temps profondément amendé par le travail parlementaire, mais il nous semble fondamental de revenir en détail sur ce projet initial car, n'eût été une mobilisation inattendue et assez extraordinaire, c'est ce projet qui aurait été adopté en l'état. Or on s'aperçoit que deux ans après la première version de notre texte qui date de novembre 2003, le débat d'idée véhicule en France et avec une violence croissante et régulièrement renouvelée les mêmes idées a priori dépassées, sur la psychothérapie. Dépassées en tout cas pour celui à qui l'on s'adresse dans cet article, et que l'on pourrait appeler " l'honnête homme ", intellectuellement ouvert et raisonnablement informé ou soucieux de l'être sur les questions de société. Mais fi de l'honnète homme puisque les idées qui nous paraissent agressives et partisanes et extraodinairement datées sur la psychothérapie sont défendues avec vigueur par différents lobbies très actifs et bien introduits auprès des pouvoirs publics. De plus j'ai été surpris de voir qu'un ouvrage que l'on pourrait croire solidement informé comme celui de l'universitaire Elisabeth Roudinesco "Le patient, le thérapeute et l'Etat" (paru chez Fayard en mai 2004), paru à l'occasion du projet que nous évoquons ici, occultait totalement la version initiale du texte alors même que Mme Roudinesco a fait partie des psychanalystes défendant le libre exercice de la psychothérapie par les psychothérapeutes de toutes tendances.

Le texte initial du parlement devait ensuite encore passer au Sénat au début de 2004, d'après la lettre du SNPPsy. Complètement inadapté dans sa rédaction (voir texte), il réservait le TITRE mais aussi l'EXERCICE des activités de psychothérapeute uniquement aux médecins psychiatres, aux médecins et aux psychologues cliniciens et par dérogation et sur jury, de façon transitoire, en fonction de la formation et de l'expérience, aux psychothérapeutes exerçant depuis plus de cinq ans. Le fait que l'EXERCICE soit réservé (ce point a heureusement disparu par la suite) était pour nous central, mais c'est un point qui n'a été quasiment pas évoqué, même par les professionnels qui contestent à juste titre le projet. Nous pensons que cet exercice réservé, qui constituait le danger majeur du projet, est une véritable machine de guerre dirigée contre les psychothérapies non médicales et plus généralement contre toutes les techniques de développement personnel, de relation d'aide et d'épanouissement de la personne. Or on s'est aperçu par la suite qu'une campagne extrêmement virulente issue du champ des thérapies cognitivo-comportementales et relayée par des puissantes institution comme l'INSERM allait s'efforcer de remmetre en cause la validité de toutes les autres approches thérapeutiques.

Le texte n'apportait aucune garantie quant à la qualité des futurs psychothérapeutes, bien au contraire

Aucune garantie et aucune précision n'était apporté par le texte quand à la formation minimum de cette nouvelle caste de psychothérapeutes qui ne bénéficient d'aucune formation à la psychothérapie durant leurs études et qui plus est d'aucune formation à la psychologie clinique pour les médecins et même pour les psychiatres, celle-ci étant pour ces derniers très sommaire compte tenu de ce que les études sont essentiellement axées sur les troubles organiques et la sphère biologique.

Le texte se contentait d'indiquer que :

"Les psychothérapies constituent des outils thérapeutiques utilisés dans le traitement des troubles mentaux.
Les différentes catégories de psychothérapies sont fixées par décret du ministre chargé de la santé. Leur mise en oeuvre ne peut relever que de médecins psychiatres ou de médecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles requises fixées par ce même décret. L’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé apporte son concours à l’élaboration de ces conditions."

On notera que la spécificité de la psychothérapie n'était même pas formulée, le texte n'indiquant pas que les psychothérapies utilisent des techniques psychologiques de traitement. Cela permet d'éviter de spécifier que la psychothérapie se distingue nettement des autres aspects de la pratique médicale traitant des troubles mentaux et nécessite donc une formation spécifique.

Le texte est tout aussi allusif sur d'autres points majeurs. Pour tout autre texte de loi, réglementant un titre, et qui plus est l'exercice d'une profession dans le cas actuel, on aurait écrit que les professionnels concernés doivent avoir suivi la formation d'écoles agréées pendant une durée minimum de tant d'heures et années, dont le cursus doit contenir obligatoirement certains contenus théoriques minimum, dont le détail aurait été renvoyé au décret d'application. Le texte n'évoque rien non plus quand à la nécessité de la supervision et de la formation continue alors que tous les professionnels s'accordent pour reconnaître qu'elle est absolument indispensable. Le "débat" à l'assemblée, si l'on peut ainsi qualifier les quelques paragraphes d'une complète indigence qui accompagnent la proposition d'amendement n'apporte aucun élément d'information supplémentaire notamment sur la formation attendue des professionnels ou sur l'équilibre entre texte de loi et décret.

Il y a tout lieu de penser que dans l'esprit du ou des rédacteurs de l'amendement, quelques stages thématiques dans le cadre de la formation continue, ou quelques unités de valeur "exercice de la psychothérapie" dans le cursus de la formation initiale, accompagnés, pour faire bonne mesure d'un stage de gardiennage en milieu hospitalier, seront un sésame bien suffisant pour devenir psychothérapeute. On est en plein dans la magie du diplôme médical (étendu de mauvais gré aux psychologues) conçu comme une sorte de prêtrise accordant magiquement toutes les compétences refusées, tout aussi intrinséquement, au commun des mortels, celui-ci eut-il fait les études les plus sérieuses accompagnées de l'expérience personnelle la plus approfondie.

La législation proposée, s'inscrit, par son esprit, dans une logique de gestion des privilèges, à mille lieux d'une gestion réelle des compétences. On s'oriente donc vers des professionnels bénéficiaires du titre, formés au rabais, donc vers des problèmes majeurs de compétence pour les patients, que l'on met en danger, tout en prétendant les protéger par un titre et un exercice réservé. Il fallait oser, mais dans le contexte de normalisation sociale ambiant les pires inepties passent pour une démarche prudente et réfléchie.

La liste des psychothérapies autorisées fixée par décret !

Comme si cela ne suffisait pas, cerise sur le gâteau, Accoyer a proposé, incroyable mais vrai, que la liste des psychothérapies dont l'exercice serait autorisé soit fixée par l'Etat ! Aucun pays au monde ne propose de telles dispositions, même les Etats totalitaires, mais qu'à cela ne tienne, ce à quoi le petit père des peuples et le grand timonier n'avait pas pensé, Accoyer l'a conçu et a osé l'écrire dans une loi ! Il résulte en effet de la rédaction retenue que :

"Les différentes catégories de psychothérapies sont fixées par décret du ministre chargé de la santé. Leur mise en œuvre ne peut relever que de médecins psychiatres ou de médecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles requises fixées par ce même décret."

Ainsi, le fait de mettre en oeuvre ou de proposer, soit une psychothérapie de toute nature si on n'a pas le titre de psychothérapeute, soit une psychothérapie non autorisée par l'Etat même si on a le titre de psychothérapeute constituera de facto dans le premier cas un exercice illégal de la psychothérapie et dans le second une infraction pour exercice d'une thérapie non autorisée !

Bien que ces dispositions, suite aux péripéties législatives, n'aient finalement pas été retenues, on s'est aperçu ensuite que ces dispositions étaient en fait étroitement articulées à des recommandations figurant dans des rapports de divers organismes en particulier l'INSERM, non encore connues à l'époque, et réservant le label de scientificité aux seules thérapies cognitivo-comportementales !

Le texte d'inspiration essentiellement répressive est visiblement inspiré par les dispositions sur l'exercice illégal de la médecine

On retrouve avec cet amendement, quasiment décalquées, les dispositions qui permettent, dans le champ médical, de harceler les professionnels de santé non médecin (guérisseurs, naturopathes, ostéopathes, nutritionnistes, etc.) pour exercice illégal de la médecine ET de normaliser le champ médical proprement dit en harcelant en permanence les médecins innovateurs qui cherchent à développer de nouveaux systèmes de santé et qui sont poursuivis pour "pratiques médicales non éprouvées" ou pour reprendre l'expression délibérément stigmatisante du Conseil de l'ordre pour "charlatanisme". En pratique ces dispositions permettent d'exclure progressivement toutes les thérapeutiques qui n'utilisent pas la pharmacopée étroitement contrôlée par les géants mondiaux de la pharmacie (Cf. la rubrique Société et santé publique de Gestion Santé). Rappelons que ces dispositions font déjà de la France, dans le domaine médical, un pays complètement rétrograde par rapport aux autres pays développés.

Mais les dispositions retenues pour la psychothérapie sont, à l'examen encore plus liberticides que celles retenues pour la médecine.

Dans le domaine médical, les poursuites pour charlatanisme sont initiées par les conseils de l'ordre, bastion du conservatisme médical et du "tout médicament". Malgré l'arbitraire scandaleux des conseils de l'ordre, le champ de ce qui constitue la pratique éprouvée reste, au moins en théorie, ouvert et n'est pas défini à priori, ce qui est naturel, puisque nous sommes dans le champ en évolution permanent de la science médicale. D'où l'attitude beaucoup plus modérée de la justice pénale lorsqu'elle a à examiner de son côté le cas de médecins ayant utilisés des thérapeutiques non conventionnelles.

Au contraire, pour la psychothérapie, on veut faire fixer discrétionnairement par l'Etat, sans concertation avec les intéressés, et sans possibilité de recours, ce qui est éprouvé ou pas ! Demain la psychanalyse ou n'importe quelle forme de psychothérapie peut donc être interdite par ce procédé. Le débat récent et la parution du "Livre noir de la psychanalyse" chez un éditeur d'habitude mieux inspiré montre que la psychanalyse, dont on pensait qu'elle possédait des positions médiatiques inexpugnables, n'est elle-même plus protégée des attaques qui visent toutes les formes de psychothérapies au bénéfice du cognitivo-comportementalisme.

Même en supposant un très grand libéralisme des autorités, qui n'est visiblement pas d'actualité, il sera impossible de référencer toutes les formes de thérapies, dans un champ de surcroit en perpétuelle évolution. Il est probable par contre que ces dispositions très restrictives seront utilisées à plein pour bloquer au maximum le "repéchage" des thérapeutes non médecins et non psychologues ayant plus de cinq ans d'exercice.

Des problèmes de frontières majeurs s'annoncent pour délimiter le champ de la psychothérapie

Ensuite, ce qui est du ressort de la psychothérapie, ou ne l'est pas, est très flou compte tenu en particulier de l'existence d'une multitude de techniques tournant autour du développement personnel, du bien-être, de la relation d'aide. Nous allons assister à des problèmes majeurs de frontières. Cela serait à la rigueur acceptable si seul le TITRE de psychothérapeute était protégé (position heureusement et finalement retenue) . Le titre serait une garantie de sérieux pour les patients atteints des troubles les plus importants et / ou peu au fait des différents types de psychothérapies. Ces personnes pourraient s'adresser à un professionnel ayant une formation académique officiellement reconnue (mais bien sûr il faudrait aussi ouvrir le titre aux psychothérapeutes non médecins et non psychologues formés dans des écoles agréées). Cela devient par contre un sérieux problème dès que l'EXERCICE est protégé car toutes sortes de techniques utilisées par des non psychothérapeutes vont faire l'objet d'attaques incessantes pour exercice illégal de la psychothérapie.

