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Journal de bord de Jacques Valentin de Juillet 2006

 

Faute de temps pour écrire des pages bien structurées, je laisse souvent passer sans commenter ou citer une multitude d'excellents articles sur Internet ou dans des revues, ou sans évoquer des livres que j'ai lu et sur lesquels je souhaiterais attirer l'attention ou faire quelques commentaires utiles pour le lecteur. D'où cette nouvelle rubrique "Journal de bord" que je commence à la fin de novembre 2005. La santé ne sera pas le seul sujet traité ici, mes intérêts dépassant largement ce domaine. J'espère échapper aux platitudes que l'on retrouve parfois dans la blogosphère et apporter des informations intéressantes au lecteur de passage et sur un ton plaisant si possible.

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Juillet 2006 : - 30/07 - Une publication de Nature sur l'électrothérapie - Les distorsions dans le développement de la science - Conséquences dans la sphère médicale - Petite histoire de l'électrothérapie française (l'ionocinèse) - En guise de conclusion -25/07 - Décryptage : Rapport d'information du Sénat sur la politique du médicament (3ème partie) - 8/07 - 1) Fréquentation de Gestion Santé en Juin - 2) Création d'une page spécifique pour le rapport du Sénat sur la politique du médicament - 7/07 - Décryptage : Rapport d'information du Sénat sur la politique du médicament (2ème partie) -

30 juillet 2006 : Une publication de Nature sur l'électrothérapie - Les distorsions dans le développement de la science - Petite histoire de l'électrothérapie française (l'ionocinèse) - En guise de conclusion -

Une publication de Nature sur l'électrothérapie

Le 27 juin, je suis tombé par hasard sur un article du Gardian "Healing power of electricity raises hope of new treatments" [Le pouvoir curatif de l'électricité suscite des espoirs de nouveaux traitements].

L'article fait suite à une publication dans le prestigieux journal scientifique Nature de recherches menées par des chercheurs, dont Min Zhao et Colin McCaig portant sur les courants biologiques dans les blessures, leur fonction biologique dans la migration cellulaire et la possibilité de potentialiser ces phénomènes par électrothérapie pour accélérer notablement la cicatrisation ["Electrical signals control wound healing (...)"].

L'article du Gardian rappelle que les premières recherches dans ce domaine remontent en particulier à Emil du Bois-Reymond chercheur allemand d'origine française qui au milieu du XIXeS fut le premier à mesurer le courant biologique provoqué par une coupure qu'il s'était lui-même faite au bras.

Les chercheurs montrent que [mes traductions] "l'électricité circule depuis les bords d'une blessure aussitôt qu'une incision est faite. Le courant est provoqué par des ions sodium positivement chargés circulant à travers les tissus dans une direction donné et par un flux opposé d'ions Chlore négativement chargés, créant ensemble un voltage au travers de la lésion à peu près 15 fois plus faible que celui généré par une pile AA" [Note de G.S. : Rappelons que les courants biologiques sont des courants continus et non alternatifs. Dans le courant continu, les électrons et les ions (atomes ou molécules chargés positivement ou négativement) circulent toujours dans la même direction]

"Des tests complémentaires ont montré que les cellules épithéliales, les blocs de construction des tissus de la peau, sentaient et suivaient les courants électriques en direction de la blessure en utilisant deux structures moléculaires ou récepteurs. L'une mobilise les cellules pour les faire migrer dans la direction du champ électrique, alors que l'autre bloque tout signal qui menacerait d'envoyer dans une autre direction". Ce signal permet aux cellules de trouver la localisation du centre de la blessure. Le déplacement très lent des cellules et de 50 micromètres à l'heure soit 1mm / j. On peut améliorer le phénomène de 50% par un champ électrique ou des drogues comme les prostaglandines.

L'un des auteurs cité se dit très étonné de ce qu'on ait autant négligé ce secteur de la recherche dans le passé compte tenu des résultats thérapeutiques potentiels très importants qu'on peut en attendre. Cette remarque faite un peu en passant devrait en réalité nous amener à réfléchir aux problèmes scientifiques fondamentaux qu'elle pose implicitement.

Les distorsions dans le développement de la science

Sur Gestion Santé je répète régulièrement que le champ scientifique fait l'objet de phénoménales distorsions. C'est une idée qui me semble fondamentale et qui est étonnamment peu répandue parmi ceux qui se consacrent à la critique des systèmes de pouvoir en place dans notre culture et qui sur ce point ont le plus souvent une vision très naïve de la science et de son développement.

Dans l'idéologie scientifique qui modèle implicitement la quasi totalité du discours social commun sur la science, on convient au mieux que les applications de la science sont mal utilisées, que par exemple on dépense trop dans les applications militaires et pas assez pour la santé. Mais la science par elle-même n'est quasiment jamais mise en question comme si l'objectivité de la science en assurait naturellement la logique interne ainsi qu'un développement cohérent et homogène. Seul des formes diverses d'irrationalité forcément situées à l'extérieur de la science elle-même (la religion et la superstition par ex.) peuvent marginalement entraver ce développement homogène. Dans ce monde idéal les débats scientifiques, les nouvelles découvertes et la validation des nouvelles frontières de la science, se fait à la suite de discussions ouvertes, courtoises et cordiales arbitrées in fine dans les revues et les congrés scientifiques. Les idées les plus audacieuses véhiculées par le scientisme concoivent à la rigueur que certaines découvertes soient retardées lorsqu'elles proviennent d'esprit forcément trop originaux ou marginaux et oublieux des filières officielles de validation institutionnelle où lorsqu'elle rencontrent des institutions scientifiques parfois un peu trop rigide, mais c'est forcément pour la bonne cause et afin de ne pas laisser monter à bord du vaisseau scientifique le passager clandestin de la superstition et de l'occulte. Mais en fin de compte la science validera un peu plus tard la découverte ou celle-ci sera effectuée ailleurs, les scientifiques constituant une sorte d'armée universelle où le soldat tombé est aussitôt remplacé de sorte que par une sorte d'élasticité interne, la science retrouvera rapidement la forme cohérente et homogène qui préside à son développement naturel. Cette homogénéité signifie qu'une découverte sera normalement faite ou bien un champ du savoir exploré dès que son environnement scientifique le permettra (dès que les outils intellectuels et techniques seront disponibles).

Pourtant si l'on veut bien examiner la science comme un développement de la culture humaine, il faut bien se rendre compte qu'elle est monstrueusement difforme, avec des hypertrophies et des atrophies incroyables dont les conséquences sont le monde dévasté dans lequel nous vivons. S'il existe une élasticité de la vie, la science a depuis longtemps (la révolution galiléenne) rompue les amarres avec cette élasticité qui supposerait pour être également active dans la science, que la science qui provient de l'homme revienne se ressourcer en lui et nourrir les forces de la vie et de la culture centrée sur l'homme, en assurant un développement harmonieux d'une l'humanité en paix avec elle-même et s'inscrivant de façon écologiquement raisonnée dans son environnement naturel. Or c'est une science fondamentalement coupée du bien être social et humain et la Nature et de la vie qui s'est développée depuis le XVIIeS en relation avec la techno-science, la guerre, la montée du capitalisme et de l'impérialisme. Cette science est fondamentalement caractérisée par sa rigidité et sa déconnexion d'avec la vie. C'est la vie, la nature et l'humanité en pratique dévastées par la montée de la techno-science qui servent de système tampon de régulationau développement socio-économique capitaliste lorsqu'il doit établir sa connexion inévitable au réel. Le problème du développement anormal de la science réside donc dans le système de développement libéral capitaliste dans lequel nous vivons, mais tout autant dans sa relation circulaire indémêlable avec une science dont le développement est marqué intrinsèquement par la difformité et l'inhumanité, le fonctionnement déconnecté d'avec la culture et la vie.

Conséquences dans la sphère médicale

Mais revenons en à des illustrations plus prosaïques du phénomène dans le domaine médical qui nous intéresse. Ainsi à propos des suppléments nutritionnels j'écrivais dans un billet du 15/02/06 :

"C'est un véritable continent médical à conquérir où l'on peut envisager des interventions thérapeutiques des plus simples au plus sophistiquées mais où les trop rares incursions et découvertes (il y a quand même des milliers d'études qui sortent sur ces sujets tous les ans) ne sont quasi jamais systématisées et exploitées par la pratique médicale dominante. C'est d'autant plus incroyable que pour ce "continent médical" nous possédons depuis des décennies la technologie d'investigation nécessaire à son exploration et que le cadre théorique de la recherche - action dans ce domaine est formulé depuis longtemps. Par ailleurs cette approche figure parmi les approches les plus sures et la plus dépourvues d'effets secondaires disponibles en médecine."

La supplémentation nutritionnelle (et même la nutrition proprement dite - il suffit de voir ce que la société capitaliste avancée nous fait manger) est donc un exemple, dans le domaine des sciences médicales, d'atrophie majeure du développement scientifique. L'électrothérapie, nous allons y revenir en est un autre exemple.

J'entend par distorsion scientifique le fait que dans certains champs du savoir scientifique et pour des raisons politiques, économiques, idéologiques, etc. nous n'assistons pas à une accumulation raisonnée du savoir scientifique mais à des domaines qui restent à l'état embryonnaire alors que d'autres font l'objet d'un monstrueux hyper développement.

Cette rupture dans l'homogénéité du développement scientifique mérite une explication quant à ses mécanismes de contrôle et de régulation. Les secteurs atrophiés dans le domaine scientifique le sont souvent à la suite de phénomènes de refoulement qui peuvent atteindre une rare violence. Il ne s'agit pas d'atrophies spontanées mais de phénomène conflictuels qui s'inscrivent dans une dynamique. Les chercheurs les plus compétents, les plus intègres et les plus titrés peuvent y carboniser leur réputation. On pense par ex. au double prix nobel Linus Pauling lorsqu'il a eu le malheur de s'intéresser à la vitamine C et aux suppléments nutitionnels en thérapeutique (pour se tenir au courant des dernières recherches extrèmement prometteuses sur la vitamine C et les cellules cancéreuses).

