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Ces compléments alimentaires qui ne servent à rien - Les mises au point de Gestion Santé

 

Pourquoi cette page ?

Cette page regroupe des contributions auparavant dispersées sur le site de Gestion Santé et qui traitent sous différents angles de la désinformation sur les compléments alimentaires. Cette question est en filigrane dans de nombreux autres textes, mais nous avons sélectionné, sans chercher à être exhaustif, une série de textes parmi les plus significatifs.

Il existe une vrai cabale française et internationale à l'encontre des compléments alimentaires qui a deux origines principales :

D'abord celle du lobby pharmaceutique appuyé par d'innombrables relais d'influence, qui y voit une dangereuse concurrence, et ne veut pas que la nutrition et la supplémentation soit intégrée dans les protocoles standard de traitement des grandes pathologies. Ils ne sont pas opposées toutefois à une diffusion anarchique des produits de la complémentation de préférence sous dosés et vendus à prix d'or à la façon du marché des cosmétiques de marque et d'où ils pourraient tirer (et tirent déjà) quelques revenus substanciels complémentaires. L'important pour eux et d'éviter toute accumulation raisonnée du savoir scientifique dans le domaine de la complémentation nutritionnelle.

Ensuite l'obscurantisme médical et la démission intellectuelle de la majeure partie du corps médical au sein duquel il faut malheureusement aussi compter la plupart de ceux qui se disent indépendants de l'industrie pharmaceutique. Sont ainsi véhiculés des lieux communs éculés et des critiques malhonnètes sur les compléments qui détourne la population générale de l'utilisation raisonnée des compléments alimentaires.

Le résultat est une rupture complète de la relation malade - médecin et au-delà de la relation malade - système de santé pour tout ce qui concerne la complémentation nutritionnelle. Ce qui pour nous constitue une catastrophe de santé publique.

Le prétexte du lancement de cette page est la reprise par des agrégateurs de sites sensés être "alternatifs" de pages de  propagandes s'appuyant souvent sur des recherches pourtant abondamment réfutées s'attaquant aux compléments alimentaires. Cela m'a convaincu qu'il vallait mieux organiser l'information de Gestion Santé sur cette question.  Certains passages ont été partiellement réécrits et les liens ont été vérifiés et actualisés. Nous enrichirons progressivement cette page de nouvelles contributions.

Comment est organisée cette page ?

Une première série d'articles sur les déficits en vitamine et les effets et niveaux de complémentation utile :

Déficit en vitamine C dans la population générale : la population est carencée en nutriments essentiels, mais elle n'a pas le droit de se complémenter... Par rapport à la question de l'inutilité supposée des compléments, nous allons d'abord reprendre la question des carences largement répandues au sein de la population pour les nutriments essentiels en donnant un exemple typique avec la vitamine C.
Doses utiles de vitamine B12 par voie orale chez la personne âgée : probablement 200 fois les AJR ! puis nous évoquons la vitamine B12 chez la personne âgée ce qui nous amène à évoquer les dosages supra-nutritionnels indispensables de compléments pour maintenir l'état de santé de la personne âgée (allant bien au-delà des dosages qui peuvent être obtenus par l'alimentation).
Selon le coeur des médias dominants "Les vitamines ne servent à rien et sont même dangereuse pour la santé" ou selon les revues scientifiques : "Importante chute du risque de plusieurs cancers de l'enfant chez les mères s'étant complémentées avant et pendant la grossesse" Nous donnerons ensuite un exemple de l'effet majeur de la prise de vitamine B9 (avec ses cofacteurs minéraux et vitaminiques) sur le taux de cancer des enfants des femmes complémentées avant et pendant la grossesse. Ces effets complètent la réduction des risques de malformation du foetus déjà connus. Un exemple type des résultats spectaculaires et complètement occultés qui plaident pour la complémentation des femmes en âge et ayant le désir de procréer avec un multicomplément bien conçu en sus d'une alimentation aussi équilibrée que possible.

Voilà qui nous amène à constater que tous ces segments additionnés, avec le tiers de la populations carencées sans le savoir, les personnes malades ou hospitalisées, les personnes âgées, les femmes en projet de procréation, cela finit par faire une bonne partie de la population...

Puis nous examinerons différentes méta-analyse sensées discréditer la complémentation :

Etudes bidons et supermédiatisées sur le danger des vitamines, le cas de l'étude Goran Bjelakovic et de quelques autres... Nous nous penchons sur l'étude de 2007 de Goran Bjelakovic dans JAMA. Bien que cette étude ait été éreintée de toute part, que les auteurs aient du partiellement se rétracter, que la reprise des mêmes données par une autre équipe donne des résultats discortants, rien n'y fait, c'est un vrai serpent de mer, les benêts d'internet où les manipulateurs plus cyniques continuent à s'y référer sans relâche comme étant la vérité révélée !
Polémique sur les dangers de la vitamine E Nous examinons ensuite le même genre d'étude, celle de Dr. Edgar R. Miller, III et coll. pour la vitamine E abondamment critiquée elle aussi.
Cochons, thons et saumons sont dans un bateau - Le BMJ et les oméga 3 un examen de certaines études et méta-analyse mettant en cause les omega 3.

Un tour d'horizon bien utile sur les techniques de manipulation de la presse scientifique et de la presse de vulgarisation scientifique et des informations selon différents angles d'approche sur la question fondamentale des méta-analyses.

Nous examinerons ensuite les "donneurs de leçon", autrement dit la catéchèse de la presse bien pensante et des leaders d'opinion :

Quand la Mutualité Française communique sur le beta-carotène cancérigène Vient ensuite le cas des "chevaliers blancs" de l'info avec la Mutualité Française qui ouvre le tournoi,
La vitamine B9 pour (par ?) les nuls ou quand Que Choisir "informe" les femmes enceintes et n'hésite pas à se ridiculiser dans un article destiné à nous dissuader d'utiliser les compléments alimentaires. Lamentable !

Dans la même catégorie, je vous invite à prendre connaissance d'une analyse critique du discours académique qui s'est tenu à l'occcasion de la journée "Nutrition et Cancer : le rôle des compléments alimentaires" compte rendu d’une journée de conférences organisées par le Cancéropôle d’Ile-de-France 

Enfin, pour conclure sur le dialogue impossible sur les compléments alimentaires et la relation malade - médecin, voici un extrait de notre critique d'un livre de 2003, par ailleurs fort bien fait de C. Lehmann, "Patients, si vous saviez - Confessions d'un médecin généraliste".

Déficit en vitamine C dans la population générale : la population est carencée en nutriments essentiels, mais elle n'a pas le droit de se complémenter... (reprise billet avril 2008)

Compte tenu du désintérêt de la médecine académique et de la politique de santé publique pour les vitamines et les minéraux et de la sous estimation massive de l'importance d'apports suffisants en nutriments essentiels pour maintenir la santé, il n'est pas toujours facile d'avoir des informations fiables sur les carences que peut présenter la population générale en nutriments essentiels.

D'après ce que j'ai pu lire dans la littérature sur la question, la carence modérée ou franche en un ou plusieurs nutriments essentiels concernerait 1/3 environ de la population générale (parfois beaucoup plus par exemple pour la vitamine D ou le chrome) qui se trouve dans un état de santé dit "normal" (ce qui exclut les malades et les personnes les plus âgées qui présentent souvent des carences qui peuvent être beaucoup plus importantes), ce qui est énorme et représente un problème de santé publique de premier ordre. Mais en France on est sensé réformer son alimentation pour y faire face... sans évidemment savoir si on est concerné ou pas par le problème car les tests permettant de détecter une carence sont rarement pratiqués et ne portent de toute façon pas sur tous les nutriments. Alors bon courage !

Sur la progression des troubles biologiques en fonction du degré de carence en un nutriment on pourra se reporter à l'exemple des vitamines B. Une autre façon d'examiner le problème de niveaux élevés de nutriments est la régulation des gènes "désanvantagés" pour les gènes qui s'expriment de façon imparfaites chez certaines personnes (Good News From Nutrigenomics: Vitamins Can Compensate for Disadvantaged Genes) et enfin la théorie de l'utilisation sélective en cas de carence même modérée : certains processus métaboliques liés à la reproduction de l'individu sont prioritaires (pour des raisons évolutives) sur sa capacité à vieillir en bonne santé (The Triage Theory of Aging: Why Modest Inadequacy of Vitamins or Minerals May Increase Diseases of Aging Later).

Je suis toujours intéressé par les études qui me permettent de préciser ces données. Le problème est compliqué par le manque de fiabilité des études fondées sur les apports nutritionnels des populations qui sont très difficiles à mener pour diverses raisons (difficulté de recueil des données, incertitudes sur les apports réels en nutriments des aliments consommés, assimilation variables des nutriments suivant les personnes, etc.).

Les études de présence par prélèvement sanguin et identification du nutriment ont donc ma préférence même si elle doivent parfois être interpétées avec prudence, par exemple, le plasma sanguin ne permet pas de repérer la carence en magnésium, il faut analyser les globules rouges pour ce faire.