Dans la version intiale de la loi, la psychothérapie s'adresse aux "troubles mentaux" que l'on associé volontiers à la maladie mentale, laquelle se différencierait nettement de la santé mentale pour le sens commun mais aussi pour une certaine idéologie médicale de la normalité. La théorie psychanalytique, que je suivrais volontiers sur ce point, souligne au contraire que toute structure mentale est éminemment fragile et précaire par nature. Chacun, derrière une façade globale de normalité plus ou moins solide peut révéler des failles importantes dans des secteurs plus ou moins circonscrits (vie familiale, affective, sexuelle, etc.) qui peuvent être manifestes ou demeurer latentes. Nous oscillions en permanence en fonction des circonstances plus ou moins favorables de notre vie sur un continuum qui va de la santé à la pathologie mentale. Avec le projet de loi initial, on risquait de se situer dans le champ de la psychothérapie dès que l'on apportait une aide psychologique via une technique quelconque de bien être. Tout traitement de bien être ou de conseil pourrait donc donner lieu à poursuite pour exercice illégal de la psychothérapie si l'on pouvait établir qu'il s'était adressé à des personnes présentant des "troubles mentaux" ou un quelconque état de faiblesse psychologique ou de souffrance mentale, même transitoire. On peut imaginer les conséquences dévastatrices de telles dispositions sur d'innombrables activités sociales. Mêmes les activités pastorales et religieuses, comme les techniques de guérison des cercles charismatiques chrétiens, voir la simple confession sont susceptibles de tomber dans le champ de ces dispositions.

Un texte au service de la normalisation sociale

Je force le trait ? Pourtant tout indique que les milieux conservateurs de la santé, toutes sortes d'activistes et d'excités soucieux de dicter la conduite de leur voisin, tous les milieux gravitant autour de la lutte contre les sectes, la presse qui n'arrête pas de souligner le danger de techniques qu'elle connaît à peine par ouï dire, veulent régenter et normaliser les conduites. C'est dans ce climat particulièrement délétère qu'arrive cette loi ; à moins qu'il ne convienne plutôt de dire qu'elle en est le fruit.

Dans ce contexte, on peut être à peu près sûr que dès le passage de la loi, des violentes campagnes d'opinion auraient été orchestrées pour attaquer tout une série de thérapies, soit qu'elles ne soient pas assez "scientifiques", c'est-à-dire toutes les écoles sauf le comportementalisme ou le cognitivisme qui à la rigueur peuvent correspondrent au scientisme ambiant, soit que situées dans la mouvance humaniste et la filiation reichienne, elles fassent peur puisqu'elles osent s'intéresser aux émotions, à la sexualité, au groupe, etc, soit encore que situées dans la périphérie des théories de la communication (programmation neurolinguistique, analyse transactionnelle, etc.), on les accuse d'être des gadgets mercantiles et sans valeur.

Il s'agira pour ces activistes de restreindre drastiquement l'offre de psychothérapie après avoir normalisé les psychothérapeutes.

De graves problèmes de constitutionnalité

On notera que l'amendement Accoyer, entre autres points, posait plusieurs problèmes majeurs de constitutionnalité. Sans être spécialiste de la question, un peu de bon sens et quelques moments de réflexions permettent de repérer quelques uns de ces problèmes.

Ainsi l'amendement renvoie à des décrets des éléments fondamentaux du dispositif, alors que dans toute législation, la loi doit fixer les dispositions générales et le décret seulement les modalités d'application. Ici c'est pour ainsi dire l'inverse. Alors que le texte est sensé protéger les patients en assurant la compétence des thérapeutes, il laisse cette compétence en suspens et renvoie au niveau du décret la question fondamentale de savoir si les bénéficiaires du titre seront en pratique soumis à une quelconque obligation de formation et laquelle ! C'est donc le décret qui permettra d'apprécier sur ce point la signification de la loi !

De même, la loi n'apporte aucun élement permettant de fixer sur des bases légales les thérapies autorisées. A priori, on peut penser que seules des considérations très générales tel que le respect de la personne et des normes de formation de qualité dans les écoles de psychothérapie seraient constitutionnelles et acceptables dans la loi (où elles sont absentes) sauf à porter une atteinte sans précédent à la liberté d'opinion. Mais là, rien, le pouvoir exécutif pouvant quasiment à discrétion, via le décret, autoriser et interdire toute forme de psychothérapie !

Le texte est probablement également anticonstitutionnel en ce qu'il met en place des modalités de régulation du titre drastique sans les proportionner à des obligations de formation correspondantes. Le conseil constitutionnel pourraît donc considérer qu'il s'agit d'un privilège indu accordé à certaines corporations professionnelles sans contrepartie particulière de compétence.

Sur le plan de l'accès au titre des personnes ayant 5 ans d'exercice, non médecins et non psychologues, le conseil pourrait remarquer l'arbitraire de la durée, et l'absence de garanties sérieuses quand à l'impartialité des jurys sensés repêcher les intéressés, d'autant que la liste des thérapies "agréées par l'Etat" risque d'être fluctuente et en retard par rapport à la validation des titres, tout en étant opposable aux intéressés.

Sur le plan de la forme et des procédures, on notera l'importance de cet amendement passé dans le projet de loi de santé publique. Le projet a des conséquences majeures avec notamment la possibilité d'interdiction professionnelle pour des milliers de professionnels, des modifications très importantes de la formation de dizaines de milliers d'autres et enfin un impact important sur d'innombrables utilisateurs concernées par le contrôle sur les thérapies autorisées. Le Conseil Constitutionnel, toujours très vigilant sur ces questions, pourra donc considérer, conformément à une jurisprudence fréquente, que l'amendement a modifié substantiellement le projet de loi et ne pouvait pas passer sous forme d'amendement. En effet, un texte passé sous forme d'amendement, et donc sans réflexion ni examen préalable sérieux de la part des élus, constitue, lorsqu'il porte sur un texte d'importance majeure, une atteinte démesurée aux droits législatifs des assemblées élues.

Mais, des personnes comme Accoyer, spéculent sur l'ignorance et le conformisme de nos élus. Et en effet, il est hélas peu probable qu'on trouve un nombre suffisant d'élus à l'Assemblée ou au Sénat pour saisir le conseil constitutionnel d'un projet, aussi profondément choquant soit-il sur le plan des libertés et de la constitutionnalité, qui donne autant de gages au politiquement correct !

Mais comment a-t-on pu en arriver là, et qu'en est-il de la qualité des psychothérapeutes dans notre pays en l'absence de protection du titre ?

L'absence de travaux d'évaluation rigoureux d'origine publique sur la pratique de la psychothérapie

Il est exact que le titre de psychothérapeute n'est pas protégé en France et que n'importe qui peut, en théorie du moins, s'installer comme psychothérapeute sans avoir de formation adéquate. Cela donne lieu à beaucoup de suppositions et de fantasmes, sans que les pouvoirs publics ne se soient jamais donné la peine jusqu'à une date récente de financer et de faire réaliser une étude approfondie sur la formation des psychothérapeutes en exercice en France, leur nombre, le nombre de leurs clients, les méthodes de thérapies utilisées, la fréquence du traitement et le nombre de patient suivis suivant tels ou tels méthodes.

Une négligence coupable, et sans doute pas innocente, en tout cas très révélatrice de la façon dont est conduit le débat et la réflexion sur l'exercice de la psychothérapie. Il est très significatif en tout cas que l'on s'apprête à prendre des mesures de réglementation dans l'urgence alors que l'on attend dans peu de temps le résultat de deux études importantes sur le sujet confiées par les pouvoirs publics en 2001, l'une à l'institut national de la santé et de la recherche médicale (l'INSERM) chargé de réaliser une expertise collective sur les pratiques des psychothérapeutes, l'autre à l'Agence nationale d'évaluation en santé (ANAES) saisie sur l'évaluation des différents types de psychothérapies, tout ceci en vue d'élaborer des recommandations de bonne pratique. Ces institutions ont-elles pu travailler en toute indépendance et sans esprit corporatiste ? Je l'ignore. On notera quand même cette remarquable incohérence de calendrier !

Notons que ces expertises, parues après la rédaction de la première version de cet article, et dont j'attendais un peu naïvement une approche mesurée et un rééquilibrage du débat se sont révélés être d'une confondante médiocrité, celle de l'INSERM se contentant de faire l'éloge des thérapies cognitivo-comportementalistes ! Cette expertise a priori la plus attendue ne comporte aucune analyse sociale de la pratique de la thérapie dans notre pays et consiste en fait en une compilation d'études publiées dans des revues scientifiques internationales et qui sont centrées uniquement sur l'évaluation de l'efficacité des thérapies selon les méthodes utilisées pour les médicaments (groupe traité contre groupe placebo). Le fait qu'il n'y ait pas de vrai groupe placebo possible en psychothérapie et qu'il faudrait probablement comparer les méthodes entre elles (cela existe aussi pour le médicament) est évacué. Le fait qui me semblait bien établi par différentes recherches que la personnalité du thérapeute était de loin le facteur le plus important pour le succès du traitement indépendamment de la méthode pratiquée ne tourmente pas d'avantage nos experts. Bref l'interdisciplinarité dans le domaine des sciences humaines qui ne demanderait qu'à s'illustrer sur le dossier complexe de la psychothérapie ne semble pas même une possibilité qui ait traversé l'esprit des responsables de l'INSERM. L'institut tel que j'avais compris sa mission est quand même sensé examiner les problèmes de santé d'une façon synthétique intégrant plusieurs approches lorsque la problématique le nécessite. Que la recherche publique soit tombée à un tel degré de décrépitude intellectuelle et de réductionnisme scientiste est proprement effarant. Certes l'INSERM répond à des commandes publiques. Mais un responsable scientifique digne de ce nom se doit néanmoins de recadrer et reformuler la problématique qu'on lui soumet lorsqu'elle n'est pas pertinente où trop étroite. Là s'est semble-t-il le contraire, l'INSERM semblant s'être ingénié à insuffler à la commande qui lui était faite l'esprit de médiocrité et le réductionisme médico-scientifique le plus daté. Pathétique !

Ainsi au sein d'un des centres de recherche scientifique français les plus prestigieux, une approche proposant une synthèse maîtrisée des sciences humaines au service d'une anthropologie médicale cohérente semble désormais un objectif scientifique totalement inaccessible. On ne s'étonnera pas que la recherche et la politique de santé publique française soit en crise !

Les projets de normalisation sociale des psychiatres conservateurs

En tout cas, prenant de vitesse et "donnant le ton" aux travaux que nous venons d'évoquer, la très conservatrice académie de médecine a également mis en place en 2002 un groupe de travail qui a remis un rapport "Sur la pratique de la psychothérapie" signé de Pierre PICHOT et Jean-François ALLILAIRE, en juillet 2003. Comme on pouvait s'y attendre, les recommandations ultrarestrictives de ce rapport médiocre et superficiel sont largement reprises dans l'amendement Accoyer visant à réglementer le secteur. Il est singulièrement frappant en tout cas, à lire attentivement le rapport de l'académie, ce qui prend peu de temps, de voir à quel point les recommandations, formulées en conclusion, sont déconnectées du corps du rapport, voir en contradiction évidente avec lui. Ainsi le rapport souligne l'absence de formation des médecins à la psychothérapie avant de leur en réserver la quasi exclusivité en conclusion !

Le corps du rapport est moins critiquable, mais certes très superficiel et, il faut bien le dire, à peu près n'importe quel étudiant en maîtrise de psychologie aurait pu l'écrire en quelques semaines (pour les plus lents) en consultant et compilant quelques ouvrages et articles de revues spécialisées traitant du sujet. Mais n'insistons pas, la France du XXIeS à l'élite académique qu'elle mérite, et qu'elle sélectionne en conséquence.

