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De SUVIMAX à NutriNet-Santé en passant par le PNNS : Echecs et impasses de la politique d'amélioration française des comportements alimentaires sur fond d'hostilité de principe à la complémentation alimentaire

 


Gestion Santé a préparé un petit essai, avec des rappels historiques, sur les résultats désastreux de la politique nutritionnelle française, son approche idéologique et son hostilité de principe à la complémentation nutritionnelle. Nous évoquons régulièrement cette hostilité, depuis la création du site, souvent par petites touches et en complément d'un autre sujet. Il nous a semblé indispensable de proposer un document de synthèse sur cette question, suite à la sortie d'une étude sur l'utilisation des compléments alimentaires dans une cohorte française, dont l'interprétation, une nouvelle fois très hostile à la complémentation alimentaire, méritait une réponse circonstanciée et argumentée, accompagnée d'une indispensable mise en perspective historique. Voici les sections que nous allons développer :

Une nouvelle étude sur les relations Nutrition-Santé
La complémentation alimentaire dans NutriNet-Santé : des résultats beaucoup plus favorables à la complémentation que ceux annoncés
NutriNet, e
ncore un projet de Serge Hercberg, le tout puissant "Monsieur Nutrition"
Un peu d'histoire : SUVIMAX ya que ça de vrai
SUVIMAX Une étude sur fonds privés au mieux avec l'agrobusiness
De SUVIMAX au poste de responsable inamovible du PNNS
Le consommateur tu éduqueras et l'agrobusiness jamais ne contraindra
Du sucre ou de la communication du PNNS indicernable tu te rendras
Le sel, ou devant l'agrobusiness tu te prosterneras
... et l'obésité tu oublieras
Tes propres louanges tu chanteras
Le PNNS et les autres plans : le tournant de 2010
Le grand pontife de la nutrition a parlé...
Des segments de la population durablement carencés
La situation des femmes enceintes
La situation des personnes âgées

Ces ANC qui seraient fixés à des niveaux relativement élevés
Vers un nouveau paradigme santé : la normalisation des taux plasmatiques de vitamine D
La lutte des paradigmes
Confirmation : la normalisation des taux plasmatique de vitamine C
Avancer hardiment vers la complémentation
Conclusion

Une nouvelle étude sur les relations Nutrition-Santé

L'étude NutriNet-Santé regroupe le gratin de la recherche nutritionnelle française. C'est une gigantesque étude, dirigée par le Pr Serge Hercberg, et menée auprès des internautes français (les "nutrinautes" pour parler branché comme le site NutriNet). Elle est couplée à des bilans cliniques et biologiques afin de mieux comprendre les relations entre nutrition et santé (Le Point).

Ce genre de projet très coûteux, autour du sujet toujours très sensible de l'alimentation, ne peut être mené en France qu'autour de tout-puissants mandarins de la santé, spécialistes en nutrition, qui naviguent à l'interface des autorités de régulation de l'alimentation (comme l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ex Afssa, devenue l'Anses) et des centres de recherche français ayant des équipes s'occupant de  nutrition (inserm, inra, cnam,...). Ces personnalités ont des liens étroits et de longue date avec la haute fonction publique, l'agrobusiness et l'industrie pharmaceutique et bien sur de solides contacts dans les équipes politiques de droite et de gauche, pour pouvoir affronter sereinement les changements de majorité. Ces personnalités assurent, en contrepartie des avantages associés à leur statut de notable, la garantie du "politiquement correct" ou du "nutritionnellement correct" des recherches menées, qui ne doivent déranger ni les grands acteurs économiques, ni leurs fondés de pouvoir au sein de la caste politique.

La complémentation alimentaire dans NutriNet-Santé : des résultats beaucoup plus favorables à la complémentation que ceux annoncés

Dans le cadre du suivi de la cohorte NutriNet-Santé une "étude" sur la consommation de compléments alimentaires par la cohorte vient d'être publiée accompagnée d'une campagne de presse ouvertement hostile à l'utilisation des compléments alimentaires. Les médias avec leur servilité habituelle ont visiblement relayé les présupposés des responsables de NutrinNet et adopté une communication très anxiogène et très hostile aux compléments, communication dont les rapports avec les résultats que l'on peut tirer de l'étude (que Gestion Santé, contrairement à la presse grand public, a pris la peine d'examiner) sont des plus minces...

Les responsables de NutriNet, visiblement ravis de la servilité des médias, ont fièrement mis en ligne tous les articles façon copié - collé sortis dans la presse, ce qui nous donne "Inutiles compléments alimentaires" (Ouest France), "Compléments alimentaires : gare aux contre-indications" (Le Figaro), "Les compléments alimentaires ne sont pas consommés à bon escient" (Le Monde), etc..

Une communication ouvertement méprisante est mise en oeuvre à l'égard des consommateurs de compléments alimentaires, présentés comme des benêts qui jettent leur argent par la fenêtre et qui prennent même des risques avec leur santé !

Pourtant, les consommateurs se complémentent préférentiellement en magnésium, vitamine B6 et vitamine C qui correspondent à un minéral et des vitamines d'importance cruciale pour le métabolisme et pour lesquels les apports alimentaires sont généralement considérés comme insuffisants pour des sections importantes de la population d'après différentes études de suivi des habitudes alimentaires menées ces dernières années, ce que confirme les résultats de cette nouvelle étude (Lire LaNutrition : Les Français manquent-ils de vitamines et de minéraux ?).

Cet aspect positif de la complémentation n'est pas mis en avant et est au contraire balayé d'un revers de la main par les responsables de NutriNet, soit disant parce que les consommateurs de compléments ont une alimentation plus équilibrée que les non consommateurs et qu'ils n'auraient donc pas besoin de compléments. En réalité la consultation des tableaux de référence de l'étude montre que les insuffisances d'apport alimentaire (avant complémentation) demeurent élevées dans le groupe qui se complémente.

Par exemple
pour le Magnésium , insuffisance de 51,3% pour les femmes non complémentées et de 38,8% pour les complémentées.  Insuffisance de 60,4% pour les hommes non complémentés et de 46,5% si complémentés. Les insuffisances sont également élevées dans les groupes complémentés ou non pour la vitamine E et la vitamine C, pour le zinc, pour le calcium et le fer chez les femmes, loin d'être négligeables pour plusieurs vitamines B...

L'argument de l'inutilité de la complémentation pour ceux qui se complémentent parce qu'il mangeraient mieux est donc spécieux dans la mesure ou l'alimentation seule (hors complémentation) laisse des fractions importantes de l'échantillon qui se complémente avec des insuffisances importantes en de nombreuses vitamines et minéraux.

L'étude ne permet pas de mesurer l'apport des compléments alimentaires à l'apport général en minéraux et vitamines, le recueil des données ne permettant pas de connaître les apports journaliers provenant de la complémentation. Toutefois, la prise très répandue de vitamine B6, de vitamine C et de magnésium que l'étude met en évidence permet d'estimer qu'elle doit permettre de ramener les apports des ces 3 éléments à la normale chez les utilisateurs de ces compléments, sans aucun risque pour la santé, ces produits étant particulièrement sûrs aux doses généralement utilisés. C'est, pour Gestion Santé,  l'un des principaux résultats qui aurait du être tiré de l'étude, mais sur lequel règne un silence assourdissant, résultat bien évidemment également complètement occulté dans la communication médiatique d'accompagnement.

Le comportement des consommateurs de compléments est donc sur ce point tout à fait rationnel et efficient, contrairement à ce que tente de nous faire croire les responsables de NutriNet. On peut seulement ajouter qu'il est encore loin d'être ajusté à l'ensemble des insuffisances nutritionnelles constatées.

Une importance disproportionnée est donnée à un phénomène marginal, la prise de béta carotène par un nombre - peu important - de fumeurs. La prise de béta carotène augmente probablement le risque cancéreux chez le fumeur (lire Gestion Santé). Ce risque étant limité aux fumeurs ont estime généralement que le phénomène est lié au stress oxydatif engendré par le tabagisme. La prise d'un large spectre d'antioxydant et notamment des apports relativement élevés de vitamine C et de nutriments facilitant la détoxication devraient résoudre ce problème. Par ailleurs ce problème concerne le béta carotène
et il existe aussi de nombreux autres carotinoïdes très utiles.

La prise de béta carotène par un nombre restreint de fumeurs est en fait mise en avant de façon tout à fait exagérée et sans aucune mise en perpective car la chasse aux dangers de la complémentation que poursuivent visiblement les chercheurs, est par ailleurs plus que maigre.

Aussi pour faire bonne mesure, voit-on Le Figaro, Le Monde et Le Parisien, toujours soucieux de contribuer à la diversité de l'information recopier, le doigt sur la couture du pantalon, les vérités définitives énoncées par l'une des principales responsables de l'étude, Mathilde Touvier "
"On sait ainsi que des compléments alimentaires à base de produits naturels sont particulièrement contre-indiqués chez les patients atteints de cancers gynécologiques (gattilier, DHEA, trèfle rouge, luzerne, soja, igname sauvage), du sein (gattilier, DHEA, trèfle rouge, luzerne, soja, igname sauvage, cohosh noir), de cancer de la prostate (gattilier, DHEA, trèfle rouge, huile de lin) et de leucémies (échinacée)". D'autres mises en garde alarmiste du même tonneau, sans rapport avec l'étude publiée, se retrouvent partout dans la presse et contribuent à occulter complètement les véritables résultats de celle-ci.

Par contre un autre résultat clé, qui nous semble nettement plus significatif, la prise importante de vitamine C par les fumeurs est occulté, sans doute parce que les résultats sont cette fois en faveur de la complémentation. La vitamine C est l'un des 3 compléments les plus utilisés et un des principaux pour lesquels les apports sont insuffisants d'après l'étude. Or les fumeurs ont des besoins sensiblement augmentés en vitamine C (voir plus bas les remarques sur les fumeurs dans la section consacrée aux apports de vitamine C) , et la prise importante de vitamine C par ce segment de la population est donc une donnée de santé publique positive importante.

Un des intérêts de l'étude était d'inclure dans la consommation des compléments alimentaire les compléments achetés en pharmacie, dont ceux ayant le statut de médicament et de savoir si la prise de compléments était faite ou non suite à une prescription médicale. C'est important car les produits sont en fait quasiment identiques et il faut consolider les deux filières de consommation pour évaluer sérieusement la consommation de compléments alimentaires.

Malheureusement c'est, là encore, l'occasion de prises de position partisanes de la part des auteurs de l'article. L'article parle en effet systématiquement et délibérément d'auto-médication (self-medication) pour l'utilisation des compléments alimentaires qui ne sont pas prescrits par un médecin, quelque soit le mode d'achat. Pourtant, les consommateurs européens ont obtenu de haute lutte le droit d'utiliser des compléments alimentaires et ceux-ci sont considérés comme des denrées alimentaires dans la législation européenne et française. Ceci, même si la législation européenne reste scandaleusement restrictive notament dans son adaptation française (Lire sur Gestion Santé : Malgré la directive européenne de 2002 sur les compléments nutritionnels et sa transposition en droit français en 2006, le cadre légal de distribution français connaît une évolution désastreuse). Le statut de produit alimentaire est le seul qui soit adapaté à l'utilisation des compléments et c'est pourquoi il a fini par s'imposer. Mais nos auteurs souhaitent visiblement que les compléments alimentaires aient le statut de médicaments et qu'ils soient vendus sur ordonnance. Un prélude à l'éradication pure et simple du secteur selon tous les spécialistes sérieux de la complémentation. C'est comme si l'on obligeait quelqu'un qui veut faire un régime à acheter toute son alimentation dans une pharmacie...

On ne peut parler, à la rigueur de médication et d'auto-médication que pour une partie des compléments alimentaires qui sont vendus en pharmacie ET qui ont le statut de médicament (tous les compléments alimentaires vendus en pharmacie n'ont pas le statut de médicament, loin de là). Le cas type est le populaire MAGNE B6 et ses génériques ou certaines vitamines C ayant le statut de médicament. On peut à la rigueur considérer que le fait de les acheter en pharmacie sans ordonnance (ces produits se vendent sans ordonnance et sont non remboursés) comme de l'auto-médication. Pour tout le reste on est dans l'abus de langage caractérisé.