C'est suite à ces phénomènes intiaux de refoulement dynamique que l'on constate un étiolement du secteur scientifique en cause qui fait croire que cette absence de développement est un phénomène spontané et normal. D'une façon générale le refoulement scientifique est activé dans les sciences biologiques et médicales lorsque celles-ci tentent de faire retour vers l'homme et l'humanité vivante avec son potentiel de santé à développer - plutôt que vers l'homme objet passif et malade. La fonction de déshumanisation de la science, très présente dans de nombreux domaines est dirigée contre l'humanité de l'homme et dans cette humanité elle vise spécifiquement la capacité de la vie à s'éprouver elle-même dans sa dignité. La culture véritable fait partie de cette capacité de la vie à s'éprouver elle-même.

Petite histoire de l'électrothérapie française (l'ionocinèse)

En ce qui concerne l'électrothérapie ce domaine s'appelait en France le plus souvent la galvanothérapie pour les applications correspondant à ce qui est décrit dans l'article de Nature. Mais il faut savoir que suite à la compréhension de la circulation de l'influx nerveux, on s'est quasi exclusivement concentré sur ce sujet et tout ce qui concerne les flux électriques biologiques non nerveux est passé à la trappe et a quasiment cessé d'exister pour la science académique. Pour ce qu'il en est dans la réalité biologique c'est évidemment tout autre chose.

Du fait de la difficulté à définir le niveau des courants standards optimum efficaces et sans effets nuisibles à appliquer en thérapeutique et en l'absence de systèmes de rétroaction permettant de délivrer un courant vraiment constant sur le système biologique traité, la galvanothérapie thérapeutique bien qu'assez largement utilisée entre la fin de XIXeS et la fin des années 1930 n'a jamais vraiment réussi à percer de façon décisive ni et à se standardiser dans la thérapeutique médicale. Cette thérapeutique souffrait aussi d'être à l'interface de diverses disciplines, la physique, la chimie, la biologie, la physiologie, la pharmacologie et la médecine. Elle supposait aussi de s'appuyer sur une anthropologie médicale cohérente de la circulation des courants électriques biologiques pour étayer la thérapeutique. Et enfin de fabriquer des appareils de traitement efficaces standardisés et d'un coût abordable. Tout cela a fait que la galvanothérapie thérapeutique a été utilisée avec des succès très divers par différents praticiens.

Il existe probablement d'innombrables travaux passionnants qui moisissent dans les bibliothèques médicales. Et pour chaque pays la situation doit être un cas d'espèce tout à fait spécifique. On sait par exemple que les russes se sont passionnés pour ces sujets de recherche parce qu'ils avaient de très bon physiciens et ingénieurs et qu'ils ont moins été marqués par le tout médicament qui a déferlé partout après la 2e guerre mondiale sous le contrôle de l'industrie pharmaceutique euro-américaine. En faisant une recherche sur Internet sur le sujet et en cherchant les références des ouvrages de Charles Laville (un théoricien français des années 1920-30 qui avit des vues intéressantes et originales sur ces questions et proposait une anthropologie médicale de "l'homme électrique"), je suis tombé sur "The Bakken - A Library and Museum of Electricity in Life" qui semble avoir une collection tout à fait exceptionnelle d'ouvrages sur cette question. Il n'ont malheureusement pas pour l'instant d'ouvrages numérisés téléchargeables.

En France, après la période générale de déclin progressif de la galvanothérapie thérapeutique qui aboutit à sa quasi disparition dans les années 50, on peut retracer l'itinéraire d'un groupe de praticiens et chercheurs de la région bordelaise qui se sont beaucoup intéressés au sujet et ont pu mettre sur le marché des appareils efficaces et normaliser une thérapeutique (l'ionocinèse de Jacques Janet) à la fin des années 50 début des années 60. Les puissances des appareils vont de 1 à 30 milliampères (les puissances les plus courantes sont de l'ordre de 5 à 10 milliampères).

Grâce à l'obligeance du Professeur Jacques BRETON inventeur des premiers appareils de galvanothérapie munis d'un dispositif de rétroaction (qui a mis gracieusement son livret de souvenirs en ligne) on peut se faire une idée assez précise de la problématique, autour de 1958, d'un groupe de chercheurs indépendants travaillant sur la mise au point d'appareils modernisés de galvanothérapie sur la base des connaissances scientifiques de l'époque en électronique (lire en particulier à partir de cette section). On peut compléter par la lecture du témoignage de Norbert Duffaut.

Jacques Breton est un physicien inventif et ouvert qui a mis ses connaissances en électronique en pratique pour créer les premiers appareils d'ionocinèse. L'enjeu était, d'utiliser l'électronique pour créer un système de feed-back assurant que le courant électrique fourni, dont on prédéfinit l'intensité, est toujours d'une intensité constante (asservissement du système). Le courant est délivré par des appliques (électrodes) de nature variables suivant les applications thérapeutiques souhaitées, avec, pour les plus courantes, une électrode plate sous forme d'applique de surface variable avec une couche de coton humidifiée appliquée sur la peau devant l'applique (il faut évidemment au moins deux appliques une pour le + et une pour le - ).

Avant l'invention de Jacques Breton, en l'absence de système de contrôle en feed-back, la quantité variable de liquide, la charge variable en ions de la solution utilisée, les variations de la résistivité des tissus humains (différente suivant les tissus, leur épaisseur et variant également pendant la séance), créaient des conditions complexes qui faisaient qu'il était très difficile de définir l'intensité du courant délivré, rendait problématique la montée en charge du courant jusqu'à l'intensité voulue, et créait des instabilités pendant la séance elle-même, qui font que sans système de rétroaction, l'usage de tels outils techniques est complexe et difficilement maîtrisable par le non spécialiste. Cela rendait l'utilisation de tels outils difficiles et aléatoire et entraînait des effets désagréables pendant la séance pour les patients. L'électronique puis plus récemment les micro-processeurs a donc totalement réglé ce type de difficulté.

On peut aussi, avec ce type d'appareil, utiliser des systèmes d'électrodes spécifiques réservées à l'usage médical. Janet lorsqu'il exerçait utilisait des électrodes spéciales insérables dans les orifices du corps humain pour la gastroentérologie ou d'autres applications. Il est aussi possible d'utiliser des appliques faisant circuler le courant dans des des bains d'yeux oculaires pour les applications en ophtalmologie. Les applications potentielles dans le domaine de l'ophtalmologie (en particulier compte tenu de la découverte récente de l'efficacité de divers nutriments sur les pathologies occulaires) sont d'ailleurs proprement sensationnelles. Mais de nos jours je ne pense pas que des ophtalmologues utilisent encore ce dispositif et soient de toute façon assez suicidaires, pardon téméraires, pour oser aller défendre cette thérapeutique, quelle que soit par ailleurs son intérêt et son efficacité, devant un Conseil de l'Ordre.

Dans le domaine de l'ophtalmologie des précurseurs comme le docteur Morizot, un ophtalmologue, avaient obtenu malgré des appareils moins perfectionnés et surtout sans système de rétroaction, et avec les solutions disponibles à l'époque, qu'il avait su adapter aux grandes pathologies occulaires, des résultats exceptionnels sur l'oeil, malgré la sensibilité des tissus de cet organe. Malgré la satisfaction de sa clientèle et la qualité des résultats obtenus, il n'a jamais réussi à intéresser le monde médical à ses découvertes. Les travaux de Morizot sont décrits dans certains ouvrages de Jacques Janet qui s'en est inspiré pour relancer la galvanothérapie. Morizot avait donc parfaitement compris la fonction de transporteur d'ions de l'ionocinèse et l'utilisation thérapeutique qui pouvait en être faite : transporter pratiquement à volonté une molécule donnée dans un tissu cible, une des applications majeures de l'ionocinèse.

L'autre application bien décrite dans le livret de Jacques BRETON consiste dans le transport des ions et des électrons dans les tissus qui montre une efficacité indépendamment de la solution utilisée. Elle est véritablement utilisable depuis que l'asservissement des appareils d'ionocinèse permet de délivrer des intensité électrique importantes et constantes en toute sécurité.

Cet effet spécifique très important est lié à la détoxification des tissus (élimination des déchets métaboliques), à l'accélération du transport des ions utiles dans les tissus, à la fluidification des liquides corporels (comme la lymphe), à l'effet antioxydant des électrons apportés, à l'augmentation de la respiration cellulaire, à l'effet de restauration du potentiel de membrane des cellules...

L'excellente revue trimestrielle Médecine Nouvelles avait présenté l'ionocinèse et toutes ses applications possibles dans plusieurs de ses anciens n°. C'est une revue trimestrielle qui donne à la fin de chaque numéro les anciens n° disponibles (j'ignore si elle existe encore). Les livres de Jacques Janet (gastro-entérologue bordelais aujourd'hui retraité) donnent aussi une idée précise de la méthode. Je conseille en particulier la lecture de "La médecine bio-dynamique" 1999, Roger Jollois. Ces livres sont disponibles sur le site de Bionat qui commercialise aussi des appareils d'ionocinèse (je n'ai pas de lien commercial avec cette société).