Plus récemment encore et toujours en provenance du milieu psychiatrique était publié en septembre 2003 un document plus consistant, "Le plan d'actions psychiatrie et santé mentale" de Philippe CLERY-MELIN, Vivianne KOVESS, Jean-Charles PASCAL. La mission à laquelle répondait ce travail était :

« […] de proposer un plan d'actions ciblé sur la réorganisation de l'offre de soins en psychiatrie et en santé mentale, en abordant plus spécifiquement :
- la coordination public/privé, intégrant les interfaces entre psychiatres et psychologues libéraux, le rôle des généralistes et des intervenants non médecins
- la collaboration du secteur avec les autres structures de soins et le développement de l'intersectorialité ;
- l'articulation avec le médico-social.
et en prenant en compte le choix et la mise en oeuvre des objectifs de prévention déterminés dans le cadre de la loi d'orientation en santé publique[…] ».

Le sujet de ce travail déborde donc très largement la question de la psychothérapie et ne pouvait traiter que de façon très superficielle la question de l'exercice de la psychothérapie. Dans ces conditions il aurait pu la traiter de façon nuancée, d'autant qu'il ne pouvait s'appuyer sur les travaux encore à venir de l'ANAES et de l'INSERM auquel il fait d'ailleurs référence. La position du rapport s'énonce sous la forme d'une pétition de principe et d'un coup de force en refusant par principe et sous forme du déni toute légitimité aux psychothérapeutes non médecins et non psychologues : "Psychiatres et psychologues se sont unanimement prononcés contre la proposition de loi qui voulait instaurer la profession de psychothérapeute (3), distincte de celles de psychiatres et de psychologues, en dénonçant l’ambiguïté d’un texte qui aurait consacré, dans la loi, l’éviction de la psychothérapie du champ médical et ouvert la voie à toutes les dérives, que l’instauration d’un « métier de psychothérapeute » prétendait, précisément, éviter. "

La note 3 du rapport renvoie (pour la stigmatiser) à une des rares propositions de loi équilibrée formulée sur la réglementation de la psychothérapie, la proposition de loi n°2288 de Jean-Michel MARCHAND (28 mars 2000), un véritable épouvantail pour les milieux conservateurs de la psychiatrie, et qui avait été suivi aussitôt d'un amendement Accoyer le 26 avril 2000 destiné à faire barrage au projet Marchand. Il n'y a donc bien sûr pas eu une quelconque étude sur la position réelle des psychiatres et des psychologues dont les rapporteurs s'approprient sans vergogne la pseudo unanimité.

L'unanimité est d'autant plus imaginaire qu'en 2001 un rapport "De la Psychiatrie vers la Santé Mentale" faisait des propositions autrement ouvertes sur le même sujet (p. 67/86) et sur d'autres. La lecture comparée des deux rapports, qui font largement double emploi, si ce n'est dans leurs recommandations diamétralement opposées, met en évidence une reprise en main du secteur de la santé mentale par les milieux médicaux les plus conservateurs avec la bénédiction du ministre Matteï qui est à l'origine du nouveau rapport.

C'est ainsi que, sous le prétexte louable de développer la psychothérapie dans le cadre d'une politique de santé mentale qui ne soit pas entièrement fondée sur le tout médicament, le rapport préconise en réalité une médicalisation à outrance de la psychothérapie accompagnée d'une bureaucratisation massive de sa prescription. Pour les auteurs, le besoin de psychothérapie n'est qu'un cas particulier du besoin de soins psychiatriques qui se définit ainsi :

"Un besoin de soins en psychiatrie existe dès lors qu’une personne souffrant d’un trouble psychiatrique ou d’un problèmes de santé mentale présente une altération significative dans les sphères clinique ou sociale, et qu’une intervention clinique ou sociale peut traiter ou contenir le trouble (p.13)" et, "il est nécessaire de mettre en oeuvre un système qui garantisse à toute personne, présentant un problème de psychiatrie ou de santé mentale, une évaluation de son état et une offre de soin adaptée. (p. 15)" Selon les rapporteurs on peut recouper des indicateurs issus du champ du "diagnostic psychiatrique (DSM IV)", de la "détresse psychologique" et de la "gène fonctionnelle" (pour les malades) pour produire des "indicateurs de besoin" pour différents "bassins de population" [sic] (p. 10-11).

Dans cette conception, l'offre de psychothérapie serait complètement articulée et instrumentalisée au dispositif psychiatrique de santé mentale. La prescription serait bien sûr sous la coupe d'un mandarinat médico-psychiatrique chargé de poser le diagnostic et de codifier les soins, c'est-à-dire de définir le nombre de séances remboursables et de choisir la thérapie adaptée à la pathologie (Cf. les propositions I-01 à I-09 du rapport) ! C'est dans cette riante ambiance de caserne que l'on imagine que l'on va régler le problème des troubles mentaux dans notre pays. On me permettra d'en douter !

De toute façon à quoi bon proposer de façon complètement abstraite une évaluation de l'état des patients et une offre de soin adaptée, alors que pas à un moment n'est sérieusement examinée de façon concrète la criante déconnexion du système psychiatrique d'avec les malades, l' absence de stratégie cohérente des soins dans la durée, l'oscillation entre le tout médicament, le gardiennage, l'emprisonnement ou la clochardisation des patients, l'extrème difficulté de gérer, tant sur le plan du diagnostic que sur celui du traitement, l'imbrication des troubles mentaux avec les problèmes économico-sociaux, etc.

Une impressionnante vacuité conceptuelle

On notera par ailleurs l'extraordinaire fragilité de certaines hypothèses implicites du rapport, qui ne font pas l'objet de la plus élémentaire discussion, mais qui constituent pourtant le fondement du dispositif extraordinairement ambitieux de contrôle social préconisé par les rédacteurs. C'est de façon extraordinairement sommaire que les rapporteurs examinent comment le besoin ou la demande de psychothérapie par le patient est superposable aux troubles de la personnalité et de l'adaptation sociale qui peut faire poser par le médecin l'indication d'une psychothérapie. Pas à un seul moment n'est envisagé le fait que le choix d'un type de thérapie et d'un psychothérapeute est un phénomène culturel complexe à l'issu duquel se produit parfois le déclic et la démarche du patient. Pourtant à moins de nier, en la médicalisant à outrance, comme le font les rédacteurs, la nature profondément personnelle et culturelle de la demande de psychothérapie, tout indique que la symptomatologie et la demande de psychothérapie sont, de façon étonnante mais indéniable, des problèmes tout à fait distincts.

Certes il n'est pas question pour nous, bien au contraire, de dénier tout rôle au médecin (parmi d'autres intervenants) dans l'orientation vers la psychothérapie. Par exemple, un bon conseil du médecin, donné avec tact au moment opportun à un malade déprimé, peut constituer parmi d'autre, un élément important, et même décisif, pour faciliter une prise de conscience et amener à une demande d'aide.

Mais ce n'est pas du tout de cela dont il s'agit ici, puisque le rapport vise à mettre en place une logique bureaucratique extrèmement contraignante, où la prescription de la psychothérapie se ferait sur le mode du médicament. On reste souvent pantois à la lecture de ce rapport tant il semble se situer loin de la réalité concrète et humaine des personnes en souffrance psychologique. On est carrément dans la logique hygiéniste du XIXeS qui a certes fait merveille pour le ramassage des poubelles et le tout à l'égout mais qui n'est peut-être plus tout à fait adaptée au monde décentralisé et à l'autonomie des acteurs qui caractérisent le XXIeS.

Le rapport est vraiment très éloigné de la prise en compte du réel dans sa complexité, d'une réflexion réaliste sur les acteurs, leur autonomie, leur diversité culturelle et leurs spécificités, leurs forces et leurs lacunes, d'une recherche de mise en réseau et de valorisation des synergies. Les nombreux experts de tous ordres consultés à l'occasion de ce rapport ont-ils pu retrouver ne serait-ce qu'une partie de leurs suggestions et de leurs analyses ? Franchement je me permettrais d'en douter, tant le rapport ne semble refléter que le consensus idéologique de ses rédacteurs.

Il s'agit en fait ici d'une utopie pure et simple, mais pas d'une de ces utopies qui donne à rêver, à penser et à inventer et qui à ce titre peut être féconde même si elle est inapplicable, il s'agit d'une utopie bureaucratique de normalisation mentale et sociale, tant des soignants que des soignés. On peut soupçonner d'ailleurs, tant la déconnexion avec le réel est flagrante et frise le ridicule, que les besoins supposés des soignés ne constituent qu'un alibi pur et simple, et qu'il s'agit, avant tout, de normaliser les soignants et les thérapies !

En effet on voit mal comment ce projet irréaliste et dispendieux pourrait recevoir le moindre début d'application. Par contre il peut fournir des alibis commodes pour normaliser et étouffer un peu plus la profession des psychothérapeutes (et la pratique des psychologues, médecins et psychiatres). Est-il besoin d'ajouter que ce modèle dépassé a fait l'objet de critiques de fond dès les années 60 lorsqu'un modèle un peu similaire, mais tout de même de moindre ampleur, s'était mis en place dans les années 50 aux USA autour de la psychothérapie psychanalytique. Des psychiatres et psychanalystes soucieux de pragmatisme et de réalisme comme Thomas Szasz, ont mis en évidence à l'époque l'effet dévastateur de la bureaucratisation des processus psychothérapeutiques tant sur les soignés que sur les thérapeutes et leurs écoles. Allons nous reproduire les mêmes erreurs 50 ans après ?

Parmi d'autres carences flagrantes des propositions, on notera que les médecins et les psychiatres censés être au centre du dispositif ne sont pas formés en psychologie et en psychothérapie et que ceux qui le sont, à la suite d'une forte motivation et via leur parcours personnel, ont des pratiques diverses et bien affirmées. Il ne sera sans doute pas facile de les enrégimenter au coup de sifflet dans le nouveau dispositif ! A cela s'ajoute le manque de médecins et encore plus de psychiatres du fait de la démographie médicale. Mais qu'à cela ne tienne, YAKA former les médecins, modifier les études médicales, etc. Pourtant cela constitue déjà un chantier gigantesque, sans précédent, qui se heurterait à d'énormes résistances et qui mériterait une étude minutieuse et une mise en place par des expérimentations progressives menées dans un esprit ouvert et humaniste. Au demeurant, un tel projet devrait vraisemblablement s'étaler sur une à deux décennies. Mais tout cela n'effleure pas un instant nos ardents rédacteurs, alors qu'il s'agit du pilier principal de leur dispositif et qu'il conditionne tout le reste !

On notera aussi que pas un début de réflexion ne porte non plus sur le fait que ce dispositif essentiellement fondé sur la prescription médicale va substituer à des patients motivés par une vraie demande et en recherche d'autonomie, une immense cohorte de pathologies lourdes, de carences affectives aïgues, de personnes en graves difficulté socio-économiques étiquetées à la va vite par des personnels mal formés, sur la base de questionnaires minute de type DSM IV, comme porteurs de troubles mentaux, et donc des personnes inquiètes et défensives souvent faiblement motivées, et que ces cas souvent lourds vont venir encombrer les cabinets et épuiser inutilement des professionnels surchargés, dont on aura au préalable réduit le nombre par des normes de titre et d'exercice aussi drastiques qu'inadaptées !