En ce qui concerne la vitamine C, le taux plasmatique est un excellent indicateur, beaucoup plus fiable que les apports journaliers compte tenu des variations dans la bio-consommation de cette vitamine par l'organisme.

J'ai donc été ravi de trouver une excellente étude américaine de 1998 (Vitamin C Status of an Outpatient Population) réalisée sur des membres de la classe moyenne américaine de l'Arizona, en bon état de santé général, visitant un centre de santé pour des examens médicaux de routine.

Les auteurs distinguent la déficience franche (concentrations du plasma en vitamine C de moins de 11.4 µmol/L) qui peut amener des troubles plus ou moins caractérisés (commençant en général par un état de fatigue générale), de l'insuffisance [depletion] (concentrations plasmatiques de vitamine C de 11.4 à moins de 28.4 µmol/L). Dans la population concernée la déficience franche touchait 6% des personnes et 30% avaient des taux insuffisants. Enfin n'oublions pas qu'il s'agit d'une population en bonne santé générale, ce qui exclut beaucoup de personnes âgées, de malades, de population marginalisées dont le risque est certainement plus élevé.

A cet égard, l'article complet rappelle que beaucoup de maladies aïgues sont associées à des pourcentages élevés de carence en vitamine C chez les patients concernés du fait que la carence favorise la maladie et / ou qu'elle augmente les besoins en vitamine C de l'organisme.

On voit qu'on se retrouve bien dans la fourchette des 1/3 de la population en insuffisance que j'évoquais et ces données confirment l'importance du problème en terme de santé publique.

En complément : la carence généralisée en chrome (ou ici). La vitamine D : presque tout le monde est carencé sauf parfois pendant les mois d'été. Vitamine D et allaitement. Vitamine D et cancer.

Doses utiles de vitamine B12 par voie orale chez la personne âgée : probablement 200 fois les AJR ! (Billet de 2007 + extraits de notre page sur les multivitamines B)

La carence franche en vitamine B12 est très fréquente chez la personne âgée. Elle toucherait au minimum 20% de cette population pour les carences franches et sévères, et elle est pour l'essentiel liée à l'insuffisance d'acide chlorydrique gastrique dans ces populations. Elle est à l'origine de troubles cognitifs et même de démences. Confirmant les informations du paragraphe précédent, l'apport oral, même à petite dose, a corrigé la carence sans nécessiter d'injection (« J Am Geriatr Soc » 2002 ; 50 (8) :1401-1404). Seule une toute petite partie de la population française concernée est complémentée en vitamine B12, d'où un coût faramineux pour la collectivité, la prise en charge des troubles induits étant d'un coût particulièrement élevé. Et encore ces données ne concernent que les carences franches et n'explorent pas la vaste zone intermédiaire entre une carence franche et un apport optimum. Curieusement en effet et alors que la vitamine B12 est extrèmement sure, les chercheurs semblent vouloir déterminer les apports minimum pour éviter les troubles cognitifs les sévères, comme si l'on cherchait par tous les moyens à minimiser les bénéfices d'apports plus importants.

Un article intéressant sur la vitamine B12 "Vitamin B12—How Much Is Enough?" est paru dans le Life Enhancement Magazine de novembre 2006. A part un récapitulatif intéressant sur la vitamine B12 dans l'alimentation et ses fonctions dans l'organisme et ses usages thérapeutiques possibles, l'article rapporte une étude danoise très intéressante "Oral Cyanocobalamin Supplementation in Older People With Vitamin B12 Deficiency" destinée à déterminer les dosages de vitamine B12 orale nécessaire pour compenser les carences modérées en vitamine B12 chez la personne âgée.

Dans la page de ma page sur la B12, je m'inquiétai des niveaux relativement bas de vitamine B12 préconisés chez la personne âgée pour contrer les carences qui sont très fréquentes dans cette population. C'était précisément l'enjeu de cette étude que de se centrer sur une population ayant une carence modérée pour savoir si une complémentation à des taux faibles était suffisante. Et bien non ! et de loin. La dose utile de vitamine B12 est de l'ordre de 500mcg soit 200 fois les apports journaliers recommandés de vitamine B12 dans l'alimentation... Rappelons que la population cible traitée avait une moyenne d'âge de 80 ans, était en bonne santé et avait une carence modérée en B12.

Encore une étude qui confirme l'intérêt de doses supranutritionnelles sur de larges segments de la population pour normaliser certains indicateurs de déficience. On dispose désormais de nombreux indicateurs enzymatiques ou des métabolites dont les valeurs idéales sont bien normées. Mais trop peu d'études sont menées sur leur optimisation par la complémentation en vitamine et minéraux. Sur l'enjeu de telles études on pourra lire toujours sur la même page de Gestion Santé, la section "De la carence à l'optimum".

Toujours chez la personne âgée et son fonctionnement neurologique, une étude de petite taille mains très bien conçue, publiée dans Neurology, "Vitamin B12 status and rate of brain volume loss in community-dwelling elderly" a montré, selon le commentaire de Lanutrition.fr, que " Au bout de 5 ans de suivi les chercheurs se sont aperçus que le déclin de volume cérébral était plus marqué chez les volontaires qui présentaient des bas niveaux de vitamine B12. Ils ont ainsi calculé que ceux qui avaient peu de vitamine B12 avaient 6 fois plus de risque de voir le volume de leur cerveau diminuer."

Malheureusement, à l'heure actuelle, aucune complémentation générale de la population française âgée, qu'elle soit à dose modérée ou importante, complémentation qui semble pourtant une priorité de santé publique en l'état actuel des connaissances, n'est envisagée compte tenu du dogmes antivitaminiques français en vigueur.

Selon le coeur des médias dominants "Les vitamines ne servent à rien et sont même dangereuse pour la santé" ou selon les revues scientifiques : "Importante chute du risque de plusieurs cancers de l'enfant chez les mères s'étant complémentées avant et pendant la grossesse"

Dans une de nos pages les plus populaires sur la vitamine B9 et la grossesse, nous évoquions, avec beaucoup de prudence compte tenu du peu d'études alors disponibles, les bénéfices éventuels de la supplémentation en vitamine B9 et d'autres vitamines sur le risque cancéreux des enfants des femmes complémentées en plus des effets protecteurs bien connus obtenus sur les malformations du foetus. Il s'agit d'un problème d'importance car le cancer est la deuxième cause de décès chez les enfants dans la plupart des pays développés et que l'occurence est en augmentation constante et semble-t-il inexorable depuis des décennies (lire aussi cette page).

Les effets de la seule complémentation en acide folique des farines au Canada qui avait amenés des chercheurs à faire un lien avec la baisse de certains cancers pédiatriques nous paraissait prématuré au vu des données disponibles pour en tirer une conclusion (lire plus bas les infos les plus récentes sur cette question).

Nous avions aussi trouvé  une étude de 2001 qui établissait un lien entre supplémentation et baisse des leucémies lymphoblastique. "Cette affection des globules sanguins représente près du tiers des cancers pédiatriques en Europe, en Amérique et en Asie" (association-abigael.org). Cette relation ne s'est pas confirmée par la suite dans les études complémentaires. Actuellement on s'oriente plutôt vers la prise en compte de l'alimentation + la complémentation pour y voir plus clair. Toujours pour lesleucémies lymphoblastique on trouve un effet protecteur important des fruits et légumes et de niveaux suffisants en protéine ( Maternal Dietary Risk Factors in Childhood Acute Lymphoblastic Leukemia). Les carotènoïdes et l'apport en glutathion (liés notamment à la prise d'acides aminés soufrés, une catégorie particulière de protéines) seraient des facteurs particulièrement protecteurs. Pour la complémentation, une méta-analyse de 2007 (Prenatal Multivitamin Supplementation and Rates of Pediatric Cancers: A Meta-Analysis)(analyse de docguide.com), confirme des effets protecteurs importants sur tous les types de cancer de l'enfant, sans que l'on sache isoler dans les multivitamines les facteurs protecteurs qui, de plus, se combient aux effets des habitudes alimentaires et de la complémentation des aliments...

(traduction Gestion Santé) "L'étude a examiné les données de sept publications qui rencontraient les critères d'inclusion et nous avons découvert que la supplémentation prénatale avec des multivitamines contenant de l'acide folique est associée avec un effet protecteur de 47% pour les neuroblastomes [sur les neuroblastomes], 39% pour la leucémie et 27% d'effet protecteur pour les tumeurs cérébrales. Alors que d'autres études ont étudié l'effet des vitamines prénatales sur le taux des tumeurs pédiatriques , ceci est la première revue et méta-analyse de l'utilisation des multivitamines en prénatal avant et durant la grossesse et ses effets protecteurs sur plusieurs cancers pédiatriques."

Une autre page nous en apprend plus sur la prévalence de ces tumeurs "La leucémie, la forme la plus commune de cancer , est responsable de 25 à 35% des nouveaux cas de cancer pédiatriques chaque année. Les tumeurs du cerveau et de la colonne vertébrale, la deuxième cause la plus fréquente de cancer, est responsable de 17% des nouveaux cas de cancers pédiatriques annuels, et le neuroblastome, la tumeur solide la plus répandue qui se trouve en dehors du cerveau chez les enfants de moins de cinq ans, affecte un enfant sur 6000 à 7000 en Amérique du Nord."