En guise de conclusion

La recherche évoquée dans Nature a beau être fort intéressante, elle va probablement retomber dans le puit sans fond des recherches qui effraient d'autant plus que leurs applications pratiques existent déjà de longue date, sont efficaces, sûres et peu coûteuses... et font l'objet d'une répression féroce de la part de l'establishment médical depuis des décennies pour empêcher leur diffusion dans le corps médical. Les chercheurs cités n'évoquent pas ces applications bien maîtrisées dans leur article ou leurs communiqués de presse. Soit ils ne les connaissent tout simplement pas, soit les évoquer est trop risqu" professionnellement. Dans ce genre d'affaire la prudence consiste à invoquer les mânes de Emil du Bois-Reymond dans les communiqués de presse. Ca fait chic et ça ne mange pas de pain...

Tout cela est bien désolant car les quelques échos des recherches menées par les chercheurs de Nature montrent déjà des résultants intéressants rendus possibles par les moyens modernes d'investigations. La aussi nous sommes en face d'un continent théorique et thérapeutique resté dans les limbes, bien plus encore d'ailleurs que pour les nutriments. Il est probable que ces recherches renvoyant trop directement aux théories biologiques liées au vitalisme sont très profondément anxiogènes pour les biologistes et les médecins. Les courants électriques vitaux, distincts de la circulation nerveuse, en faisant émerger des propriétés métacellulaires de nature électriques probablement fondamentales dans la régulation des processus vitaux des organismes pluriscellulaires évoquent probablement le frémissement de la vie biologique non réductible à son substrat matériel. Cette seule évocation est déjà pénible pour le système médical dominant. A cela s'ajoute qu'il sera difficile d'autoriser sélectivement l'entrée de l'électrothérapie en biologie tout en refermant la porte pour repousser des théories ou des applications comme la mémoire de l'eau, les signaux életromagnétiques intracellulaires et toutes sorte de théories plus inquiétantes les unes que les autres pour l'idéologie bio-médicale dominante.

Il est aussi frappant de noter qu'au refoulement massif par le corps médical à l'égard d'une électrothérapie respectueuse de l'autoorganisation biologique du vivant s'oppose une fascination profondément morbide pour l'une des formes les plus destructrices de l'utilisation de l'électricité avec les électrochocs, une pratique extraordinairement discutable, ayant donné lieu à de terribles abus à une période pourtant très proche dans le temps jusque dans les années 60. Mais tout cela est oublié et refoulé et ces traitements reviennent régulièrement sur le devant de la scène et il semble quasi impossible d'aboutir à leur interdiction totale malgré les terribles abus évoqués et un rapport bénéfice - risque qui, même dans le cadre prétendument plus raisonné de l'utilisation actuelle, semble indéfendable (lire par ex. " Les électrochocs : Etat des lieux par Khadija Benabdallah ".)

Ajoutons pour être complet qu'existe à côté de l'électrothérapie un vaste champ de thérapies par induction électromagnétique. Il s'agit dans ce cas d'agir directement sur le potentiel de membrane des cellules. En effet les pathologies cellulaires sont liées à des anomalies dans le potentiel de membrane des cellules. Il semble que le potentiel de membrane ait une influence profonde sur les échanges membranaires et l'expression du matériel génétique de la cellule. C'est le cas en particulier pour les cellules cancéreuses. Ces thérapies étaient également très développées au début du XXeS et donnaient semble-t-il d'excellents résultats. Elles ont mystérieusement disparues dans l'immédiat après 2e guerre mondiale. Il existe actuellement dans ce domaine, d'après ce que j'ai pu lire, toutes sortes de dispositifs thérapeutiques sans qu'une technique spécifique semble encore s'imposer dans ce domaine, comme c'est le cas avec l'ionocinèse en électrothérapie qui me semble constituer une norme d'efficacité et de sécurité.

Tout cela n'empêche pas d'imaginer des extensions à l'ionocinèse, par ex. il m'est arrivé de penser que via des dispositifs sophistiqués et éventuellement miniaturisés on pourrait envisager d'améliorer la réparation des sections de tissus nerveux ou le courant permettrait de guider la réparation tissulaire et d'activer localement des cocktails thérapeutiques de nutrition des fibres nerveuses. Bien sûr ce n'est qu'une spéculation et il conviendrait déjà de diffuser l'ionocinèse dans ses applications bien validées, ce qui constituerait déjà une révolution médicale majeure.

[billet mis à jour le 15/02/10]

Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_0706.htm#30_07_06

25 juillet 2006 : Décryptage : Rapport d'information du Sénat sur la politique du médicament (3e partie)

Nous avons créé une nouvelle page sur notre analyse du rapport du Sénat qui regroupe nos billets déjà publiés. Nous l'enrichissons à chaque nouveau billet traitant de ce sujet.

Un contrôle multiforme de l'information médicale

Le rapport du Sénat (nous étudions aujourd'hui cette section du rapport), aborde ensuite une partie titrée "L'indépendance de l'information et de l'expertise, gages de la qualité des produits et des prescriptions".

En effet, "le système de mise sur le marché et de suivi des médicaments souffre de sa trop grande dépendance à l'égard de l'industrie pharmaceutique. Cette dernière s'est, en effet, imposée comme le premier vecteur d'information des professionnels de santé, mais aussi au sein même des agences par les liens étroits qu'elle entretient avec les experts."

Le rapport aborde successivement différents vecteurs de diffusion de l'information avec d'abord la formation et l'information des médecins puisque ceux-ci "constituent les moyens d'action les plus efficaces contre les deux problèmes posés, notamment en France, par les prescriptions inadaptées : la surconsommation de médicaments et le risque d'accident, notamment du fait de trop fréquentes associations polymédicamenteuses."

La formation médicale initiale des médecins (FMI)

En ce qui concerne la formation médicale initiale (FMI) le rapport apporte des précisions intéressantes sur un point bien connu, à savoir que la FMI "ne laisse pas suffisamment de place aux questions thérapeutiques, qui apparaissent comme le parent pauvre de l'enseignement en faculté de médecine."

Le rapport précise ensuite que "L'enseignement de la pharmacologie a subi, en effet une diminution continue du nombre d'heures qui y sont consacrées dans la scolarité des étudiants en médecine : plus de cent cinquante dans les années 1940, moins de cent trente heures vingt ans plus tard, environ quatre-vingts heures aujourd'hui, soit le temps d'apprentissage le plus court d'Europe.
En outre, cet enseignement est dispensé trop tôt dans le cursus universitaire, à un moment où les étudiants n'ont pas encore été en contact avec des patients, ce qui le rend très théorique.
Par ailleurs, il passe sous silence des catégories entières de médicaments comme les sérums, les vaccins, les désinfectants, les antidotes et les antiparasitaires et seules trois heures de formation sont consacrées aux antibiotiques."

Suit un couplet sur l'inefficacité des certains produits très prescrits énumérés dans une liste particulièrement hétéroclite : "les vasodilatateurs, les immunostimulants, les fluidifiants bronchiques, les levures intestinales, les veinotoniques ou encore les anti-arthrosiques". Les sénateurs se réfèrent ici implicitement aux résultats de la réévaluation du Service médical rendu (SMR) des médicament (lire notre long article sur la question) qui s'est faite dans des conditions particulièrement opaques et scientifiquement douteuses avec notamment des surévaluations et des sous évaluations manifestes de certains produits. Malheureusement cet aspect de la question échappe totalement à l'analyse des sénateurs qui ignorent la question des médicaments surévalués et mettent sur le même plan des médicaments relativemet efficaces et sans danger pour des pathologies de gravité moyenne (les veinotoniques) et les anti-arthrosiques qui posent des problèmes majeurs de santé publique (affaire du Vioxx). Nous avons déjà traité ces points dans notre analyse de parties antérieures du rapport du Sénat. On pourra lire à ce sujet à partir de la section "La nouvelle Haute Autorité de santé et son rôle en matière d'évaluation" et les sections suivantes où nous soulignons la faiblesse de l'analyse sénatoriale sur les SMR que nous complétons avec des informations et éclairages utiles à la compréhension de ces problèmes.

Les sénateurs croient ensuite pouvoir souligner le point positif que "Des progrès ont toutefois été faits en matière de FMI des médecins généralistes avec l'intégration de médecins généralistes, enseignants à l'université. Leur expérience du terrain constitue un atout majeur pour former les étudiants à l'art de la prescription et à la relation médecin-malade. En revanche, la situation n'a pas évolué pour ce qui concerne la formation des médecins spécialistes."

La réalité de cet apport aurait mérité d'être explicité qualitativement et quantitativement et sa place dans le processus de formation précisée puisque ce point apparaît en contradiction avec l'effondrement de l'apprentissage de la pharmacologie précédemment évoqué par les sénateurs !

Le rapport note que "En outre, les étudiants sont soumis très tôt à l'influence des laboratoires tant dans le cadre de l'hôpital, via les fiches posologiques largement diffusées ou la présélection de médicaments par la pharmacie de l'établissement qui connaît souvent des pressions commerciales fortes, que par le rôle des professeurs d'université leaders d'opinion, qui influencent de facto les futurs choix thérapeutiques de leurs élèves."

Faisant probablement allusion au caractère doctrinal et dogmatique de l'enseignement médical et au déplorable formatage des esprits qu'il institue, le rapport note également que "Par ailleurs, la FMI ne s'attache pas suffisamment à donner aux étudiants une culture d'évaluation de leur propre formation, pourtant indispensable pour les sensibiliser aux enjeux de la FMC, et à leur apprendre à gérer la relation avec les patients." [La FMC est la Formation Médicale Continue].

Sur ce vaste sujet de l'aliénation que constituent les études médicales, on pourra lire par ex. le réquisitoire de Martin Winkler paru dans Le Monde Diplomatique "Médecins sous influences". Les sénateurs souhaiteraient que "à tout le moins, qu'une évaluation systématique des connaissances des étudiants en matière de médicament soit organisée à la fin de leur cursus."