Enfin, extrapolant sur les futures conclusions du rapport de l'ANAES, le rapport fantasme, comme nous l'avons évoqué, sur une stricte codification des actes de psychothérapie par le lobby médical, c'est-à-dire que telle pathologie pourrait renvoyer à telle thérapie pendant un temps déterminé avant réévaluation des résultats par le médecin, et ainsi de suite... C'est donc là fin du libre choix de la thérapie tant par les psychothérapeutes que par les malades et de l'évaluation conjointe et privée du résultat. Pour la plupart des écoles de psychothérapie, la structure psycho-dynamique du patient ne se dévoile souvent que grâce à la relation de confiance entre le malade et son médecin et ne se révèle au travers de l'interaction thérapeutique ou groupale au bout de quelques semaines ou de quelques mois. Cette représentation psychodynamique de la personnalité n'a évidemment pas de place dans la représentation dogmatique des raporteurs puisqu'elle n'est pas conforme aux présupposés du DSM IV qui ne prend en compte que les symptômes les plus immédiatement évidents dans une interview à base de questionnaires standardisés, mis au point, faut-il le rappeler, quasi exclusivement dans une optique de prescription de médicaments psychotropes. Mais tout cela est par contre terriblement cohérent avec la prise en charge purement médicamenteuse avec accompagnement éventuel par thérapie cognitivo-comportementale, le seul système de soin psychologique susceptible d'accepter une vision psychologique à ce point réductrice des troubles mentaux.

On est donc à la limite de l'obligation de soins normalement réservée aux délinquants ! Que ce genre de projet grotesque soit de toute façon inapplicable dans le contexte actuel où l'offre est fortement structurée et sans rapport avec celle que l'on va tenter d'imposer, et que cela constitue par ailleurs une atteinte intolérable aux libertés personnelles tant des thérapeutes que des patients n'effleure là non plus pas un instant les rédacteurs.

Est-il besoin d'épiloguer ?

En définitive ce projet des Dr Folamour de la psychothérapie médicalisée, dont on ne sait s'il faut en rire ou en avoir froid dans le dos semble se réduire à une machine de guerre contre les psychothérapeutes non médecins et probablement contre toutes les psychothérapies d'exploration de l'inconscient. Il est construit sur le refus initial et injustifié de l'examen de la valeur de la contribution des psychothérapeutes non-médecins et non psychologues au système de soin. Il a probablement été écrit ou modifié en cours de rédaction pour les discréditer et il vient en tout cas opportunément légitimer l'amendement sur l'exercice de la psychothérapie auquel il est visiblement fortement articulé. Tout cela s'inscrit dans un contexte français habituel marqué de façon chronique par le manque d'autonomie et d'indépendance de l'expertise scientifique.

Peut-on se faire une idée de l'exercice actuel de la psychothérapie en France ?

En l'absence de travaux sociologiques faisant référence (aucune recherche sérieuse n'a été lancée par les pouvoirs publics via le CNRS par exemple), les observateurs avisés et de bonne foi s'accordent pourtant quand à eux pour estimer que la profession de psychothérapeute (y compris les non médecins et les non psychologues) s'est largement auto-organisée depuis de nombreuses années et que les normes actuellement en vigueur dans la quasi totalité des écoles, qui prévoient thérapie personnelle, formation théorique et pratique, et supervision de la pratique sont tout à fait satisfaisantes. Les personnes ne rentrant pas dans ces normes de qualité et s'annonçant comme psychothérapeutes constituent vraisemblablement une minorité avec une clientèle probablement réduite.

Il convient aussi de revenir à nouveau sur le fait que les formations universitaires de psychologie, celles de médecine et celles de psychiatrie ne proposent aucune formation spécifique à la psychothérapie et que même le rapport de l'académie de médecine précité est contraint après de pénibles contorsions rédactionnelles de le reconnaître en ce qui concerne les médecins et les psychiatres ! Ces difficultés cruciales sont pareillement réglées en une phrase par les préconisations militaro-bureaucratiques du plan d'action psychiatrie et santé mentale. Qu'importe, ces rapports n'en préconisent pas moins, dans une admirable hiérarchie de l'incompétence, de faire prescrire toutes les psychothérapies par un médecin, qui n'y connaîtra le plus souvent pas le premier mot.

De fait, toutes les formations à la psychothérapie sont assurées par des institutions privées. Celles-ci conviennent bien, de surcroît, à des personnes qui ne deviennent psychothérapeutes qu'après un parcours personnel important, passant le plus souvent par un travail de psychothérapie personnelle suivi d'une formation théorique. Bref un itinéraire souvent long, qui est rarement celui de lycéens qui viennent d'obtenir leur baccalauréat !

Les écoles de psychothérapies sont nombreuses. La diversité des formations proposées traduit l'extraordinaire diversité des approches psychothérapeutiques et leur renouvellement régulier qui constitue une matière difficile à appréhender pour le non spécialiste, difficulté redoutable pour mettre en place un système d'agrément cohérent.

Pour pouvoir créer un agrément de qualité, il faudrait donc en pratique le déléguer largement aux intéressés eux-même (en adaptant par exemple l'excellent modèle anglais), par exemple via une fondation reconnue d'utilité publique, ce qui suppose de reconnaître au préalable l'importance des différentes formes de psychothérapie pour la santé publique ainsi que la compétence, au moins de principe, des psychothérapeutes et leur capacité à s'organiser et à s'évaluer. Il s'agirait en fait de coordonner et d'institutionnaliser ce qui existe déjà largement en pratique. Sans forcément d'ailleurs déboucher sur un titre ou un exercice reconnu par l'Etat. Les anglais, par exemple, qui se sont engagés de longue date dans cette direction ont obtenus d'excellents résultats (comme dans celui des médecines complémentaires avec les mêmes recettes), sans intervention de l'Etat ni réglementation spécifique. Est-il vraiment impossible pour des français de s'inspirer de ce qui se fait de valable ailleurs ?

Le lecteur aura compris à la façon dont j'ai introduit le sujet que cette approche de bon sens ne va pas vraiment de soi chez nous.

Stéréotypes culturels français négatifs vis à vis de la psychothérapie

Tout d'abord, d'un point de vue culturel, le fait de s'engager dans une psychothérapie reste en France quelque chose de difficile à accepter. Que cela soit difficile pour soi-même, c'est naturel, mais que cela pose une difficulté souvent importante vis à vis de l'entourage, voilà qui est plus inquiétant quand aux réactions culturelles françaises, ce qui évidemment ne facilite pas la démarche personnelle des intéressés. Certes, la valorisation du fait de s'en sortir tout seul sans se faire aider est un stéréotype culturel de défense, sans doute universel, contre la relation d'aide que propose la psychothérapie. Mais la France est sans doute un des pays occidentaux où le fait de procéder à un questionnement personnel via une psychothérapie reste quelque chose de finalement assez mal vu et de très difficile à présenter en société en dehors du cercle restreint de la famille et des amis les plus proches. Aussi, malgré que des millions de personnes recourent en France, à un moment ou à un autre de leur vie, à la psychothérapie, celle-ci continue à faire l'objet d'une impressionnante méconnaissance dans les cercles politiques et médiatiques.

Cette réticence rejoint évidemment la campagne de désinformation que nous évoquions en introduction, et qui tend finalement à accréditer l'idée que la psychothérapie est une activité à haut risque. Le résultat est catastrophique comme on peut l'imaginer.

L'exception psychanalytique et ses conséquences sur l'organisation de la profession de psychothérapeute

Peut-être faudrait-il faire exception ici de ces résistances à la psychothérapie de la psychanalyse, au moins dans certains milieux, du fait d'un snobisme très français qui fait qu'on la situe, et que surtout elle même se situe, comme une pratique élitiste et initiatique qui n'aurait rien à voir avec le monde vulgaire de la psychothérapie et de ses dérives supposées.

Et pourtant, beaucoup de méthodes de psychothérapies ont eu pour origine une tentative de dépasser ce qu'elles conçoivent, à tort ou à raison, comme des impasses ou des limites de l'approche psychanalytique ; en particulier par une prise en compte beaucoup plus ample de certains thèmes, variables selon les pratiques, comme la place du corps, de l'émotion, de la régression, du rêve, de la sexualité, du groupe, de la rencontre interpersonnelle et aussi par le rejet des nombreux stéréotypes interprétatifs de la psychanalyse liés à la reproduction de son idéologie. Si certaines méthodes proposent des thérapies courtes axées sur les symptômes, d'autres visent à des changements profonds et de grande ampleur tout en respectant l'originalité et la créativité du patient, et n'ont certes pas à rougir de la comparaison avec l'analyse.

En définitive la prétention de la psychanalyse et son attitude singulièrement arrogante paraissent bien peu fondés et sont sans doute à mettre en rapport avec son idéologie. Celle-ci rend la psychanalyse quasiment inapte à accepter la valeur des autres formes de thérapie. S'y ajoute son déclin considérable en France (même s'il est pour l'instant moins prononcé que dans d'autres pays), source d'une grande crispation défensive.

Le déclin de la psychanalyse en France apparaît comme un phénomène majeur, lié à une profonde désaffection des patients, phénomène en partie masqué par son large monopole de la parole dans les médias et par sa capacité à construire des bastions quasi imprenables à l'université. Ceux-ci résultent certes de sa remarquable capacité de théorisation, mais aussi malheureusement de sa capacité à éliminer toute concurrence par un très efficace système de cooptation, pratique très répandue dans beaucoup de secteurs des sciences humaines en France mais sans doute encore plus prononcée pour la psychanalyse. La psychanalyse s'y satisfait pleinement de ne dialoguer qu'avec le biologisme psychiatrique ambiant et avec les rares formes de psychothérapies qui y sont tolérées comme le comportementalisme ou le cognitivisme qui constituent, par contraste, un facile faire valoir de la psychanalyse. Ce monopole lui facilite largement l'accès aux étudiants de psychologie et lui ouvre nombre de débouchés dans le secteur des psychothérapies institutionnelles financièrement prises en charge par la collectivité.

Conséquences désastreuses sur l'organisation des psychothérapeutes

Cette disgression permet d'expliquer pourquoi la psychanalyse n'a jamais accepté de construire, à l'exception près de quelques personnalités éclairées, un front commun avec le reste des professionnels psychothérapeutes lorsque la profession était attaquée ou lorsque des projets de régulation inadaptés sont envisagés. De même elle n'a jamais soutenu un projet commun de régularisation de la profession qui aurait pu être soumis en temps utile aux pouvoirs publics et qui aurait évité la situation catastrophique dans laquelle nous nous trouvons maintenant.

Bien au contraire elle fournit volontiers et en abondance des arguments aux adversaires de la psychothérapie en soulignant à l'envie le caractère superficiel et le mercantilisme des pratiques concurrentes. Il arrive même que certains psychanalystes, plus doctrinaires et militants, fassent délibérément l'amalgame avec le charlatanisme ou les sectes car tout est bon pour eux, même les plus douteuses manoeuvres, quand il s'agit de discréditer les psychothérapies offrant une alternative à la psychanalyse. Le résultat est évidemment absolument désastreux, la psychanalyse ne semblant même pas s'apercevoir qu'elle ruine au passage ses propres positions. Elle a oublié que la psychanalyse est incluse dans la psychothérapie et que toute réglementation du titre et de l'exercice la concernera au premier chef. Elle oublie aussi, bien qu'elle se plaise par coquetterie à affirmer régulièrement le contraire, que l'acceptation de la psychanalyse dans la société est beaucoup plus précaire qu'elle ne l'imagine et que l'on pourrait bien un jour utiliser contre elle les mêmes arguments infamants.

Notre analyse sur ce point c'est trouvé confortée récemment puisque les cognitivo-comportementalistes tiennent maintenant les leviers du pouvoir à l'INSERM et dans d'autres institutions et se se croient depuis peu assez puissants pour attaquer frontalement "l'imposture" psychanalytique.