La vitamine B9 n'est très probablement pas la seule responsable de la baisse des cancers pédiatriques. Les autres vitamines et minéraux des suppléments pouvant notamment intervenir comme cofacteur utiles de la vitamine B9. La vitamine B9 aurait toutefois un effet majeur probable en renforçant la structure de l'ADN.  Et tout cela est à relier à l'alimentation de la femme.

Pour en revenir aux farines canadiennes complémentées en vitamine B9, il s'avère en fait que la relation avec le cancer était très probablement pertinente. G. Koren un des chercheurs ayant participé à la méta-analyse sur la supplémentation pendant la grossesse indiquait au Toronta Star que les "oncologistes de Sick Kids [un Hôpital pédiatrique canadien] estimaient que le nombre de neuroblastomes qu'ils découvraient avait commencé à diminuer significativement il y a à peu près cinq ans.
Cette maladie, un cancer dévastateur du système nerveux périphérique, affecte environ un enfant sur 6500 avant l'âge de cinq ans en Amérique du Nord.
"Les médecins cancérologues nous ont demandé dans le cadre du programme Motherisk program [Le programme d'expertise canadien sur la sécurité des traitements médicaux, sur les infections, les produits chimiques, les produits à usage personnel, et les expositions de la vie quotidienne, pendant la grossesse et la période d'allaitement] si nous pouvions envisager un mécanisme à l'origine de cette réduction", nous a expliqué Koren.
"Nous leur avons dit que le seul évènement intervenu qui pouvait correspondre à leur impression a été l'addition (à la demande expresse de Health Canada) d'acide folique à la farine au Canada en 1997 et 1998." "

C'est cette observation étonnante qui a amené une recherche complémentaire, la méta-analyse sur la supplémentation pendant la grossesse qui consolide les relations entre supplémentation vitaminiques pendant la grossesse et risque de cancer de l'enfant à partir d'études réalisées dans différents pays.

Voici donc un usage potentiel de ces vitamines qui ne servent à rien et sont même dangereuses pour la santé comme nous l'expliquent si souvent nos médias dominants français !

Ce type de données établissant un lien très fort entre alimentation et cancer est à mettre en rapport, outre les conceptions véhiculées par les médias dominants, avec les conceptions de l'establisment médical français, ainsi de l'Académie de médecine, dont un énorme rapport récent sur "Les causes du cancer en France" minimise, selon Le Nouvel Observateur les risques environnementaux : "Non seulement l'étude n'apporte aucune information nouvelle, mais elle minimise ou écarte complètement les observations récentes sur les risques environnementaux. Affirmant que ces risques ne sont pas démontrés scientifiquement, les académiciens ne prennent même pas en compte certains travaux des experts et des organismes qu'ils ont consultés, notamment le Centre international de Recherche sur le Cancer (Cire). Ce dernier a publié dans la période récente plusieurs communications qui soulignent l'importance de l'alimentation et attribuent aux facteurs nutritifs jusqu'à 30% des cancers. Et, selon une étude de Richard Doll et Julian Peto, épidémiologues britanniques de réputation mondiale, la nutrition serait à l'origine de 25% des morts par cancer. Le Cire a aussi annoncé, en juin 2005, que les faibles doses de radiations ionisantes provoquaient une légère augmentation du risque de cancer. L'Académie de Médecine balaie ces recherches d'un revers de main."

Au vu de la sous estimation en France du rôle de l'alimentation stricto sensu dans le cancer on imagine le dédain avec lequel peut être traité la supplémentation !

Etudes bidons et supermédiatisées sur le danger des vitamines, le cas de l'étude Goran Bjelakovic et de quelques autres... (reprise billet de mars 2007)

Qui ne trébuche à tout propos depuis sa sortie en 2007 sur la "super étude définitive" sur les vitamines selon laquelle celles-ci pourraient augmenter la mortalité (étude de Goran Bjelakovic dans JAMA du 28/02/07) ?

Ainsi le très typique titrage du Nouvel Obs en ligne de l'époque, "Les vitamines en gélules mauvaises pour la santé?" (article partiellement repris ici), avec un sous-titre de l'article d'origine qui était un petit bijou : "Prendre des antioxydants sous forme de compléments alimentaires n’allonge pas l’espérance de vie et peut même dans certains cas augmenter le risque de mortalité, selon une étude publiée aujourd’hui. Si de précédents travaux avaient jeté le doute sur l’efficacité de ces produits très en vogue en Amérique du Nord et en Europe, cette nouvelle analyse va plus loin en pointant un risque de mortalité accrue associée à la consommation de certains antioxydants."

Il faut lire le détail du texte pour savoir qu'il ne s'agit pas d'une étude proprement dite mais d'une méta-analyse qui en réalité regroupe diverses études pour en consolider les résultats. Dans ce cas il s'agit de générer de nouvelles hypothèses de travail et non de les démontrer, surtout lorsque l'on sait que les études que l'on consolide ne portaient pas le plus souvent sur l'étude de la mortalité mais sur d'autres paramètres. Ajoutons à cela que les méta-analyses excluent souvent certaines études au profit d'autres ce qui peut aboutir à obtenir artificiellement certains résultats et que cela peut donner lieu à des manipulations particulièrement aisées (lire la section suivante sur la vitamine E pour les précautions concernant les méta-analyses). Il convient en tout cas d'être très vigilant sur ce point, ce que se gardent bien de faire les journalistes qui se précipitent en général sur les résultats sans s'entourer d'avis pertinents. Sachant que les médias ont pour la plupart un a priori antisuppléments nutritionnels très affiché cela donne les articles comme celui que l'on pouvait lire dans le Nouvel Obs en ligne.

Nous avions fait le point dans un billet du 29 mars 2006 sur les dernières affaires emblématiques dans ce domaine avec nos commentaires sur la méta-analyse de Dr. Edgar R. Miller sur la vitamine E (que nous avons également analysée ici), la méta-analyse du même tonneau du Lancet en 2004 (Lire la réfutation de Thierry Souccar) qui donne entre autre une bonne idée de la façon dont on peut faire dire ce qu'on veut au taux de mortalité), et la méta-analyse de Hoover sensée démontrer l'inefficacité des omega 3 que nous critiquions plus spécifiquement dans notre billet du 29/03/2006.

A chaque fois des études douteuses complaisamment publiées par des revues souvent prestigieuses puis faisant l'objet d'un impressionnante promotion auprès des journalistes scientifiques des journaux grands publics, lesquels, par ailleurs, ne publient quasiment jamais un mot sur les passionnantes et très nombreuses études sur les suppléments nutritionnels ou la nutrition et leur utilisation thérapeutique. On attend toujours le livre d'investigation qui pénétrant dans les coulisses de ces organes de presse nous expliquera les motifs cachés de ces effarentes distorsions de la réalité.

J'attendais de trouver un bon article commentant cette toute récente étude. C'est fait et en plus en langue française avec LaNutrition.fr où Thierry Souccar et son équipe montrent les extraordinaires faiblesses et les partis pris de cette méta-analyse. Cet article n'est plus en accès libre, mais un résumé est disponible.

En plus des informations de LaNutrition.fr on pourra aussi se reporter à l'article en anglais de l'ANH qui apportent d'intéressantes informations complémentaires sur le sujet (lire aussi ici).

Par la suite les chercheurs s'étaient partiellement rétractés de leurs conclusions tant leur méthode de travail avait fait scandale (lire "Les antioxydants augmentent-ils la mortalité ? La polémique continue" sur LaNutrition.fr). Une équipe allemande a refait une analyse plus récente des mêmes données encore plus favorable à la complémentation (et plus accablante pour JAMA et l'équipe de Bjelakovic, lire "Les suppléments d’antioxydants n’augmentent pas la mortalité et seraient même bénéfiques", toujours sur LaNutrition.fr).

Evidemment 99% de la population en reste au grands titres de départ, soit disant "accablant" pour la prise de vitamines, ceci continuant à servir de référence au journaliste "spécialisé" des médias, comme ci de rien n'était. Tout cela donne une idée de la réalité masquée par les titres d'une presse qui tente de nous manipuler sans le moindre scrupule.

Polémique sur les dangers de la vitamine E

Extrait et adapté de "Le site du Dr Richard A. Passwater".

Récemment une méta-analyse d'une particulière indigence intellectuelle est parue concernant les "dangers" de dosage élevés de vitamine E. Il s'agir de la méta-analyse de Dr. Edgar R. Miller, III et coll. dans les Annals of international medecine , publiée début 2005.

Ce sujet est traité dans une interviw du Dr Passwater qui sollicite trois des meilleurs spécialistes du sujet (Blumberg, DeZee et Traber). En introduction il regrette le battage médiatique sur une étude qui rapporte une augmentation plus que minime de la mortalité et dont la qualité est très discutable alors que d'autres études plus ciblées et prometteuses sur le diabète ou des troubles neurologiques sont occultées.