Certes ! Mais encore faudrait-il commencer par former les étudiants avant de pouvoir les évaluer. Par ailleurs on en apprend finalement très peu sur les réformes à instituer en matière de FMI, ne serait-ce que dans le cadre étroit envisagé par les sénateurs, pour garantir tant aux étudiants qu'à leurs enseignants une information non biaisée en matière d'utilisation des médicaments disponibles.

Enfin notons que tout ce qui concerne la formation à la prévention, l'hygiène de vie, la nutrition et le développement du bien être moral et matériel des populations, les conditions environnementales, la sécurité et le bien être au travail, vecteurs décisifs du maintien d'un niveau élevé de santé dans la durée pour la population générale, est une problématique totalement ignorée par la FMI et que seules les conditions pathologiques déclarées font l'objet de l'enseignement médical, sans que cela inquiète le moins du monde les sénateurs.

La formation continue individuelle des médecins (FMC)

En ce qui concerne ensuite la formation continue individuelle (FMC) les sénateurs rappellent l'enjeu puisque "Les médecins doivent gérer un nombre considérable d'informations, puisque près de 3.000 médicaments différents sont aujourd'hui disponibles en pharmacie et que chaque médecin est amené à prescrire environ cinq cents produits à sa patientèle. Il est donc essentiel qu'ils soient régulièrement informés des évolutions thérapeutiques dans leur domaine d'activité."

Malgré de nouvelles obligations légales datant de 1996, "l'Igas évalue à un médecin libéral sur cinq seulement le taux de participation à des actions organisées par des organismes de formation, pour un total de 84.000 journées de formation en 2004." De plus, "Les données disponibles sur les pratiques des médecins en matière de formation sont, au demeurant, très lacunaires. Il serait pourtant utile de disposer d'informations plus précises pour mieux évaluer les besoins."

Les sénateurs dressent ensuite un tableau apocalyptique de la sujétion de la FMC aux intérêts privés puisque "L'absence quasi totale d'indépendance de la FMC est notamment visible en matière de financement, qui provient actuellement à 98 % de l'industrie pharmaceutique. De fait, le manque de moyens financiers des pouvoirs publics constitue un obstacle majeur à l'émergence d'une FMC indépendante et transparente.
La seule exception concerne les formations financées par l'assurance maladie, qui ne profitent qu'à 15.000 praticiens chaque année, soit une part mineure des 180.000 prescripteurs recensés."

Par ailleurs en ce qui concerne ces financements du privé, "Le détail de ces financements demeure opaque : ils se situeraient, selon le rapport précité de l'Igas, dans une fourchette de 300 à 600 millions d'euros." L'énormité de la fourchette fournie après investigation spécifique par un service spécialisé de l'Etat à la compétence reconnue tel que l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) en dit long sur la méconnaissance du secteur que les pouvoirs publics ont évidemment laissé s'installer de façon délibérée dans la durée. On ne s'étonnera donc pas d'apprendre que "Les actions de formation financées par les laboratoires sont toutefois mal connues, car il n'existe pas de contrôle systématique des organismes qui oeuvrent dans ce domaine (...)".

Par ailleurs l'affirmation du rapport selon laquelle 98% du financement de la FMC provient de l'industrie pharmaceutique est asséné sans le plus petit début d'explication ou de description du dispositif. Comment s'opère le lien entre l'industrie et les sociétés de formation qui forment les médecins ? Quel type de contrôle l'industrie exerce-t-elle sur le contenu de la formation ? C'st un mystère total ! Sans doute la lecture du rapport de mission de l'IGAS "Mission relative à l'organisation juridique, administrative et financière de la formation continue des professions médicales et paramédicales" que les sénateurs ont si parcimonieusement utilisé nous en apprendrait-t-il un peu plus. Je n'ai pour ma part pas encore eu encore le courage de me plonger dans les 116 pages correspondantes !

En tout cas on constate que les pouvoirs publics ont-ils rendus la FMC (semi) obligatoire il y a 10 ans sans se soucier un seul instant de l'indépendance de celle-ci !

Suit de la part des rapporteurs une pieuse référence au Collectif Formindep qui s'efforce de "promouvoir une formation médicale continue transparente et indépendante des intérêts économiques des laboratoires pharmaceutiques. Il rassemble des médecins - généralistes et spécialistes - et des patients."

Gageons que le Collectif malgré l'intérêt de son action ne croule pas sous les subventions publiques. Je conseille de consulter leur site qui évoque le rapport du Sénat examiné ici et les réactions des différents protagonistes concernés.

Le rapport décrit ensuite les dispositions légales et réglementaires qui, avec une lenteur extrême tentent d'encadrer le secteur de la FMC. Ainsi suite à une loi de 2002 "la création de trois conseil nationaux de la FMC (CNFMC) - pour les médecins libéraux, les salariés et les hospitaliers (...) Les conseils régionaux (CRFMC) compléteront ce dispositif avant la fin de l'année 2006.
Les conseils nationaux sont chargés de fixer les orientations et les thèmes prioritaires de formation, mais aussi d'agréer et de contrôler les organismes de formation en fonction d'un cahier des charges précis. L'objectif est d'améliorer la qualité et la transparence du système. Dès la publication du décret prévu, à la fin de l'année 2006 au plus tard, seuls les organismes agréés pourront ainsi proposer des actions de FMC donnant droit à des crédits de formation pour les médecins.
Les organismes agréés dans le cadre du nouveau système devront imposer à leurs intervenants de remplir une déclaration de liens d'intérêts, dont la forme sera prochainement publiée par arrêté. Le respect de cette obligation constituera un élément du cahier des charges auquel ces organismes seront soumis. (...) Il s'agit donc, non pas d'interdire à certains intervenants de participer à des actions de formation, mais de rendre le système plus transparent pour les médecins, qui seront plus facilement à même de juger de la qualité de l'enseignement."

Les sénateurs semblent espèrer que "Désormais, le financement de la FMC se rapproche davantage du mécénat institutionnel que de la promotion." On sent aussi transparaître en filigrane du rapport une certaine inquiétude sur le changement de stratégie marketing des firmes dans leurs stratégies de communication. Pour parler net nous poserons quant à nous franchement la question : ne va-t-on pas à terme vers un désengagement rapide de nos gentils mécènes s'ils perdent de façon trop évidente le contrôle de la FMC ?

Rassurons nous car nous n'en sommes pas encore là. En effet, on assiste à une course de lenteur du côté du gouvernement puisque seul le Décret n° 2003-1077 du 14 novembre 2003 est paru et que d'autres décrets clés relatifs à la réforme de la FMC ne sont toujours pas parus.

De plus pour les rapporteurs "La nouvelle organisation de la FMC, lorsqu'elle sera effective, ne règlera pas pour autant les difficultés posées par le système actuel. En effet, des conflits d'intérêts vont rapidement apparaître entre les instances d'agrément et les organismes de formation en raison de la représentation, dans les premières, des principaux organismes et des organisations syndicales qui ont investi le marché de la formation."

Pis, le ver semble déjà dans le fruit puisque "le barème proposé par les CNFMC pour respecter l'obligation de formation comporte des éléments qui constituent des supports directs de promotion de l'industrie pharmaceutique, notamment la participation à des études de phase IV et l'abonnement à des revues médicales dont l'indépendance n'est pas prouvée."

Autrement dit les CNFMC ont commencé à prendre des décisions outrageusement favorables à l'industrie pharmaceutique. Nous avons présenté ailleurs la nature des essais de phase IV. Ces études souvent accusées d'avoir une visée purement marketing et qui, de plus, donnent lieu à rémunération des médecins concernés semblent avoir un rapport assez lointain avec la formation, d'autant que le médecin agit dans ce cadre comme prestataire de service pour le fabricant du produit et ne fournit pas dans ce cadre de contribution scientifique ou intellectuelle notable correspondant à une formation effective. Pour la question de l'indépendance des revues dont les abonnements peuvent être pris en compte, on pourra lire cet article du Formindep.

Le rapport conclue sur cet aspect du problème en constatant que "la dépendance financière de la FMC aux laboratoires demeure quasi totale. Les prestations des organismes agréés risquent donc de prendre en compte, par un biais détourné, les intérêts de l'industrie.
Pour tenter de remédier à ces lacunes, l'Igas émet dans son rapport susmentionné sur la FMC, plusieurs propositions que la mission d'information approuve largement : imposer le recours à des rapporteurs indépendants dans la procédure d'agrément et renforcer la rigueur des critères du barème en sélectionnant strictement les publications médicales prises en compte et en excluant la participation aux études de phase IV.
Au total, la mission d'information souhaite la mise en oeuvre rapide d'un système de FMC plus transparent. Compte tenu de son coût et de la difficulté à trouver des enseignants absolument indépendants, elle estime en effet que l'exigence de transparence est le moyen le plus efficace pour garantir la qualité des formations. Elle rappelle enfin que l'indépendance est également permise par la multiplicité des acteurs, et ne souhaite pas que l'Etat, l'assurance maladie ou l'industrie soient seuls maîtres de la FMC."

La visite médicale : bras armé des laboratoires

Les rapporteurs (nous reprenons pour cette section le titre du rapport) font un état critique plutôt réaliste de la visite médicale. "La visite médicale constitue le premier moyen de promotion des médicaments pour l'industrie pharmaceutique, qui y consacre en moyenne 80 % de ses dépenses de marketing, soit l'équivalent de 8.500 euros par médecin. L'objectif de cette démarche est de « diffuser une information sur les produits pour inciter les médecins à les prescrire » [Audition de Bernard Lemoine, vice-président délégué du Leem, p. 238.]."

La France est dans la moyenne européenne "On compte environ 24.000 délégués médicaux, ce qui place la France dans la moyenne européenne pour le rapport entre le nombre de visiteurs médicaux et le nombre de praticiens."