Il est vrai aussi que pour expliquer la stratégie singulièrement peu lucide des psychanalystes il faut faire remarquer que l'amendement initial sur l'exercice de la psychothérapie en réservant l'exercice de la psychothérapie aux psychologues, aux médecins et aux psychiatres, donc en pratique très probablement surtout aux psychologues pour des raisons de formation et de démographie médicale, pouvait sembler une occasion propice (mais à mon sens à bien courte vue) de valoriser le monopole de fait des psychanalystes dans la plupart des universités de psychologie clinique, et tant pis pour les confrères non psychologues et pour la défense de l'analyse profane (c.a.d. par les non médecins et, par extension, par les non psychologues) si ardemment défendue par Freud.

Néanmoins notons l'évolution positive du psychanalyste lacanien Jacques-Alain Miller, très mobilisé sur le dossier, qui après des concessions verbales dans un article dans Le Monde concernant les dérives mercantiles des psychothérapies et le risque sectaire a adopté des positions de principe beaucoup plus fermes dans "Le manifeste Psy" du 15 novembre 2003 appelant à un front commun de tous les "psy" sans exclusive. Elisabeth Roudinesco s'est aussi engagée un peu plus tard contre l'amendement apportant une autre caution intellectuelle et médiatique de poids. Ces psychanalystes ont finalement entrainés une minorité, active et très motivée, des psychanalystes contre le projet. Ceux-ci ont pesé lourd pour légitimer les psychothérapeutes non psychanalystes.

Les fantasmes français de la lutte contre les sectes

Nous allons maintenant aborder un des plus étonnant sujet tabou de la culture française contemporaine, la lutte contre les sectes. Sujet délicat à aborder car le simple fait de dire que la lutte contre les sectes donnerait lieu à des dérapages et des excès en France vous fait suspecter d'être un sympathisant ! Menace très efficace apparemment puisque la contestation est exclusivement l'oeuvre de personnalités alternatives, hors médias et cercles intellectuels consacrés.

Pourtant il est difficile pour un observateur objectif de ne pas noter la lourde chape de plomb qui s'est progressivement abattue, depuis une 25 ans environ, sur certains sujets "sensibles" et de façon étonnante des sujets qui n'ont pas de lien évident avec la problématique sectaire comme les médecines naturelles ou alternatives et la psychothérapie. En effet on considère en général les sectes comme des mouvements fortement structurés et qui proposent une idéologie prégnante souvent assimilée à de l'endoctrinement. A priori rien de commun avec la psychothérapie et les médecines alternatives où c'est plutôt le foisonnement et la créativité qui prévaut. Erreur ! Selon les "théoriciens" de la lutte contre les sectes, les sectes seraient finalement des structures beaucoup plus souples et informelles qu'on ne l'imagine et elles coloniseraient et infiltreraient en réalité massivement ces approches. C'est que la psychothérapie et les méthodes de santé alternatives seraient fondamentalement des pratiques sans légitimité scientifique où s'incarnerait par excellence l'irrationnel moderne que le progrès des sciences tarde à éradiquer, et constitueraient donc un terrain éminemment favorable à la propagation des sectes. Dans ce domaine l'affirmation vaut démonstration, mais le résultat est désastreux. On en arrive donc à ce que les médecines alternatives et la psychothérapie dans leur rapport hypothétique et non démontré avec les sectes se retrouvent au centre de la lutte anti-secte.

La lutte contre les sectes a ainsi un profond rapport avec le consensus sur la politique des frontières entre la science (ou plutôt l'idéologie scientiste) et le reste de la culture. Le scientisme ambiant, étroitement assujetti à des intérêts socio-économiques et culturels beaucoup plus puissants qu'auparavant, essaie de remettre en question le consensus antérieur et se lance dans de nouvelles politiques d'annexions territoriales.

Le martelage médiatique sur les liens entre psychothérapie, "charlatanisme" et sectes s'est fait tellement insistant et rencontre si peu de résistance que l'on assiste à une imprégnation massive de l'inconscient collectif et individuel et cela a pris des proportions considérables dans ces dernières années. Tous les usagers et les professionnels de la la psychothérapie et du développement personnel ne peuvent être que frappés par la façon dont le thème est désormais omniprésent et peut être source d'inquiétude et d'angoisse chez certains patients. Impossible aussi de présenter une méthode à la presse sans que les journalistes ne s'inquiètent de légitimer une approche sectaire. La question peut être aussi très présente dans l'entourage familial et peut alors être à l'origine de conflits qui peuvent être graves en cas de désaccord sur la poursuite de la thérapie. N'importe quel problème de couple qui tourne mal (dans un pays ou 50% des unions se finissent par un divorce) et où un psy est concerné peut donc alimenter les antisectes en histoires croustillantes fournies par une "victime" réelle ou supposée telle dont le récit est de toute façon pris pour argent comptant !

Il est frappant de voir comment des psychothérapeutes étrangers en visite dans la "patrie des droits de l'homme" peuvent être stupéfaits, pantois et interloqués face aux conséquences ainsi qu'au climat général, à "l'ambiance" que crée cette spécialité franco-française qu'est la lutte contre les sectes. La lutte et la problématique sectaire n'existe semble-t-il nulle part ailleurs sous cette forme outrancière.

La question sectaire est selon nous, largement à côté de la question des problèmes que pose l'engagement dans une psychothérapie ; elle donne lieu à des inquiétudes imprécises et est source de fixation d'angoisses ayant d'autres origines. Elle substitue une angoisse diffuse à des questionnements autrement pertinents pour la personne :

Lorsque l'on établit le contact avec un psychothérapeute, plutôt que de se demander si la thérapie ou le thérapeute dégage, tel le diable, une "odeur sectaire", il serait autrement utile de se demander si une méthode de thérapie vous correspond et si on adhère à sa philosophie et à sa méthode, si le psychothérapeute est pertinent dans ses interventions, s'il il n'y a pas une dissonance trop forte entre la personnalité du thérapeute et du patient, si le thérapeute est suffisamment ferme pour être capable d'imposer ses analyses face aux résistances du patient sans être cassant, agressif ou intrusif, et suffisamment souple pour respecter en même temps le rythme d'évolution du patient et la maturation de ses difficultés, s'il adhère à un cadre théorique cohérent qui lui permet d'organiser ses interventions thérapeutiques, si la recontre avec le patient est bien pour lui l'occasion de revisiter la théorie pour l'adapter au patient (et non l'inverse), etc.

Toutes questions si la réponse en est faite avec honnèteté permettent d'éviter bien des erreurs au patient (à commencer par l'éventuel risque sectaire). Pour nous, le dogmatisme, l'incompétence et la violence psychologique en thérapie sont des problèmes qui ont peu de rapport avec le fait d'être ou non médecin ou psychologue. Il s'agit plutôt d'attitudes caractérielles de fusion pathologique avec l'idéologie de la thérapie utilisée et d'un problème personnel dans l'exercice du pouvoir. De plus cette attitude peut ne pas être systématique avec tous les patients. Une analyse par rapport à la problématique sectaire n'est donc absolument pas pertinente pour se prémunir de ce risque !

Ainsi, il peut y avoir des problèmes avec la psychothérapie, comme avec toutes activité sociale. Ce danger ne doit toutefois pas être démesurement exagéré ni devenir obsessionnel. Le meilleur moyen de minorer le risque est de fournir une information de qualité aux patients sur les différentes thérapies existantes et de leur donner autant que possible un avant goût de l'expérience psychothérapeutique.

A l'opposé de cette approche mesurée et de bon sens, une manoeuvre des réseaux antisectes français depuis qu'ils ont les psychothérapeutes dans le collimateur, consiste à recueillir scrupuleusement tous les problèmes dont ils peuvent avoir connaissance afin de discréditer la profession.

Raisonner à partir des échecs, des limites, des impasses réelles ou supposée d'une méthode de psychothérapie et plus généralement l'examen sans a priori d'une technique dans une perspective critique constructive est très intéressant et utile. Je suis le premier à regretter que les personnes intéressées par la psychothérapie ne disposent pas plus largement de ce type de travail. Encore faut-il posséder, pour les écrire utilement, des connaissances étendues, une grande ouverture d'esprit et une probité et une honnêteté intellectuelle sans faille. On est donc de toute façon à mille lieu de ce qu'écrivent sur le sujet les sites antisectes qui laissent il faut bien le dire une impression nauséeuse, tant les préjugés, l'esprit doctrinaire, la volonté de nuire sont palpables et polluent les analyses qu'on peut y lire.

Tout ceci sans nier que certains psychothérapeutes puissent être des personnes dangereuses, incompétentes ou complètement irresponsables. Ce que je veux dire c'est qu'il n'y en a probablement pas plus que dans des professions qui se veulent triées sur le volet comme celle, par exemple, de médecin !

Que le lecteur prenne seulement la peine d'imaginer que l'on fasse la même chose, partir exclusivement des erreurs, échecs, incompétences et malhonnêtetés pour n'importe quelle profession technique ayant des conséquences majeures pour son utilisateur, depuis le médecin jusqu'au garagiste en passant par le plombier, l'expert comptable ou l'avocat. On aurait évidemment partout la même vision apocalyptique et totalement faussée ! On notera au passage que comparé aux autres professions énumérées, le patient du psychothérapeute a indubitablement bien davantage la possibilité de juger en temps utile de la qualité du professionnel auquel il s'adresse et de se retirer du dispositif avant d'avoir subit un préjudice physique, moral ou financier irréparable ! Dans ces conditions, outre une meilleure auto-organisation de la profession, tout ce qui va dans le sens d'une information intelligente, équilibrée et sans partie pris de l'utilisateur de psychothérapie, nous paraît utile et nécessaire.

Enfin, ne faut-il pas revenir à l'essentiel, pour rappeler que les personnes suivent une thérapie avant tout pour trouver une meilleure assise et sécurité existentielle dans leur vie quotidienne ? Y a-t-il beaucoup de techniques spécifiques qui se donnent un aussi louable objectif dans notre société ? Quelle extraordinaire duplicité et irresponsabilité alors que de présenter délibérément la psychothérapie comme une démarche à haut risque ! Bien significative en tout cas de l'inversion des valeurs partout triomphante dans notre société.

Mais pourquoi alors cette omniprésence de la thématique sectaire ?

La lutte contre les sectes est une spécialité bien française, qui s'est développée lentement et régulièrement en France à partir de l'arrivée au pouvoir des socialistes en France en 1981, jusqu'à prendre les dimensions d'une véritable obsession nationale. Pour autant qu'on puisse la décrypter elle sert largement de contre-feu à la corruption et à l'incompétence de la classe dirigeante du pays, largement discréditée dans l'opinion, tous partis confondus, surtout après que la gauche, dès son arrivée au pouvoir, se soit plongée à la suite de la droite dans l'affairisme le plus débridé. La France et surtout ses médias associant, culturellement et par tradition, la gauche et un certain discours moral, il en est résulté une crise aiguë et profonde des valeurs. L'angoisse sectaire, à permis de déplacer assez efficacement l'attention du public d'énormes affaires de corruption vers des problèmes secondaires liés aux sectes, parfois réels et même dramatiques, mais le plus souvent démesurément grossis ou même carrément imaginaires.

En France seuls certains titres de presse se spécialisent dans la lutte contre les sectes et publient plus ou moins régulièrement des articles alarmistes sur le sujet. Mais tous reprennent à l'envie les stéréotypes du discours sectaire qui tournent beaucoup autour de la contamination, de la souillure, de l'infiltration, très révélateurs du thème du bouc émissaire si bien développé par René Girard. Par ailleurs, tout aussi révélateur est l'espèce de sidération mentale qui frappe la presse dès qu'un problème de société que l'on peut estimer à un titre ou un autre "contaminé" par la problématique sectaire comme la santé naturelle ou alternative, ou dans le cas présent la psychothérapie, vient dans le champ de l'actualité. Cela se traduit alors par un verrouillage impressionnant de l'information dans les médias.