Les auteurs documentent d'abord la sécurité générale d'utilisation de la vitamine E qui est très élevée.

Ils étudient ensuite l'intérêt et l'objectif que peuvent poursuivre les méta-analyses dans le domaine médical et les conditions strictes qu'elles doivent absoluent respecter pour être scientifiquement valides. Les méta-analyses sont des regroupements d'études ayant le même sujet et la même méthodologie pour mener par exemple des investigations supplémentaires sur des critères ciblés qui sont difficilement accessibles par les études isolées qu'on assemble, par exemple parce qu'ils portent sur des items difficilement observables parce que rares, comme la mortalité (qui était l'objet de la méta-analyse sur la vitamine E). Les méta-analyses permettent de générer de nouvelles hypothèses, mais pas de démontrer celles-ci.

Pour éviter ce que l'on appelle les biais (des erreurs méthodologiques qui sont consciemment ou non introduites par les chercheurs et faussent les résultats), il faut assembler toutes les études similaires sans exclure aucune étude représentative. Il faut qu'elles aient la même méthodologie (par ex. en double aveugle). Il faut hiérarchiser la qualité des études incluses (certaines études sont de très haut niveau scientifique, la lecture d'autres études incluses peut montrer des faiblesses méthodologiques voir des erreurs manifestes). La qualité des outils statistiques servant à interpréter les données doit également être indiscutable, ce qui ne va malheureusement pas toujours de soi !

L'étude dont nous discutons présente de très nombreux biais possibles.

Par exemple la méta-analyse ne s'est pas intéressée à savoir si la mortalité avait une cause biologique plausible. Trois personnes qui meurent dans des accidents de voiture ce n'est pas la même chose que de mourir d'un cancer ou d'un accident cardiaque ! Pourtant si ces trois accidents sont sur la même branche de l'étude ils peuvent fausser les résultats ! Les auteurs ont enlevé toutes les études dont le résultat avait moins de 10 décès vraisemblablement parce qu'elles n'auraient pas conforté la thèse des auteurs et ils en ont exclu d'autres sur des critères arbitraires et ont également exclus 2 études combinant vitamine E et C (alors que d'autres études combinées ont été retenues) et enfin ils ont utilisé un moteur de recherche excluant une grande partie des études européennes ! D'une façon générale la prise en compte de toutes les études auraient permis de tester une meilleure hypothèse : "la vitamine E a-t-elle un effet sur la mortalité ?" plutôt que leur hypothèse "dans quelle proportion la vitamine E augmente-t-elle la mortalité ?".

L'interprétation statistique est discutable. L'utilisation d'autres outils statistiques plus usuels dans ce genre d'études montrent une absence d'effet de la vitamine E sur la mortalité. De toute façon la démonstrativité reste faible statistiquement par rapport à ce que l'on considère comme la génération d'une hypothèse de travail intéressante dans une méta-analyse de qualité.

Dans les 11 études avec des apports élevés en vitamine E susceptibles de prouver la nocivité de la vitamine E, le produit était combiné avec toutes sortes d'autres traitements pharmacologiques chez des personnes âgées et malades sans que cela soit discuté ni analysé. Dans 5 études sur 11 d'autres nutriments étaient combinés et la mortalité a été attribué de façon univoque à la vitamine E ! Enfin pour courroner le tout des études utilisant de la vitamine E de synthèse sont combinées avec celles utilisant de la vitamine E naturelle alors que la pharmacologie de ces produits est totalement différente et qu'il s'agit d'une donnée fondamentale dès lors que l'on étudie un critère comme la mortalité !

Pour en savoir plus sur cette étude on lira, outre les liens donnés dans le corps de l'article de Passwater, les pages suivantes, parmi les meilleures que j'ai pu consulter sur un sujet abondamment traité sur Internet :

Les réponses en ligne à l'article sur le site des Annals of international medecine (pratiquement que des contestations) :

http://www.annals.org/cgi/eletters/142/1/37

An Unfounded Attack On Vitamin E (article du Life extension magazine de mars 2005)

The Making Of “Killer Vitamin E” (article du Life extension magazine de mars 2005)

Vitamin E: Still Safe After All These Years de James South (impressionnante réfutation de la méthodologie de l'étude parue dans Vitamin Research News de février 2005)

En complément on pourra lire notre  analyse sur l'étude SELECT et la vitamine E

A lire également : Les consommateurs de vitamine E risquent une ostéoporose accélérée.

Cochons, thons et saumons sont dans un bateau - Le BMJ et les oméga 3 (billet de mars 2006)

A les sujets bateaux ! Les médias dominants qui ont pourtant de tout autres moyens financiers et humains que l'internaute de base se contentent pourtant bien trop souvent de reprendre et d'habiller les dépêches des agences de presse. C'est particulièrement flagrant pour les articles scientifiques. Ainsi de celui qui sort ces jours ci sur le cochon transgénique enrichi en omega-3, sujet facile repris dans de nombreux médias.

Je m'en suis aperçu en lisant un article de Jean-Yves Nau du journal Le Monde qui traite du sujet bateau du jour dans un article intitulé "Aux Etats-Unis, des cochons riches en oméga 3 ont été créés par clonage". L'auteur rappelle que "Jusqu'à présent, les promoteurs zélés des oméga 3 recommandaient la consommation de poisson, dont la chair est riche de ces éléments. En particulier des poissons gras comme les thons et les saumons." Ce début d'article annonce le "coup de théâtre" qui arrive à la fin de l'article : les omega-3 ne sont bons à rien, se croit autorisé à écrire le journaliste.

La fin de l'article abandonne en effet les cochons clonés pour faire un rappel assez incongru d'une étude négative sur les omega-3 récemment parue dans le British Medical Journal. Le journaliste lie alors les deux sujets pour conclure que puisque l'étude du BMJ dit que les omega-3 ce n'est pas utile pour la santé, voir dangereux dans certains cas, les cochons enrichis en omega-3, c'est une fausse bonne idée. Quelle puissance démonstrative !

En creusant le sujet je tombe par hasard sur la rubrique scientifique du nouvelobs.com où je trouve un article de Cécile Dumas "Faut-il manger du bacon enrichi en oméga-3?" où il est écrit que"Les bénéfices des oméga-3 sont en effet très discutés. Les études sont contradictoires.
D’après une méta-analyse publiée dans la dernière édition du British Medical Journal, les bénéfices des oméga-3 n’ont pas été clairement démontrés."

Encore le BMJ mélangé au cochon cloné ! Là je suis fort intrigué car j'ai du mal à croire que les deux journalistes aient fait le même rapprochement incongru. Je me dis qu'ils recopient une source commune (pardon, je voulais dire : s'inspirent avec talent). Et en effet je tombe rapidement sur la dépêche de l'AFP "Les cochons transgéniques clonés sont riches en oméga-3" qui a inspirée nos talentueux journalistes, avec la même relation téléphonée entre cochon et BMJ !

Il n'y a pas grand chose à ajouter sur le sujet du cochon transgénique et des journalistes paresseux, mais qu'en est-il des omega-3 et de l'article du BMJ ?

Il s'agit d'une méta-analyse qui fait la synthèse de très nombreuses études. Ce genre d'étude tendent à se faire passer pour des études de référence. Bien à tort malheureusement pour nombre d'entre elles. En effet ces méta-analyses mélangent et font souvent la moyenne d'études complètement hétérogènes, sélectionnent ou excluent plus où moins arbitrairement certaines études, diluent certains résultats bien établis et en font apparaître d'autres souvent imaginaires. Le résultat est qu'au lieu de faire avancer la recherche elles plongent le monde de la recherche et le public dans la confusion et la perplexité et sont à l'origine de controverses aussi fatigantes que stériles. Par ailleurs ce genre d'étude à la facheuse tendance à correspondre à des agendas très politiques et sont notamment utilisées par l'establishment médical pour attaquer la nutrition et les suppléments nutritionnels. Il y a eu par exemple la controverse récente sur la vitamine E suite à la méta-analyse de Dr. Edgar R. Miller et coll. dans les Annals of international medecine, publiée début 2005. Elle prétend toujours faire référence bien qu'elle ait été éreintée par les meilleurs spécialistes du sujet (cf. une des sections précédentes). Il y avait eu dans la même veine quelques temps avant, en 2004, la méta-analyse du Lancet selon laquelle les antioxydants raccourcissent la durée de vie ! Thierry Souccar avait à l'époque écrit un article solidement argumenté démontrant le ridicule de ces pseudo résultats. Qu'importe, ces études plus que douteuses sont toujours citées régulièrement ! C'est que nous ne sommes pas ici dans le domaine de l'accumulation raisonnée, ouverte et prudente du savoir scientifique au service de l'intérêt général et de la santé (s'agissant de médecine) mais dans celui du contrôle et de la manipulation du discours scientifique par des réseaux de pouvoir et d'argent et des idéologues.