En France la visite a une grande efficacité en matière de prescription et "On évalue ainsi à 30 % l'augmentation du chiffre d'affaires sur un produit dont la promotion ciblée a été assurée auprès des médecins, soit un volume de produit élevé quand on rappelle que, selon une récente étude de la Cnam, 90 % des consultations donnent lieu à prescription de médicaments en France, contre seulement 40 % aux Pays-Bas."

Suit la description de divers abus de la visitel médicale qui font que, seule bonne nouvelle de ce passage, "près d'un tiers des médecins refusent de recevoir les délégués médicaux."

La revue Prescrire est évoquée à propos des dérapages de la visite médicale, la revue faisant très régulièrement le point sur cette question. Pour compléter son information sur le sujet, le lecteur pourra consulter : "15 ans d'observation et un constat : rien à attendre de la visite médicale pour mieux soigner". Cet article comporte un intéressant historique des réformes dans le domaine de la visite médicale qui n'incite pas à l'optimisme quant aux résultats à attendre de la dernière en date, la charte de la visite médicale que nous allons maintenant évoquer.

Une drôle de charte (de la visite médicale)

Les sénateurs rappellent la nouvelle charte mise en place fin 2004 qui est sensée mieux encadrer la visite médicale (la charte est disponible en annexe du rapport)

La revue Prescrire a, dans l'article précité (p. 5/7), décrit d'une façon, qui nous semble beaucoup plus pertinente et incisive que le commentaire trop lénifiant qu'on peut lire dans le rapport du Sénat, cette curieuse charte :

"Il ne s'agit donc pas d'un code industriel de bonne conduite, mais d'un texte officiel dont l'application relève à la fois de la Haute autorité de santé et d'un comité de suivi associant le CEPS, le LEEM et des syndicats de médecins, avec comme principal outil une "certification des firmes" sur la base d'un "référentiel".
Ainsi les pouvoirs publics français ont considéré qu'en associant, dans un même montage, des autorités chargées de la santé publique et de la protection sociale, des autorités chargées de la négociation des prix, des firmes qui vendent des médicaments et des praticiens qui les prescrivent, ils allaient pouvoir "renforcer le rôle de la visite médicale dans le bon usage du médicament et de la qualité de l'information" [G.S. : Prescrire référence en note le communiqué ministériel accompagnant la signature de la Charte]. Mieux encore, la Haute autorité de santé a annoncé qu'elle envisage de faire diffuser ses recommandations sanitaires par les visiteurs médicaux, un mélange des genres inouï qui a soulevé diverses réactions, de praticiens et de responsables politiques". [G.S. : Prescrire référence en note pour ces "réactions" le Formindep mai 2005 et juin 2005, Prescrire et le sénateur Guy Fischer]

Il est a noté que cette confusion des rôles du public et du privé, conséquence de l'entrisme croissant de l'industrie pharmaceutique dans la sphère politique, menace dans d'autres domaines liés de la politique du médicament. On pourra lire dans notre billet du 9/05/06 - le point 5) dudit billet avec nos remarques sur le projet de transposition par ordonnance en droit français de la Directive européenne 2004/27/CE sur le médicament qui prévoit par exemple des programmes d'observance de la prescription... largement confiés à l'industrie pharmaceutique !

La conclusion des sénateurs sur cette question de la visite médicale est néanmoins intéressante "La mission d'information regrette toutefois que la charte ne vise pas la visite à l'hôpital (12 % des visites), alors qu'il s'agit d'un élément majeur dans l'acquisition d'habitudes de consommation d'un produit et que les prescriptions qui y sont faites ne sont pas exemptes d'abus. Elle constate, par ailleurs, que, parallèlement à la « moralisation » de la visite médicale, les laboratoires développent de nombreux autres outils de promotion, qui utilisent notamment le relais des associations de patients et ne font pas l'objet d'un contrôle strict des autorités sanitaires.
Il serait donc souhaitable de développer, aux côtés des visites médicales commerciales, un réseau de correspondants indépendants financé par l'assurance maladie, dont l'information se limiterait aux innovations thérapeutiques. En effet, la visite à domicile, si elle est de qualité, reste le principal moyen d'information direct et régulier du corps médical."

Ce billet étant déjà fort long et le texte du rapport du Sénat très dense, nous examinerons la suite du rapport et notamment ce que les sénateurs appellent "Une presse médicale sous influence" dans un prochain billet...

Les billets sur le rapport du Sénat ont été regroupés sur une page unique pour mettre un lien vers la page :

http://gestionsante.free.fr/rapportsenat.htm

8 juillet 2006 : 1) Fréquentation de Gestion Santé en Juin - 2) Création d'une page spécifique pour le rapport du Sénat sur la politique du médicament

1) Fréquentation de Gestion Santé en Juin

Suite probable de notre interview par Nutranews en juin (cf. billet du 5/06), un magazine de référence spécialisé dans la supplémentation nutritionnelle, nous avons eu un flux d'accès au site exceptionnel avec 11 212 pages vues en juin. A comparer à 6 600 pages en mai. Cela confirme que nous avons un déficit certain de notoriété du côté de sites leaders d'opinion qui pourraient nous mettre en lien et nous apporter des visites. A voir ce que nous pourrons faire à ce sujet dans l'avenir. Notons aussi que, avec le démarrage du mois de juillet, nous sommes revenus à des taux de connexions beaucoup plus modestes. Mais les deux mois d'été sont traditionnellement très calmes en ce qui concerne la fréquentation. Il sera donc intéressant de comparer avec les années précentes. Nous remercions vivement les visiteurs nouveaux ou anciens et espérons que le site correpond à leurs attentes.

2) Création d'une page spécifique pour le rapport du Sénat sur la politique du médicament

Compte tenu de ce qu'ils traitent du même sujet nous avons créé une nouvelle page sur le rapport du Sénat portant sur la politique du médicament et regroupant nos billets du 28 juin 2006 et du 7 juillet 2006. Comme nous n'avons pas fini d'analyser ce rapport très dense des suites sont prévues. Nous avons revu légèrement la mise en page et inséré un entête pour situer notre analyse par rapport à la conception de la santé défendue par Gestion Santé. Pour aller à cette nouvelle page cliquer sur "Analyse du rapport du Sénat sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments".

Bonne vacances à tous ceux qui ont la chance de partir dans les prochains jours.

7 juillet 2006 : Décryptage : Rapport d'information du Sénat sur la politique du médicament (2e partie)

Cher lecteur : Par souci de lisibilité nous avons intertitré notre texte avec des sections annoncées par un titre en gras. Ces séparations reflètent les points important qu'il nous a semblé utile de distinguer au fil de notre lecture du rapport du Sénat. Fruit de notre propre réflexion ils ne sont donc en rien le reflet de la structure du rapport du Sénat voulue par ses rédacteurs, même si nous en faisons en lecture suivie et relativement complète d'où certaines correspondances. Merci d'en tenir compte lors de votre lecture et de vous référer en cas de besoin au rapport in extenso sur le site du Sénat dont nous ne faisons ici que des citations partielles lorsqu'elles nous paraissent pouvoir illustrer notre propos.

Un système à améliorer compte tenu des carences constatées dans le passé

Le rapport (nous étudions aujourd'hui cette section du rapport, le 28/06 c'était celle-là) constate que malgré sa complexité le système français de mise sur le marché des médicaments qui a beaucoup évolué depuis 15 ans correspond à une logique fonctionnelle et doit être préservé, "Il semble toutefois que des marges existent pour améliorer la lisibilité et la transparence du système". Point de vue que nous partageons...

Suit la description (vraiment très sélective et allusive) de diverses carences repérées par divers intervenants officiels en 2002 et 2003 (note 9 et note 10) et dont il est difficile de dire dans quelle mesure elles sont toujours d'actualité suite aux corrections éventuelles apportées et à la création récente de la HAS.

Pour être plus concret sur cette question on peut consulter le livre "Santé, mensonges et propagande" (Seuil, 2004), où Thierry Souccar et Isabelle Robard (lire p. 286), se sont entre autre intéressés à la situation de l'Afssaps à peu près à la même période. Les auteurs ont par exemple tenté en vain d'obtenir le réglement intérieur des différentes commissions de l'agence, réglements censés être en application pour la plupart d'entre eux depuis 2001 selon le rapport d'activité diffusé par l'Afssaps. L'agence existe depuis 1998 et a repris l'essentiel des activités de l'agence du médicament créée en 1993 ce qui donne une idée du retard ou plutôt des extraordinaires résistances à l'égard de toute transparence (le rapport du Sénat évoque d'ailleurs à un endroit une "profonde habitude du secret"). Après de nombreuses démarches infructueuses les auteurs ont appris que trois commissions (sur 14 commissions) avaient approuvé un réglement intérieur, mais que ceux-ci étaient en cours de modification, sans que l'on sache trop s'ils étaient effectivement en application ou pas. En tout cas ils n'étaient pas communicables... D'ailleurs la cellule de veille déontologique qui semblait assurer le suivi de ces questions devait être supprimée sous peu ...