La thématique de l'infiltration et de l'entrisme sectaire est probablement, via la thématique du bouc émissaire, à analyser elle aussi comme un processus de déplacement. Quel est le pays occidental où les élites politiques ont le plus de difficulté à se renouveler ? Quel est le pays où une caste de la haute fonction publique truste toutes les plus hautes fonctions publiques et privées et pratique une solidarité sans faille au détriment du bien public (naufrage du Crédit Lyonnais et tant d'autre affaires) ? Quel est le pays ou les réseaux francs-maçons pèsent si lourd dans les réseaux de pouvoir politico-économiques ? Quel est le pays où une élite médicale sclérosée vérouille toute évolution du modèle médical ? Quel est le pays où les journalistes fricotent autant avec les politiques et ne se critiquent jamais entre eux ? Donc là aussi la thématique de l'infiltration sectaire nous semble un contre-feu vis-à-vis de la sclérose gravissime qui frappe les classes dirigeantes du pays. Elle donne à croire que celles-ci résisteraient fermement et courageusement à l'infiltration sectaire et leur restitue ainsi, partiellement, sur le mode de l'illusion, une part de leur vertu perdue.

Une presse sourde, muette et aveugle

Dans l'actualité médiatique d'octobre et de novembre 2003 en France, on amuse la galerie avec un débat qui fait rage sur le port du foulard à l'école qui ne concerne probablement que quelques centaines de jeunes filles.

Par contre, aucun débat n'intervient sur le projet de régularisation de la profession de psychothérapeute, qui joue un rôle majeur dans le pays, via un projet pourtant extraordinairement discutable, et qui a de plus été introduit de façon scandaleuse sous forme d'amendement. Et l'écho dans la presse se réduit, par exemple, dans "le quotidien de référence", Le Monde, en tout et pour tout à quelques lignes allusives à la veille du passage de l'amendement, puis plus rien ! Dans Libération, il faudra attendre plus de 15 jours un article qui ne traduit pas vraiment la réalité de la situation mais qui au moins permet d'alerter une partie des personnes concernées (dont votre serviteur), d'autant qu'il est suivi peu après par la publication d'une réponse d'un organisme représentatif de psychothérapeutes. Quelques entrefilets aussi dans la presse médicale et on ajoutera qu'aucun article ne reproduit le texte de loi, pourtant très court, sans doute pour éviter d'avoir à le commenter ! Et bien sur encore moins d'info dans les médias audiovisuels. Enfin, après d'interminables altermoiements "Le Monde" a finalement proposé un dossier sur le sujet, près d'un mois après le vote ! Bien sûr le député Accoyer, promoteur du projet, bénéficie d'une interview particulièrement déférente, dépourvue de tout aspect contradictoire, et la parole n'est même pas accordée aux représentants des psychothérapeutes (à la différence de Libération). Le Figaro, peu après, produit un (seul) article beaucoup plus équilibré que le dossier du Monde. Rien semble-il dans l'Express. Rien non plus dans le Nouvel Observateur (d'après une consultation en ligne pour ces deux titres). Dans Le Point, le bloc-notes de Bernard-Henri Lévy du 21/11/03 condamne avec des mots assez justes le projet Accoyer bien qu'il ramène la question exclusivement à la pratique de la psychanalyse.

Donc on assiste à un blackout initial général, puis une information au compte-goutte sur un sujet qui pourtant devrait intéresser les lecteurs. Par ailleurs, pas un média ne s'indigne que l'on puisse vouloir régler quasiment en secret sous forme d'amendement un problème de société majeur alors que l'on estime nécessaire d'organiser une commission et de longs débats sur le foulard et les signes religieux dans les écoles publiques !

Au début de 2004, la très grande majorité des personnes qui ne suivent pas l'actualité de très près, même chez des personnes cultivées concernées par la psychothérapie ou par le développement personnel, n'ont pas entendu parler du projet ou alors très vaguement et ne savent pas du tout de quoi il retourne.

Comment expliquer ce black out médiatique ? Qu'est-ce qui revient à une désinformation délibérée ? à des blocages plus psychologiques concernant "la thématique sectaire"? à l'incompétence et à l'incapacité à repérer et à expliquer l'information pertinente par les journalistes ?

Notons, à titre d'illustration, le cas de l'hebdomadaire Marianne qui peu après le vote de l'amendement sur la psychothérapie s'est illustré en consacrant un dossier conséquent d'un de ses numéros à la hantise sectaire, difficile de qualifier autrement ce dossier d'une remarquable vulgarité, amalgamant des informations sans rapport entre elles pour construire de façon complètement artificielle l'idée d'une sectarisation en cours des esprits en France, rien de moins ! Les sectes stagneraient ou régresseraient en tant qu'organisations, mais de façon plus insidieuse encore, nous explique Marianne, elles seraient sur le point de triompher de façon machiavélique des vaillants anticorps laïcs qui protégeaient jusqu'à présent la société et les mentalités ! Le corps social aurait donc ou serait sur le point de perdre la raison et d'être dévoré par l'idéologie sectaire laquelle serait particulièrement prégnante... devinez où... mais oui, mais bien sûr, dans le domaine de la psychothérapie ! Heureusement un vaillant député vient de déposer un amendement, etc. En fait cette information qui n'est pas centrale dans ce numéro de Marianne, mais figure en quelques ligne à la fin d'un des articles est, pour le lecteur averti, la clé de voute autour de laquelle le dossier de l'hebdomadaire semble entièrement construit. Difficile en effet de ne pas deviner un dossier entièrement de circonstance, ou la manipulation du lecteur se substitue au débat d'idée et à la prise de position honnête, montrant sur un exemple particulier et de façon impressionnante la force des réseaux et l'entrisme des antisectes dans la presse et, ce qui constitue probablement la principale dangerosité de ce réseau, sa capacité à s'abstraire des clivages habituels gauche-droite pour court-circuiter tout débat d'idées sérieux.

Encore plus grossier et brutal dans la manipulation, un reportage au 20 h de France 2 du 19 novembre 2003. Comme l'écrit le SNPPsy "ce reportage est un morceau d'anthologie de partialité et de manipulation d'opinion." Je vous laisse lire la demande de droit de réponse au médiateur de France 2 adressée par leSNPPsy.

La manoeuvre montrait bien, à mon avis, au passage, que derrière une courtoisie de façade à l'égard des psychothérapeutes qui ont été reçu par Accoyer et par les conseillers du ministère de la santé, les "ultras" que sert Accoyer espèraient encore ne pas changer une virgule de leur amendement et activaient sans scrupule leurs hommes de main dans les médias sous contrôle politique. Faut-il feindre de dialoguer courtoisement avec un homme qui continue imperturbablement à tresser la corde qui va vous pendre ? Les syndicats de psychothérapeutes ont fait de leur mieux, et heureusement sans trop de naïveté, et le débat a fini par s'imposer quand même via d'autres décideurs et par des relais inattendus dont internet n'a pas été le moindre.

Tout cela est tout de même gravissime car, désormais, grâce à l'étiquette sectaire, des modalités de traitement de certains problèmes sociaux qui auraient été dénoncés autrefois par les médias libéraux pour ce qu'ils sont, profondément réactionnaires, participent à l'hygiénisme social ambiant toutes orientations politiques confondues.

On ne peut aussi qu'être frappé par l'incapacité à s'organiser et à se défendre des principaux intéressés, psychothérapeutes, spécialistes du développement personnel, spécialistes des médecines alternatives et de la santé naturelle et innombrables usagers de ces techniques. C'est peut-être là que réside le signe le plus préoccupant de la situation que nous décrivons ici et qui rend inévitablement très pessimiste quand à l'avenir et aux possibilités de résistance à la normalisation en cours. Précisons que ce que nous décrivons ici vaut avant tout pour la France confrontée à une crise culturelle très spécifique.

Parmi tous les acteurs, il faut aussi souligner l'incroyable démission des intellectuels français, pas une voix ne s'étant élevée depuis 25 ans pour crier au fou quand aux conséquences de l'emprise et des abus engendrés par la lutte contre les sectes dans la société. Carriérisme et collusion avec les médias, crise des générations et du renouvellement des intellectuels, déconnexion avancée d'avec les problèmes concrets de la vie quotidienne, conception dépassée de la laïcité sont probablement les éléments déterminants de cette attitude scandaleuse où se mêle lacheté et aveuglement.

Rappelons aussi que dans beaucoup de pays l'équivalent local de la laïcité a permis le pluralisme religieux et la liberté de pensée. Mais en France la laïcité, opposée à la religion depuis la Révolution, a été aussi portée par l'idéologie scientiste et l'athéisme, croyances respectables mais qui ont toujours eu tendance à vouloir se substituer à la religion catholique et à remplacer un système de croyance contraignant par un autre plutôt que de favoriser le pluralisme des croyances religieuses et la liberté de pensée proprement dite. La médecine a aussi toujours été liée en France depuis le Révolution a une laïcité de combat, en lutte contre la religion, contrairement à d'autres pays. Bien des abus de la lutte française contre les sectes, souvent liés à l'hégémonisme de la médecine sont très caractéristiques de ce point de vue. L'incapacité très française à porter un regard critique sur le modèle médical dominant nous est très spécifique. Même les milieux qui peuvent se montrer par ailleurs très critiques sur l'évolution sociale génénérale sont extraodinairement timorés dans leur critique de la médecine. On s'accorde certes à critiquer le poids trop important de l'industrie pharmaceutique, mais que cela puisse amener à s'interroger sur la pratique concrète du prêtre médecin ou sur l'absence de véritable pluralisme médical dépasse ce que même les plus hardis s'autorisent à penser. Pourtant comment ne pas comprendre qu'une médecine adossée depuis des décennies au "système médico-industriel" ne peut se développer qu'en refoulant activement et en permanence des modèles médicaux alternatifs ? On pourra lire sur la question d'une laïcité ouverte et sur les rapports laïcité et médecine les articles éclairants de Jean BAUBEROT, un sociologue spécialiste de ces questions.

Le modèle médical étendu

Un objectif de la lutte antisecte, ou plutôt de la nébuleuse de réseaux et d'activistes qui participent à, ou utilisent ce mouvement, qui n'était peut-être pas central au départ, mais qui est devenu de plus en plus important au fil du temps, correspond à un projet très vaste de normalisation sociale permettant de légitimer les projets de certains lobbyes ultraconservateurs, en particulier dans le domaine de la santé. Dans ce domaine il s'agit d'étouffer toute prise en compte des méthodes de santé naturelles et alternatives au sens le plus large du terme. La psychothérapie est aujourd'hui visée en ce qu'elle participe à cette nébuleuse d'approches alternatives au modèle médical dominant.

Rappelons que pour les sciences humaines, l'anthropologie médicale recouvre (ou devrait recouvrir) tous les aspects de la vie humaine, depuis la prévention, l'hygiène, le cadre de vie, l'alimentation, tous les aspects de la vie sexuelle, affective et relationnelle, la vie professionnelle, certains aspects de la vie spirituelle, la médecine s'intéressant en définitive, comme chaque science humaine, sous son angle d'intérêt particulier, à la totalité de la vie humaine dans sa complexité. Le traitement lui-même, même lorsqu'il s'agit de maladies organiques stricto sensu, peut-être éclaté en une multitude d'approches, éventuellement complémentaires. Nous appellerons "modèle médical étendu" (MME) cette conception de la médecine. Il va de soi que ce modèle concerne une foule de disciplines dont une petite partie seulement peut être du ressort de la médecine stricto sensu. Epousant le sujet humain dans sa complexité le MME suppose de mettre la personne au centre du dispositif de soin et de lui laisser prendre la responsabilité, en tant qu'acteur au sens plein du terme, de définir ses besoins, de développer ses stratégies de soin en faisant appel à l'approche la mieux adaptée à son cas...