Il s'agit évidemment de faire croire que la prise d'un complément est de facto un acte médical. Cela permet toute sorte d'effets rhétoriques faciles et abusifs dans l'étude, comme de présenter toute prise de complément en dehors d'une prescription médicale comme une situation limite et non dénuée de risque et de présenter, sans rire, le fait que les fumeurs aient - un peu plus - recours à "l'auto-médication" par les compléments que les non fumeurs comme un problème de santé publique particulièrement préoccupant !

Les pharmaciens en prennent aussi pour leur grade au passage, cette dangereuse corporation ayant l'impudence de donner des conseils sur les compléments alimentaires à ses clients dans les officines, un situation particulièrement  préoccupante d'un point de vue déontologique selon les donneurs de leçon de notre article.

Enfin signalons une anomalie particulièrement bizarre de l'étude, la non présentation des données sur les insuffisances en vitamine D (qui ne figure pas dans le tableau 6 qui retrace les insuffisances pour les principaux nutriments) alors que le tableau 1 montre que les chercheurs disposent des données de complémentation. Ceci au moment même où de nombreuses sociétés savantes s'inquiètent des apports très insuffisants en vitamine D dans la population générale ! (cf. section infra sur la vitamine D). Encore une donnée trop favorable à la complémentation purement et simplement supprimée ?

Mais comment en arrive-t-on a ces résultats d'études rédigés de façon aussi partisane et à ce point truffés d'a priori ?

Pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui autour de l'étude de NutriNet-Santé et l'origine de cette hostilité viscérale d'une partie du corps médical à l'égard des compléments alimentaires, il faut remonter jusqu'à près de 20 ans dans le passé avec le lancement de l'étude SUVIMAX en 1994. Nous verrons que NutriNet-Santé ressemble à bien des égards à une étude SUVIMAX "bis" remise au goût du jour.

NutriNet, encore un projet de Serge Hercberg, le tout puissant "Monsieur Nutrition"

Parmi les mandarins français de la nutrition pilotant NutriNet, on ne peut pas manquer Serge Hercberg, "Monsieur Nutrition", comme l'appel fort judicieusement Le Point : "De SU.VI.MAX à Nutrinet, en passant par l'élaboration des Programmes nationaux nutrition santé (PNNS), ce Parisien a laissé son empreinte dans le paysage scientifique français."

Serge Hercberg est en même temps un homme habile, car autant il est une notabilité incontournable dans les milieux où il souhaite s'imposer et qu'on pourrait appeler "l'administration française de la nutrition" avec toutes ses interfaces, autant il évite de trop s'exposer dans les médias grands publics. Il est typique que compte tenu de son énorme et durable influence, il n'ait pas, au moment où nous écrivons cet article, de page wikipedia qui lui soit dédiée et qu'il n'y apparaisse indirectement que dans les pages comme celle consacrée à SUVIMAX.

Depuis que nous avons créé Gestion Santé en 2001, nous croisons régulièrement cet influent personnage au cours de nos recherches et lectures. Il est omniprésent et son poids dans le monde de la nutrition française est au plein sens du mot "écrasant".

Nous avons fait, il y a une dizaine d'année, un bref portrait du Pr. Hercberg alors qu'il était déjà solidement installé dans le paysage de la nutrition. Le positionnement du personnage à peu évolué et il a seulement renforcé ses réseaux et son emprise sur la nutrition française, même si ses différentes fonctions ont évidemment évoluées.

Un peu d'histoire : SUVIMAX ya que ça de vrai

Rappelons pour introduire le sujet que SU.VI.MAX (SUpplémentation en VItamines et Minéraux Anti-oXydants) est une étude, menée par Serge Hercberg, sur l'effet de la complémentation nutritionnelle et étudier les apports en nutriment d'une alimentation normale versus alimentation normale + complément alimentaire dans deux groupes ayant une alimentation similaire l'un prenant un placebo, l'autre un vrai complément.

Cette étude menée de 1994 à 2003 a été le point d'appui à partir duquel Serge Hercberg à construit ses réseaux et son influence. L'entregent de Serge Hercberg et sa capacité à médiatiser SUVIMAX et sa propre personne sont tels qu'il arrive à se présenter dès cette époque dans les médias et l'establishment français comme un des meilleurs spécialistes mondiaux de l'alimentation, de la nutrition et de la complémentation alimentaire, alors que ses réalisations dans ces domaines sont honorables, sans plus. Une stratégie bien adaptée à une France nombriliste et conservatrice qui se désintéresse des travaux menés dans ces domaines à l'extérieur de ses frontières.

Selon Gestion Santé, l'étude SUVIMAX a été mal conçue en ce qui concerne la composition du complément apporté, avec notamment la présence de bêta-carotène synthétique et de vitamine E synthétique (qui diffèrent dans les deux  cas structurellement des molécules naturelles et qui sont sans intérêt et même probablement nuisibles à la santé), avec en sus l'absence des vitamines B et de magnésium. Il est paradoxal que ce chercheur qui fait par ailleurs l'apologie permanente de la nutrition équilibrée ait choisi d'apporter deux des principaux constituants sous des formes synthétiques inconnues dans la nature !

Hercberg s'est révélé à l'usage comme un des opposants français les plus farouches à la complémentation alimentaire et il a d'ailleurs tout fait pour minorer les résultats de son étude favorables à la complémentation. Celle-ci a en effet mis en évidence une baisse appréciable des cancers de 31% chez les hommes qui avaient pris les suppléments accompagnée d'un recul de la mortalité générale chez les hommes de l'ordre de 37 %  (mais pas d'effet positif ou négatif chez les femmes) ["Les vraies leçons de SUVIMAX" (LaNutrition.fr)]. Cet effet est probablement lié, pour l'essentiel, à la présence de Zinc, de sélénium et de vitamine C dans le complément. Ce résultat est d'autant plus notable que les participants à l'étude étaient, d'après ce que j'ai pu lire, nettement plus sensibilisés à l'importance d'une alimentation équilibrée que la majorité de la population.

En 2003, comme l'expliquait avec ironie LaNutrition, Hercberg s'employait avec énergie à minorer les résultats de SU.VI.MAX sur le cancer "La communication des résultats de SU.VI.MAX a donné lieu le 21 juin à d'étranges contorsions. Les résultats eux-mêmes ont été rapidement évacués, et le principal responsable de l’étude, le Dr Serge Hercberg s’est alors lancé dans une longue et surprenante mise en garde sur les compléments alimentaires, pourtant à l’origine d’une nette baisse des cancers dans son étude. Les résultats de cette étude, a-t-il martelé, « ne justifient pas l’utilisation de suppléments » qui pourraient « détourner les consommateurs des fruits et légumes. » Et de souligner que les résultats obtenus dans l’étude peuvent facilement être atteints en mangeant des fruits et légumes (une information reprise en choeur par les médias !). Alors pourquoi avoir donné un complément alimentaire plutôt que faire des recommandations en termes de consommation de fruits et légumes ? Pour des "impératifs méthodologiques". Ah bon."

Le lecteur ne pourra évidemment qu'être frappé par la continuité de la stratégie de communication entre SUVIMAX et  les résultats de l'étude sur la complémentation nutritionneldans NutriNet : plus ça change plus c'est la même chose...

Mais continuons à examiner SUVIMAX pour voir comment s'est construite cette idéologie du recours exclusif à l'alimentation équilibrée et cette démonisation de la complémentation.

SUVIMAX Une étude sur fonds privés au mieux avec l'agrobusiness

Gestion Santé
écrivait il y a une dizaine d'année, à propos de cette étude, en s'appuyant notamment sur un article d'investigation de l'hebdomadaire Le Point de l'époque :

"Le Dr. Hercberg est médecin nutritionniste, spécialiste en épidémiologie, Directeur de recherche INSERM, professeur au CNAM, Directeur de l'Institut Scientifique et Technique de la Nutrition et de l'Alimentation, Coordinateur de l'étude SUVIMAX (...) et bien entendu expert pour une multitude d'organismes publics et privés. Comme on voit le cumul des mandats ne se pose pas qu'en matière politique... On a parfois l'impression que seule l'étude SUVIMAX (dont les conclusions ont été publiées en 2003) qu'il conduit à une quelconque valeur à ses yeux et que les milliers d'études scientifiques consacrées au niveau mondial à l'évaluation des compléments alimentaires sont dépourvues d'intérêt... Il faut savoir que cette étude SUVIMAX n'est pas une recherche sur fonds publics mais qu'elle est financée par Candia, Danone, Vittel, plusieurs laboratoires pharmaceutiques et d'autres industriels."

(...) Suvimax a d'une part, un budget global, sur lequel chaque entreprise ne peut donc pas jouer pour orienter les recherches, d'autre part, des protocoles périphériques avec des financements destinés à un programme précis (...) Une étude Suvimax a [ainsi] permis de conclure, en toute indépendance bien sûr, que le pâté, les rillettes et le saucisson n'ont pas d'incidence sur le cholestérol." En dehors de deux conférences pour Vittel et Evian, Serge Hercberg "oublie de mentionner Fruit d'Or, Knorr, Kellogg's, Candia, Lipton, le Centre d'information des viandes (CIV)... C'est dommage. A l'occasion du dernier Medec [un salon médical], Serge Hercberg a participé à un colloque sponsorisé par Knorr sur "Les besoins en micronutriments de la femme en âge de procréer". Et qui disait-il? Que "la deuxième phase du protocole satellite Knorr de l'étude Suvimax a montré que la consommation de potages contribue significativement à augmenter les apports en folates, vitamines C, en fer et même en calcium". La soupe, qu'on se le dise, est donc bonne."

D'après LaNutrition.fr, Serge Hercberg a conservé longtemps cette proximité avec les industriels de la charcuterie, de la boulangerie et des laitages. Le site en a donné un bon exemple, humoristique et bien informé en 2006 : "Grand Prix de la Propagande novembre 2006 : L'Observatoire du Pain".

SUVIMAX sert de tremplin à Hercberg pour pousser sa carrière au début des années 2000 alors même que les résultats définitifs ne seront publiés qu'en 2003.

De SUVIMAX au poste de responsable inamovible du PNNS

L'influence de Serge Hercberg lui permet de proposer le projet du premier Programme National Nutrition Santé 2001-2005 (PNNS) à Bernard Kouchner, le ministre de la santé du gouvernement Jospin, qui souhaite à l'époque donner l'impression qu'il soutient des projets ambitieux de modernisation du monde de la santé. Toute la communication autour du PNNS sera un joli coup de pub pour Jospin et Kouchner.

Serge Hercberg ne lachera jamais les rènes du PNNS. Il a compris que c'était une position absolument stratégique. Malgré les résultats désastreux des PNNS successifs, en particulier par rapport à l'objectif central, en terme de santé publique, de la lutte contre l'obésité, Hercberg réussira l'exploit vraiment remarquable de ne jamais se faire débarquer du PNNS qu'il pilote sans discontinuer depuis 2001.

Au contraire il renforcera régulièrement ses positions et étendra son influence à partir du PNNS, en codifiant notamment progressivement la totalité des stéréotypes utilisés dans le discours administratif et médiatique français de l'alimentation et de la nutrition. Il contribuera aussi de façon substantielle au discours médiatique et sanitaire qui sert de base au rejet par l'establishment français des compléments alimentaires.

Le consommateur tu éduqueras et l'agrobusiness jamais ne contraindra

Le PNNS est sensé favoriser de "bons" comportements alimentaires. Il a toujours eu un caractère purement incitatif, déclamatif et très approximatif selon de nombreux observateurs bien informés (comme le site LaNutrition de Thierry Souccar qui a écrit des articles bien informés sur ce sujet). Les excellentes relations de Hercberg avec les lobbies agroindustriels sont le garant de relations idylliques avec ces derniers, dont les intérêts ne sont jamais remis en cause, ce qui convient parfaitement au pouvoir politique qui n'a pas envie d'entrer en conflit avec l'agrobusiness et la grande distribution.

