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Journal de bord de Novembre 2005

Faute de temps pour écrire des pages bien structurées, je laisse souvent passer sans commenter ou citer une multitude d'excellents articles sur Internet ou dans des revues, ou sans évoquer des livres que j'ai lu et sur lesquels je souhaiterais attirer l'attention ou faire quelques commentaires utiles pour le lecteur. D'où cette nouvelle rubrique "Journal de bord" que je commence à la fin de novembre 2005. La santé ne sera pas le seul sujet traité ici, mes intérêts dépassant largement ce domaine. J'espère échapper aux platitudes que l'on retrouve parfois dans la blogosphère et apporter des informations intéressantes au lecteur de passage et sur un ton plaisant si possible.

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Novembre 2005 : 30/11 : Les assurés des grosses mutuelles privées vont financer les "alicaments" des multinationales de l'agro-business !- 28/11 : Codex Alimentarius et suppléments nutritionnels - société civile et opposition contrôlée - blocages idéologiques- 26/11 : Le Monde s'intéresse à l'artémisinine - 25/11 : Lettre d'information de http://qualitycounts.com (en anglais) - 24/11 : Blog de Goozner - réforme de l'évaluation des médicaments - incidences politiques- 23/11 : Thierry Souccar, le BCG et l'affaire Lariboisière- 22/11 : Biostim et retrait des immunostimulants

30 novembre 2005 :

Les assurés des grosses mutuelles privées vont financer les "alicaments" des multinationales de l'agro-business !

La culture du mensonge et de la désinformation atteint des sommets ! Sur Gestion Santé nous défendons depuis 2001 un usage intelligent des suppléments nutritionnels en complément bien pensé d'une alimentation équilibrée (Les compléments alimentaires, une nouvelle approche santé). Mais en France les spécialistes autoproclamés de la nutrition affirment, contre toute évidence, qu'une alimentation équilibrée est totalement suffisante pour apporter tous les bienfaits qu'on peut espérer de l'alimentation et que les suppléments nutritionnels sont au mieux inutiles et au pire dangereux. Ces spécialistes, pour nombre d'entre eux, entretiennent des liens de dépendance financière parfois très important avec de grosses sociétés de l'agro-alimentaire. Ils ont porte ouverte dans les médias dominants qui sur ce sujet comme sur tant d'autres répercurtent sans la moindre distance critique leurs points de vue.

Mais alors que les fabricants de suppléments se voient refuser les allégations santé les mieux fondées sous peine d'être poursuivis pour exercice illégal de la pharmacie et de la médecine, il en va tout autrement pour les "alicaments" des multinationales comme Unilever ou Danone. Qui n'a pas vu la pub avec un acteur bien connu avec un yaourt quasiment présenté comme un médicament pour l'excès de cholestérol ? Dans ce domaine les industriels se livrent à une frénésie de messages publicitaires à connotation santé pour des produits transformés. Tout cela contribue à brouiller les repères déjà incertains des consommateurs dans le domaine de la nutrition et est en définitive très préjudiciableà de bonnes pratiques alimentaires, d'autant qu'on s'adresseégalement massivement aux enfants. Frédérique Rennert, une étudiante a effectué un excellent décryptage de ces pratiques à partir du cas du produit Actimel mais le phénomène est général.

Le procédé atteint de nouveaux sommets puisque l'agro-alimentaire essaie maintenant de faire rembourser ses "alicaments" par des Mutuelles (cette appellation d'alicaments est du pur marketing et ces produits ne sont pas plus, mais en fait moins à mon avis, des "alicaments" qu'une pomme ou une orange) ! Mais il ne s'agit pas de n'importe quelle Mutuelle à statut associatif, mais, en l'occurence, d'une énorme mutuelle adossée à un très gros groupe d'assurance, celle de la MAAF (814 000 adhérents) en partenariat avec Unilever. AGF devrait suivre en partenariat avec Danone. La collusion entre multinationales atteint des sommets. La presse s'indigne mollement de l'affaire ces jours ci, mais aucune investigation sérieuse n'est menée sur les coulisses de cette opération marketing qui doit pourtant mobiliser de très puissants réseaux de pouvoirs politico-économiques.

Comme le rappelle Jean-François Arnaud dans les pages économiques du Figaro du 28/11, les protagonistes de cette affaire sont "Unilever, inventeur en 1999 de la margarine Pro-Activ enrichie en stérols végétaux. De l'autre, Danone et son yaourt Danacol commercialisé depuis avril 2004, lui aussi riche de ces fameux stérols. Vendus dans la grande distribution, ces deux produits miracles pour la santé ont la particularité de faire baisser de plus de 10% le taux de cholestérol après seulement trois semaines de consommation."

En ce qui concerne la confusion avec les médicaments, le journaliste précise "Ces «alicaments» bénéficient depuis leur lancement d'un marketing très spécifique, mêlant adroitement les méthodes traditionnelles de la promotion des yaourts et margarines avec les recettes plus discrètes mais autrement convaincantes de la communication pharmaceutique. Lancés comme des médicaments, Pro-Activ (qui désormais existe aussi en yaourt) et Danacol ont été présentés à l'ensemble des médecins français par des visiteurs médicaux. Si bien qu'aujourd'hui de nombreux praticiens prescrivent ces produits alimentaires comme s'il s'agissait de médicaments."

Alors que les institutions scientifiques et les agences de contrôle multiplient les expertises plus que douteuses et toujours défavorables sur les suppléments nutritionnels, il en va tout autrement pour nos multinationales pour lesquelles elles ont les yeux de Chimène. Ainsi, toujours selon Le Figaro "D'ailleurs, tout comme des médicaments, ces produits ont obtenu des agréments scientifiques. Pro-Activ bénéficie d'un avis favorable du Conseil supérieur d'hygiène publique. Et Danacol est le premier aliment à avoir reçu le visa de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé."