Depuis les années 50 ce qui restait du MME, déjà terriblement appauvri dans les sociétés occidentales a été balayé par le modèle pharmacologique qui s'appuie sur la force économique des gigantesques oligopoles de l'industrie pharmaceutique. Les médecins enrégimentés et désinformés sont devenus des prescripteurs dociles de médicaments supposés soigner spécifiquement les maladies, tandis qu'un système hospitalier de plus en plus coûteux était censé gérer l'urgence vitale. Cette approche totalement unidimensionnelle et souvent cyniquement mercantile a entrainé la faillite progressive de ce système, tant pour l'efficacité que pour les coûts. Cet échec a commencé à se révéler largement aux yeux du grand public à partir des années 80, d'où le renouveau des approches alternatives.

De plus le champ immense du MME qui correspond à un besoin humain et social fondamental tend à se manifester de façon multiforme dès qu'il en a la possibilité et dès que les mécanismes de refoulement qui l'inhibe subissent un début de relâchement.

En France, ce besoin d'enrichissement des formes d'approche de la maladie se heurte frontalement et beaucoup plus violemment qu'ailleurs au monopole médical et au scientisme étroit très présent dans le corps médical et chez de nombreux scientifiques, en particulier chez tous les notables, où le fait de professer publiquement un scientisme réductionniste bon teint constitue un des ressorts non négligeable des processus de cooptation et de promotion sociale.

La psychothérapie constitue un des champs dérivés du modèle médical entendu... mais ne lui est pas limité...

C'est l'occasion de revenir sur la question du rapport entre la médecine et la psychothérapie. On peut dire que la santé mentale se rapporte au champ médical, mais évidemment pas dans sa définition actuelle, extraordinairement réductionniste. Elle renvoie au MME, ce qui explique au passage que, dotée de la même complexité que lui, elle donne lieu à des approches et méthodes si diverses.

Mais en même temps, elle ne se réduit pas du tout à une composante du MME. De nombreux et excellents auteurs ont ainsi pu mettre en évidence les profondes accointantes de la psychothérapie avec la philosophie ainsi qu'avec la spiritualité. Moins souvent cités sont les rapports importants de la psychothérapie avec la pédagogie. La santé mentale appartient donc au champ médical, mais aussi à d'autres champs du savoir et des pratiques sociales comme l'alimentation puisque certains nutriment favorisent ou défavorisent l'équilibre psychologique, la sociologie puisque les divorces, le veuvage, être orphelin favorisent la pathologie mentale, l'économie, que l'on pense aux conséquences du chômage, etc. de même la psychothérapie n'est pas une pratique médicale exclusive d'où une complexité extrème tant de la santé mentale que de la psychothérapie.

La psychothérapie et tout le champ annexe du développement personnel, constituent donc un extraodinaire carrefour interdisciplinaire et un champ de créativité et d'expérimentation social majeur. C'est surtout un des rares champs ou la créativité culturelle des sciences humaines n'a pas été instrumentalisée par les grands dispositifs de contrôle et de manipulation socio-économiques, mais reste potentiellement à la portée de tout un chacun, d'où la possibilité de disposer d'outils aptent à rénover et revivifier nos sociétés occidentales tellement aliénées.

Nouveaux arguments contre une réglementation

C'est une des raisons majeures pour lesquelles je pense que moins on règlementera ce domaine mieux cela sera à tout point de vue pour la créativité sociale en général. De toute façon la psychothérapie a des frontières particulièrement indécises et des connexions étroites et nombreuses avec d'autres disciplines, qui rendent très difficile de la définir et de la circonscrire avec une précision suffisante, et c'est un des arguments les plus forts contre une régulation du titre et à fortiori de l'exercice. A cela s'ajoute que certains professionnels, notamment de nombreux psychanalystes ne souhaitent pas être étiquetés psychothérapeutes, position tout à fait défendable, et qu'il convient de prendre en compte.

C'est d'ailleurs ce qui explique à mon avis, pour une bonne partie, au-delà de l'action des milieux conservateurs, que le projet Marchand de 2000 n'ait pas abouti, alors que semble-t-il il y a eu de nombreux travaux préparatoires bien avancés prenant ce texte comme base de réflexion, les pouvoirs publics ayant probablement été rebutés et effrayés par la complexité du champ à réglementer.

Aussi nous estimons que, finalement, même des propositions de règlementation à priori équilibrées inspirées par les syndicats de psychothérapeutes comme la proposition de Jean-Michel MARCHAND de 2000 risquent de s'avérer en définitive néfaste, même si évidemment cette proposition serait à choisir infiniment préférable à l'épouvantable projet Accoyer.

On notera d'ailleurs, d'un point de vue davantage tactique, que c'est la proposition Marchand qui a mis le feu au poudre en 2000 et convaincu les milieux conservateurs de la santé d'entreprendre une croisade bien plus virulente qu'auparavant contre la psychothérapie. Certes, on pourrait aussi avancer que les psychothérapeutes ont eux-mêmes tenté de se protéger d'une première tentative d'Accoyer remontant à 1999... Quoi qu'il en soit, il était évident que les lobbyes conservateurs, présents dans de nombreux lieux de pouvoir, d'où ils orchestrent une campagne de dénigrement de longue haleine contre la psychothérapie, allaient profiter de la première opportunité (ici l'arrivée d'un de leurs affidés à un poste clé à l'assemblée) pour passer une loi à leur convenance verrouillant la profession.

Ainsi, autant il peut être utile d'encourager, par divers biais, les écoles de psychothérapies et de développement personnel à professionnaliser leur formation et leur organisation, autant il faut se montrer extraordinairement prudent vis à vis de tout projet de réglementation étatique.

L'enjeu du contrôle du champ de la psychothérapie et du développement personnel

Les normalisateurs sociaux partagent, si l'on peut dire, notre analyse et ont intuitivement bien repéré les liens de la psychothérapie avec le modèle médical étendu, et la tendance de la psychothérapie à échapper de toute part à leur conception restrictive de la médecine, pour venir questionner le modèle médical dominant et lui demander de rendre compte de ses choix et pratiques. C'est pourquoi normaliser la psychothérapie en l'assujettissant à une médecine sclérosée puis déclencher la guerre contre les techniques de développement personnel, c'est pour eux contribuer très efficacement à prolonger la survie de cette médecine sclérosée en détruisant un des champs sociaux qui pourrait contribuer à la remettre en question.

C'est d'ailleurs de longue date en France, en fait depuis la naissance à la fin du XVIIIeS avec Mesmer des premières formes de psychothérapies, et à travers tout le XIXeS, que la psychothérapie questionne le modèle médical dominant, d'une façon insupportable pour lui. Les lobbyes médicaux traditionnels mènent depuis la naissance de la psychothérapie une lutte impitoyable pour la contrôler totalement, hésitant entre l'éradiquer ou l'expurger de tout ce qui est susceptible de déranger l'ordre médical académique avant de la récupérer. Cette problématique fondamentale mais peu connue a été magistralement traitée par Bertrand Méheust dans son ouvrage de référence "Somnambulisme et médiumnité".

Les dernières poursuites contre les psychanalystes non médecins se sont seulement éteintes, je crois, dans les années 50 en France. Mais même aujourd'hui, c'est à peine si certains psychiatres supportent, dans le champ de la psychothérapie, la concurrence des psychologues cliniciens.

Bien qu'ils ne soient ni formés, ni compétents, ni en nombre suffisant pour s'occuper de psychothérapies, les cercles médicaux les plus conservateurs voudraient pourtant s'en réserver l'exclusive, quitte à interdire l'accès des psychothérapies au plus grand nombre ou encore mieux à rabattre la psychothérapie sur la prescription de médicaments assortis de quelques excellents conseils de père de famille. Ceci explique que le rapport de l'académie de médecine puisse encore proposer sans se déconsidérer ni susciter un tollé, au début du XXIe S, de soumettre

"le principe d'une pratique des psychothérapies par des non-médecins (psychologues cliniciens), à la condition d'une formation préalable adéquate et contrôlée, ainsi que d'un encadrement médical ; cette activité doit faire l'objet d'une prescription médicale, le médecin étant responsable du diagnostic, du choix du traitement et de son évaluation ;"

Donc on met les psychologues sous tutelle, et bien sûr on interdit l'exercice à tous les autres ! La position du rapport "psychiatrie et santé mentale" est nous l'avons vu, à peine moins outrancière.

Tout cela dans un climat de raidissement notable des attitudes intellectuelles. On peut en effet se demander si l'académie et surtout les auteurs du rapport sur la psychiatrie auraient osé sortir avec cet aplomb de telles énormités il y a 15 ou 20 ans. On sent que les milieux conservateurs se sentent tout permis et font des tentatives qui auraient parues encore incongrues il y a quelques années ou en tout cas qui auraient provoqué de fermes et saines réactions de rejet. On voit ce qu'il en est aujourd'hui...

Bien entendu, cette idéologie ultraconservatrice s'étend outre la psychothérapie bien d'autres sujets de santé, d'où une contribution souvent désastreuse de la nomenclatura médicale à l'examen de tout une série de problème de santé publique. Et ne parlons pas de leur action politique proprement dite dans les assemblées parlementaires dont Accoyer et d'autres médecins nous donne régulièrement le calamiteux exemple.

La lutte des cercles médicaux conservateurs français contre la psychothérapie est décalquée de leur lutte contre les approches médicales alternatives. Dans un premier temps les lobbyes se sont efforcés de détruire tout exercice par les non-médecins, puis dans un deuxième temps de détruire toute alternative à l'intérieur du corps médical lui-même. Le succès a été remarquable sauf, provisoirement, pour l'acupuncture et l'homéopathie, ces deux médecines s'étant largement organisées et institutionnalisées avant le grand tournant répressif du tout pharmaceutique des années 50. Il n'est pas étonnant que le même gouvernement qui s'attaque à la psychothérapie ait pris le premier prétexte pour commencer à dérembourser l'homéopathie. Tout cela participe de la même idéologie de normalisation.

C'est pourquoi comme nous l'indiquions précédemment, la première étape de la médicalisation de la psychothérapie sera suivi rapidement et inmanquablement par une deuxième étape d'une rare violence qui consistera à remettre en cause la validité d'un nombre sans cesse croissant de méthodes de psychothérapies.

En conclusion provisoire

Bien que nous ayons analysé en détail le projet d'amendement et son contexte, nous avons évité de rentrer dans la logique de marchandage dans laquelle doivent s'inscrire actuellement et par nécessité les professionnels. Nous nous sommes attachés à des considérations plus fondamentales qui nous paraissent renvoyer aux grands mouvements culturels dans lesquels s'inscrit le développement des psychothérapies et des techniques de développement personnel et aux besoins des acteurs concernés, tant professionnels qu'usagers.

J'espère que le lecteur aura bien saisi l'enjeu pour l'avenir de la société française, largement occulté par les médias, de ce qui se déroule actuellement.

Nous saurons plus concrètement en 2004, lors de l'examen du projet au Sénat, de quoi il retourne et si le lobbying des psychothérapeutes permettra d'aboutir à une révision du projet. Je n'y croyais pas trop, mais à partie de la mi-novembre le rapport de force semblait évoluer davantage en faveur des psychothérapeutes.

Le monde de la psychothérapie et du développement personnel m'ayant beaucoup apporté, il m'a semblé naturel de contribuer à mon niveau, en tant que simple utilisateur de ces techniques, au débat et au combat pour la liberté. J'espère que chacun pourra faire de même avec ses moyens.