Il s'agit pour l'essentiel de gérer une prétendue harmonie préétablie entre le consommateur que l'on présente comme étant de plus en plus soucieux de sa santé et l'agrobusiness qui de son côté serait forcément au fait des dernières connaissances en matière de nutrition et avant tout soucieux de distribuer des produits les plus sains possibles en fonction de la demande des consommateurs. Il suffit de guider et d'éduquer avec une bienveillance toute paternaliste le consommateur via le PNNS, en lui faisant adopter des comportements alimentaires favorables, du genre 5 fruits et légumes par jour et autres slogans du même acabit et l'agrobusiness et la grande distribution s'adapteront de façon fluide à la demande. Voilà qui convient parfaitement à la culture socio-politique française, toujours extrêmement infantilisante et paternaliste pour tout ce qui concerne l'éducation à la santé et par ailleurs entièrement sous la coupe des grands acteurs économiques et financiers.

Dans ce contexte d'infantilisation du public et de caricature de la réalité de l'offre et de la demande, la communication façon PNNS, oscille depuis toujours entre le slogan publicitaire, le cours de morale, la simplification grossière ou l'occultation des données scientifiques dérangeantes. De ce point de vue elle convient parfaitement à l'agrobusiness qui a compris qu'il fallait se couler dans ce moule simpliste, pour rendre sa propre communication indiscernable de celle du PNNS et bénéficier de sa notoriété.

Les "bons" comportements sont donc quasi exclusivement à la charge des consomateurs qui ont en même temps un choix de plus en plus restreint, du fait des contraintes professionnelles, du travail des femmes, qui oriente vers les plats tout préparés, la restauration collective ou rapide, etc. Cela fait que pour beaucoup d'aliments les choix des consommateurs sont de plus en plus contraints et dépendent des stratégies poursuivies par l'agrobusiness.

Comme le rappellent de trop rares acteurs qui osent prendre leur distance avec le PNNS, comme l'Institut Européen de Physionutrition (IEP) ou le site LaNutrition, "Une étude publiée dans les cahiers de nutrition et de diététique en 1999 par Darmon et Briend démontre qu'il est difficile, voire impossible, de demander aux français de respecter les apports nutritionnels conseillés sans s'éloigner considérablement de leurs habitudes alimentaires." (IEP).  LaNutrition a commenté la même étude dans  Idée reçue n°4 « Une alimentation variée et équilibrée couvre tous nos besoins » : "Nicole Darmon, a fait appel à la programmation linéaire pour déterminer le type d’alimentation que les Françaises et les Français doivent adopter pour obtenir vitamines et minéraux aux quantités fixées par les apports nutritionnels conseillés (ANC). Sa conclusion : il est impossible de recevoir ces doses optimales de vitamines et de minéraux sauf à consommer des aliments, comme les abats, qui sont dédaignés par plus de 70% de la population. La couverture des besoins est particulièrement difficile pour les vitamines B1, B6, E et D. Côté minéraux, les apports en magnésium, fer, zinc, cuivre sont problématiques." LaNutrition ajoute qu'une forte suspicion pèse sur la valeur réelle des tables de référence sur la densité nutritionnelle des aliments. Lire aussi l'enquête "Faudra-t-il bientôt manger cinquante fruits et légumes par jour ?" du site Basta sur cette question.

Le roi est nu mais tout le monde s'extasie comme si de rien n'était sur les beaux atours du PNNS.

Du fait que le PNNS s'interdit par principe toute pression efficace sur les industriels de l'alimentation en se se cantonnant toujours à l'incitatif, des effets pervers en découlent. Nous allons examiner, pour illustrer de notre propos, et sans chercher à être exhaustif, l'exemple du sucre, puis celui du sel.

Du sucre ou de la communication du PNNS indicernable tu te rendras

J'ai pu constater à partir d'une expérience personnelle que la restauration collective des entreprises françaises faisait régulièrement de la pub pour le sucre avec des affiches coulées dans le modèle des slogans et de la communication maketing du PNNS, sauf que dans ce lieu de restauration je n'ai jamais vu trace d'une affiche du PNNS et que par contre je peux y admirer "A chaque sucre son utilisation" (affiche CEDUS). Les sucres "rapides" posent comme on sait un problème de santé publique et il est de l'avis général important d'en limiter la consommation... mais visiblement pas la publicité... même dans les lieux de restauration collective.

J'ai fait une requête sur internet, pour en savoir un peu plus sur l'étendue et les contours de ces campagnes "sucrées" dans les lieux de restauration collectifs, et je suis tombé sur "Le sucre, vedette 2011 de la restauration collective -  Communiqué CEDUS". Le Centre d’Études et de Documentation du Sucre (CEDUS) est une émanation des industriels français du sucre. Voici le sous-titre de l'article :

  "Du 21 au 27 mars 2011, dans toute la France, les établissements de restauration collective en gestion directe (écoles, entreprises, maisons de retraite, centres d’accueil…), garnissent leurs assiettes des Saveurs Sucrées du Nord-Pas de Calais. Pour la 10ème édition de l’évènement « Invitez les saveurs du Nord-Pas de Calais à votre table », le Comité de Promotion Nord-Pas de Calais s’est associé au Cedus (Centre d’Etudes et de Documentation du Sucre) pour animer cette semaine gastronomique autour des « Saveurs Sucrées»"

Inutile d'épiloguer. Cet exemple est paradigmatique de ce que nous voulons dire en parlant de la communication de l'agrobusiness indiscernable de celle du PNNS, accédant quasiment sans entrave aux lieux stratégiques où la communication institutionnelle aurait vocation à se déployer (et où elle est largement absente) et utilisant les mêmes stratégies marketing et publicitaires que le PNNS, avec beaucoup plus de moyens, ce qui, évidemment, brouille et réduit à néant les maigres apports de la communication façon PNNS. Pour en rajouter une couche les industriels font d'ailleurs, en partenariat avec le PNNS, défiler en bas de leur publicités le message sanitaire obligatoire manger-bouger, 5 fruits et légumes par jour, etc. ajoutant encore à la confusion organisée.

La façon dont l'industrie sucrière peut déployer sans entrave sa publi-communication dans la restauration collective, alors que nous en sommes au PNNS3 montre que le PNNS n'a jamais cherché à établir un quelconque rapport de force avec l'agrobusiness. A ce degré de laisser faire et de laisser aller, les mots me manquent... L'auteur de cet article, qui ne se fait pourtant, depuis la création du PNNS, aucune illusion sur celui-ci, reconnait qu'il a été tout de même estomaqué de constater la capacité de pénétration sans entrave de l'agrobusiness dans tout l'éventail de la restauration collective !

"L'affaire du sel" va nous permette d'examiner une autre facette de cette démission collective des pouvoirs publics derrière la façade purement marketing du PNNS.

Le sel, ou devant l'agrobusiness tu te prosterneras

Le sel "caché" des produits industriels préparés, par opposition au sel rajouté en toute connaissance de cause par le consommateur, est depuis les apéritifs jusqu'aux produits cuisinés prêts à consommer, une des sources principales de l'excès de sel alimentaire dans la population générale.

A partir de la fin des années 1990, il y a eu un début de scandale autour de l'Afssa, chargée de donner des recommandations d'apport et qui occultait la gravité de cette question de santé publique. Un chercheur, Pierre Meneton de l'Inserm, avait courageusement joué les lanceurs d'alerte et mis en cause la collusion entre le monde de l'expertise et les industriels du sel (voir portrait 2011 dans l'Express).

Gestion Santé écrivait à propos de ce chercheur en 2002 " Il a en fait révélé que l'AFSSA avait délibérément occulté les risques liés au sel dans l'alimentation. L'AFSSA avait en effet sollicité de nombreux experts dans le cadre de la publication par l'AFSSA d'une version actualisée de son ouvrage de référence sur les apports nutritionnels conseillés (ANC) dans l'alimentation. En tant qu'expert international sur la question du sel, Pierre Meneton avait été consulté à ce sujet mais quasiment rien n'a été retenu de sa contribution dans l'ouvrage, si ce n'est une note de référence dans la bibliographie, l'ouvrage sur les ANC se bornant à conseiller de ne pas trop saler les aliments (alors que 80% du chlorure de sodium que nous absorbons chaque jour est déjà contenu dans produits que nous achetons)! Rien donc sur la corrélation forte et démontrée avec le risque d'hypertension, l'importance de l'équilibre sodium-potassium, les problèmes d'étiquetage des aliments, le surdosage dans les plats industriels, etc. "

La façon dont Hercberg a en personne déminé l'affaire de l'excès de sel en 2001-2002 est exemplaire de son exceptionnel savoir faire et explique probablement sa longévité exceptionnelle à des postes sensibles. LaNutrition.fr a publié récemment un article sur cette question, "Pourquoi on avale toujours trop de sel", très bien informé, qui propose une mise en perspective sur la durée.

Suite au début de scandale que nous venons d'évoquer, Serge Hercberg est chargé par Martin Hirsch, directeur de l’Afssa, d'un groupe de travail, qui se présente comme consensuel et qui aboutit à un colloque scientifique, lequel permet à Kouchner d'annoncer la recommandation d'une réduction de 25% en 5 ans des apports en sel. Avec le PNNS au commande, on va voir ce qu'on va voir : absolument rien évidemment, car l'effet d'annonce remplace les actions concrètes et efficaces ! Mais grâce à cette brillante stratégie de communication, qui met le ministre en valeur, le scandale du sel est enterré. Dans la foulée de ces belles promesses, le lobby du sel réussit à empêcher l'étiquetage obligatoire des apports en sel des aliments, lequel sera définitivement enterré en 2004 lorsque, sous la pression des lobbies, cette disposition est retirée de la loi de santé publique qui le prévoyait dans une version initiale du texte.

Cette politique de régulation des apports en sel façon PNNS donne avec le recul, en 2013, des résultats ainsi décrits par LaNutrition :
"Depuis 1992, pratiquement rien n’a donc été fait en France pour faire baisser la consommation de chlorure de sodium, hormis un catalogue de bonnes intentions. Résultat : sur la base d'un suivi effectué sur 48 aliments répartis dans 8 grandes familles, l’Anses estime que les industriels ont réduit la teneur en sel des aliments de… 4%. En extrapolant ce résultat à l'ensemble de l’offre alimentaire, l'Anses veut croire que la teneur en sel a diminué de 10%, un chiffre bien optimiste. (...)
Rien n’a donc changé pour les Français. Entre 1990 et 2000, leur consommation [de sel] a augmenté. Depuis, elle est stable puisque, les hommes consomment 8,7 grammes de sel par jour et les femmes et les enfants 6,7 grammes."

A comparer donc à la recommandation d'une réduction de 25% en 5 ans des apports en sel du 1er PNNS et aux 5g (qui sont déjà une dose relativement élevée), préconisés par l'OMS. Les besoins pour maintenir la santé d'un adulte sont de 2g  par jour (Pr Jacques Blacher) selon un article que Le Figaro a publié récemment sur ce sujet "L'excès de sel nuit gravement à la santé cardio-vasculaire", qui montre que les français consomment 4 fois plus de sel que les besoins biologiques de base et que l'excès de sel est fortement corrélé avec le risque d'accident vasculaire cérébral. Il faut également savoir que dans ce domaine, l'équilibre sel - potassium est important, lire "Un régime alimentaire riche en potassium, pauvre en sel, se traduit par un risque d’accident vasculaire cérébral réduit de 25% environ."

Comme pour bien d'autres critères du PNNS la réduction du sel est annoncée depuis l'origine et reconduite comme si de rien n'était malgré les échecs flagrants. Les résultat ponctuels positifs éventuels sont montés en épingle et sortis du contexte d'une évaluation sérieuse des véritables déterminants sur le long terme.

... et l'obésité tu oublieras

Les créateurs du PNNS1 faisaient différentes préconisations nutritionnelles avec l'objectif de faire baisser l'obésité de 20% à l'échéance 2005, un marqueur, hélas pour eux, des plus fiable pour évaluer le succès ou de l'échec de l'évolution des comportements alimentaires !