Nous sommes donc allé y voir de plus près car cette nouvelle méta-analyse est pour le moins surprenante et elle contredit tout ce que j'ai pu lire jusqu'à présent sur le sujet. Selon les conclusions de l'étude de Hoover et de son équipe [texte intégral de l'article], les graisses omega-3 n'ont pas d'effet clair sur la mortalité totale, les accidents cardio-vasculaires ou le cancer.

Je conseille de lire (p. 3 sur 9) de l'article, la section "Intervention or exposure" qui montre l'impressionnante hétérogénéité des études rassemblées pour la méta-analyse. Lorsque l'on a des doutes sur une étude il est aussi utile d'aller lire les réponses en ligne des lecteurs de la revue. C'est une volée de bois vert fortement argumentée !

Dans notre dernier billet du 28 mars nous citions l'étude célèbre de Michel de Lorgeril et Serge Renaud sur les omega-3. Une des qualités de cette étude tenait au fait que, avec la méthode de supplémentation choisie, les chercheurs pouvaient faire une comparaison efficace et démonstrative entre le groupe traité par des omega-3 et le groupe témoin concernant les apports totaux de l'alimentation en différents corps gras. En effet un régime n'est démonstratif dans ce domaine que si on maîtrise vraiment dans sa quasi totalité la nature de la consommation en corps gras du groupe traité et que le groupe témoin à une consommation qu'on peut identifier et différencier du groupe traité. Pour illustrer le problème si vous donnez des gélules de poisson à un groupe qui oublie souvent de les prendre et que vous le comparez à un groupe dans lequel de nombreux participants mangent du poisson et que vous n'avez par ailleurs aucune idée des huiles végétales consommées dans les deux groupes, votre étude risque de ne rien pouvoir vous apprendre de valable. Je décris pourtant ici quasiment le design de certaines études incluses dans cette méta-analyse !

C'est ainsi qu'une étude a été retenue par Hoover et coll., la très douteuse Burr 2003, avec une interruption de 12 mois de l'étude, une modification du nombre de participants et un très mauvais contrôle de la consommation en omega-3 dans le groupe traité et dans le groupe témoin. Les auteurs semblent d'ailleurs ne pas avoir respecté les règles d'inclusion des études qu'ils s'étaient fixés pour la prendre en compte et cette seul étude du fait de ses nombreux participants a suffit à annuler tous les résultats positifs des autres études rassemblées ! C'est aussi elle qui justifie la mise en garde qu'on lit dans les commentaires sur internet (par ex. chez Jean-Yves Nau pour Le Monde) à propos du danger des omega-3 pour les patients atteints d'angine de poitrine...

D'autres études n'ont pas été incluses parce qu'elles mesuraient les taux d'omega-3 sanguin ou le stock d'omega-3 dans les graisses. Ces études sont pourtant très intéressantes car plus précises et plus fiables que les études de consommation alimentaire d'omega-3 où il est souvent très difficile, comme nous venons de l'expliquer, de connaître la consommation réelle du groupe supplémenté en acide gras et du groupe témoin. Malheureusement cette catégorie d'étude ne permet pas de faire la part entre les apports alimentaires d'une part et l'efficacité des systèmes enzymatiques des individus et leur capacité à transformer et à stocker efficacement bonnes ou mauvaises graisses (cf. notre commentaire d'une étude de ce type dans notre billet du 16/02/06). On ne peut donc pas les inclure dans une méta-analyse prenant en compte des études de supplémentation, même si elles sont très favorables aux omega-3 tout comme l'est la recherche des mécanismes biochimiques de l'inflammation qui permettent de comprendre via les apports en différents corps gras les mécanismes clés à l'origine d'innombrables pathologies.

Tout cela n'est guère rassurant pour la qualité de la recherche scientifique contemporaine, où le laisser-aller scientifique, la tendance à l'approximation, voir des violations flagrantes des bonnes pratiques scientifiques semblent devenir monnaie courante. Au point où l'on se demande s'il ne faudrait pas abandonner complètement l'exercice sceintifique des méta-analyses pour en revenir à la monographie, exercice où l'intelligence du chercheur manie l'interdisciplinarité des savoirs scientifiques pour donner à ses collègues et au public un état actualisé des connaissances sur une question scientifique donnée. Cet exercice passe pour plus subjectif que des méta-analyses "rigoureuses" ou la statistique se substitue à l'intelligence synthétique du chercheur. On voit le résultat...

On constate sur cet exemple et une fois de plus avec quelle prudence il faut lire les médias officiels et leurs avis autorisés et pontifiants, donnés par de pseudo experts, qui prétendent nous éclairer sur notre alimentation et notre santé, à partir de sources indirectes et souvent douteuses.

En complément on pourra lire Le réexamen de la Prostate Cancer Prevention Trial

Quand la Mutualité Française communique sur le beta-carotène cancérigène (reprise billet de février 2010)

Quand les gardiens vigilants de la santé des français communiquent sur les dangers des vitamines, il vaut mieux accrocher sa ceinture ! Cas d'école avec cet article trouvé sur le site de la Mutualité Française "Pilules à base de bêta-carotène : danger pour les fumeurs !" et que l'on retrouve à divers endroits sur Internet.

J'avais déjà arlerté mes lecteurs sur les curieuses pratiques déontologiques dans certaines revues de consommateurs sur la couverture des sujets "vitaminés". Par exemple dans "La vitamine B9 pour (par ?) les nuls" (lire section suivante) à propos d'un article paru dans le magazine de consommateur " Que choisir " en janvier 2005. Le phénomène se retrouve aussi dans le secteur mutualiste qui partage la même hargne anti-suppléments nutritionnels.

J'évite cependant en général d'ennuyer mes lecteurs en faisant la chasse à la mauvaise vulgarisation scientifique et je préfère fournir des données solides et utiles sur la supplémentation leur laissant faire la part des choses par eux-mêmes. Il faut néanmoins savoir que ce milieu de médecins et de journalistes qui se présente complaisamment comme un contre pouvoir se montre très partial et systématiquement hostile aux suppléments.

Parfois la coupe déborde comme avec cet article. Voici le passage de l'article ci-dessus qui m'a semblé le plus remarquable, de par sa présentation partiale :

" Avec son équipe, Marie Christine Boutron-Ruault décide d'approfondir la relation entre cet anti-oxydant et le cancer. Elle analyse pour cela les habitudes de vie de 70.000 femmes. Chez les non-fumeuses qui ont une consommation élevée de bêta-carotène, l'Inserm relève seulement 81,7 cas de cancer pour 10.000 femmes, contre 368,3 cas pour 10.000 fumeuses ou ex-fumeuses (soit 4,5 fois plus de cas). "

La présentation des résultats me semblait tellement bizarre et l'augementation du risque tellement énorme que je suis allé consulter la présentation détaillée de l'étude par l'équipe Inserm de Marie Christine Boutron-Ruault. Première surprise, l'article s'appelle "Consommation élevée de β-carotène : un risque de certains cancers diminué chez les non-fumeuses, mais augmenté chez les fumeuses". On y apprend que les apports ont été divisés en quatre quartils dont les 3 premiers correspondent à une répartition en 3 groupes des femmes dont les apports en bêta-carotène sont seulement alimentaires et le quatrième groupe le plus élevé d'apport étant constitué de toutes les femmes alimentation + complémentation de bêta-carotène.

En ce qui concerne les non fumeuses "Les risques relatifs multivariés étaient respectivement de 0,72 (0,57 - 0,92), 0,80 (0,64 - 1,01), et 0,44 (0,18 - 1,07) pour les 2 e et 3 e tertiles alimentaires et pour la catégorie de consommation élevée de ß-carotène, comparés au 1 er tertile d'apport alimentaire." Autrement dit les non fumeuses prenant un complément avaient un risque très fortement diminué (risque de 0,44 soit divisé par plus de 2 par rapport au 1/3 des femmes dont les apports alimentaires en bêta-carotène sont les plus faibles mais aussi réduction sensiblement plus importante que pour les femmes dont les apports uniquement alimentaires sont les plus élevés et qui ont une réduction de risque de 0,72 et 0,80. Evidemment le lecteur qui n'est pas spécialiste de la recherche sur Internet et de la complémentation alimentaire ignorera tout de ce résultat majeur en lisant l'article de la Mutualité Française.

En ce qui concerne les fumeuses, "la consommation de ß-carotène augmentait le risque de cancer, les risques relatifs correspondants étant de 1,43 (1,05 - 1,96), 1,20 (0,86 - 1,67) et 2,14." Autrement dit l'apport uniquement alimentaire élevé augmente légèrement le risque cancéreux mais l'augmentation devient très forte (un peu plus que doublée) chez la fumeuse et la supplémentation est effectivement contre-indiquée. Par ailleurs il y a une persistance du risque chez les anciennes fumeuses qui réagissent à la supplémentation comme les fumeuses.