Ces règlements sont très importants car ils formalisent le cadre juridico-administratif garantissant la pérénité des modes de fonctionnement de l'agence, l'équité, la légalité et la transparence des procédures d'instruction de ses décisions vis à vis des différents acteurs concernés par le fonctionnement de l'agence. Leur mise en place est donc fondamentale. Une autre section de l'ouvrage des mêmes auteurs traite d'ailleurs (p. 168 à 182), de la façon indigne dont l'Afssaps par toute sorte d'arguties s'efforce de bloquer depuis plusieurs années l'intégration dans la pharmacopée française des plantes des territoires d'outre-mer (discrimination qui est largement une conséquence de la période esclavagiste puis coloniale). L'absence de procédures écrites connues par les parties sur les modalités de travail de l'Afssaps semble être utilisée à plein par l'Afssaps pour écarter les géneurs (pardon, les demandeurs) confrontés à toute sorte de demandes incohérentes et variables dans le temps de la part de l'agence sans que leurs demandes soient véritablement instruites ni traitées de façon suivie par rapport à une procédure écrite dont les demandeurs auraient pu exiger le suivi par l'agence. D'ailleurs la politique de l'agence semble être d'utiliser tous les prétextes possibles pour réduire le nombre de plantes inscrites à la pharmacopée (la mise à jour 2005 a ainsi vu disparaître une centaine de plantes !) et quasi aucune introduction. L'exemple de la phythothérapie illustre comment l'absence de règlement intérieur et de transparence en général et la technicité de dossiers très peu médiatisés permet à l'agence de mener une politique "maison" dont les implications pour le consommateur et la santé publique sont considérables, sans que puisse se manifester aucun contre-pouvoir. Bien entendu cette politique reçoit un soutien au moins implicite du ministère de la santé sans lequel elle ne pourraît être mise en oeuvre.

Dider Tabuteau, créateur et premier directeur général de l'Agence du médicament a répondu aux auteurs (p. 315) sur la question des réglements intérieurs et pense que plus que d'une carence d'organisation des commissions, l'absence de ces règlements trahit une carence d'une nature différente : "La façon dont on convoque les gens, comment on organise les débats, ces règles là doivent être fixées dans les textes (...) mais pas dans les règlements intérieurs. Il faut que les textes réglementaires soient éventuellement plus précis sur, notamment, la procédure contradictoire et la façon dont on peut obtenir les informations qui résultent des commissions, cela relève des décrets, c'est très clair." On a donc des carences organisationnelles importantes et celles-ci résultent probablement au moins pour partie des carences réglementaires sur les obligations de l'agence en matière de transparence et de procédures d'instruction. Nous verrons si le rapport sénatorial pourra nous éclairer sur ces points (Lire ci-après la section "La transparence des processus de décisions au sein des agences").

Des relations problématiques entre Afssaps et HAS

En ce qui concerne les relations entre la HAS et l'Afssaps (sauf remarque contraire, tous les grassés des citations sont dans le texte d'origine - Les notes de bas de page ont été insérées entre crochet dans le texte) "L'architecture désormais en place nécessite la mise en oeuvre d'une coordination étroite entre la HAS et l'Afssaps, puisque les travaux de la commission de la transparence s'appuient, en partie, sur les données contenues dans les dossiers déposés par les laboratoires pharmaceutiques au moment de la demande d'AMM.

Cette coordination est assurée par des réunions régulières entre les secrétariats de ces instances. Ces échanges à caractère opérationnel ont été mis en place depuis le deuxième trimestre 2005 ; ils sont l'occasion de passer en revue les dossiers inscrits à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la commission de transparence.

Des clarifications et des synergies doivent encore être recherchées dans le domaine des recommandations de bonnes pratiques que peuvent émettre ces deux institutions.

La mission s'est interrogée sur la pertinence de cette organisation et surtout sur les résultats obtenus en bout de chaîne, c'est-à-dire la mise à disposition des patients de produits de santé sûrs et dotés d'un intérêt au regard des exigences de la santé publique."

Nous verrons dans la suite si une réponse a été donnée à ces interrogations des sénateurs sur l'efficacité des mesures prises en matière de coordination entre l'HAS et L'Afssaps. Quid au passage de l'EMEA, l'agence européenne devant étudier de plus en plus de nouveaux médicaments à la place de l'Afssaps ? En tout cas la faiblesse chronique, et généralement reconnue par la plupart des spécialistes, des contrôles effectués par l'Afssaps sur les dossiers fournis par les industriels risque d'être problématique. L'Afssaps et l'EMEA risquent de constituer, en tant que point d'entrée et interlocuteurs uniques des industriels pour les dossiers de mise sur le marché initiaux des médicaments, de par les lacunes de leurs investigations, analyses et contrôles de tous ordres réalisées sur les dossiers, un écran redoutable pour le travail et les évaluations de l'HAS qui, pour sa part, doit évaluer des SMR et des ASMR et a donc des besoins très différents en matière d'information pour forger son opinion. Pour se convaincre de ces lacunes on pourra lire dans quelles conditions de légèreté s'est fait l'arbitrage de l'EMEA pour l'extension de l'AMM du Prozac pour les enfants, alors que l'EMEA est réputée plus rigoureuse dans ses avis que l'AFSSAPS et que le sujet était sensible compte tenu de la procédure qui était en cause (lire notre billet du 15 juin).

Les relations entre Afssaps et EMEA mériteraient donc d'être clarifiées par des textes réglementaires ad hoc. Par ailleurs il faut aussi noter que le flux constant de nouveaux médicaments d'un intérêt thérapeutique discutable nuit considérablement au travail d'approfondissement des agences sur les médicaments les plus importants.

Le problème de la crédibilité de l'évaluation des médicaments

Le rapport note à ce propos et dans un des meilleurs passages que nous ayons pu lire jusqu'à présent qu' "En effet, les critères de jugement utilisés par les commissions d'AMM et de la transparence reposent sur la notion d'absence d'infériorité. Le recours à de telles grilles d'évaluation, s'il ne remet pas en cause les éléments fondamentaux de la sécurité sanitaire, conduit néanmoins à s'interroger sur le rôle de filtre des différentes instances, sachant que notre pays se singularise par une prise en charge collective très importante.

La question posée est double. Elle porte, d'une part, sur la pertinence des critères employés pour juger de la sécurité et de l'efficacité d'un médicament, d'autre part, sur les situations qui peuvent conduire à la non prise en charge d'un médicament auquel une AMM a été délivrée.

En effet, sans remettre en question la qualité des travaux menés par chacune des instances concernées, il faut reconnaître [Cf. auditions de Gilles Bouvenot p. 222 et de Jean Marimbert, p. 252.] que les critères retenus pour l'évaluation d'un médicament relèvent plutôt d'une appréciation par défaut plutôt que d'une évaluation de son apport novateur. Le recours à ce critère de non infériorité facilite le parcours du médicament tant au niveau de la commission d'AMM, qui juge de sa sécurité thérapeutique par rapport à une balance bénéfice-risque, qu'au niveau de la commission de la transparence, qui évalue le service médical et l'amélioration du service médical rendu par les produits de santé. Ce parcours donne l'impression que le doute profite au médicament plutôt qu'aux patients. Les obstacles sont ainsi franchis les uns après les autres, ce qui se traduit par une situation de quasi-automaticité entre l'AMM et la prise en charge collective du produit de santé.

Dans son rapport 2004 [ La sécurité sociale, Cour des comptes, septembre 2004.] , la Cour des comptes abondait dans ce sens en soulignant que «  ni la commission de la transparence recentrée sur sa mission d'expertise médicale, ni le CEPS dont la mission est de réguler les prix, n'assument actuellement la mission transversale d'analyse médico-économique de ce secteur qui consiste à évaluer le ratio coût/efficacité des médicaments candidats au remboursement  ». "

On voit que si la HAS veut redresser la situation elle aura fort à faire. Lorsque la Commission de la transparence exerçait son activité au sein de l'Afssaps, il semble qu'il existait une tendance à la surestimation de certains SMR et des ASMR pour les "nouveautés thérapeutiques" très soutenues par les multinationales. Cette évaluation liait ensuite largement le CEPS pour les négociations de prix et le privait en pratique de toute marge de manoeuvre. Ces mauvaises habitudes seront très difficiles à réformer en l'absence d'une volonté politique clairement exprimée de soutenir l'expertise scientifique de l'HAS si elle rend des évaluations qui ne conviennent pas aux industriels, volonté politique qui, il faut le dire, fait absolument défaut pour l'instant.

Les sénateurs commencent donc à se poser les bonnes questions sur l'évaluation des médicaments et ils se demandent si "La vraie question n'est-elle pas de savoir s'ils sont les plus efficaces et les mieux adaptés à la pathologie à traiter, au profit du patient et à leur interférence avec les autres prescriptions. S'il n'est pas question de restreindre l'accès aux médicaments et si l'hypothèse suivant laquelle des produits d'une même classe thérapeutique ne produisent pas les mêmes effets en fonction des patients doit être pris en compte, l'accroissement régulier des cas de iatrogénie médicamenteuse doit inciter les pouvoirs publics à développer une réflexion sur l'utilité des produits de santé au regard de la santé publique."

On trouve enfin la mise en perspective en terme de santé publique qui manquait tant à l'avant-propos du rapport (cf. notre billet du 28/06).

Les obstacles à une évaluation comparative des médicaments avant AMM

Mais quels outils utiliser pour se faire une idée fondée scientifiquement de l'utilité du nouveau médicament ? Cela pourrait passer par "une meilleure exploitation d'essais comparatifs contre médicaments réalisés soit par le laboratoire pharmaceutique dans le cadre des essais cliniques précédant la demande d'AMM, soit sous l'autorité des agences sanitaires après la délivrance des AMM.

Ces essais consistent à comparer l'efficacité thérapeutique d'un nouveau médicament en cours de mise au point à un produit similaire déjà disponible pour les patients. Ils se distinguent de ceux effectués par rapport à un produit placebo. Bien entendu, le recours à de tels essais n'est pas possible dans la totalité des cas, notamment lors du développement d'une nouvelle molécule ou d'un traitement destiné à la prise en charge d'une maladie orpheline."