Comme le rappelait LaNutrition.fr à l'époque, le PNNS1 avait tenté dans son bilan de faire passer un début de stabilisation du surpoids chez les enfant pour un début de réussite de son plan. LaNutrition soulignait toutefois l'échec complet du PNNS1 par rapport à l'augmentation de l'obésité dans la population générale : "La prévalence de l’obésité chez l’adulte a augmenté, à 16,9% ainsi que celle du surpoids à hauteur de 32,4%. De ce point de vue le PNNS a échoué dans ses objectifs. Il s’agissait à l’horizon 2005 de diminuer de 20% la prévalence du surpoids et de l’obésité chez l’adulte et de stabiliser l’augmentation de la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les enfants. (...) La consommation de produits sucrés ne diminue pas, avec une forte proportion d’enfants ayant des apports qui restent élevés."

LaNutrition était par ailleurs, et à mon avis à juste titre, en désaccord avec les proconisations du PNNS sur la diminution des apports en graisse fixés à des niveaux inutilement faibles, les apports en glucides trop élevés, le rôle des laitages, etc.

Par ailleurs le même site avec "ObEpi 2006 : pourquoi l'obésité progresse-t-elle ?" donnait des informations confirmant l'évolution désastreuse de l'obésité. Les données 2009 d'ObEpi montrent une persistance catastrophique de l'évolution. Enfin, les données 2012  confirment, elles aussi, l'échec complet des PNNS successifs et l'inefficacité des approches purement incitatives et de la communication simpliste sur papier glacé façon PNNS qui se ramène, finalement, à une autopromotion du PNNS par lui-même et pour lui-même, sans vrai impact sur les comportements alimentaires.


Tes propres louanges tu chanteras

Comme on est jamais mieux servi que par soi-même, les PNNS ont été évalués "à la française", c'est-à-dire que Hercberg a tenu régulièrement la plume pour chanter ses propres louanges, en limitant les évaluations extérieures des PNNS successifs. Cela est aussi un signe de l'influence démesurée de Hercberg sur la nutrition française. C'est ainsi que le Ministre de la Santé et des Solidarités UMP, Xavier Bertrand, lui demandera d'évaluer le PNNS1 et de préparer le PNNS2. Ce qui donne : Eléments de bilan du PNNS (2001-2005) et Propositions de nouvelles stratégies pour le PNNS2 (2006-2008).

Apparemment l'UMP reste impressionnée par la capacité du PNNS socialiste à ne rien faire tout en semblant tant vouloir faire ! Le consensus droite - gauche joue ici à plein. Il est important, alors que le système de santé se dégrade régulièrement, que les lobbyes et les industriels du médicament se goinvrent sur le dos des usagers, de donner l'illusion que le système de santé donne une place importante à la prévention via la nutrition.

Hercberg continue évidemment sa carrière à la tête du PNNS3, mais si on regarde bien, on constate que le PNNS commence a être remis à sa place à partir de 2010. Compte tenu de son inefficacité on lui adjoint et on l'articule à de nombreux autres dispositifs qui vont limiter son influence, sans évidemment aboutir pour autant à une situation satisfaisante. On voit bien cette évolution importante si on lit entre les lignes de cette interview de Serge Hercberg de décembre 2011, au titre révélateur, réalisée par un site spécialisé, Changement de régime ? A propos du 3ième Programme national « Nutrition Santé ».

Le PNNS et les autres plans : le tournant de 2010

Ce n'est donc qu'avec le dernier PNNS3 (programme détaillé) que le PNNS commence a être - un peu - déshabillé. D'abord du fait de l'élaboration d'un plan obésité 2010-2013 rendu indispensable par les échecs des PNNS en matière de lutte contre l'obésité et par la nécessité de définir une prise en charge sanitaire des personnes en surpoids et obèses.

La consultation du plan obésité (PO) permet de comprendre l'articulation du PO avec le PNNS et d'autres dispositifs "Le Plan obésité réunit en un ensemble coordonné une série de mesures et d’actions dont certaines sont inscrites dans d’autres plans ou initiatives. L’articulation du Plan obésité avec le Programme national nutrition santé (PNNS 2011 - 2015) et le Programme national pour l’alimentation (PNA), ainsi qu’avec le Plan national santé environnement (PNSE), le Plan national alimentation insertion (PAI) et le Plan santé à l’école (PSE), est un élément crucial de cette mobilisation. Elle sera assurée par une coordination interministérielle. Dans l’objectif de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, il est tenu compte de la politique de la ville, à la fois pour assurer la déclinaison du PNNS et du PO sur ses territoires et pour mobiliser sur la thématique, les dispositifs spécifiques de cette politique avec les contrats locaux de santé des ARS [Agences Régionales de Santé]. "

Le Programme national pour l’alimentation (PNA) est un programme placé sous la tutelle du puissant ministère de l'agriculture qui souhaitait de longue date prendre son indépendance vis à vis du PNNS. C'est surement le coup le plus important porté au PNNS auquel il enlève de nombreuses prérogatives. Le ministère de l'agriculture est largement sous la coupe de l'agrobusiness et il ne faut donc pas s'attendre à des améliorations décisives par rapport à l'action du PNNS, avec au mieux des mesures plus concrètes et mieux soutenues que les déclamations impuissantes du PNNS.

On retrouve dans le PNA le discours ambiant des politiciens prétendument proagriculture avec la feinte volonté du PNA de développer l'agriculture locale, discours lénifiant qui sert traditionnellement en France à masquer l'emprise des multinationales de l'agrobusiness qui asservissent les agriculteurs et les consommateurs. On pourra au passage apprécier l'efficacité des préconisations du PNA par rapport à l'un de ses 4 axes "Développer une offre alimentaire de qualité : Filière par filière, les producteurs et les transformateurs s’engagent à améliorer la qualité nutritionnelle, le goût et la sécurité des aliments. (...) Développer les circuits courts, l’agriculture biologique et les signes de qualité (...)."

Cet engagement prend toute sa valeur et sa saveur avec le scandale récent de la viande de cheval clandestinement substituée à la viande bovine, qui a permis de lever une partie du voile sur la complexité incroyable des filières de circulation des produits carnés à l'échelle européenne (sans parler du miveau mondial) avec tous les trafics et fraudes que cela permet et qui vont évidemment encore s'aggraver avec la crise économique mondiale... L'agriculture sous la coupe de l'agrobusiness et en réalité à mille lieu des "circuits courts" et de l'agriculture biologique que le ministère de l'agriculture prétend défendre, alors qu'il a toujours activement contribué à la marginaliser, faisant de la France la lanterne rouge de l'agriculture biologique europénne, malgré un énorme potentiel dans ce domaine.

A part le PO et le PNA on note la présence du Plan national alimentation insertion (PAI) qui est en fait un dispositif déjà ancien reconduit depuis 2003 et dont l'intérêt est de permettre de subventionner des associations agissant dans le domaine de l'éducation à la nutrition des populations en difficulté sociale, du Plan national santé environnement (PNSE) dont la 1ère version date de 2004 et dont la 2e version a été couplée au Grenel de l'environnement... Tous ces dispositifs s'étoffent peu à peu et limitent progressivement les attributions du PNNS.

Des plans sont également déclinés à l'égard des populations locales et des jeunes par les collectivités locales. Il s'agit de plans locaux d'éducation à la santé qui font une référence de principe au PNNS mais s'inscrivent dans des références très différentes pour des populations spécifiques (tranches d'âge, milieux sociaux...) et traitent de tous les aspects de la santé, dont la nutrition, selon une approche nettement plus concrète que celle du PNNS. En ce qui concerne les jeunes il s'agit notamment de tenter d'agir sur l'évolution catastrophique des comportements depuis une dizaine d'année : prise de risque inconsidérés lors de la découverte de la sexualité, alcoolisation croissante, tabagisme de masse...

Le PNNS avec ses stéréotypes bien pensants, sans prise sur la réalité, timoré dans ses conceptions, hostile aux évolutions et innovations sociales, illustre, parmi tant d'autres phénomènes, les préconceptions d'une classe dirigeante figée dans ses conservatismes, incapable de dialoguer sur un pied d'égalité avec la société civile et qui oriente tacitement la jeunesse vers des comportements d'autodestruction en la privant de projets d'avenir et d'idéaux.

Le grand pontife de la nutrition a parlé...

Hercberg a fixé la sainte doctrine appliquable en matière de nutrition et de complémentation en terre de France, dans un "article de référence" de 2006 "Statut minéral et vitaminique : le point sur la situation en France"(ref. publication) que j'ai découvert car il était cité avec déférence dans une étude importante : « Consommation de compléments alimentaires en France : profil des consommateurs et contribution à l’équilibre nutritionnel » qui a précédé l'étude de complémentation plus complète effectuée à partir de NutriNet-Santé que nous avons examinée. Les deux études donnent des résultats largement similaires. J'avais été frappé de voir comment la parole de Hercberg cadrait les commentaires que s'autorisaient  à faire les auteurs de l'étude en question.

Je laisse chacun méditerla forte pensée de Hercberg, organisée en particulier autour de la proposition : "Il n'existe pas de signes évocateurs dans la population générale, de carences minérales et/ou vitaminiques majeures redevables de mesures de santé publique autres que des recommandations en termes de conseils nutritionnels."

Cela signifie que la complémentation nutritionnelle est inutile dans la "population générale". Toute carence en nutriment doit donc être résolue par une mesure qui est uniquement du registre de l'alimentation.

Hercberg est arquebouté sur cette proposition depuis au moins le début des années 2000 puisqu'elle est à la base de la construction du PNNS. Elle est au coeur de la communication qui se déploie actuellement autour de NutriNet-Santé dans le prolongement de celle adoptée à partir de SUVIMAX.

Comme nous l'avons également écrit plus haut, les "bons" comportements alimentaires sont quasi exclusivement à la charge des consomateurs qui ont en même temps un choix de plus en plus restreint, du fait des contraintes professionnelles, du travail des femmes, qui oriente vers les plats tout préparés, la restauration collective ou rapide, etc. Cela fait que pour beaucoup d'aliments les choix des consommateurs sont de plus en plus contraints et dépendent des stratégies poursuivies par l'agrobusiness.

Sans nier qu'à titre individuel nombre de personnes arrivent à améliorer leur comportement alimentaire, elles ne compensent pas, loin de là, les personnes dont les habitudes se dégradent où qui maintiennent de mauvaises habitudes alimentaires ou qui n'ont pas suffisamment d'autonomie pour réguler de façon significative leur alimentation.

Il n'y a donc aucune raison sérieuse, bien au contraire, de déconseiller la prise de compléments alimentaires comme le font Hercberg et consort. Nous avons vu en introduction de cette page comment nos nutritionnistes avaient placé l'étude sur la complémentation menée dans la cohorte NutriNet sur leur divan de Procuste afin de masquer certains résultats dérangeants, à savoir que la complémentation constitue un élément particulièrement intéressant pour équilibrer le bilan nutritionnel de segments conséquents de la population.

En outre nos mandarins s'étouffent régulièrement de rage, car étude après étude, on retrouve toujours la même tendance, à savoir que ceux qui se complémentent ont des habitudes alimentaires sensiblement meilleures que celles de la population générale et sont globalement mieux informés. Cela montre tout simplement que la complémentation nutritionnelle s'inscrit dans un souci de soi et dans une démarge d'autoéducation qui intègre simultanément la nutrition et la complémentation. Il est navrant que les personnes intéressées par cette intégration doivent le faire sous les quolibets.

La communication sur les différents nutriments et leur efficacité sous forme de compléments alimentaires est donc en synergie positive avec la communication sur l'alimentation proprement dite. Il y a là une piste sérieuse pour dynamiser l'intérêt pour l'alimentation en la couplant avec l'intérêt pour la complémentation, malheureusement ce couplage doit se faire totalement en dehors de la communication d'origine publique et même en opposition avec celle-ci, du fait de l'opposition des responsables français de la nutrition.