En résumé, on a un risque cancer divisé par un peu plus de 2 d'un côté pour les non fumeuses complémenté et augmenté d'un peu plus de 2 de l'autre pour les fumeuses complémentées. Mais d'où l'article de la Mutualité Française tire-t-il donc l'effrayant surtitrage " 4,5 fois plus de cancer " et le rédactionnel qui l'accompagne ? La filouterie consiste à comparer les fumeuses (ou anciennes fumeuses) prenant un complément avec les non fumeuses au lieu de comparer les apports faibles de bêta-carotène avec les taux élevés à l'intérieur du groupe des fumeuses comme on devrait le faire en bonne pratique statistique. Si on fait cela on trouve un peu plus qu'un doublement du risque comme je viens de l'expliquer. Mais si on compare les fumeuses aux non fumeuses pour trouver le 4,5 fois plus de risque on ajoute en fait au risque du bêta-carotène lui-même le risque de cancer provoqué par la consommation de tabac ! En effet, si les fumeuses diminuaient leur consommation de bêta-carotène (à la fois alimentaire et par supplément), elles diviseraient leur risque par un peu plus de 2 et non pas par 4,5 comme tendrait à le faire croire la présentation biaisée de l'article ! Et encore il faudrait plutôt comparer les fumeuses complémentées avec les fumeuses ayant des apports moyens ou supérieurs en bêta-carotène signe d'une alimentation équilibrée. Dans ce cas, la diminution du risque serait de moins de deux !

Comme vous pourrez le constater en lisant l'article de la Mutualité Française tout ce que nous avons expliqué sur le risque diminué des non-fumeurs est rapidement balayé d'un revers de la main alors que l'intégrité scientifique demande de mettre sur le même plan les résultats saillant d'une étude. Tout cela au nom d'une mystérieuse méta-analyse de 2008 dont la journaliste évite soigneusement de donner les références et qui lui permet néanmoins de surtitrer " Des données controversées pour les non-fumeurs " et d'écrire qu' "une compilation de presque 400 publications scientifiques, réalisée en 2008, conclut à l'inverse. Elle met en évidence que la supplémentation en bêta-carotène augmente la mortalité toutes causes confondues, chez les fumeurs et les non-fumeurs. "

Cette affirmation m'a beaucoup surpris. Cela ne correspond à rien de ce que j'ai lu sur le sujet. Pour en savoir plus j'ai consulté la page anglaise sur le bêta-carotène de Wikipedia très complète (contrairement à la version française) qui ne signale d'effets secondaires que chez les fumeurs et les décrit en détail, mais n'évoque que des problèmes bénins pour les non-fumeurs prenant des doses trop élevées. Un autre site respecté sur les thérapies complémentaies passeportsante.net toujours très prudent dans ses interpétations cite aussi quelques méta-analyse donnant des résultats peu concluant ou faiblement positifs, mais rien d'inquiétant pour les non fumeurs.

Pour les fumeurs et les anciens fumeurs il y a eu cette bonne méta-analyse en 2008 de Tanvetyanon T; Bepler Gne qui se consacre qu'aux fumeurs et anciens fumeurs pour confirmer le surrisque pour les fumeurs constaté dans l'étude de Marie Christine Boutron-Ruault. Mais cette étude ne regroupe que 4 études.Nous avons également trouvé le regroupement de 7 études pour la méta-analyse de 2004 sur le cancer du poumon, et 6 études randomisées + 25 études d'observation pour une autre étude de 2008, la plus récente et certainement la plus complète possible sur le cancer du poumon.

On est quand même vraiment très loin des 400 publications qui auraient soit-disant porté sur le bêta-carotène, en tout cas si on lit naïvement l'article de la Mutualité Française ! A moins que ce 400 ne mélange des choux et des carottes pour nous impressionner ? Et qu'à ce moment là la journaliste fasse référence à l'étude Goran Bjelakovic publiée en 2007 qui avait été éreintée par les spécialistes des suppléments puis une nouvelle fois publiée en 2008 avec rétraction partielle à propos des dangers invoqués ? On serait proche des 400 études évoquées avec 385 publications examinées mais en fait seulement 67 retenues ! Cette méta-analyse médiocre et qui avait été éreintée par de nombreux spécialistes avait été couplée à une campagne de presse internationale pour discréditer les suppléments nutritionnels. De plus cette méta-analyse portait sur toutes sorte d'anti-oxydants et très partiellement sur le bêta-carotène. Evidemment le spécialiste se contentera de s'appuyer sur les méta-analyses sérieuses spécifiquement consacrées au bêta-carotène précédemment citées qui concluent à un probable augmentation du risque pour les fumeurs et à une diminution nulle ou modérée du risque de cancer pour les non fumeurs.

On voit donc qu'il ne faut pas inquiéter sans raison les non-fumeuses à propos du bêta-carotène. Ceci dit Gestion Santé n'est pas pour autant en faveur de la complémentation isolée en bêta-carotène, que ce soit par les fumeuses, les ex-fumeuses ou même par les non-fumeuses. Les résultats de l'équipe de Marie Christine Boutron-Ruault pour les non fumeuses complémentées sont certes intéressants mais doivent être interprétés avec prudence car ils sont beaucoup plus favorables que dans d'autres études de supplémentation. On ne peut pas exclure, par exemple, que les personnes se supplémentant le fasse pour bronzer et aient des niveaux de vitamine D plus élevés ce qui serait protecteur du cancer mais d'une façon modérée qui se ferait essentiellement sentir chez les non fumeuses en meilleure santé générale.

Les apports en bêta-carotène devraient être effectués en synergie dans des préparations apportant tout la gamme des anti-oxydants. Le produit de référence actuellement utilisé par les meilleurs fabriquants est extrait du Dunaliella salina (mais d'autres extraits de bêta-carotène ont aussi un intérêt spécifique). Pour les fumeurs, la priorité est évidemment d'arrêter de fumer et si ce n'est pas possible à cause de la dépendance de favoriser en attendant les mécanismes de drainage et de désintoxication avec des anti-oxydants hydrosolubles en modérant les dosages et la prise isolée de certains anti-oxydants liposolubles notamment le bêta-carotène.

En complément : Ce qu’est vraiment le Collectif Europe et médicament : le cas éclairant de La Mutualité française

La vitamine B9 pour (par ?) les nuls (billets de février 2006)

J'ai beaucoup travaillé sur la vitamine B9 à une période et j'ai traité de cette vitamine dans une section de ma page sur les vitamines B et sur celle évoquant la vitamine B9 et la grossesse. Evidemment on peut toujours en apprendre davantage sur un sujet et même se tromper et je ne fais pas exception dans ce domaine d'autant que je suis un autodidacte en matière de biologie. Néanmoins lorsque l'on s'essaie à vulgariser des sujets complexes mais passionnants avec rigueur et honnêteté il est difficilement supportable de voir l'ignorance s'afficher avec morgue et sans la moindre retenue. Une des habitudes de la grande presse française consiste dans ce domaine à prendre une étude médicale isolée sur une vitamine ou un nutriment, négative évidemment, et à la monter en épingle sans même prendre le soin de la lire et de la discuter sérieusement ni surtout de la mettre en perspective par rapport à l'état des connaissances sur le sujet.

Aujourd'hui un superbe cas d'école (du 25/01/05) par le magazine de consommateur "Que choisir" qui peut pourtant à d'autres occasions faire du bon travail dans différents domaines et qui s'illustre malheureusement trop souvent par la façon superficielle et orientée dont il traite des vitamines et des suppléments nutritionnels.

Le texte de la journaliste de "Que choisir" (dont nous ne pensons pas utile de citer ici le nom, notre propos étant d'illustrer par un exemple certaines dérives de la presse, pas de traîner tel ou tel journaliste dans la boue) s'intitule "Grossesse - Pas de folies sur les folates (page 8)" le sous-titre mérite de rester dans les annales de la désinformation à la française : "Une récente enquête britannique révèle que les femmes enceintes supplémentées en vitamine B9 (folates) à hauteur de 5 mg par jour présentent une mortalité par cancer du sein deux fois plus importante que celles n'en recevant que 0,2 g."

Il est intéressant de noter que le sous-titre, aussi long qu'effrayant, masque l'essentiel de l'information : dans une étude de la fin des années 60, réexaminée en 2004, des femmes complémentées en vitamine B9 pendant quelques mois avant et au début de leur grossesse il y a 40 ans auraient eu ensuite une mortalité par cancer du sein doublée dans les décennies suivantes !

Diable ! Devant de tels résultats et une telle présentation il devient urgent d'aller à l'original. L'étude provient du "British Medical Journal" nous dit-on, mais quel en est le titre, à quelle date a-t-elle été publiée et quels en sont les auteurs ? La journaliste de "Que choisir" ne condescend pas à nous en informer et au vu des nombreuses études qui sortent sur la vitamine B9, il faut donc s'armer de courage et de ténacité pour retrouver l'étude (même pour moi qui maîtrise bien les moteurs de recherche, lit l'anglais et connaît le sujet). Je me souvenais en fait en avoir entendu parler à sa sortie et avait souvenir de commentaires peu amènes, mais ne l'ayant pas prise en référence je me suis donc remis à sa recherche et après bien des péripéties je l'ai retrouvée : "Taking folate in pregnancy and risk of maternal breast cancer". On peut charger le texte complet en PDF. On s'aperçoit qu'il ne s'agit pas d'une étude proprement dite mais d'un "indicateur de recherche" (ce qui correspond à une hypothèse de travail plus ou moins spéculative selon les cas).