La situation après le vote au Sénat

Après décembre 2003, date de la publication de la version initiale de cet article, une réaction très vigoureuse et inattendue a traversé la société française. Les usagers des psychothérapies, des pychanalystes à l'esprit ouvert, des psychologues et des psychiatres se sont regroupés et attelés à démontrer les dangers du projet de loi Accoyer et des projets d'étatisation de la psychothérapie sous le contrôle de la psychiatrie médicalisée.

Les grands médias écrits, puis peu avant le passage au Sénat, les radios et télés ont été obligé de traiter du sujet et bien que celà ait été fait de façon souvent simplificatrice et déformée, cela a aussi permis aux opposants au projet d'alerter l'opinion, notamment via Internet. Cela faisait de nombreuses années que les sénateurs n'avaient été autant sollicités par les électeurs inquiets du projet Accoyer. La dynamique aura été très similaire à ce qui se passera plus tard, à une toute autre échelle, avec le débat sur le référendum sur la Constitution européenne.

Sous la pression le gouvernement a finalement décidé de renoncer au projet Accoyer initial, mais le gouvernement n'avait aucun véritable projet de rechange et restait très hostile aux psychothérapeutes, et tout s'est alors poursuivi dans un grand climat de nervosité et d'improvisation.

Les opposants les plus dynamiques et les plus déterminés se sont regroupés très tôt dans une structure, la Coordination Psy. Celle-ci a regroupé rapidement tous les psychothérapeutes non psychanalystes et pour les psychanalystes, ceux-ci se sont regroupés autour du psychanalyste lacanien Jacques-Alain Miller (JAM) et de son école de psychanalyse, l'école de la Cause freudienne. C'est JAM qui est le porte parole de la coordination.

De nombreux psychanalystes du fait de leur attitude de mépris pour tout ce qui n'est pas la psychanalyse ont jugé cette alliance contre-nature sans avoir de projet bien déterminé de rechange. Certains étaient très défavorables au projet, d'autres favorables, à condition que la psychanalyse fasse partie des thérapies reconnues et que certaines thérapies en compétition avec elle puissent être éliminées avec l'aide de la loi.

Le gouvernement a cru habile de chercher à diviser ses interlocuteurs en négociant séparemment avec les psychanalystes non regroupés dans la Coordination Psy. Le gouvernement pour les satisfaire a alors retenu le principe d'exclure la psychanalyse du dispositif répressif initial.

Il en est résulté finalement le vote au Sénat d'un amendement d'origine gouvernementale particulièrement mal rédigé et affligeant du point de vue juridique, qui n'a plus aucun rapport avec le projet Accoyer, et qui prévoyait que les psychothérapeutes soient déclarés en préfecture, que les psychanalystes le soient via leurs annuaires professionnels, et que les médecins et les psychologues soient dispensés de toute inscription ! Plus aucune obligation de formation des psychothérapeutes ou diplôme n'est exigée. Des décrets d'application sont prévus dont on voit mal sur quoi ils pourront porter. Bref un texte aussi confus qu'inutile.

En réalité les observateurs avertis ont compris que ce texte improvisé et de circonstance allait être à nouveau remplacé lorsque le texte repasserait à l'assemblée nationale en avril. Les partisans d'Accoyer durement ébranlé après la résistance inattendu de la société à leurs manoeuvres tentent de se réorganiser pour soutenir à cette occasion une nouvelle version du projet Accoyer.

La Coordination Psy a soutenu sans succès au Sénat l'amendement Gouteyron qui proposait de créer un organisme gouvernemental en quatre départements (psychologie, psychiatrie, psychanalyse et psychothérapie) chargé des questions d'éthique dans le domaine de la psychothérapie et qui aurait été l'interlocuteur et le conseil du gouvernement pour tout projet de réglementation. La coordination a décidé de créer une association sur ce mode. Elle regroupe déjà tous les psychothérapeutes et tente de s'associer le maximum de psychanalystes, de psychologues et de psychiatres, ce qui est indispensable pour assoir au mieux la représentativité de la coordination et dialoguer avant avril avec les députés.

En réalité, il nous semble que seule une fondation reconnue d'utilité publique, regroupant le maximum de professionnels et les habituant à dialoguer entre eux, et donc un organisme non gouvernemental serait acceptable. Il faut refuser un organisme public dont les représentants seraient nommés par l'Etat (comme dans l'amendement Gouteyron) ce qui peut être à nouveau l'occasion de toute les manipulations. Il semble que la Coordination psy a bien compris ce problème et s'oriente dans cette direction à travers la création de cette association.

Le texte définitif finalement retenu après passage à l'assemblée est le suivant :

"L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes.

L'inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle. Elle est tenue à jour, mise à la disposition du public et publiée régulièrement. Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel. En cas de transfert de la résidence professionnelle dans un autre département, une nouvelle inscription est obligatoire. La même obligation s'impose aux personnes qui, après deux ans d'interruption, veulent à nouveau faire usage du titre de psychothérapeute.

L'inscription sur la liste visée à l'alinéa précédent est de droit pour les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations.

Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article et les conditions de formation théoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes visées aux deuxième et troisième alinéas."

On notera la remarquable contradiction entre l'inscription "de droit" pour certains et la formation théorique et pratique qui s'appliquerait à tous. Il est rare de voir des articles de lois aussi courts et aussi mal rédigés !

Le décret n'est toujours pas paru fin 2005 est donne lieu à des arbitrages difficiles. Il serait tentant pour les pouvoirs publics de verrouiller l'entrée en fixant des normes universitaires très élevés ou excessivement médicalisées pour la formation prévue en psychopathologie clinique ou des durées de stages pour la partie pratique très longues et / ou difficilement accessibles aux psychothérapeutes. Mais le texte risque d'être attaqué en Conseil d'Etat par un des groupes intéressés et en particulier ceux qui sont réputés inscrits de fait de par leur compétence présumée (médecins, psychologues et psychanalystes) et qui pourraient peut être faire invalider un texte trop restrictif.

Les psychothérapeutes pourraient de leur côté invoquer une discrimination sans fondement notamment entre psychanalystes et psychothérapeutes non psychanalystes.

Les psychothérapeutes souhaiteraient en fait que la clinique soit pour une large part une clinique de leur pratique, chaque méthode proposant un modèle de la réalité psychique en lien étroit avec sa théorie et sa pratique de la thérapie, comme c'est typiquement le cas dans les sciences humaines. Bruno Dal-Palu de Psy en mouvement estime en particulier qu'il "est indispensable d'envisager les négociations sur le décret par la recherche d'un consensus, d'une part sur la formation en psychopathologie de haut niveau, comme « dénominateur commun » de la psychothérapie française et d'autre part, à partir d'une réflexion sur la diversité et la complémentarité des pratiques en psychothérapie. " Il souligne à mon avis à juste titre que la victoire remportée, en apparence, récemment par les psychanalystes et les psychothérapeutes sur les cognitivo-comportementalistes à propos du rapport de l'INSERM désavoué par le ministre de la santé parce que trop favorables à ces derniers pourrait raviver de mauvaises querelles plutôt que de faire avancer le débat et faire admettre la spécificité de chaque école de psychothérapie.

La question fondamentale qui sous tend la réflexion de Bruno Dal-Palu, si j'ai bien compris, est de profiter du débat en cours (avec le décret qui doit fixer des normes théoriques de connaissances en psychopathologie), pour réfléchir à la question d'une psychopathologie qui ait un caractère suffisamment universel pour permettre aux professionnels de dialoguer entre eux sur la situation clinique des patients et qui puisse se décliner dans le langage propre à chaque école de psychothérapie pour donner un outil de compréhension dynamique et évolutif correspondant à la technique d'intervention. Cela suppose aussi, selon nous, de remettre le DSMIV à sa place, un outil de diagnostic surtout adapté à la prescription médicamenteuse, ce qui n'est malheureusement pas le cas actuellement puisque cet outil de diagnostic psychiatrique a envahi tout le champ de la santé mentale (sur ce point lire notre critique du livre de Philippe Pignarre qui aborde cette question).

Revenir aux principes constitutionnels

Nous avons examiné dans une section précédente les graves problèmes de constitutionnalité posés par la première version du texte sur la réglementation de la psychothérapie. La version finale si elle n'a plus guère de rapport avec le texte initial et si elle se veut plus libérale n'en présente pas moins au moins deux points critiques du point de vue constitutionnel. Le point le plus grave est la discrimination arbitraire entre psychanalyse et psychothérapie puisque celle-ci n'est pas fondée sur un diplôme reconnu par l'Etat et paraît donc particulièrement arbitraire. Serait aussi à examiner la contradiction entre inscription de droit et nécessité de prérequis théorique et pratique semblant s'appliquer à tous.

Mais là n'est pas le problème essentiel et il nous semble qu'il faille revenir avant tout au droit des patients à choisir leur psychothérapie. C'est en effet une idée de bon sens mais pourtant incroyablement malmenée dans cette affaire, comme nous l'avons précédemment rappelé, que le choix de la méthode de thérapie appartient avant tout au patient. De plus, il n'appartient pas aux autorités de s'impliquer dans des querelles d'écoles ni de vouloir favoriser tel ou tel mouvement au détriment d'un autre.

Pour moi le libre choix d'un mode de psychothérapie est étroitement lié à la liberté de pensée et de conscience et toute loi sur la question devrait en préambule formuler le lien intrinsèque entre liberté de conscience et de pensée et liberté de choix de la psychothérapie. Sur la base de ces principes tout le reste découle naturellement : l'indépendance de principe de la psychothérapie à l'égard de la médecine, la pluralité des méthodes de thérapies, le statut du psychothérapeute, le libre choix de la méthode comme une déclinaison particulière de la liberté de pensée. Cette liberté de conscience est aussi gage d'efficacité car elle participe des libertés politiques et favorise un engagement du patient en tant que personne totale et non comme un malade passif et aliéné dans ses symptômes. Cette façon de se définir, de s'engager et de se responsabiliser est un élément fondamental de l'efficacité du traitement.

Par ailleurs et comme le suggère Bruno Dal-Palu, le législateur pourrait dans une vision et une action alliant liberté, autonomie des acteurs et universalité, favoriser et encourager par tous les moyens utiles une psychopathologie qui ait un caractère universel pour permettre aux professionnels de dialoguer entre eux sur la situation clinique des patients tout en permettant une déclinaison adaptée à la diversité des méthodes dans les écoles de thérapie existantes. Il n'y a en définitive pas d'incompatibilité entre liberté et autonomie des patients et des thérapeutes et politique de santé publique, bien au contraire.

Principaux sites ressources pour la campagne "touche pas à mon psy"

Syndicat National des Praticiens en Psychothérapie SNPPsy

Association fédérative française des organismes de psychothérapie AFFOP

Psy en mouvement de Bruno Dal-Palu (un excellent suivi des aspects réglementaires par un acteur engagé)

Touche pas à mon psy Le site très complet d'une usager entièrement consacré au projet de loi.

Suivi du dossier par Gestion Santé

L'affaire est désormais suivi par les professionnels eux-même qui tentent d'infléchir au mieux la rédaction du Décret d'application de la loi avec en dernier recours une contestation par voix légale de celui-ci si nécessaire.

Gestion Santé rend compte régulièrement de l'évolution du dossier dans la section "Journal de bord" du site et notamment le 7/12/05 : Psychothérapie - 13/04/06 - Projet de décret sur la psychothérapie - 16/06/06 - Titre de psychothérapeute : suite du dossier - 24/10/06 - Décret sur le statut des psychothérapeutes : en France le pire est toujours possible -

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Créé le 27/11/03. Dernière modification le 6/11/06.