Des segments de la population durablement carencés

Peut importe que cette approche uniquement nutritionnelle soit la garantie assurée de la maintenance des carences constatées sur le moyen et le long terme, les habitudes alimentaires étant dotées d'une très forte inertie, ce qui rend particulièrement difficile les changements d'habitudes alimentaires et donc la correction des carences en nutriments.

Peu importe aussi que Hercberg reconnaisse lui-même, sans en tirer aucune conclusion sérieuse, des "exceptions" à son dogme sur l'absence de carences, à savoir (cf. article précédemment cité) :

"1) la carence en fer au cours de la grossesse, dont la fréquence et l'intensité aboutissant à des anémies patentes est redevable d'une supplémentation adaptée et suivie médicalement ; 2) les sujets âgés en institution, dont un certain nombre de travaux mettent en évidence l’existence de déficiences minérales et vitaminiques multiples (vitamine D, C,...). Enfin, il faut ajouter qu’il n’existe pas d’études sur les populations marginales ou en situation de grande précarité pour lesquelles le risque de non couverture des besoins nutritionnels est le plus élevé."

Il est significatif que Hercberg "oublie" les recommandations des pouvoirs publics de complémentation en vitamine B9 des femmes en projet de conception, et qu'outre le fer, le statut en iode de la femme enceinte est problématique tout comme celui d'autres nutriments, ce qui est pris en compte dans les produits de prescription américain pour la grossesse, mais pas dans les produits ni les recommandations françaises (Lire : Une formulation presque exemplaire pour la B9 et les autres vitamines B, Prenate Elite aux USA).

Une analyse socio-nutritionnelle un peu sérieuse permettrait certainement de compléter et d'étendre très largement la liste bien trop restrictive des sous-segments de la population générale carencés en nutriment que propose Hercberg. Il faudrait notamment étudier la situation des étudiants, de toutes les personnes et familles ayant de faibles revenus, les personnes âgées en général et pas seulement celles en institution, les personnes en surpoids ou obèses, les personnes souffrant de troubles psychiatriques suivies ou pas, les personnes hospitalisées ou ayant été hospitalisées, les personnes ayant des habitudes de vie néfastes (fumeurs, personnes consommant trop d'alcool), celles qui sont exposées à des produits plus ou moins toxiques, notamment pour raisons professionnelles, etc. etc...

L'approche dogmatique de Hercberg est au centre des propositions qu'il défend au travers des PNNS. Pour lui la complémentation est inutile voire dangereuse, sauf pour un petit nombre de cas, qui relèvent strictement de la prescription par le corps médical et dont il tant d'ailleurs à minorer l'importance dans son argumentaire.

Aux USA, la Food and Drug Administration indique au contraire que "dans certains cas, les aliments enrichis et les compléments alimentaires peuvent être utiles pour fournir un ou plusieurs nutriments, qui, sinon, seraient consommés en quantité insuffisante par rapport aux recommandations établies". L'Académie de Nutrition et de Diététique américaine soutient ces recommandations, ajoutant que les compléments alimentaires "peuvent aider certaines personnes à atteindre les besoins nutritionnels spécifiés dans les standards de valeurs nutritionnels tels que les Dietary References Intakes". [Source : Cahier de nutrition et de diététique n° 47 de novembre 2012 (Rubrique Actualités p. 217)] Gestion Santé approuve tout à fait cette approche de bon sens qui s'applique tout à fait au cas français et la soutient sans hésitation.

La situation des femmes enceintes

En France la communication façon PNNS en arrive à entrer sourdement en conflit avec les recommandations de complémentation des femmes enceintes, mais le problème pourrait être étendu à tous les segments de la population présentant un risque de carence en nutriments. Comme nous l'écrivions dans notre page sur la vitamine B9 pendant la grossesse :

"Quand au "Livret d’accompagnement destiné aux professionnels de santé" [Guide nutrition pendant et après la grossesse], outre qu'il constitue un réquisitoire borné contre les compléments, il se caractérise lui aussi par une démarche fondée sur l'idéalisation des comportements alimentaires. La prescription d'acide folique ou d'autres nutriments utiles n'y est pas suffisamment encouragée. Là aussi le professionnel de santé est abreuvé d'informations façon PNNS sur la nutrition, alors que rares sont les professionnels de santé qui ont le temps et les moyens d'avoir un impact sur les comportements alimentaires. Sans d'outre espère-t-on que le médecin va échanger des recettes de cuisine avec ses patientes pendant les consultations ? Le passage sur la prescription d'acide folique est précédé d'une information qui risque de détourner le prescripteur de la prescription d'acide folique est elle est trompeuse d'un point de vue scientifique par rapport à la prévention du  Spina Bifida et des handicaps associés (gras par Gestion Santé) : "Les besoins peuvent être normalement couverts par une alimentation variée, proche des repères du PNNS (....). Mais comme on n’est jamais sûr que cette alimentation est bien respectée, prescrire de l’acide folique sous forme médicamenteuse doit être systématique dès l’arrêt de la contraception pour toutes les femmes désirant un enfant."
En réalité la prise d'acide folique protège aussi les femmes ayant une alimentation supposée équilibrée "à la façon PNNS", même si l'effet protecteur est probablement moindre que pour les femmes en carence franches."

La communication du PNNS vient donc brouiller les recommandations de complémentation en acide folique des pouvoirs publics. A l'occasion de la publication d'une étude norvégienne montrant que la vitamine B9 protégeait puissamment dans leur vie future les enfants des troubles du spectre autistique en plus de les protéger des malformations déjà identifiées précédemment, Gestion Santé avait souligné la situation désolante de la faible utilisation des compléments de vitamine B9 en France comparé à une large utilisation en Norvège :

"En Norvège, la prise de vitamine B9 était très suivie (l'étude s'étale de 2002 à 2008) car 32,9% des femmes sont complémentées 4 semaines avant la conception, 50% à la conception et près de 70% à 4 semaines... contre 25% des futures mamans françaises en moyenne sur l'ensemble de la période... Comme quoi il est difficile de faire passer les compléments alimentaires pour de la poudre de perlimpinpin, inutiles voire dangereux pour la santé, comme nous le matraquent les médias et les pouvoirs publics à longueur d'année et en même temps d'expliquer aux femmes que la prise de B9 est indispensable dès qu'elles sont en projet de conception..."

Je pense qu'il est temps de s'interroger sur la relation probable entre la faible utilisation des compléments alimentaires pendant la grossesse en France et le discours en forme de matracage anti-complément alimentaire permanent en France, associé à ce que j'ai appelé "l'idéalisation des comportements alimentaires".

La situation des personnes âgées

Les sujets âgés présentent une problématique de malnutrition ou de dénutrition très répandue qui ne peut être réduite au sujets âgés en institution, qu'évoque Hercberg, car elle concerne une partie significative de la populations âgée, vivant ou pas à domicile.

A domicile, elle ne concernerait que 10% des personnes de plus de 85 ans (lire par ex. ici), selon des critères qui sont à mon avis extraordinairement restrictifs quand on connait la fréquence d'apports insuffisants en vitamine B12, en zinc et en vitamine D, entre autres, des personnes âgées. Si on tient compte d'autres critères comme la diminution, largement évitable par la complémentation, de la masse musculaire, la dénutrition de la personne âgée concerne la plus grande partie de cette même tranche d'âge (lire Gestion Santé).

Il s'agit dans ce cas d'une carence que l'on peut considérer comme sévère en certaines catégories de protéines permettant de protéger le pool de fibres musculaires de l'organisme. Plusieurs études de grande qualité et d'origine française, dont nous nous sommes faits l'écho au fil des années, montrent que des apports en Leucine ou en protéines essentielles BCCA, utilisées pour la synthèse des fibres musculaires, sous forme semi-liquide ou en gélules, permet de limiter de façon considérable la perte protéique chez la personne âgée, laquelle s'accentue régulièrement avec l'âge. Il s'agit donc de compléments alimentaires protéiques, souvent similaires à ceux que prennent les sportifs qui veulent augmenter leur masse musculaire, et qui devraient être pris par une grande partie, sinon la totalité, de la population âgée. Cela permettrait de limiter de façon très importante la fonte musculaire et la sarcopémie de la personne âgée qui joue un rôle essentiel dans la perte de mobilité, le risque de chute et les fractures associées, la mauvaise récupération après un épisode infectieux ou opératoire, etc.

C'est recherches pourtant reconnues internationalement ne débouchent sur aucun programme de santé publique alors qu'elles sont liées à l'enjeu colossal du gain des années de veillissement en bonne santé dont on veut nous faire croire qu'elle est une préoccupation constante des pouvoirs publics.

Des multicompléments bien dosés en vitamines et minéraux et des apports protéiques en complément à l'alimentation habituelle de la personne âgée pourraient participer de façon cruciale à l'allongement de la longévité et aux années de vieillissement en bonne santé, tout en réduisant ou en stabilsant les dépenses de santé, cette complémentation étant d'un côut vraiment très réduit par rapport aux dépenses de médicaments, sans parler des dépenses énormes qu'entrainent l'hospitalisation, le placement en institution, la convalescence et l'accompagnement des personnes âgées physiquement diminuées présentant une carrence en un ou plusieurs nutriments et une perte de masse musculaire.

Ces ANC qui seraient fixés à des niveaux relativement élevés

Pour citer LaNutrition, "La notion d'apport nutritionnel conseillé s’appuie sur celle de besoin nutritionnel. Mais alors que les besoins nutritionnels relèvent du domaine de l'individu, les ANC sont de l'ordre de la santé publique, c'est-à-dire de la population." "Les apports nutritionnels conseillés sont des repères fixés pour un grand nombre de nutriments (énergie, glucides, protéines, lipides, vitamines, minéraux…)."

Pour Hercberg, les apports nutritionnels conseillés (ANC) sont fixés à des niveaux relativement élevés, avec une marge de sécurité importante, donc tout va bien dans le meilleur des mondes. En effet, comme le rappelle wikipedia, les ANC "sont élaborés par l'Anses (ex-Afssa) en fonction du besoin nutritionnel moyen (BNM) d'une sous-population pertinente, à laquelle est ajoutée une marge de sécurité de deux écarts-types (les ANC sont donc supérieurs à la moyenne des besoins réels)."

C'est pourquoi dans son "article de référence" de 2006 Hercberg brode sur le thème des "marges de sécurité" pour conclure que l'on ne peut établir aucune relation de causalité entre les nombreuses études de terrain montrant que les recommandations des ANC ne sont pas couvertes pour certains nutriments pour des fractions importantes de la population et une éventuelle déficience réelle en nutriments pouvant poser un problème de santé à des individus en particulier. De plus, comme l'écrit Hercberg "Si les déficiences en vitamines et minéraux sont plus répandues que les état de carence, elles ne peuvent être reconnues que sur le plan biologique, et ne s'accompagnent pas de manifestations cliniques évidentes."

Il faut lire attentivement Hercberg car nous sommes en présence d'un autre dogme caractéristique de sa pensée qui est étroitement articulé à ses autres positions sur la question, notamment l'inutilité d'une intervention autre que nutritionnelle. Je me permettrai de le reformuler comme suit, pour bien clarifier la question :

Une déficience avérée en un nutriment selon une analyse ANC, même lorsqu'elle est confirmée sur le plan biologique individuel par des dosages qui pourraient mettre en évidence une insuffisance, ne suffit pas, selon Hercberg, à établir que nous sommes en présence d'un problème de santé nécessitant une mesure curative autre que nutritionnelle, sauf si elle est accompagnée de "manifestations cliniques". La manifestation clinique est une terminologie forte en médecine. Elle fait référence à l'ensemble des signes qui permettent au médecin de définir la présence de telle ou telle pathologie. Pour Hercberg , la déficience éventuelle en un nutriment par rapport à des normes d'analyse standard n'est donc pas un signe clinique. Il faut que l'on puisse en outre établir la présence d'une pathologie donnée, caractéristiques de la carence nutritionnelle spécifique à ce nutriment.