Le papier est d'ailleurs accompagné ce qui n'est pas la procédure la plus courante, d'un commentaire de mise en garde de deux épidémiologistes titrant (traduction Gestion Santé) "la fortification [des produits alimentaires] en vitamine B9 demeure une urgente priorité de santé publique". Notons qu'il ne reste rien de ces mises en garde dans le papier de la journaliste de "Que choisir" alors que la prise de compléments de B9 par les femmes enceintes est une priorité de santé publique car les produits alimentaires français ne sont pas complémentés en B9. Pour ces épidémiologistes, la corrélation mise en avant n'est pas statistiquement significative et ils rappellent que l'analyse de ces données n'étant pas prévues dans l'étude initiale, il ne s'agit pas d'une étude randomisée en double aveugle, mais d'une pratique qui consiste à réétudier une vieille étude pour voir si on ne peut pas en extraire des résultats nouveaux. Dans ce cas on génére des hypothèses plus ou moins crédibles qui peuvent être dues au hasard ou pas. Si l'hypothèse est crédible et intéressante on peut monter une étude pour la tester.

Plusieurs des réactions des lecteurs de l'étude sont négatives avec des remarques et arguments intéressants. Les lecteurs signalent la difficulté, compte tenu du petit nombre de cas, d'isoler la vitamine B9 d'autres facteurs de risques qui peuvent différer entre les deux groupes témoin et traité, on signale la faiblesse statistique de la démonstration, et compte tenu tant de la faiblesse de l'hypothèse que de la faiblesse de la démonstration statistique, des lecteurs soulignent le danger de publier et de donner une si grande publicité à de tels travaux surtout avec un tel titrage. Un lecteur donne l'exemple navrant d'un article du Times citant l'étude "Craintes de cancer du sein pour les femmes enceintes à propos des suppléments d'acide folique" Un de ces titrages tout en nuance qui rappelle hélas celui choisi par "Que Choisir". Cela a d'ailleurs amené en fin de compte le BMJ en mars 2005 a faire ce qui ressemble (d'après le seul début en ligne de l'article que nous avons pu consulter, le reste étant payant) à des quasi excuses publiques reconnaissant que les auteurs et les éditeurs ne peuvent s'abstraire de leur responsabilité éthique et de la façon dont les informations du BMJ vont être retranscrites dans la presse et risquent d'avoir une influence nuisible sur diverses politiques de santé publique que le BMJ juge utiles et nécessaires.

On voit donc que "Que choisir", sans que ses lecteurs en ait la moindre idée, s'est trouvé associé à ce qui se fait de plus approximatif et de plus discutable dans le domaine de la vulgarisation scientifique. A ceci s'ajoute les effets néfastes en terme de santé publique puisque les françaises en âge de procréer se supplémentent déjà bien moins en vitamine B9 qu'aux USA, malgré les recommandations médicales officielles. On voit toute l'irresponsabilité du titrage et du sous-titrage démago de l'article qui ne peut qu'inquiéter des lectrices mal informées alors qu'aucune mise au point n'apparaît dans le corps de l'article de "Que Choisir" qui pourrait faire contrepoids sur les besoins en vitamine B9 de la femme enceinte !

Il n'est pas inutile de savoir de quoi on parle et quelles hypothèses on formule. L'hypothèse implicite est que la vitamine B9 est un carcinogène majeur qui même pris pendant peu de temps double le risque de mortalité par cancer du sein des décennies plus tard... à moins que nous soyons en présence d'un pur hasard et d'une illusion statistique... .

Quelle est la vraisemblance de l'hypothèse au vu des connaissances sur la vitamine B9 ? Rappelons pour éclairer le lecteur que la vitamine B9 est une vitamine hydrausoluble dont le stockage organique est limité et qu'elle est à priori anticancéreuse par ses fonctions de réparation de l'ADN. Prise par la femme enceinte elle est en grande partie absorbée par le foetus qui est une "pompe à folates". La vitamine B9 protège les femmes du cancer du colon et aussi du cancer du sein, mais seulement dans ce cas s'il y a surrisque pour les femmes qui prennent un traitement hormonal substitutif, boivent de l'alcool ou fument (le sur-risque est annulé par la prise du complément).

En fait pour les spécialistes le seul risque avec la vitamine B9, risque théorique mais plausible, serait qu'en favorisant la synthèse d'ADN la vitamine B9 puisse favoriser (au même titre que la vitamine B12) la poussée d'un cancer déclaré en favorisant la synthèse d'ADN et donc la duplication cellulaire. Mais chez une femme enceinte et jeune, la complémentation limité à quelques mois ne présente quasiment aucun risque et l'hypothèse de l'article du BMJ est disons le franchement complètement fantaisiste. Il n'aurait  jamais du passer la barrière du comité de lecture !

Mais continuons quand même nos recherches pour savoir si la B9 pourrait être cancérigène dans d'autres cas.

La vitamine B9 favorise la réparation de l'ADN et protège des mutations cancérigènes, mais en présence d'une tumeur ce serait l'effet négatif qui pourrait prédominer. Ce point est discuté dans un article récent de Young-In Kim assez défavorable à la vitamine B9 et qui reprend cette hypothèse "Will mandatory folic acid fortification prevent or promote cancer?". Pourtant l'auteur doit reconnaître que les seuls effets mis en évidence à ce jour par diverses études épidémiologiques sont uniquement un effet protecteur sur des cancers variés dans la population générale corrélés à l'importance de la consommation de B9. Le seul cas de promotion d'une tumeur humaine qu'il soit capable de citer (note 47) est une étude très ancienne non consultable de 1949 chez les enfants leucémiques traités par antagonistes de l'acide folique ! (sur le traitement antifolique des tumeurs cf. ci-après). La chasse est plus que maigre... Tout ce qu'on peut en déduire c'est qu'il vaudrait mieux ne pas prendre de B9 si on à un cancer et que probablement le danger n'existe que si ce cancer est agressif (division rapide des cellules cancéreuses). Reste évidemment le cas où l'on aurait une tumeur sans le savoir, ce qui semble préoccuper Young-In Kim. Mais là aussi les femmes les plus à risque de cancer, comme dans le cas précédemment évoqué de celles qui prennent un traitement hormonal substitutif, boivent de l'alcool ou fument ont un risque de cancer du sein qui redevient semblable à celles qui n'ont pas ces facteurs de risque lorsqu'elles ont des apports élevés de B9. Donc à nouveau rien ne vient confirmer le risque théorique.

En ce qui concerne les études animales on ne trouve que des études associant un risque majoré de tumeurs pour des animaux chez lesquels on induit artificiellement un cancer en même temps qu'on les supplémente avec des doses élevées de vitamine B9. Dans l'étude "Taking folate in pregnancy and risk of maternal breast cancer" du BMJ dont nous discutions au début, les auteurs cherchent un argument plausible pour expliquer le lien entre vitamine B9 et le cancer du sein et citent une étude animale sur les rats (note 5, lire l'article référencé dans cette note). La journaliste de "Que choisir" reprend d'ailleurs aussi cet argument pour tenter d'étayer son article. Dans l'étude sur les rats des doses élevées de vitamine B9 augmentent la croissance des tumeurs des mamelles de rates mais les auteurs reconnaissent dans leur intéressante section "Discussions" qu'il s'agit dans l'étude de tumeurs induites très agressives et que la vitamine B9 n'a peut-être pas le temps d'avoir un effet réparateur sur les lésions ainsi induites dans les cellules. Une autre étude qu'ils commentent (note 25 étude de Baggott) montre seulement qu'un déficit important de B9 inhibe certaines étapes de la croissance de tumeurs artificiellement induites. C'est un des principes de base de la cancérologie qui est utilisé pour certaines tumeurs agressives à croissance rapide avec les médicaments dits antifoliques qui bloquent la division cellulaire, mais c'est un résultat sans portée pratique en matière de complémentation ou d'apport alimentaire. Par contre dans l'étude de Baggott il n'y avait pas de promotion des tumeurs dose-dépendante avec des dosages variés de folates. Finalement rien de bien alarmant ni de facilement extrapolable à l'être humain. Tout cela ne peut donc être transposé que de façon très hypothétique à l'homme et faire un lien avec l'étude du BMJ est carrément fantaisiste vu la distance en décennies entre la cause supposée (prise de vitamine B9 pendant la grossesse) et l'effet (cancer du sein dans les décennies suivantes).

L'étude du BMJ ne méritait donc pas d'être publiée et le titre choisi est inacceptable.

Que de telles dérives puissent concerner un titre prestigieux de la presse médicale comme le BMJ doit donc nous amener à la plus grande vigilance dans la lecture de compte rendus d'études démontrant les soit-disant danger ou l'inefficacité des vitamines et des nutriments, qui sont souvent pris pour argent comptant par les médias et complaisamment diffusés après avoir été "miraculeusement" selectionnés parmi des milliers d'articles possibles. Le phénomène se répète très régulièrement avec toutes sortes de produits de complémentation.