S'agit-il vraiment de L'Agence française de sécurité des produits de santé ? Probablement le journaliste a-t-il fait une confusion car il semble s'agir plus logiquement de l'AFSSA, L'agence française de sécurité sanitaire des aliments. Cette confusion en dit long sur la manière dont le sujet est traité dans les médias et pourtant Le Figaro n'est pas le pire ! Une recherche avec "stérols" sur le site de l'AFSSA remonte 9 avis de cet organisme sur les stérols entre 2001 et 2005. La lecture détaillée de l'avis de 2003 sur les yaourts n'est guère rassurant. On constate que le fabricant a mis l'administration devant le fait accompli et que c'est la DGCCRF qui a saisi l'AFSSA pour savoir s'il fallait autoriser ou interdire le produit (procédé d'ailleurs régulièrement utilisé par la DGCCRF pour faire interdire des suppléments nutritionnels). Dans ce cas l'AFSSA s'est contentée de vérifier que les allégations sur la baisse du cholestérol n'étaient pas mensongères et que les stérols n'avaient pas d'effets secondaires trop importants. Rien à voir donc avec des bénéfices pour la santé reconnus par les autorités de santé qu'évoque le journaliste du Figaro ! Les études correspondantes n'ayant pas été effectuées, on ne sait pas du tout si les stérols sont bons ou pas pour la santé ! L'inhibition de l'assimilation du cholestérol par divers médicaments selon des mécanismes similaires a montré dans le passé que malgré la baisse du cholestérol un effet nul ou même nocif sur la santé pouvait se produire avec certains produits !

Les études rapportées par les fabricants sont courtes et il n'y a pas de suivi à long terme. Les études de consommations montrent des dérapages limités mais réels vers des cibles pour lesquels le produit pourrait être néfaste pour la santé (par inhibition de l'absorbtion du cholestérol) avec un risque de superposition entre plusieurs produits enrichis en stérols. Un des effets négatifs le plus préoccupant est l'inhibition du β-carotène ce qui amène l'AFSSA a indiquer que l'étiquetage doit mentionner "qu'il est recommandé de consommer un nombre important de fruits et légumes pour pallier la baisse du β-carotène plasmatique induite par les phytostanols." A noter que l'effet de baisse du β-carotène n'est pas chiffré. On admirera le voeu pieux concernant les fruits et légumes d'autant que les yaourts vont inévitablement avoir tendance à se substituer aux fruits surtout lorsque l'effet idéal sur le cholestérol nécessite la prise de quand même 3 yaourts par jour ! On ignore si ce produit inhibe ou pas les autres caroténoïdes, l'AFSSA semblant s'être basé avec une confiance désarmante sur la seule déclaration du pétitionnaire. Quid aussi des autres vitamines liposolubles ? mystère ! On est frappé par les très nombreuses mises en garde que conseille l'avis de l'AFSSA. On croirait lire la fiche des contre-indications d'un médicament. Des mises en garde moins sérieuses ont servi à étayer des avis de refus d'autres produits, notamment des suppléments nutritionnels. Pourquoi deux poids deux mesures ?

Des incohérences sont d'ailleurs décelables entre les avis de l'AFSSA portant sur la même classe de produits. En 2002 pour éviter les excès d'apport en stérols "L’Afssa émet un avis favorable à l’enrichissement en phytostérols (sous forme libre et estérifiée) des margarines, mais émet un avis défavorable concernant l'enrichissement en phytostérols des autres produits alimentaires (assaisonnements de salade, barres à base de céréales, boissons, produits type yaourts, viandes élaborées).[mon souligné avis du 3 mai 2002]" Un an après le même directeur de l'AFSSA de l'époque bénit les yaourts de Danone ! L'agence justifie cette volte-face par le fait qu'elle avait indiquée précédemment que "le choix éventuel d’autres vecteurs d’enrichissement en phytostérols devrait être justifié par des simulations de consommation, complétées par un suivi de consommation des produits enrichis déjà présents sur le marché ;" C'est le cas des produits de Danone grâce à un "effet de substitution entre produits" c'est-à-dire que les consommateurs de margarines ne mangeraient pas de yogourt enrichis en stérols et vise versa. Tout cela sur la seule base des seules informations fournies par le fabricant, évidemment...

D'autres incohérences sont décelables ainsi dans l'avis précité on lit que "Considérant que l'intérêt nutritionnel de l'enrichissement de l'alimentation en phytostérols pour les sujets hypercholestérolémiques est démontré" puis un peu plus loin que "Considérant que les études cliniques relatives aux effets d'apports élevés en phytostérols sur des périodes prolongées sont rares et ne portent que sur des populations dont les effectifs sont trop faibles ;". Autrement dit, ce qui est "démontré" c'est en réalité l'absence de démonstration et la mauvaise foi de l'AFSSA qui feint de croire que baisse du cholestérol = bénéfice santé automatique. Au contraire on sait depuis l'étude classique de Michel de Lorgeril et Serge Renaud sur les huiles riches en omega 3 que l'on peut avoir un effet majeur sur le risque cardio-vasculaire sans beaucoup modifier le taux de cholestérol et inversement pour d'autres études (cas des fibrates) où certains médicaments ont augmenté la mortalité des populations traitées de certains essais thérapeutiques tout en faisant néanmoins efficacement baisser le taux de cholestérol.