Cette distinction entre déficience et carence et la nécessité de valider un déficit en nutriment par des signes cliniques cliniques pour poser une indication rendant nécessaire la complémentation sous la direction d'un médecin vide au passage les ANC de tout contenu et de tout intérêt en terme de santé publique. A quoi sert-il de les avoir fixé en premier lieu si on leur enlève ensuite toute validité et qu'on en revient à la seule protection des populations contre les fléaux constitués par des états carenciels sévères ? Et pourquoi d'ailleurs avoir créé le PNNS ?

S'il fallait prendre Hercberg au pied de la lettre, la recherche sur l'intérêt nutritionnel de la vitamine B1 se serait close entre 1910 quand Umetaro Suzuki a fait la relation entre sa carence et le béribéri et 1912 quand la thiamine (B1) fut isolée par Casimir Funk... Il n'y aurait pas de carence en vitamine C, le scorbut ayant quasiment disparu, même chez les marins, et ainsi de suite pour toutes les vitamines... et on pourrait d'ailleurs au passage en profiter pour supprimer le poste de professeur de nutrition de Serge Hercberg visiblement aussi coûteux qu'inutile.

Une autre perle du "document de référence" de Hercberg, c'est la situation de la vitamine D : "Il existe des différences régionales importantes et hautement significatives concernant le statut en vitamine D des populations. Le pourcentage de sujets présentant des taux de vitamine D inférieurs au seuil de référence est de près de 30 % chez les volontaires vivant dans le Nord Pas de Calais, en Picardie, en Alsace, dans le Cher et la Nièvre. Il est de 14 % chez les volontaires vivant à Paris et de 0 % chez ceux vivant à Nice et à Bordeaux."

Pour bien évaluer la pertinence des données que nous présente Hercberg sur la vitamine D, il est utile de les rapprocher de celles du Bulletin épidémiologique de l'institut de veille sanitaire (InVS) de 2012 (source) dont, selon LaNutrition, "Les résultats mettent en évidence que 80,1% des adultes ont une insuffisance en vitamine D avec un taux circulant dans le sang inférieur à 30 ng/mL et 42,5% des Français sont concernés par un déficit modéré à sévère." De son côté, l'Académie de Médecine indique que "«... si l'on considère que la valeur seuil est de 30 nanogrammes de 25 OHD (substance active dérivée de la vitamine D, NDLR) par millilitre de sérum sanguin, et non de 20 ng/ml, la proportion de personnes déficitaires passe à 70 %», insiste-t-il. (Le Figaro)"

Nous allons partir de cette étude très instructive sur la vitamine D pour nous donner des repères scientifiques qui nous permettront d'avoir une approche un peu plus rationnelle sur la nutrition et les compléments alimentaires. 

Vers un nouveau paradigme santé : la normalisation des taux plasmatiques de vitamine D

Rappelons (lire aussi la page de Gestion Santé) que la vitamine D à deux sources, une source alimentaire et une source via la peau et l'exposition aux UVB solaires qui transforment le cholestérol en 25-hydroxyvitamine D (25(OH)D) en plusieurs étapes. En l'absence de complémentation c'est la source solaire qui est de loin la plus importante pour des apports adéquats en vitamine D, sachant qu'elle est insuffisante la plus grande partie de l'année dans notre pays.

Comme le rappelle l'article du Bulletin épidémiologique de l'InVS précité (source avec les notes), " Selon les recommandations de la Société américaine d’endocrinologie, l’insuffisance en vitamine D est définie par une concentration sérique en 25(OH)D<30 ng/ml. Le déficit est considéré comme modéré ([10-20 ng/ml]) ou sévère (<10ng/ml). Le seuil de déficit sévère correspond à l’apparition des signes cliniques d’une ostéomalacie. Le seuil optimal (au-delà de 30 ng/ml) correspond à une absorption intestinale optimale du calcium et à une concentration sérique minimale de l’hormone parathyroïdienne ."

Ceci explique au passage comment Hercberg arrive à trouver 0% de carence en vitamine D dans le Sud de la France. Il suffit de prendre les valeurs extrêmes de carence en vitamine D soit <10 ng/ml. Et encore, il faut à mon avis se limiter aux adultes jeunes et en bonne santé, car à mon avis on peut trouver des cas assez nombreux de taux plasmatique de vitamine D <10 ng/ml dans le Sud de la France... En tout cas ceci est parfaitement conforme aux positions de notre grand patron de la nutrition française, puisque comme nous l'avons expliqué, il exige des "signes cliniques", c.a.d une ostéomalacie ou le rachitisme pour pouvoir établir une relation de causalité vérifiée entre un examen biologique et une carence nutritionnelle justifiant d'une correction par complémentation. Et il faut effectivement avoir des taux de <10 ng/ml pendant plusieurs mois pour présenter ces signes.

La Société américaine d’endocrinologie, qui ne professe pas la doctrine hercbergienne, préfère définir des stades qui s'inscrivent dans des boucles de rétroactions nutritionnelles complexes en rapport avec un état de santé global permettant le fonctionnement satisfaisant de différents paramètres biologiques et physiologiques. Cela lui permet de définir différents niveaux plasmatiques de 30, 20 et 10 ng/ml correspondant à la manifestation de différents phénomènes biologiques et physiologiques de gravité croissante. On peut définir cette position, si on la généralise aux autres nutriments, comme un paradigme de l'optimisation des phénomènes biologiques et physiologiques par l'intermédiaire de la nutrition (même si dans le cas de la vitamine D la synthèse cutanée par les rayons UVB complique un peu le problème).

Les 30 ng/ml de D (25(OH)D) correspondent à un état de relatif optimum santé pour la vitamine D et à une optimisation des phénomènes biologiques et physiologiques liés à cette vitamine, dont certains hormonaux, en rapport avec la physiologie du calcium. Mais il faudrait compléter le tableau par d'autres aspects de l'utilité de la vitamine D, comme sa contribution à une bonne immunité.

Le problème crucial c'est qu'il faudrait complémenter un grande partie de la population française presque toute l'année pour assurer de tels taux plasmatiques de 30 ng/ml, puisque selon le Bulletin épidémiologique de l'InVS, 80% des adultes sont en dessous de ce seuil !

Pour poursuivre encore un peu plus avant avec l'exemple de la vitamine D, on peut ajouter que le débat fait rage actuellement sur les taux plasmatiques les plus favorables à la santé. Ceux-ci varient considérablement selon les sociétés savantes, leur degré de conservatisme, etc. Parmi les meilleurs spécialistes de la vitamine D toutefois, s'est progressivement établi ces dernières années un consensus selon lequel le taux plasmatique optimum se situerait autour de 50 ng/ml. Cette fois, à part les plagistes de la côte d'azur en été et les rares français travaillant en plein air toute l'année, personne ne coupe à la complémentation avec des doses journalières relativement élevées de vitamine D. Cette approche suppose toutefois de faire des examens de temps à autre du taux de 25(OH)D pour bien ajuster la complémentation. Pour donner une échelle de grandeur, il faut, compte tenu des modes de vie, des apports journaliers de l'ordre de 5000UI pendant la période de faible ensoleillement (9 mois par an dans la plupart des régions) pour atteindre ces niveaux 50 ng/ml.

Les ANC actuels d'un niveau ridiculement faible de 200UI (deux cent UI) , soit 5μg/jour, rendent inatteignables pour la quasi totalité de la population ne serait-ce que les dosages prudents de 30 ng/ml proposés proposés par la Société américaine d’endocrinologie. Il faut pour cela de 1000 à 2000 UI par jour. De 5 à 10 fois plus que les ANC français ! Cela donne une idée de la crédibilité "des  marge de sécurité de deux écarts-types" pour la fixation des ANC des nutriments français !

Dans l'approche visant à définir un état de santé lié au nutriment, on s'efforce de trouver un indicateur biologique d'un équilibre physiologique d'apport pour le nutriment considéré, soit pour la vitamine D une 25(OH)D >= 30 ng/ml pour la norme prudente fixée par l a Société américaine d’endocrinologie. Cette approche ne nécessite pas des examens individualisés. C'est la recherche qui examine les rapports entre apport de vitamine D et taux plasmatiques et à partir de là on peut fixer des ANC "santé" pour l'ensemble de la population et inviter à une complémentation en conséquence.

La lutte des paradigmes

En fait la recherche et la définition des ANC, en France et ailleurs dans le monde, oscille constamment entre deux approches contradictoires (Lire "Les ANC, des valeurs évolutives" dans ce document de l'Anses). A certains moments les agences chargées de ces questions s'enhardissent jusqu'à vouloir définir des normes de santé publique ambitieuses pour tel ou tel nutriment, du fait de leur importance, puis compte tenu du fait que la population générale est massivement carencée par rapport à ces normes rénovées, elles effectuent un violent mouvement en sens contraire, prétendant qu'une réforme mineure des comportements alimentaires permettrait de régler le problème. Le sujet tabou étant le recours indispensable à la complémentation nutritionnelle que rendrait nécessaire la fixations d'objectifs ambitieux. On en revient alors à la notion que seul un déficit sévère en un nutriment, associé à une pathologie carentielle constitue une référence scientiquement validée pour définir un seuil minimum de sécurité pour un nutriment et que les valeurs cibles sont seulement  indicatives ou souhaitables. Ce glissement constant est permis par le fait que les agences de santé évitent de se référer à des indicateurs bilogiques moyens fiables ou ne le font qu'incidemment, même lorsqu'ils font autorité, comme le taux plamatique de 25(OH)D que nous venons d'examiner pour la vitamine D ou le taux plasmatique de vitamine C (voir ci-après) ou pour d'autres types d'indicateurs spécifiques adaptés aux nutriments considérés.

Cela donne souvent aux documents produits par ces agences un caractère décousu et contradictoire facilement repérable par le lecteur attentif et intéressé par la question. Tout le problème tourne donc autour du "grand tabou". Il est de facto interdit aux agences d'évoquer ne serait-ce que l'éventualité d'une complémentation sur une base individuelle et volontaire en tel ou tel nutriment. Le consommateur est pour les agences un "incapable majeur" au sens juridique. Quoi qu'il arrive il importe de le priver de son droit et de sa capacité à agir librement et à adopter la stratégie de complémentation qu'il juge adaptée. Au pire, on préfèrera toujours "enrichir" ou "restaurer" la teneur en vitamine des aliments, pour masquer les problèmes, main dans la main avec les industriels, dans la plus grande discrétion et dans l'opacité. Dans nos remarques sur la situation très inquiétante de la restauration des aliments en vitamine E  nous avons par exemple montré que la restauration peut être effectuée avec de la vitamine E naturelle ou de synthèse, qui est dans le second cas une forme non présente dans la nature au 7/8 (provenant de la chimie du pétrole et appelée abusivement vitamine E), susceptible d'aggraver les carences en vitamine E au lieu de les éviter. Mais la situation est si opaque qu'il est impossible de déterminer la contribution réelle de la vitamine E de synthèse dans l'alimentation !

Le paradigme de la déficience qui n'est pas encore une véritable carence part du postulat que toute déficience en nutriment doit être résolue par une mesure qui est uniquement du registre de l'alimentation et on est rapidement amené, pour pouvoir maintenir cette position à la coupler avec des positions maximalistes sur la relation entre pathologie et insuffisance en nutriment.

Voyons à nouveau le cas de la vitamine D plasmatique pour illustrer ce type de discours : on ne va s'inquiéter qu'en cas de carence sévère (25(OH)D <10ng/ml) et même dans ce cas, il n'y a pas lieu de s'affoler, puisque dans bien des cas, des déficits de ce genre "ne s'accompagnent pas de manifestations cliniques évidentes" pour citerHercberg.

D'ailleurs pour cette "école de pensée", les phénomènes biologiques étant d'une grande complexité, il est toujours difficile d'établir des liens de causalité stricts et démontrables, ce qui est terriblement commode pour autovalider ses propres présupposés. Par exemple, lors d'une fracture de la personne âgée suite à une chute, on pourra toujours relativiser le fait en disant qu'elle est causée par l'ostéomalacie (décalcification et déminéralisation), en la mettant en contrepoint avec les troubles de l'équilibre, avec la diminution de la masse musculaire, en disant que que l'effet mécanique de la chute elle-même suffit à expliquer la fracture, que la décalcification chez la personne âgée est inévitable, que le manque de calcium est tout autant en cause que la carence en vitamine D, que les études de complémentation avec de la vitamine D sur l'ostéomalacie ne sont pas suffisamment concluantes, etc. etc.