On ne peut que s'interroger sur la politique suivie par "Que choisir" dans ce genre d'affaire. Il ne semble pas s'agir seulement d'articles trop vites écrits par des journalistes pressés et validés par une rédaction connaissant mal le sujet. Je me souviens avoir reçu, je crois que c'était aussi en 2005, un publi-postage avec quelques pages d'un "Que choisir" de circonstance assemblées pour l'occasion et présenté comme produit d'appel pour un abonnement, qui m'avait fait bondir pour les mêmes raisons, avec un sujet santé - nutrition traité de façon consternante. Le résultat de cette opération marketing ciblée a été comme on l'imagine parfaitement dissuasif en ce qui me concerne.

On a l'impression d'une rédaction qui s'auto-désinforme et veut faire, plutôt que de l'information, du dressage pédagogique de son lectorat sur ces sujets. Mais ce procédé est indéfendable d'un point de vue éthique et montre l'incapacité de plus en plus flagrante de certaines rédactions de la presse grand public à construire un débat critique et ouvert sur certains sujets comme la nutrition et les suppléments nutritionnels.

Le problème c'est que de tels sujets classés on ne sait trop pourquoi ni comment comme "sensibles" et traités de cette curieuse manière sont en pratique légion dans tous les domaines des médias ! Plutôt que de faire appel à des spécialistes sans parti pris sur ces sujets et d'ouvrir et de construire le débat d'idée, on préfère recourir à des méthodes qui ne respectent pas la liberté de pensée du lecteur et ne peuvent être ressenties que comme de la manipulation par les personnes bien informées.

La crise de légitimité qui secoue les médias depuis quelques temps me semble trouver là son origine. Avec ces pratiques détestables où les tentatives de conditionnement se subsituent à l'information et à la réflexion critique, la presse perd régulièrement ses lecteurs les mieux informés qui refusent de cautionner par un achat ou un abonnement des dérives déontologiques inacceptables. Ces lecteurs se tournent de plus en plus et à juste raison vers Internet.

Le malade, le médecin et les compléments alimentaires, le dialogue impossible, extrait de notre critique du livre "Patients, si vous saviez - Confessions d'un médecin généraliste" de Christian Lehmann (2003)

Extrait de la critique du livre : "Patients si vous saviez..."

Les réserves que nous avons à l'égard de cet excellent ouvrage dont nous recommandons par ailleurs vivement la lecture tiennent pour l'essentiel à notre intérêt pour les médecines alternatives (ou plutôt complémentaires). Cela va nous amener à engager le débat sur un terrain que l'auteur pourrait peut-être considérer comme ne faisant pas partie de la problématique traitée par l'ouvrage, mais qui nous semble tout de même implicite à son propos, d'autant plus qu'il évoque à juste titre (p. 181 et suivantes) la nécessité d'une révision très ambitieuse du rôle du médecin généraliste allant notamment dans le sens d'un accompagnement préventif en matière de santé du patient tout au long de l'existence.

Alors que je partage apparemment avec l'auteur nombre d'intérêts commun (l'évaluation des médicaments, les statines, les remarques sur la pharmacovigilance, pour ne donner que quelques exemples), j'ai en même temps, à le lire, l'impression de vivre sur une autre planète. En tout cas quand on se passionne pour la supplémentation nutritionnelle il est pénible de lire (p. 179) :

"Le médecin généraliste qui refusera de céder à l'hystérie du moment, de prescrire de la mélatonine ou de la DHEA "alors qu'en Amérique, on peut l'obtenir directement sur Internet..." ou des compléments alimentaires bidon, sera alors considéré, au choix, comme un rabat-joie ou pis encore, un ignare peu au fait de l'évolution scientifique".

Suit une page ironique sur "la papaye du pape", un supplément nutritionnel qu'aurait pris le pape Jean-Paul II à la fin de sa vie sur les conseils du Pr Montagnier. Je rappelle pour la compréhension du lecteur qu'il s'agit d'un antioxydant obtenu à partir de la papaye et probablement d'un immunomodulateur intéressant, que l'on trouve en pharmacie et en vente par correspondance. Outre qu'il a fait l'objet d'une médiatisation grotesque et excessive, il est surtout vendu à un prix délirant (ce qu'aurait pu mentionner l'auteur), ce qui fait que j'en déconseille l'achat étant donné que pour le même prix on peut s'acheter plusieurs suppléments nutritionnels autrement plus utiles. Bref un angle d'attaque très artificiel et très dévalorisant pour traiter de la question si importante des suppléments nutritionnels.

Et puis comme tout cela est imprécis dans ce raccourci corrosif qui tranche avec la pondération et la pédagogie habituelle de l'auteur. On ne prescrit pas de mélatonine en France, ce n'est pas un médicament et il n'est pas disponible en pharmacie, et le statut de la DHEA qui est disponible en pharmacie est très ambigü, ce qui fait que pour des raisons de sécurité juridique, même le médecin qui trouvera ce produit intéressant hésitera à le prescrire. S'agissant d'un ouvrage destiné à un large public il n'aurait pas été inutile de dire qu'il s'agit d'hormones. On ne sait pas non plus en lisant la citation ci-dessus (et on est pas éclairé par ailleurs) si l'auteur considère tous les suppléments alimentaires comme bidon ou seulement certains d'entre eux, ni d'ailleurs ce que recouvre pour lui la notion de complément alimentaire (est-ce un synonyme de "produits bidons" ?)... On notera d'ailleurs, si j'ai bien lu l'ouvrage, que les mots vitamine, minéral, oligo-élément, acide aminé, plante (aucune n'est citée), ne sont employés qu'une seule fois dans l'ouvrage (vitamine D et calcium mais de façon accessoire au détour de son exposé sur les dangers du fluor), alors que même avec un choix trop restreint et un remboursement peau de chagrin, ils font encore partie de la panoplie du prescripteur !

Admettons que cela tienne au choix limité des vignettes cliniques sélectionnées par l'auteur. Mais même ainsi, j'ai été frappé, à travers les cas de sa pratique qu'il évoque, par l'extraordinairement dénuement dans lequel l'auteur semble se trouver dès qu'il est confronté à une maladie chronique, pour faire autre chose qu'un traitement purement symptomatique, ce que d'ailleurs il ne cherche pas à cacher avec une humilité qui l'honore, ainsi de l'hypertension, du diabète, d'un vieillard avec début de désorientation (2).

Je n'aurai pas la grossièreté de tenter de refaire les consultations du Dr Lehmann mais toutes les personnes qui connaissent bien la supplémentation nutritionnelle ne seraient évidemment pas à court d'idée pour proposer des stratégies de récupération des fonctions organiques par une supplémentation ciblée et adaptée pour tous les types de pathologie que je viens de citer.

Enfin dans le même ordre d'idée et par rapport à la question de l'autoprescription, auquel il consacre plusieurs pages (essentiellement pour en montrer les dangers), il est vraiment surprenant que l'auteur, qui fait sur le sujet tout une série de remarques intéressantes, n'envisage pas un seul instant la question des suppléments nutritionnels !

Tout cela est finalement très décourageant dans la mesure ou l'on a quand même affaire à un médecin particulièrement cultivé, ouvert d'esprit, lisant couramment l'anglais et très au fait de la littérature scientifique internationale. Cela confirme finalement mon impression d'une rupture très générale et très profonde de la relation et du dialogue entre le patient et le médecin dès qu'il s'agit non seulement des suppléments nutritionnels mais de la prévention en matière de santé, de l'optimisation de la santé, de la prévention du vieillissement. Or comment concilier tout cela avec le souci légitime de l'auteur d'une prise en charge générale et préventive en matière de santé par le généraliste ? Comment de toute façon concilier cette redéfinition du rôle du généraliste avec la démographie médicale qui va exercer une pression toujours plus forte pour cantonner le médecin du côté de l'urgence ? Autant de sujets brulants que me semble esquiver l'auteur.

La solution viendra probablement, mais ici c'est l'avis de Gestion Santé que nous donnons, par une articulation avec d'autres professionnels de santé non médecin chargés de toute une partie des soins primaires, dans le domaine de la nutrition en particulier, avec qui le médecin devra apprendre à dialoguer et à collaborer. Ce qui passe à mon avis inévitablement par l'abolition du monopole médical.

Le modèle anglais, qu'il faut évidemment se garder d'idéaliser (notamment parce que les multinationales pharmaceutiques y font les mêmes ravages qu'ailleurs), me semble quand même à cet égard un des meilleurs, puisqu'il existe dans ce pays de très nombreux thérapeutes non médecin exerçant tout à fait légalement dans de nombreuses disciplines (homéopathes, acupuncteur, etc.) et que ceux-ci cohabitent plutôt harmonieusement avec des médecins qui ne sont pas payés à l'acte, contrairement à la France, et qui sont beaucoup moins surprescripteurs qu'en France. L'Angleterre dont on notera au passage qu'elle est, sur le modèle américain, le plus gros consommateur de suppléments nutritionnels d'Europe...

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Créé le 20/08/11 (reprise d'articles plus anciens). Dernière modification le 20/08/11.