Mis à part les yaourts les stérols se trouvent surtout dans des margarines (les produits Unilever évoqués par Le Figaro). Nous avons indiqué dans notre article sur les statines notre très grande réticence à l'égard de ces produits. Les raisons sont multiples, en voici quelques unes. 1) L'inhibition du cholestérol intestinal est souvent compensée au bout de quelques semaines par la synthèse hépathique qui augmente. 2) Le fait d'absorber du cholestérol n'est pas forcément nocif. Plusieurs études ont montré que la consommation d'oeufs (le jaune est riche en cholestérol) n'augmentaient pas le risque cardiovasculaire (CV). Il peut être préférable d'apporter du cholestérol alimentaire de haute qualité (oeuf à la coque par ex.) que de faire augmenter la synthèse hépathique en rationnant l'apport en cholestérol alimentaire 3) Le lien entre taux de cholestérol et risque CV existe mais il est faible (alors qu'il est direct et fort avec d'autres facteurs de risques comme l'hypertension ou le tabagisme), autrement dit on peut avoir un taux relativement élevé de cholestérol sans augmenter son risque CV et faire un accident CV avec un cholestérol normal. 4) faire baisser l'absorption de cholestérol peut ne pas diminuer et même augmenter le risque de mortalité finale si l'agent thérapeutique à des effets secondaires néfastes. 5) Les produits contenant des stérols n'ont en général pas des teneurs satisfaisantes en omega 3 et comme ils sont pris à des doses élevées ils risquent de détourner les consommateurs d'huiles apportant une protection maximum et démontrée vis à vis du risque CV et d'autres problèmes de santé (huile de colza pour les omega 3, huile d'olive pour l'acide oléique et la présence d'oléocanthal, huiles de poissons riches en dérivés les plus utiles des omega 3, l'EPA et le DHA. 6) Il existe des méthodes multiples de régulation du cholestérol et de régulation de la synthèse de ses dérivés à l'intérieur même de l'organisme par divers nutriments qui sont nettement préférables au blocage intestinal.

De façon paradoxale mais finalement pas surprenante, le moins mauvais vecteur d'apport des stérols, en admettant que les bénéfices soient supérieurs aux effets négatifs éventuels, ce qui reste évidemment à démontrer, seraient... les suppléments nutritionnels ! En effet ceux-ci permettraient de doser précisément les apports en fonction de l'effet attendu sans lier le consommateur à la prise chronique d'un produit alimentaire déterminé, dont la composition alimentaire peut ne pas être idéale et dont la consommation est défavorable à un régime alimentaire varié.

De ce point de vue le concept "d'alicament" nous paraît nocif pour la santé publique. Il détourne les consommateurs des produits de base utiles, fruits, légumes, huiles simples, poissons, etc. au profit de produits transformés prêt à consommer et d'une qualité nutritionnelle médiocre et qui éloignent aussi le consommateur français de ce qui fait le meilleur de son régime alimentaire et qui tient pour beaucoup à la gastronomie, au plaisir de la table, pratiques qui structurent l'alimentation, évitent le grignotage, permettent de réunir la famille autour du plaisir du repas pris ensemble.

Tout cela se fait dans le cadre d'une montée permanente de l'obésité en particulier infantile. Le lobby des nutritionnistes qui a concocté en 2001 le PNNS (Programme National Nutrition-Santé) a abouti à un échec lamentable et n'a eu quasiment aucune prise sur les comportements alimentaires, en particulier des personnes les plus à risques. Les seules expériences sérieuses et efficaces sont celles menées à partir des expériences Fleurbaix Laventie Ville Santé reprises et élargies à d'autres villes via la campagne Epode (Ensemble, prévenons l'obésité des enfants). Certes il faudrait pouvoir discuter minutieusement dans le détail toutes les recommandations nutritionnelles véhiculées dans ces plans, ce qui est quasi impossible car le discours des sites concernés est surtout institutionnel et promotionnel, mais l'idée d'agir de façon coordonnée sur tous les paramètres du problème est évidemment la seule valide. Reste que ces projets restent encore confidentiels et ne touchent qu'une minuscule fraction de la population. Les développer vraiment entrainerait rapidement un choc frontal avec les géants de l'agro-alimentaire. Or avec l'UMP au pouvoir qui vient d'enterrer en toute hâte le projet de règlementation du tabagisme dans les lieux publics, la santé publique et l'intérêt général est moins que jamais à l'honneur (reconnaissons que les socialistes au pouvoir n'ont pas fait mieux).

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http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1105.htm#30_11_05

28 novembre 2005 :

Codex Alimentarius et suppléments nutritionnels - société civile et opposition contrôlée - blocages idéologiques

Notre ami Sepp Hasslberger, un allemand installé en Italie, est un activiste santé qui anime un site Internet d'excellente facture. Je ne souscris pas à toutes ses positions et points de vue, mais j'apprécie la qualité et l'importance du travail de mise à disposition des connaissances qu'il effectue. Comme moi il pense que la façon dont les problèmes santé sont définis et traités aux niveaux nationaux et internationaux ne tombe pas du ciel et ne résulte pas non plus d'un consensus scientifique de qualité effectué sur la base d'une investigation scientifique équilibrée. Au contraire tous les processus d'informations et de décisions sont gravement altérés et biaisés. Pour comprendre comment et pourquoi, il est indispensable de décripter les réseaux d'influence qui structurent les organisations clé ayant une incidence sur notre santé, pour comprendre la nature des agendas de santé publique qui sont mis en oeuvre dans les coulisses de nos sociétés. Plus nous en prendrons connaissance tôt plus nous pouvons espérer peser sur eux. Certes décrire et dénoncer n'est pas forcément agir pour empêcher et faire adopter d'autres choix, mais c'est un premier pas indispensable. A défaut nous sommes condamnés à agir dans l'urgence ou pas du tout et sans comprendre ce qui est en jeu.

Sepp nous informe régulièrement sur les activités du Codex Alimentarius. Le Codex Alimentarius est un organisme conjoint de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), qui a pour vocation la protection de la santé des consommateurs et le respect de la loyauté des transactions commerciales dans le domaine de l’alimentation. En France, c'est la DGCCRF du ministère des finances qui truste toutes les relations avec le Codex en lieu et place du ministère de l'agriculture premier concerné (à quand la réforme de l'Etat en France ?). Le parlement et la société civile sont bien entendu totalement écartés, en France, des discussions concernant le Codex.

Autant le Codex aimerait nous gaver d'OGM autant il est terrifié par une hypothétique dangerosité des suppléments nutritionnels, alors que ceux-ci sont très souvents plus surs que bien des produits alimentaires stricto sensu ! Après bien des années d'immobilisme, le Codex fait avancer le dossier sur ce sujet. Des enjeux majeurs concernent actuellement les dosages de sécurité de ces produits. Mais là aussi l'expertise scientifique peut varier du tout au tout suivant les donneurs d'ordres qui s'activent dans les coulisses. Ce dont parle Sepp à propos du dernier conclave tenu à ce sujet en Allemagne.