Les mandarins de la nutrition en arrivent paradoxalement à encourager une méconnaissance et une minoration sans précédent de l'importance des apports en nutriments dans le corps médical tout entier ! Jamais on aura vu une corporation médicale dévaloriser à ce point l'importance des données scientifiques qu'elle est sensée défendre. Par diffusion idéologique, on voit ainsi la revue Prescrire, qui se flatte de sa totale indépendance à l'égard de l'industrie pharmaceutique, proposer sous la plume de sa rédaction, dans la rubrique "Stratégies" [sic] un article «Vitamine D et prévention des fractures» en novembre 2006 (payant mais que nous avons consulté), qui constitue une désolante minoration de l'importance de la vitamine D pour les personnes âgées.

Tout cela diffuse évidemment jusqu'aux prescripteurs, en particulier les médecins généralistes. Sous la pression d'une information continûment défavorable au rôle et à l'importance de la vitamine D, les généralistes vont rarement tester le taux de vitamine D de leurs clients, ils ne vont pas mettre en relation une constellation de troubles avec une carence évidente en vitamine D, un traitement à la cortisone qui est un inhibiteur très puissant de la vitamine D, ne donnera pas lieu à complémentation, etc.

Heureusement cette position évolue et les généralistes font aussi la part des choses lorsqu'ils lisent Prescrire ou d'autres prises de position du même genre et ils tiennent compte également d'avis autrement éclairés comme l'appel en faveur de la prise de vitamine D, de 2010 du regretté David Servan-Schreiber, cosigné par de nombreux chercheurs et praticiens de haut niveau, qui a largement encouragé depuis cette date le recours à la vitamine D. L'importance de maintenir des taux plasmatiques relativement élévés, comme le soulignent différentes sociétés savantes a aussi un impact important.

On peut véritablement parler de deux paradigmes opposés sur la nutrition et la santé. Le nouveau paradigme sur l'optimisation des phénomènes biologiques et physiologiques, que nous présentons dans cette page, s'est solidement constitué depuis une vingtaine d'année, même s'il est en cours d'élaboration depuis des décennies. En France le verrouillage institutionnel hostile à ces conceptions d'avenir est tel que ce nouveau paradigme est condamné à la marginalisation, les médecins et acteurs sociaux qui le défendent agissant de facto aux marges du système de santé, sans avoir d'impact sur la médecine de masse, la seule à avoir un véritable effet sur les déterminants de la santé générale des populations. Pour Gestion Santé, la crise multifactorielle des systèmes de santé occidentaux est étroitement liée à ce refus de ce nouveau paradigme de santé, qui constitue un des déteminants importants de la crise actuelle.

Pour ne pas alourdir la démonstration, nous allons examiner seulement un autre nutriment, la vitamine C, pour montrer que l'on peut poser la problématique de façon très similaire.

Confirmation : La normalisation des taux plasmatique de vitamine C

Les ANC de la vitamine C en France sont fixés à des niveaux relativement élevés de 110mg/jour pour l'adulte depuis 2001, après avoir été quasiment doublés (ils étaient précédemment de 60mg), ce qui avait surpris à l'époque compte tenu de l'habitude de l'Afssaps de fixer les taux des ANC beaucoup trop bas (et non pas avec la fameuse "marge de sécurité de deux écarts-types"), d'autant plus que dans le même temps, l'Afssaps prenait la décision incompréhensible de diviser par deux l'ANC de la vitamine D !

L'ANC de la vitamine C est plus élevé en France que dans plusieurs autres pays occidentaux. Il est donc intéressant d'examiner le cas de cette vitamine dont le dosage ne serait a priori pas trop fantaisiste et pas trop éloigné de recommandations réalistes. Autrement dit après avoir examiné "le pire" (la vitamine D), nous allons examiner ce que l'Anses-Afssaps peut proposer lorsqu'elle semble faire correctement son travail. Cela nous permettra de montrer à partir de ces deux cas limites que notre nouveau paradigme s'applique de façon relativement similaire.

Nous allons pour cela nous référer à un article anglais de Bandolier (Relationship between vitamin C intake and plasma concentration -  How much vitamin C do we need to take?) qui propose une évaluation du dosage nécessaire de vitamine C et qui s'appuie sur la médecine fondée sur les faits (Evidence-Based Medicine (EBM)), une approche de référence, mais souvent assez conservatrice et qui n'est pas sans défaut (il est parfois très difficile d'évaluer la qualité des "faits" médicaux que l'on prend en compte du fait des biais et des chausses-trapes liés aux conflits d'intérêts et au rôle énorme et corrupteur de l'argent dans la recherche médicale), mais qui va nous donner un premier fil conducteur intéressant pour la vitamine C. L'article semble avoir été écrit en 2000-2001, d'après les références aux études utilisés. Comme il y a eu beaucoup de recherches de qualité à cette période sur lesquelles s'appuient cette synthèse, il est possible que les résultats de ces recherches aient influencé l'Afssaps dans sa fixation des ANC de la vitamine C en 2001.

Le point très positif est que les chercheurs tentent de définir un taux plasmatique correspondant à un état de santé pour la vitamine C. D'entrée nous sommes donc aux antipodes de la doctrine selon laquelle tant que l'on n'a pas les premiers signes du scorbut, rien ne sert de s'alarmer ! Cela montre que depuis le début du XXIeS la médecine internationale de bon niveau, faisant référence à l'EBM, a intégrée l'idée qu'il fallait se référer à des indicateurs biologiques en rapport avec un état de santé pour fixer les normes d'apport en nutriments.

Le dosage plasmatique est, de l'avis général, un bon indicateur de la disponibilité cellulaire de la vitamine C et cela correspond à l'approche que nous avons précédemment recommandée pour la vitamine D dans la section précédente. Les chercheurs fixent ce seuil de vitamine C à 50 mumol/L. Nous verrons un peu plus loin que ce seuil mériterait d'être discuté, comme nous avons discuté le seuil de 30ng de vitamine D, mais cela constitue une bonne approche de principe, et si déjà la totalité de la population avait ce taux plasmatique, ce serait une énorme avancée en terme de santé publique !

Les résultats indiquent que (traduction de Gestion Santé) :
"Pour un apport journalier de 60 mg de vitamine C, la concentration plasmatique moyenne était de 42 µmol/L pour l'ensemble des participants, de 44 µmol/L pour les adultes, de 31 µmol/L pour les adultes plus âgés [older adults], de 42 µmol/L pour les non fumeurs et de 34 µmol/L pour les fumeurs.
Pour un apport journalier de vitamine C de 100 mg, la concentration plasmatique moyenne était de 54 µmol/L pour tous les participants, 56 µmol/L pour les adultes, de 42 µmol/L pour les adultes plus âgés, de 53 µmol/L pour les non fumeurs et de 42 µmol/L pour les fumeurs. L'augmentation de l'apport de 40 mg à conduit à une augmentation de plus de 10 µmol/L des concentrations plasmatiques sauf pour les fumeurs.
Pour atteindre un taux plasmatique de vitamine C de 50 µmol/L, les apports journaliers de vitamine C étaient de (...) 78 mg pour les adultes, de 150 mg pour les adultes plus âgés, de 89 mg pour les non fumeurs et de 207 mg pour les fumeurs."

On pourra rapprocher ces besoins de vitamine C, plus que doublés chez les fumeurs pour atteindre les mêmes taux plasmatiques, de nos remarques précédentes sur l'étude NutriNet-Santé et sur la prise de compléments de vitamine C chez les fumeurs. Cela confirme tout à fait notre remarque selon laquelle la prise de vitamine C par les fumeurs constituait un important bénéfice en terme de santé publique (ce qu'avait omis de préciser les chercheurs).

Dans l'article de synthèse que nous examinons, les études sur les adultes concernaient les moins de 65 ans et celles des plus âgés (older adults) allaient de 60 à 96 ans. Les deux séries se superposent légèrement, mais, d'après ce que l'on sait, les besoins en vitamine C augmentent régulièrement avec l'âge, avec probablement un effet seuil important vers 60 ans.

Nous avons vu que les études de référence montrent qu'il faut doubler les apports de vitamine C des fumeurs pour atteindre des taux plasmatiques de 50 µmol/L. Qu'en dit l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses)? Comme d'habitude on est dans la minoration du problème (source : "Vitamine C ou acide ascorbique - Présentation, sources alimentaires et besoins nutritionnels"). En effet, selon l'Anses, "un supplément de 20% de vitamine C est conseillé chez le fumeur de plus de 10 cigarettes par jour pour contrecarrer le stress oxydant lié au tabac." On constate que les doses de vitamine C sont minorées par rapport à la sythèse britannique ; on découpe la consommation en tranche de 10 cigarettes pour minimiser le problème, alors que les études sur les fumeurs ne rentrent pas dans ce niveau de détail, ce qui permet de parler d'une augmentation nécessaire de seulement 20 % au lieu de 100% lorsque l'on distingue seulement fumeur / non fumeur...

Qu'en est-il maintenant des apports réels de consommation par rapport aux besoins fixés par les ANC français ? L'Anses indique dans le même documents que "Les apports moyens en vitamine C dans la population française (données INCA2) sont de 77 mg/j chez les enfants de 3 à 17 ans et de 93 mg/j chez les adultes de 18 ans-79 ans. Ces apports ne sont pas différents entre la population féminine et masculine." Ce passage montre qu'outre la non prise en compte des besoins spécifiques des fumeurs, l'Anses ne prend pas non plus en compte les besoins accrus des séniors de 60 à 79 ans.

Ces résultats montrent également que les taux moyens des apports réels sont, par rapport aux objectifs des ANC de 2001 (fixés à 110mg/j), insuffisants chez les enfants, légèrement insuffisants (en moyenne) pour les adultes. Par ailleurs les résultats de l'étude anglaise sur les taux plasmatiques montrent que les ANC 2001 français ont été fixés à des niveaux  insuffisants pour les personnes plus âgées et trèsnettement insuffisants pour les fumeurs, les spécificités de ces populations n'ayant visiblement pas été prises en compte.

La France compte en 2012 plus de 14 millions de fumeurs sur 65 millions d'habitants. Près de 50% des personnes âgées de 18 à 34 ans fument. Les personnes de plus de 60 ans représentent 23,5 % de la population et les plus de 65 ans 16,8 %. En cumulant les 2 populations (plus âgés et fumeurs) non couvertes on approche des 30 millions de personnes en insuffisance par rapport à l'objectif que semble viser l'objectif de 110mg. Ainsi la population moyenne n'atteint pas les taux de 110mg/j et près de 30 millions de personne ont des besoins accru par rapport à l'objectif des ANC et sont donc en moyenne en déficit sensiblement plus marqué que la population jeune et non fumeuse.

L'agence indique aussi que "Les études épidémiologiques (notamment SU.VI.MAX) ont estimé la concentration plasmatique optimale de vitamine C à 60 µmol/L chez le jeune adulte. En effet, celle-ci correspond à la concentration qui permet d'atteindre le pouvoir antioxydant maximal nécessaire à la protection des individus vis-à-vis des risques de maladies cardiovasculaires et neurodégénératives, de cancers, de cataracte." Cette référence un taux optimum pour la santé de 60 µmol/L, correspond bien au phénomène d'oscillation ou de conflit entre les deux paradigmes nutritionnels que nous avons précédemment évoqué : le souhait de définir des normes santé ambitieuses d'apport avec en même temps un repli peureux et la sous estimation des apports vraiment nécessaires. Il est amusant d'ailleurs de voir que ces 60 µmol/L sont tirés d'une étude patronnée par Hercberg, compte tenu de ses partis pris en la matière.