Les rapporteurs ajoutent "Toutefois, plus qu'une utilisation quasi systématique des essais comparatifs dont la réglementation est régie au niveau européen (...)". Prenons le temps de décoder ces propos allusifs se rapportant aux contraintes de la législation européenne. Les rapporteurs indiquent en effet que l'évaluation comparative en amont des médicaments entre eux serait difficile du fait de la législation européenne. Il faut, pour comprendre ce passage, savoir qu'il y a eu deux grandes batailles perdues aux USA en 2003 d'abord puis au Parlement Européen en 2004 ensuite qui visaient à mettre en place ce dispositif d'évaluation comparative préalable à l'AMM. En ce qui concerne l'UE comme l'explique le CEM (Collectif Europe et Médicament), "les grandes firmes pharmaceutiques, soutenues par la Direction générale Entreprises de la Commission européenne, ont empêché la prise en compte de la "valeur thérapeutique ajoutée" lors de l'autorisation des nouveaux médicaments". Ajoutons qu'une des deux rapportrices du rapport du Sénat que nous commentons est l'UMP Marie-Thérèse HERMANGE, qui est justement députée européenne et n'est pas particulièrement connue pour l'énergie avec laquelle elle défend la santé publique, c'est le moins qu'on puisse dire ! Lire "Votre député européen agit-il pour la santé et l’environnement ?". L'autre rapportrice Anne-Marie PAYET, sénatrice de la Réunion, a un profil nettement moins conventionnel mais n'a probablement pas encore une connaissance approfondie du secteur de la santé et en particulier du médicament qui nous intéresse ici.

Dans les débats sur la législation internationale des médicaments que nous évoquons, il s'agissait de la possibilité dans l'UE comme aux USA d'introduire des essais comparatifs systématiques chaque fois que c'était possible pour évaluer un nouveau médicament. En pratique les entreprises auraient perdu le contrôle de la définition des essais. Elles auraient du probablement les faire évaluer préalablement par une agence spécialisée qui en fonction de l'objectif thérapeutique visé aurait validé les essais en ce qui concerne les populations cibles et le meilleur traitement de référence pour faire une évaluation comparative de qualité. Au contraire actuellement les entreprises passent devant les CCPPRB qui effectuent un contrôle minimaliste des essais (lire cette section d'un de nos articles). Bien entendu la création des CCPPRB a été présentée par les hommes politiques et les médias comme une immense avancée dans le domaine de l'éthique de la santé, ce qui est une aimable plaisanterie.

Ajoutons que ces projets de construction d'essais comparatifs des médicaments n'on rien d'une utopie fumeuse et ne tombent pas du ciel, ils définissent des principes soigneusement réfléchis conciliant aussi harmonieusement que possible, au vu des connaissances scientifiques disponibles, le progrès raisonné des sciences médicales avec le respect de la personne humaine. Ces normes sont d'ailleurs déjà formalisées dans la déclaration d'Helsinki de l'association médicale mondiale, dans sa charte des "Principes éthiques applicables aux recherches médicales sur des sujets humains" (article 29). Cette charte définit des droits humains, qui n'ont rien d'utopique, et que s'honorerait de respecter une société civilisée pour lequel le développement des droits humains serait un objectif politique clairement défini qui doit s'imposer aux acteurs économiques et à la techno-science. Est-il besoin de préciser que nous sommes très loin du compte ?

En tout cas, un gigantesque lobbying des entreprises a permis d'empêcher ce projet de contrôle pré-AMM d'aboutir tant aux USA qu'en Europe. Dans le même temps comme souvent dans ce genre d'affaire une omerta quasi complète des médias dominants a empêché que le public soit informé des enjeux de santé publique majeurs de ces dossiers. Illustration magistrale d'une pseudo démocratie où les citoyens ne sont même plus en mesure d'appréhender les enjeux des sujets de société qui vont avoir une influence considérable sur leur vie quotidienne.

Les obstacles à une évaluation comparative des médicaments après AMM

A défaut de pouvoir mettre en place la solution d'une évaluation comparative préalable à l'AMM le rapport suggère que "le recours à des études sur les stratégies thérapeutiques disponibles pour une même pathologie pourrait être favorisé par la commission de la transparence et, donc sans nuire à l'AMM du médicament, peser sur son prix et les conditions de sa prise en charge collective."

Il s'agirait donc ici d'études probablement sur fonds publics et fort coûteuses menées après la délivrance des AMM. Il faudrait là aussi une volonté forte pour les promouvoir. Ce type d'étude sont très peu populaires, en France notamment, car elles ont une facheuse tendance à mettre en évidence les graves erreurs de santé publique faites en amont et qui viennent précisément de ce qu'on a renoncé à faire une étude comparative pré-AMM des médicaments pour ne pas déplaire aux multinationales concernées. En France c'est de toute façon toujours sur ce genre de projets d'étude que l'on aime faire des économies. Par ailleurs il faut une vraie indépendance, une liberté de recherche importante et un soutien politique sans faille pour concevoir et faire aboutir les projets de recherche les plus intéressants en terme de résultats potentiels pour la santé publique. Cela fait mauvais ménage avec le mandarinat à la française, l'entrisme croissant de l'industrie dans l'univers de la recherche publique et la couardise des politiques.

On a vu par exemple récemment le désarroi des responsables de la santé publique lorsque sont arrivés en France les résultats des études américaines sur les risques associés au traitement de la ménopause. On n'a d'ailleurs eu de cesse que de montrer qu'elles n'étaient pas vraiment transposables à la réalité française. Cela n'est d'ailleurs pas totalement inexact mais on est frappé dans l'affaire de la tendance quasi irrésistible à verrouiller la "communication" institutionnelle et médiatique autour de ces sujets au risque de mutiler sans vergogne la réalité des choix, des options et des solutions envisageables et cela dans le but de rassurer à bon compte la population, et de clôre aussi vite que possible un sujet dérangeant. Dans l'affaire en question on a vu fluctuer les conseils et resserrer significativement les indications dans les consignes données aux prescripteurs, mais aucun médicament n'a été retiré du marché alors que les études ont mis en évidence de façon très claire des profils de sécurité très variables sur certaines classes de médicaments. Ainsi on a pu montrer que les formes de progestérone copies exactes de la progestérone produite par les femmes étaient beaucoup plus sures que les autres formes de progestérone disponibles sur le marché du médicament sans qu'on en tire aucune conséquence. Et cela sous le prétexte vraiment falacieux que les formes à risque ne seraient pas les plus utilisées en France !

Ces études pour l'instant surtout menées aux USA sont fort utiles, mais sont longues, complexes à mettre en oeuvre et souvent très coûteuses et les résultats sont souvent disponibles relativement tardivement dans la vie du produit à un moment ou les habitudes de prescrition des médecins sont déjà solidement enracinées. Les résultats n'influent donc que de façon modeste sur les habitudes de prescriptions. Cela n'empêche en rien non plus les pressions de tous ordres exercées par les industriels pour la promotion de leurs coûteuses nouveautés visant à maximiser les ventes dans le plus court délai possible après la mise sur le marché, alors que l'efficacité comparée du médicament est encore mal connue de même que les effets secondaires.

On voit mal dans ces conditions comment le voeu des sénateurs de "sans nuire à l'AMM du médicament, peser sur son prix et les conditions de sa prise en charge collective" pourra avoir une chance de succès compte tenu du temps long de réalisation et des résultats relativement tardifs de ce type d'études comparatives dans la vie des médicaments. Rien en tout cas qui permettrait d'éclairer la HAS pour une négociation sur la fixation des prix initiaux. Seulement des informations éventuellement disponibles pour une renégociation tardive des prix et des indication après 5 ou 10 ans de mise sur le marché (lors de la réévaluation quinquénale du SMR), beaucoup trop tardivement donc pour favoriser de bonnes pratiques en matière de prescription.

Un autre moyen envisagé par les sénateurs pour contourner l'impossibilité d'évaluer le produit avant son AMM "passe par le développement des études post-AMM dont la promotion nécessite l'amélioration des relations entre les différentes instances de la filière du médicament afin d'assurer une meilleure coordination entre elles. Ces études pharmaco-épidémiologiques, qui s'insèrent dans les nouveaux plans de gestion de risques élaborés dans le cadre de la réforme de la pharmacovigilance, constituent un enjeu primordial pour les années à venir. La coordination de ces études et le transfert d'informations entre les différents commanditaires potentiels s'avèrent indispensables, notamment pour les études sur les risques commandées au niveau européen pour lesquelles l'Afssaps doit jouer un rôle de passeur dans le cadre national."

Ces essais correspondent à ce que l'on appelle les essais de phase IV que nous avons décrit dans une des sections d'un autre article. Obéissant actuellement à des préoccupations essentiellement marketing, le projet de les intégrer dans un système plus ou moins formalisé associant mesure comparée de l'efficacité des médicaments, suivi des règles de prescription et pharmacovigilance est un vieux serpent de mer qui n'a jamais abouti car en pratique il s'avère impossible de confier le projet aux entreprises du médicament qui ne veulent pas en entendre parler et qui n'ont de toute façon pas les moyens de mettre en oeuvre ces études. Confier ces études au secteur public serait la meilleure solution mais supposerait des changements majeurs de la politique de santé publique dans le domaine du médicament.

Dans un système rationnel qui n'est quasiment jamais formulé clairement parce que trop d'intérêts s'y opposent et que l'exposer briserait un énorme tabou, on aurait deux points majeurs de contrôle du système, le premier serait un contrôle pré-AMM, que nous venons de présenter en détail, avec une véritable mesure de l'efficacité du médicament comparée aux meilleurs traitements de référence s'ils existent. Mais même effectué le plus rationnellement possible ce système pré-AMM porte sur des populations qui resteront toujours de taille modeste. De plus nous venons de voir que l'industrie pharmaceutique à réussi à bloquer son intégration dans la législation aux USA et en Europe.