On constate que les organismes de la société civile favorables à la supplémentation ont beaucoup progressés cette année dans leur organisation. La NHF (National Health Federation) une puissante et ancienne association de consommateurs américaine qui participe régulièrement au Codex s'est adjoint la collaboration du Dr Robert Verkerk de l'ANH en tant que conseiller scientifique (Alliance for Natural Health) qui représente au niveau européen et mondial des associations, des praticiens et des sociétés favorables aux suppléments. L'ANH s'est notamment illustrée en attaquant la directive européenne sur les suppléments nutritionnels. Il est heureux de voir collaborer harmonieusement ces deux acteurs importants.

Tout cela est encourageant car les associations concernées, que nous connaissons, produisent une expertise vraiment indépendante et de qualité. C'est une première étape pour s'attaquer aux monstres bureaucratiques comme le Codex. Toutes ces organisations gangrénées par la mondialisation libérale et qui fabriquent dans l'ombre un pseudo consensus frauduleux adorent "l'opposition contrôlée". L'opposition contrôlée consiste à fabriquer des interlocuteurs critiques bidons qui sont en fait sous la coupe du pouvoir en place. L'opposition contrôlée est particulièrement présente dans le domaine de la santé mais existe dans tous les secteurs de la société.

La montée d'Internet est en train de mettre dans un état de crise sans précédent cette mécanique bien huilée de l'opposition contrôlée (où les français sont aussi passés maîtres). Le regain de regard critique, que l'on observe actuellement sur de nombreux sujets de société, met en évidence l'apparition de nouveaux acteurs et la mise en crise des acteurs sous influence (Cf. la liste des sites conseillés par Gestion Santé et qui balaie de nombreux sujets de société). Un des exemples récents les plus saisissants a été fourni par le référendum sur la constitution européenne. Mais sur une multitude de sujets plus circonscrits mais tout aussi important, le même phénomène se reproduit régulièrement.

Malheureusement, faute de véritable courroie politique de transmission qui pourrait organiser et disposer d'un cadre théorique rénové pour penser le changement social, l'innovation sociale est bloquée, diluée, récupérée parfois par un pouvoir politique incroyablement sclérosé et qui s'efforce de limiter la changement à la marge quand il ne peut plus faire autrement. Il manque une capacité à relier et articuler tous ces mouvements qui très souvent agissent de façon encore indépendantes les uns par rapport aux autres, ne se connaissent pas toujours et sont parfois même dans des oppositions idéologiques artificielles, datant d'un âge mental précédent, et qui n'auraient plus lieu d'être (phénomène de fausses frontières).

Pour donner un exemple je suis frappé de ce que tout le mouvement français qui critique la mise en coupe du médicament par les multinationales dans la mouvance d'ATTAC ou de la revue Prescrire soit totalement fermé aux apports de la supplémentation nutritionnelle pour le maintien de la santé, pour la prévention de nombreuses pathologies et en complément du traitement de diverses maladies. Souligner cette stigmatisation générale, injuste et malveillante des médecines complémentaires est une des grilles d'analyse sur laquelle j'ai régulièrement insisté sur mon site, par exemple à l'occasion des analyses de livres que j'ai pu proposer.

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http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1105.htm#28_11_05

26 novembre 2005 :

Le Monde s'intéresse à l'artémisinine

Dans "Une plante chinoise contre le paludisme ", un mystérieux "envoyé spécial à Yaoundé" (cet article pourtant assez long n'est curieusement pas signé sur le site internet du journal) nous donne une multitude d'informations utiles sur cette plante. Il s'agit peut-être de Paul Benkimoun qui signe un article lié "Une polythérapie salvatrice, en attendant le vaccin" sur le même sujet. La plante est sous les feux de l'actualité depuis plusieurs mois car elle est très efficace dans la lutte contre la paludisme. Je vous conseille d'archiver ces deux pages avant qu'elles ne passent dans la version payante du Monde.

A noter (parenthèse informatique) que bien qu'étant inconditionnel de Firefox j'utilise encore Internet Explorer pour la fonction "envoyer page par courrier electronique" qui n'est pas disponible avec Firefox (même dans la future version 1.5 que j'utilise actuellement en test, version 1.5 RC2). En pratique je sauvegarde la page en me l'envoyant par courrier électronique.

L'article est intéressant par ce qu'il dit et omet tout à la fois. Selon l'auteur, alors que la recherche est relancée pendant la guerre du Vietnam, l'Occident mise tout sur les produits issus de l'industrie pharmaceutique alors que le Nord Vietnam fait appel à la Chine qui met à disposition l'artémisinine issue de la pharmacopée traditionnelle chinoise dont les principes actifs sont connus et isolés dès cette époque. On apprend que de 20 millions de personnes touchées à l'époque, seuls 100000 sont affectés aujourdhui dans la région Vietnam, Cambodge et Sud de la Chine [alors que la population a énormément augmentée]. Comment l'Asie a-t-elle menée cette magistrale action de santé publique (où l'artémisinine n'a du être qu'un moyen parmi d'autres), au moment ou l'Afrique est ravagée par le paludisme, mystère...