Il est théoriquement possible d'atteindre et de maintenir dans la durée un taux de 60 µmol/L de vitamine C plasmatique avec une stratégie alimentaire pointue, en sélectionnant spécifiquement des légumes fruits et des riches en vitamine C et en les consommant très régulièrement,  mais celle-ci est difficile à mettre en oeuvre compte tenu du mode de vie actuelle et seule une toute petite fraction de la population y réussit en pratique puisque déjà la plus grande partie de la population est incapable d'atteindre les 50 µmol/L.

En résumé la situation est la suivante : La norme de 110mg pour les ANC permettrait d'assurer des taux de 50 µmol/L pour environ 50 à 60 % de la population, une évaluation probablement très optimiste car elle ne tient pas compte des personnes présentant une pathologie chronique et des troubles du métabolisme (surpoids et obésité, ou la vitamine C joue probablement un rôle majeur comme cofacteur de la carnitine pour l'oxydation des acides gras), mais les apports réels de vitamine C sont de toute façon en-dessous de ces ANC de 110 mg pour une grande partie de la population. On peut donc supposer que largement plus des 2/3 de la population ont des taux plasmatiques de vitamine C <50 µmol/L. On s'aperçoit donc que ces 110mg/j sont typiques d'une côte mal taillée et ne correspondent à un aucun objectif santé clairement défini si on examine de façon objective les besoins de la population.

Ces résultats plaident donc pour une politique de santé publique encourageant la complémentation en vitamine C de la majorité de la population, seule en mesure de ramener les taux plasmatiques dans des limites souhaitables par rapport à un objectif de santé correspondant à une norme biologique objective. La référence et l'encouragement à une alimentation riche en fruits et légumes, si elle est souhaitable, ne doit pas être utilisée comme un écran de fumée pour masquer l'état de carence général et forcément persistant dans la population générale, compte tenu de l'inertie des comportements alimentaires.

Quels sont maintenant les effets que l'on peut attendre d'une prise de vitamine C via les compléments ? Un complément de 250mg à 500mg par jour devrait permettre à la totalité de la population y compris les fumeurs et les personnes âgées de se maintenir à un taux proche ou un peu supérieur à 60 µmol/L suivant les cas. Ceci devrait constituer la recommandation de base des pouvoirs publics.

Il faut aussi savoir que des apports plasmatiques plus élevés peuvent être atteints, relativement facilement, qui pourraient être du ressort d'une complémentation plus ambitieuse, sous la responsabilité individuelle. Il est en effet possible d'atteindre des taux encore améliorés situés entre 70 et 80µmol/L qui peuvent apporter des bénéfices supplémentaires sur le long terme, s'ils sont pris sur plusieurs années.

Comme l'explique cet article scientifique, "Vitamin C: A Concentration-Function Approach Yields Pharmacology and Therapeutic Discoveries", il existe un plafond plasmatique en cas de prise de compléments de vitamine C, qui se situe généralement autour de 80µmol/L pour des dosages raisonnables de vitamine C et des prises de 1 à 3 fois par jour. Comme le rappelle cet autre article, "Vitamin C: A Concentration-Function Approach Yields Pharmacology and Therapeutic Discoveries", "lorsque la vitamine C est ingérée par voie orale, les concentrations plasmatiques et tissulaires sont étroitement contrôlées par au moins 3 mécanismes chez les personnes en bonne santé : l'absorption, l'accumulation tissulaire et la réabsorption rénale. Un 4e mécanisme, le taux d'utilisation, pourrait être important en cas de maladie."

La prise d'un complément alimentaire contenant de la vitamine C, surtout en 3 prises sur les principaux repas permet d'atteindre assez facilement des taux situés entre 70 et 80 µmol/L (en prenant de l'ordre de 500 à 600 mg par repas), sans entraîner d'effets secondaires (gazs et diarrhées liés à l'acidité de la vitamine C au niveau du colon). Des apports compris entre 1,5g à 2g par jour (en fractionnés) sont donc une optimisation nutritionnelle de la santé par la complémentation. Des apports plus limités de l'ordre de 500mg une fois par jour, permettent d'atteindre un taux situé autour de 60 µmol/L, ce qui constitue aussi un objectif santé très intéressant. L'objectif intermédiaire et réaliste de santé publique pouvant être d'atteindre des taux de vitamine C >= à 50 µmol/L pour la totalité de la population. Ce taux nécessite également une complémentation massive de la population.

Avancer hardiment vers la complémentation

La position de Gestion Santé est qu'il est indispensable de se fixer des objectifs généraux et ambitieux de santé publique pour les principaux nutriments, à commencer par les vitamines, minéraux et oligo-éléments, mais nous avons vu que d'autres nutriments étaient également prioritaires pour une fraction de la population, comme par exemple les protéines à la base de la synthèse musculaire pour les personnes âgées. Nous avons consacré une des premières pages de notre site à expliquer les contours de cette nouvelle approche de la santé : "Les compléments alimentaires, une nouvelle approche santé"

Pour atteindre ces objectifs, il faudrait mettre en place une politique de complémentation nutritionnelle très ambitieuse. Il faudrait encourager cette politique en priorité pour les nutriments largement déficients, comme la vitamine C et E, le magnésium, le zinc, le chrome, les vitamines B...

Il nous semble indispensable de laisser, dans ce domaine, un très large choix aux personnes. Pour se complémenter, les personnes doivent pouvoir se fixer un objectif correspondant à des ANC "revalorisés", soit elles peuvent viser un "optimum" d'apport santé plus élevé et elles doivent pouvoir sélectionner librement les nutriments dont elles ont besoin. Elles doivent pouvoir définir de façon autonome les assemblages de nutriments qu'elles souhaitent utiliser. Pour cela il faut rendre disponible un large choix de produits et de dosages pour les monocompléments ou les multicompléments. Il faut laisser le marché de la complémentation s'organiser librement, le rôle des pouvoirs publics étant de favoriser une information de bonne qualité et de donner des repères pour les nutriments essentiels en fonction de grandes préoccupations de santé publique et des différentes pathologies.

Un telle politique nécessiterait une révolution en terme de paradigme scientifique. Elle nécessiterait d'affronter et d'abattre de redoutables conservatismes. Il faudrait revoir et libéraliser la règlementation des compléments, les pouvoirs publics se recentrant sur l'information et un suivi de la qualité et de la sécurité des produits. Le verrouillage actuel du marché par une législation tatillonne et profondément inadaptée nuit à la qualité des produits et conduit à une explosion des prix totalement inacceptable, ceux-ci étant, sans exagération, couramment deux à trois fois plus chers que sur le marché des USA, pour une qualité moyenne des produits bien inférieure.

Un point essentiel serait de revoir la question du remboursement des compléments, le prix pouvant évidemment constituer un frein important pour une grande partie des usagers aux revenus lmodestes.

L'idée générale serait de rendre accessible à tous les compléments, sans médicaliser à nouveau le marché des compléments ni compartimenter de façon excessive les compléments de pharmacie et ceux vendus via d'autres réseaux de distribution. Il faudrait encourager une prise en charge autonome pour les usagers les plus aisés et soutenir financièrement ceux qui le sont moins et éviter aussi des remboursements sur la base d'une consommation de confort décousue et incohérente, sans intérêt en terme de santé générale des populations.

On pourrait commencer par rembourser des multicompléments par grandes pathologies, dont la composition, évolutive dans le temps en fonction des connaissances scientifiques serait confiée à des collèges d'experts de haut niveau, spécialisés dans ce domaine, qui travailleraient en relation étroite avec les associations de malades, pour aboutir à des décisions démocratiques et transparentes et briser enfin l'étau du conservatisme médical dans ce domaine. Des appels d'offre seraient lancés auprès des fabriquants et les produits correspondants et remboursables, ayant le statut de produits nutritionnels, assureraient un approvisionnement de qualité au meilleur prix en limitant au maximum les frais publicitaires et de distribution.

Pour les femmes enceintes ou en projet de procréation (cf. section ci-dessus), une action urgente est également nécessaire en terme de santé publique. Il faut relancer l'utilisation de la vitamine B9, dramatiquement faible dans notre pays, à cause des campagnes des pouvoirs publics hostiles aux compléments alimentaires qui brouillent totalement le message officiel actuel pourtant sensé encourager la prise de vitamine B9. Il faudrait aussi aboutir à la mise sur le marché d'un (ou de plusieurs) multicomplément bien conçu, adapté aux femmes en projet de procréation, s'inspirant de ceux disponibles sur le marché des USA où les produits de prescription comprennent de nombreux nutriments utiles à des dosages adéquats, en plus de la vitamine B9, contrairement à la France.

Conclusion

Nous vivons dans un pays de 65 millions d'habitants, hautement éduqué, avec de très nombreux scientifiques s'intéressant à la biologie et à la physiologie de la nutrition et aux effets des compléments alimentaires sur la santé dont, d'un point de vue pratique, les travaux se terminent depuis des décennies au fonds des poubelles à papier. D'un autre côté, le public est très intéressé par la nutrition et la complémentation alimentaire. Il faut impérativement organiser cet intérêt en installant des interfaces de débat et de décisions démocratiques entre le monde politique, administratif, la population et les médecins et les scientifiques.

Il faut mettre en place une véritable politique d'incitation à une nutrition équilibrée. Il faut organiser un véritable rapport de force avec l'agrobusiness au lieu de s'aplatir systématiquement devant lui. Entre des programmes inutilement contraignants et et la politique de démission organisée actuelle, il y a évidemment de la place pour une incitation dynamique à une alimentation plus équilibrée. De la même façon il faut libéraliser la complémentation alimentaire en mettant un terme au matracage et aux stéréotypes imbéciles opposant alimentation équilibrée et complémentation.

La situation et l'immobilisme actuel révèle une crise dramatique de notre société, qui dépasse évidemment de toute part la question de l'alimentation et des compléments alimentaires, avec une classe politique décrépite et discréditée, aux ordres des puissances financières et économiques, notamment de l'agrobusiness et de l'industrie pharmaceutique, des scientifiques qui renoncent à affirmer fermement leurs positions et à ouvrir les débats d'idées qui s'imposent et qui, au contraire, s'applatissent devant une poignée de madarins inamovibles. Le corps médical cultive son auto-désinformation avec un esprit de caste désolant. Faute de temps, encore trop peu de médecins consultent les innombrables et passionnantes recherches sur la question de la nutrition et des compléments alimentaires pour en faire bénéficier leurs patients, encouragés à la paresse mentale et aux préjugés par ceux-là même qui devraient leur ouvrir l'esprit. Et bien sûr une mention spéciale à la presse grand public pour sa capacité à mettre en musique avec une docilité qui ne se dément jamais les derniers mensonges officiels en vogue (lire cet article ou cet autre où nous avons traité en détail de ces questions).

Sur Gestion Santé, nous ne plaidons pas seulement pour une libéralisation de la complémentation alimentaire "à l'américaine", même si elle nous semble indispensable. Il faut articuler la complémentation alimentaire avec l'alimentation générale, avec l'hygiène de vie, laquelle nécessite un niveau de vie décent, avec la médecine académique et avec l'introduction des médecines complémentaires en général, selon les préconisations de l'OMS que la France s'entête à ignorer. Pour la complémentation, il faudrait mettre en place en priorité des protocoles de complémentation par grandes pathologies. Ce sont des conditions indispensables pour faire bénéficier la population générale des avancées dans ce domaine.

Cette intégration est la seule en mesure d'assurer une véritable éducation à la santé qui mobilise le public et les spécialistes de la santé. La politique de santé subit une pression énorme de la part des intérêts privés intéressés à sa désintégration pure et simple, lesquels bénéficient d'un appui politique croissant au sein de la classe dirigeante. Le nouveau paradigme que nous défendons devrait contribuer à améliorer la santé générale, la solidarité sociale autour des objectifs de santé publique, limiter le recours aux soins les plus coûteux par des protocoles préventifs et curatifs efficients et économiques, augmenter les années de vie en bonne santé et permettrait de transférer une partie des coûts de santé vers la prévention et la convalescence, selon de véritables critères d'efficacité, au lieu des voeux pieux habituels.

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Créé le 11/05/13. Dernière modification le 11/05/13.