Tout aussi mystérieuse reste la miraculeuse redécouverte de l'artémisinine avec 25 à 30 ans de retard par l'OMS. OMS voulant dire "Organisation Mondiale de la Santé", j'imaginais naïvement que parmi les membres de cette institution se trouvaient quelques chercheurs chinois éminents et que seuls de graves dysfonctionnements au sein de l'OMS pourraient expliquer que l'apport de l'artémisinine et sa supériorité thérapeutique n'aient pas été reconnu plus tôt et son utilisation internationale encouragée. Quand le journaliste s'essaie à percer cette énigme, il interroge... Sanofi-Aventis ! Le responsable du programme "Impact malaria" de ce prestigieux laboratoire pharmaceutique français explique à quel point, avant les années 90, on ignorait tout de l'artémisinine. Ah bon ! Effectivement tout s'explique ! Et moi pauvre parano qui allait imaginer des blocages liés au poids de l'industrie pharmaceutique sur l'OMS dans l'évaluation et la diffusion de cette thérapeutique ! Quant aux nouveaux produits actuels, les ACT (une bithérapie contenant de l'artémisinine) qui s'imposent lentement et péniblement, une responsabilité évidente dans ce retard, c'est, pour le journaliste, celle des pays africains "La pingrerie des pays du Nord, les ratés du Fonds mondial et de l'OMS s'ajoutent aux ambiguïtés des laboratoires et à l'inertie et à la corruption des administrations africaines, ralentissant la diffusion des ACT [mon souligné]". Il est pénible de voir accoler de telles étiquettes péjoratives globalisantes à des pays extrêmement divers, souvent très pauvres, accablés de problèmes de santé publique, et dont la qualité de la réaction au terrible fléau du paludisme doit être très diversifiée. Sur certaines de ces affaires de corruption, lire ici.

Le bulletin Nutranews a publié récemment un excellent article sur l'artémisinine dont je conseille vivement la lecture. La pharmacologie de l'artémisinine et son action biochimique sur l'organisme humain remarquablement décrite dans l'article ouvre de passionnantes perspectives dans de nombreuses pathologies impliquant le métabolisme du fer et de l'hémoglobine, dont le cancer. De nombreux nutriments agissant sur la régulation du fer dans l'organisme, cela ouvre de nombreuses perspectives a une médecine nutritionnelle utilisant différents produits de façon synergique. Malheureusement cette médecine fait l'objet d'un refoulement très général de la plupart des institutions médicales.

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http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1105.htm#26_11_05

25 novembre 2005 :

Lettre d'information de http://qualitycounts.com (en anglais)

Il est important lorsque l'on s'intéresse aux suppléments nutritionnels de disposer de lettres d'information intéressantes. La Newsletter gratuite de Ben Hess est une de celle auxquelles je suis abonné. Je la reçois une fois par semaine dans ma messagerie (pas de spam ni de pub associées). Je suppose que Ben Hess se finance via les sites sponsors que l'on trouve sur ces pages. Ben Hess passe en revue des sites comme Doctor's Guide, Physician's Weekly, Medscape, etc. et donne les infos liées aux suppléments et à la nutrition. Il s'intéresse aussi aux études sur les grandes pathologies par des traitements pharmacologiques habituels. Beaucoup de ces sites ne sont pas spécialement des sympathisants de la supplémentation et traitent surtout de sujets médicaux classiques, mais ils commentent de temps en temps les études qui sortent sur la nutrition et la supplémentation ou proposent des guides de bonnes pratiques médicales, qu'il est intéressant de connaître. Ben Hess se contente d'un commentaire d'une ou deux lignes et renvoie au site en question. Certains des sites cibles nécessitent de s'inscrire (c'est gratuit) pour accéder à leur page (je vous conseille de faire mémoriser le login et le mot de passe par votre navigateur).

Par exemple dans la dernière mouture :

Des suppléments de vitamine D donnés à des résidents âgés de centres de soins non carencés en vitamine D réduit le risque de chute de 27 à 37% confirmant certaines études pécédentes (http://www.nutraingredients-usa.com).

L'ostéoarthrite corrélée à des taux faibles de sélénium (http://www.docguide.com).

Consensus américain sur les apports en vitamine D chez la femme de plus de 50 ans. 70% des femmes de 51-70 ans et près de 90% des femmes de plus de 70 n'ont pas des apports adéquats. De plus il faudrait relever les apports journaliers recommandés (http://www.docguide.com).

Nouvelle étude confirmant l'efficacité de la chondroitine et de la glucosamine dans l'ostéoarthrite dans les douleurs sévères à modérées avec une nette supériorité par rapport au groupe Celecoxib [anti-inflammatoire anti-COX-2] (http://www.docguide.com).

Chaque lettre contient de 15 à 20 liens. Une lecture régulière permet de suivre l'évolution de différents sujets qui reviennent régulièrement. Attention tout n'est pas à prendre au pied de la lettre et une culture de base médicale et dans le domaine de la nutrition et des suppléments est conseillée pour mettre en contexte l'information délivrée. La médecine académique est souvent en retard d'un âge mental sur le consensus des innovateurs et véhicule des préjugés extrèmement tenaces.

La dernière lettre montre par exemple un retour en grâce qui se confirme pour la vitamine D. Mais cette évolution positive doit beaucoup à la pression des médecins nutritionnistes qui défendent avec vigueur la supplémentation en vitamine D depuis plusieurs années. Le site du Dr Mercola se bat ainsi sur le sujet depuis longtemps et fournit des informations plus complètes, plus claires et plus pertinentes sur les dosages et la supplémentation en vitamine D que ce que rapporte la conférence de consensus évoquée ci-dessus.

L'étude sur la chondroitine et de la glucosamine est un coût de massue pour les anti-inflammatoires anti-COX-2 et dénoue une bonne part des interrogations qui subsistaient sur le sujet. Rappelons que ces nutriments sont dépourvus d'effets secondaires, ce qui n'est pas le cas, c'est le moins que l'on puisse dire, des anti-inflammatoires en particulier les cox-2. Par ailleurs, il existe de nombreux autres nutriments efficaces dans les pathologies osseuses qui peuvent être utilisés de façon synergiques.

Lorsqu'un nutriment vous intéresse vous pouvez utiliser la recherche de qualitycounts pour retrouver les articles publiées dans les newsletters précédentes sur le sujet.

Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1105.htm#25_11_05

24 novembre 2005 :

Blog de Goozner - réforme de l'évaluation des médicaments - incidences politiques

Les journalistes santé pointus existent... aux USA. Une amie vient de m'envoyer un lien vers le blog de Merril Goozner, journaliste et écrivain, auteur de "The $800 Million Pill - The Truth behind the Cost of New Drugs", une investigation sans concession sur le coût et la réalité des innovations dans l'industrie pharmaceutique. Hier (23/11) Goozner évoquait la lutte qui s'est enfin engagée ces dernières années pour tenter de moraliser les rapports entre les industriels et les journaux médicaux qui publient les études scientifiques. En juillet JAMA "a adopté de nouvelles règles de publication pour les auteurs qui rendent plus difficiles le contrôle par l'industrie de la recherche et de la publication. Les nouveaux éléments clés imposent au responsable de l'étude clinique de certifier l'exactitude des données de l'étude et la vérification de ce qu'il a eu accès à l'intégralité des données. Les règles établissent aussi une distinction entre la recherche purement académique et les études financées par l'industrie. Dans ce dernier cas, JAMA a ajouté l'obligation de faire certifier les données par quelqu'un qui ne soit pas employé par la compagnie sponsorisant l'étude.[ma traduction]"

Le représentant des industriels de la pharmacie s'est offusqué de ce manque de confiance mais la revue a donné des exemples accablants de résultats biaisés dans les recherches financées par l'industrie. Un des enjeux de l'affaire est le fait que le journal exige une contre-expertise statistique si les résultats fournis sont contrôlés par l'industrie.

Goozner conclut qu'il faudrait des transformations de fond car on ne peut se satisfaire de règles d'éthiques fluctuantes définies par tel ou tel journal (en ce qui nous concerne, nous avons abordé le problème des essais thérapeutiques dans une section importante d'une page de Gestion Santé). Il propose en conclusion la solution suivante : "le meilleur moyen d'éliminer les biais lors de l'interprétation des études cliniques est de mettre la conduite de ces études entre les mains d'une institution totalement indépendante, peut-être dans le cadre du National Institutes of Health. Le seul objet et l'éthique que suivrait cet institut serait de générer des résultats médicaux valides -- pas de générer des ventes pour un produit sponsorisé. Même si des taxes sur les ventes de médicaments pourraient financer un tel institut les compagnies n'auraient aucune influence sur la construction de l'étude, aucune influence sur la manière dont elle est conduite et aucun rôle dans l'interprétation des résultats. Ce n'est qu'à ce moment là que le public - et les régulateurs chargés de la protection du public - obtiendront de véritables évaluations scientifiques indépendantes des nouveaux médicaments, vaccins et appareils médicaux. (ma traduction)"

On voit que l'auteur va tout a fait dans le sens de la révolution (le mot n'est pas trop fort) que nous proposons sur Gestion Santé depuis 2001. Il est heureux qu'un journaliste de qualité évoque crûment ces questions. Le problème c'est que nous sommes confrontés à un système qui a une cohérence forte (le "complexe médico-industriel") qui s'est constitué et sans cesse renforcé depuis la 2e guerre mondiale avec encore moins de résistance que le complexe militaro-industriel. De ce point de vue, il y a un abîme entre la réforme des revues qui sont à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du système. A l'intérieur par le formatage idéologique des médecins et l'emprise croissante des entreprises sur les études mais aussi à l'extérieur parce que la survie du système nécessite de conserver les apparences de la scientificité et le verni des libertés académiques. Cette contradiction est à l'origine des tensions entre désir d'indépendance des revues et tendance au conformisme et à la sujétion. Par contre la définition des études (savoir qui les élabore) est au coeur du système de domination de l'industrie pharmaceutique sur notre santé depuis 50 ans avec les effroyables conséquences que nous pouvons constater.

Si on enlève la définition des études aux entreprises, on détruit un des éléments clés du système et cela risque de disloquer par propagation tout le système, à commencer par toute la chaîne de la recherche, actuellement complètement contrôlée par l'industrie et qui obéit à des préoccupations purement marketing, où l'innovation thérapeutique tend vers zéro et les objectifs de santé publique sont oubliés. On ne voit pas comment une institution qui définirait de façon indépendante les études ne serait pas rapidement amenée à peser fortement sur les principales orientations de la recherche par exemple en devenant un verrou majeur pour la mise sur le marché des produits faussement innovants. Cela pourrait aussi relancer les études sur les génériques, amener à revoir la distribution des produits sortant de la recherche publique qui font actuellement l'objet d'une prédation par le privé, etc. On entre dans une logique de reprise en main générale par l'Etat avec la définition de priorités de santé publique et ainsi de suite. Tout cela est éminemment souhaitable mais va à l'encontre de tout une série de tendances de fond du capitalisme international, le phénomène de l'européanisation et de mondialisation, la délégation forcenée de la santé publique aux intérêts du privé, etc. On voit que si on touche à un élément clé du système médico-industriel, c'est l'ensemble du système qui tend à se défaire et il faut alors penser un système complètement différent avec des milliards d'€ en jeu... Et réfléchir est une nécessité avant de modifier un élément clé de la structure de l'ensemble pour éviter les blocages et piloter intelligement le changement.

Mais pour faire vraiment avancer le dossier santé et médicament, il faudrait un effort commun des journalistes, de la société civile, des chercheurs en sciences humaines et en anthropologie médicale (dont l'absence et le silence complet sur ce débat de société fondamental est proprement ahurissant) et un relais politique significatif. Une des difficultés de cet effort à accomplir est que la mondialisation capitaliste instrumentalisée par les multinationales tend à éloigner les centres de décisions du niveau national où une réforme d'envergure serait la plus facile à mettre en oeuvre. Au niveau européen c'est la Commission Européenne qui depuis des décennies gère l'Europe au service des multinationales. Dans le domaine du médicament on peut consulter les travaux du Collectif Europe et Médicament qui a bataillé dur pour rééquilibrer les positions scandaleusement favorables aux multinationales de la Commission lors du vote de la directive sur le médicament en 2004. Mais toutes ces interventions fort utiles restent en fait cosmétiques car, entreprises dans l'urgence, elle ne permettent pas d'envisager les problèmes au fond. Il faut (re)faire de l'Europe une confédération (où chaque pays garde une identité forte) pour pouvoir impulser des réformes démocratiques depuis le niveau national vers le niveau international. A défaut dans le cadre actuel c'est l'ultralibéralisme qui est injecté de l'international vers le niveau national. Le niveau "fédéral" représenté par la Commission (mais pas seulement, je simplifie) est à ce point corrompu par le pouvoir de l'argent qu'il est exclu d'en attendre quoi que ce soit de positif à moyen terme sinon de la bureaucratie et du service clé en main pour les multinationales.

Pour une réforme de fond sur la politique du médicament il faudrait, en supposant que les français en soient les instigateurs, aller au clash 1) avec les multinationales et 2) avec les institutions européennes et certains de nos partenaires européens.

Tout cela est possible mais cela suppose 1) d'avoir un parti politique de gouvernement qui reprenne le projet 2) de bétonner le projet du point de vue médical - industriel - social - juridique par un travail interdisciplinaire sans précédent pour proposer une politique du médicament complètement rénovée et en même temps plus valide scientifiquement, plus fonctionnelle, plus économique, menée au service des patients et de la santé publique.

En attendant on peut impulser utilement certains changements ponctuels comme les règles fixées par JAMA. Les efforts de la revue et d'autres qui vont dans le même sens sont éminemments louables. Ils mériteraient un soutien sans faille des pouvoirs publics qui pourraient peser lourdement dans la balance puisque la plupart des études publiées sont faites par des chercheurs universitaires. Or l'indifférence des pouvoirs publics à cet égard est totale.

Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1105.htm#24_11_05

23 novembre 2005 :

Thierry Souccar, le BCG et l'affaire Lariboisière

J'ai déjà évoqué sur mon site Thierry Souccar un des très rare journaliste français à bien connaître la nutrition et la complémentation nutritionnelle. Ses livres sur le sujet restent des classiques qu'on trouve en format de poche, utiles et pas chers pour commencer à s'informer sérieusement sur la question. Son dernier livre "Santé, mensonges et propagande" s'est je crois très bien vendu avec un bon soutien média. Son dernier article est une mise au point refusée par le journal gratuit Métro qui portait sur le vaccin sur le BCG. Le rapport inefficacité - prix de cette vaccination est dantesque ! [Ajout de 2014 : le vaccin BCG était encore obligatoire à l'époque. L'obligation a été levée en 2007].

Il faut savoir que la France, outre les 800 millions d'euros qu'elle jette par la fenêtre pour le BCG est un pays qui applique les protocoles de l'OMS sur le suivi des tuberculeux de façon particulièrement peu conséquente. La stratégie DOTS (traitement de brève durée sous surveillance directe) suppose pour donner les meilleurs résultats un suivi socio-médical sérieux et bien coordonné des populations à risques par les pouvoirs publics. Rien à voir avec les dispositifs incroyablement éclatés et les moyens plus que modiques de suivi des populations à risque de tuberculose toujours en vigueur en France en 2005 et qui rappellent d'avantage un pays du tiers monde qu'un état moderne sensé avoir l'un des meilleurs systèmes de santé au monde. Redéployer dans le cadre d'un ambitieux programme de santé publique les crédits de la vaccination sur le suivi socio-médical permettrait certainement d'améliorer de façon spectaculaire les taux de contamination et d'apporter dans le même temps une amélioration générale du suivi social et sanitaire des populations concernées.

Récemment s'est produit une grave affaire de contamination à la maternité de l’hôpital Lariboisière de Paris par une aide-soignante atteinte de tuberculose. C'est une affaire qui n'a pas de rapport direct avec le BCG (les nourrissons ne sont pas encore vaccinés) si ce n'est par les erreurs graves d'appréciation auquel conduit le vaccin par le faux sentiment de sécurité qu'il procure notamment chez le personnel soignant. Il serait indispensable d'informer le personnel soignant et non soignant de l'APHP sur la très mauvaise efficacité de la vaccination reconnues par toutes les études. Lire par exemple cette étude officielle qui me semble encore excessivement optimiste. Un des problèmes que soulignent les études est que lorsque la vaccination est utilisée seule, elle n'est pas ou très peu efficace car les problèmes médico-sociaux sont déterminants dans la propagation de la tuberculose. C'est justement ce qui a amené l'OMS a renoncer à la vaccination au profit du protocole DOTS.

L'omerta qui règne sur cette affaire Lariboisière est assez stupéfiante. Après avoir lu l'info quelque part probablement en septembre - octobre, j'ai eu toutes les peines du monde à retrouver une reprise de dépèche d'agence pour cette affaire récente et toujours d'actualité pour la mettre en lien. Un détail intéressant ; l'aide-soignante concernée semble avoir été contagieuse pendant 5 mois. Ne toussait-elle pas ? Le fait que la protection des personnels de l'APHP ne repose que sur la radiographie est-elle satisfaisante ? Ne faudrait-il pas plutôt s'appuyer sur des tests sanguins qui semblent bien au point (d'autant qu'il y a de nombreux cas de tuberculoses non pulmonaire) ? Y a-t-il eu des études dans ce domaine sur le rapport efficacité - risque - coût entre radio et test sanguin ? Pourquoi un tel manque de suivi médiatique de cette affaire de santé quand même très importante puisqu'elle concerne les familles de 200 nourrissons et éventuellement tout l'entourage en cas de contamination ? Pourquoi l'APHP n'a-t-elle pas communiqué sur le suivi de cette grave affaire de santé publique ? Pourquoi la presse n'a-t-elle fait aucune enquête ?

Quand on pense que l'on a droit à des reprises de dépêches d'agence de presse dans tous les médias quasiment chaque fois qu'il y a un cas de méningite en France, on croit rêver ! Mais derrière la méningite il y a le lobby des vaccins qui pousse à la dramatisation alors que derrière la tuberculose il y a le même lobby qui pousse à l'inverse au silence, le vaccin antituberculeux étant surtout réputé pour son inefficacité ! Plutôt que de se poser des questions pénibles et d'y répondre honnètement on escamote le réel et au passage les 200 bébés et leurs familles. Je ne demande évidemment pas que les médias fassent du scandale, mais au moins qu'ils traitent normalement les sujets de société, et si possible pas avec la brosse à reluire ou en recopiant des communiqués de presse alambiqués, mais en donnant la parole aux familles et en posant des questions aux responsables sans agressivité mais aussi de façon directe et sans prendre de gants.

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http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1105.htm#23_11_05

22 novembre 2005 :

Biostim et retrait des immunostimulants

Les immunostimulants dont fait partie le biostim ont été retirés du marché (c'est fait depuis un mois au moment où j'écris). Dans un long document "L'expertise santé à la française : L'AFSSAPS déclare que 840 médicaments ont un service médical rendu insuffisant" j'avais donné, pour montrer la médiocrité du travail scientifique de l'agence du médicament, l'exemple du biostim et comment le SMR (service médical rendu) insuffisant de ce médicament avait été décerné sur la base d'un travail scientifique de l'agence du médicament (AFSSAPS) complètement indigent. C'est pourquoi certains internautes accèdent à ma page sur le sujet en tapant biostim. J'ai aussi vu qu'un extrait de mon site était cité sur un forum à ce sujet ce qui ne m'a ennuyé car mon avis sur ce produit a pas mal évolué.

Le 14/09/05 j'ai lu un article de Martine Perez sur le sujet dans Le Figaro en ligne, plutôt alarmiste, au vu des données de pharmacovigilance faisant état de réaction rares mais parfois graves de type autoimmunes. 

L'article ne m'a pas vraiment surpris. Lorsque j'avais écrit ma page je pensais plutôt du bien du Biostim et des immunostimulants bien qu'avec quelques hésitations. Mais par la suite, il y a déjà un bon moment de cela, j'en ai discuté avec un ami qui m'avait mis en garde contre ces produits. C'est une personne qui a un terrain à bronchites et à divers refroidissements et qui avait en plus un problème de maladie autoimmune. Or il m'a dit qu'il avait très mal réagi à ces produits et que d'ailleurs la notice mettait en garde contre l'utilisation du produit chez les personnes ayant un système immunitaire perturbé. Pour lui ces produits avaient les mêmes effets secondaires possibles que les vaccinations qui peuvent perturber le terrain immunitaire.

Le retrait du produit me semble donc complètement justifié et n'enlève de toute façon rien, à mon argumentaire sur les carences des évaluations des SMR par l'AFSSAPS pour ce produit et tant d'autres au moment où elles ont été réalisées.

Le 24 octobre 2005, le Quotidien du médecin a publié une interview du directeur de l'Afssaps, Jean Marimbert "Pourquoi les immunostimulants ont été retirés", qui est à l'origine de mon texte de ce jour. Jean Marimbert a succédé à Philippe Duneton sèchement limogé par le ministre de la santé de l'époque, Jean-François Mattei, début 2004, sans qu'on ait jamais trop su pourquoi. On sait juste que le profil de Jean Marimbert est plus administratif et qu'il n'est pas médecin comme son prédecesseur. Il est encore plus discret que Philippe Duneton, l'important étant apparemment qu'on entende aussi peu parler de l'AFSSAPS que possible.

Aparemment ça a un peu rué dans les brancards en fin de parcours sur le retrait des immunostimulants côté patients et médecins, même si comme d'habitude, les médias ont étouffé l'affaire. Néanmoins il y a eu l'article très alarmiste du Figaro et les médecins qui sont mis devant le fait accompli à la dernière minute, puisque toutes les décisions sont prises dans le plus grand secret...

Jean Marimbert s'est donc risqué a faire une prudente apparition dans la revue professionnelle des médecins pour rassurer et expliquer que tout va bien. Je ne ferai pas l'exégèse de la langue de bois en vigueur à l'AFSSAPS. On retiendra quand même la magistrale mise au point sur l'histoire des sciences médicales dont je propose ma version parodique inspirée des propos de l'interviewé :

- en réponse à l'impertinente question du journaliste : "Certains s'étonnent que ce problème survienne si tard, s'agissant de produits apparus dans les années 1970-1980" : et bien figurez-vous c'est tout simple, ces études ne sont pas récentes du tout comme l'imagine à tort le journaliste, les études en double aveugle et la pharmacovigilance ont été inventées en France à la fin du XXe S et non après la 2e guerre mondiale comme on le croyait jusqu'à présent. Avant les années 80, il faut comprendre que les entreprises pharmaceutiques remplissaient un simple formulaire en 3 exemplaires et on n'avait pas eu l'idée à cette époque reculée que les médicaments pouvaient avoir des effets secondaires alors, évidemment, on ne vérifiait pas s'ils pouvaient être dangereux puisqu'ils avaient été autorisés...

On apprend aussi au passage que les études de pharmacovigilance sont quasiment classées "secret défense" par l'AFSSAPS. Pensez donc quel risque pour la santé si des associations de patients non contrôlées par l'Etat pouvaient en prendre connaissance avant qu'on ait décidé de ce qu'il fallait en faire ! En plus pour l'étude sur les effets secondaires des immunostimulants il s'est passé des choses vraiment terribles et incroyables : une fuite d'un expert dans la presse. C'est dingue d'aller reprendre de tels confidences, alors qu'on passe un temps fou à écrire et relire 20 fois des communiqués de presse où chaque mot est pesé et qu'il suffit de recopier comme tout le monde, où va se nicher la malignité humaine je vous jure. Jean Marimbert traumatisé n'ose même pas citer Le Figaro, des amis politiques pourtant, à qui se fier ?

Bon reconnaissons que l'expert à quand même involontairement fait du bon boulot en soulignant les rapports super inquiétants de la pharmacovigilance, ça a pu prendre à contre pied les généralistes et les pédiatres qui faisaient de la résistance. Ouais d'accord tout est bien qui finit bien mais c'est quand même dangereux de laisser penser que des médicaments que l'on pensait anodins sont en fait beaucoup plus dangereux qu'on ne le pense. Et si les gens se mettaient à parler des anti-inflammatoires de dernière génération et des statines sur le même registre, où irait-on ? Ah là là dur métier que celui de directeur de l'AFSSAPS.

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http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1105.htm#22_11_05

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Créé le 22/11/05. Dernière modification le 30/11/05.