L'idée serait de coupler ce premier système avec un second système de contrôle post-AMM éventuellement modulable en plusieurs niveaux et en plusieurs phases. Il s'agirait de faire des suivis de pharmacovigilance et des suivis de traitement comparés sur de larges fractions de la population, voir la totalité de celle-ci pour certains indicateurs, en collaboration avec les médecins et l'assurance maladie. De vastes banques de données de consommation des produits seraient constituées dès le lancement du produit permettant une exploitation différée dans la durée en fonction des résultats obtenus dans les études intermédiaires successives. Cette mise en forme préalable des données réduirait ensuite considérablement le coût des études. Actuellement ce type de données sont pour l'essentiel détenues par les firmes et exploitées dans un but purement commercial et marketing et transmises de façon très lacunaires et difficilement exploitables aux agences de santé. Avec ces indicateurs adaptés au besoin de la santé publique et exploitées dans une optique de santé publique, on pourrait mesurer beaucoup plus rapidement de façon rigoureuse et scientifique l'efficacité comparée des traitements, les dérapages éventuels de la prescription (pour recadrage rapide de la prescription et/ ou pénalisation financière des firmes), le repérage des effets secondaires, les problèmes liés aux interactions médicamenteuses ou les problèmes liés à des populations spécifiques (personnes âgées, groupes à risque, etc.). Tout cela nécessiterait évidemment des adaptations législatives majeurs et une confrontation ouverte avec les firmes. Il faut noter que les pouvoirs publics vont actuellement dans un sens contraire et que l'ordonnance de transposition de la directive 2004/27/CE actuellement à l'étude prévoit d'aller dans le sens de la privatisation des données de santé publique (lire notre billet du 9/05/06 - point 5 : "La transposition via l'ordonnance"). Il y a bien sûr d'autres enjeux de santé du même ordre autour de la création du dossier personnel de santé.

Un tel système remettrait les recherches menées par les firmes pharmaceutiques sous le contrôle étroit des pouvoirs publics, rationaliserait la recherche en amont et en aval, permettrait une accumulation raisonnée du savoir au service de la santé publique, amènerait naturellement les firmes privées à cesser de définir de pseudo pathologies sur des bases purement marketing, permettrait de disposer en quelques années de résultats majeurs et solides sur l'efficacité réelle des traitements, éviterait la surprescription, limiterait la mise sur le marché de médicaments inutiles et serait à l'origine d'économies considérables sans nuire, bien au contraire, à la qualité de la prose en charge des patients et au remboursement des soins.

Les entraves à une pharmacovigilance indépendante, fiable et protectrice de la santé publique

Malheureusement, de même que les firmes ont empêché les évaluations comparatives pré-AMM, elles se sont efforcées de torpiller le volet post AMM. Les améliorations du réglement n° 726/2004 et de la directive 2004/27/CE portent uniquement sur la pharmacovigilance (et non sur une évaluation complète et raisonnée du médicament après sa mise sur le marché comme nous l'évoquions ci-dessus) et les quelques avancées en matière de pharmacovigilance sont insuffisantes et relativement imprécises, en particulier en terme de compétences (entre les firmes, l'Europe et les Etats), et pour ce qui est de l'organisation concrète et du contenu du dispositif. Le règlement, normalement d'application immédiate, tarde d'ailleurs à mettre en place des dispositifs concrets de modernisation de la pharmacovigilance européenne.

C'est donc dans ce cadre législatif et réglementaire très flou que la Commission Européenne a lancé le 15 mars 2006 une consultation publique sur le fonctionnement actuel de la pharmacovigilance dans l'Union Européenne en vu d'une modernisation du dispositif. Le CEM suit ce dossier de près et a déposé des déclarations de principe "Europe et pharmacovigilance - Appliquer la nouvelle réglementation et aller au-delà" qui traduisent bien les lacunes et le flou institutionnel et politique majeur dans lequel se construit actuellement le dispositif européen de pharmacovigilance. Le CEM propose notamment de développer la transparence et la facilité d'accès tant aux données qu'aux motivations des décisions, de clarifier le rôle respectif des firmes et des institutions publiques avec prédominance et indépendance de ces dernières, d'assurer le financement public de la pharmacovigilance et la maîtrise de la diffusion des informations de pharmacovigilance par les pouvoirs publics, de permettre aux patients de notifier directement les effets indésirables aux autorités concernées, de créer une autorité autonome de pharmacovigilance responsable des avis de pharmacovigilance. Par ailleurs le CEM souhaite encourager "La mobilisation des citoyens européens concernés par les effets indésirables des médicaments". Le dernier n° de la revue Prescrire propose aussi un excellet éditorial très fouillé sur le sujet dont je conseille la lecture d'autant que nous ne pouvons en résumer tous les aspects qui débordent le sujet traité ici. On y apprend en tout cas qu'au-delà des lacunes de la législation existante et des évolutions projetées par la Commission Européenne, l'EMEA est, en l'état, très loin de remplir ses obligations légales en terme d'exploitation des données, de transparence, et que la qualité de la motivation des décisions prise dans le cadre de la pharmacovigilance sont très insuffisantes et par ailleurs présentées d'une façon difficilement exploitable par les praticiens. La description de l'influence institutionnelle de l'ICH, un pôle d'expertise largement influencé par l'industrie pharmaceutique qui, selon Prescrire, parasite les processus de consensus sur les bonnes pratiques scientifiques en matière de pharmacovigilance jusqu'au sein des agences de santé, est particulièrement inquiétante.

Indépendance financière des agences et indépendance de décision

Le rapport passe ensuite au financement des agences et au problème que cela pose en terme d'indépendance et de transparence, "La question du financement de l'Afssaps est évoquée de façon récurrente par les rapporteurs de la commission des affaires sociales du Sénat qui estiment que le mode de financement retenu n'est pas de nature à assurer l'indépendance de l'agence. Cette opinion est partagée par d'autres institutions ; la Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2004 sur la sécurité sociale, faisait ainsi également part de ses interrogations sur les effets que le mode de financement de l'agence pouvait entraîner sur son fonctionnement." Les rapporteurs précisent qu'en 2006 la participation de l'Etat ne couvrira que 20% du fonctionnement de l'agence et décline régulièrement depuis plusieurs années et que le reste provient des entreprises. Pour les rapporteurs "la question du financement de la politique de sécurité sanitaire par d'autres acteurs que l'Etat [...] pose surtout le problème de l'indépendance de l'agence à l'égard de l'industrie pharmaceutique.

Certes, il n'est pas choquant que les laboratoires pharmaceutiques versent une redevance ou acquittent une taxe au moment du dépôt d'une demande d'AMM. Cette procédure n'est pas spécifiquement française puisqu'elle est aussi pratiquée par plusieurs pays européens ainsi que pour le financement de l'EMEA.

Toutefois, elle place les agences sanitaires dans la situation paradoxale qui fait que leurs revenus augmentent en fonction du nombre de dossiers qu'elles traitent. Il est donc logique de s'interroger sur la licéité de telles relations et sur les effets produits sur la transparence, la qualité et la rigueur scientifique des travaux.

Les travaux de la mission d'information confirment l'analyse de la position de la commission des affaires sociales : ce mode de financement ne permet pas à l'agence d'être totalement indépendante de l'industrie pharmaceutique, comme l'exigeraient ses missions d'évaluation et d'expertise.

Selon nous une mesure très simple s'impose. Il faut que les taxes éventuelles soit sur les dossiers d'AMM soit sur tout autre produit de l'activité des entreprises du médicament soient versées sur le budget de l'Etat et que tant l'Affsaps que l'HAS soient intégralement financées par le budget de l'Etat. On ne peut à mon avis se contenter comme le suggère les rapporteurs de souhaiter que "le financement public doit constituer une part plus importante du budget de l'agence."

Les rapporteurs évoque un inquiétant problème en ce qui concerne le rôle actuel et futur de l'HAS : une sous dotation budgétaire probable par rapport à ses importantes missions de service public. Ces moyens insuffisants hypothèquent probablement dès à présent "le développement des plans de gestion des risques et le recours aux études post-AMM, la nécessité de promouvoir la formation des experts et des recherches théoriques spécifiques dans le domaine de la sécurité sanitaire."

Les rapporteurs s'interrogent ensuite sur la transparence et la crédibilité des avis émis par les agences : "Dans l'exercice de ses missions, l'Afssaps prend un nombre élevé de décisions, plus de 80.000 par an, concernant une gamme étendue de produits de santé. Ces décisions s'appuient sur une expertise scientifique et médicale diversifiée et multidisciplinaire indispensable pour évaluer les risques et les mettre en regard des bénéfices attendus pour la santé des patients concernés.

Par nature, les appréciations de fond sont sujettes à discussion parce que l'établissement d'une telle balance bénéfice-risque ne recueille pas nécessairement un avis convergent des professionnels de santé, des patients et de leurs associations.

La crédibilité d'un organisme tel que l'Afssaps ou la Haute Autorité de santé, pour lequel la question de l'obligation de transparence des travaux se pose dans des termes un peu différents, ne peut reposer uniquement sur l'affirmation de la compétence de l'institution et des personnes qui la servent. Elle dépend aussi de la fiabilité des processus d'expertise qu'elle met en oeuvre. Ces processus doivent offrir des garanties de collégialité et d'indépendance et être suffisamment lisibles, pour les destinataires des décisions prises par l'agence comme pour l'opinion publique."

Ces remarques confirment les inquiétudes que nous faisons régulièrement ici, d'une agence qui a tendance à s'isoler dans une bulle d'expertise et qui ne dialogue pas vraiment avec la société civile où alors selon des procédures très sélectives pour entériner des décisions déjà prise par ailleurs.

La transparence à l'Afssaps : les Rappe

Le rapport note que suite aux nouvelles réglementations européennes datant de 2004 mais finalisée dans leurs applications pratiques fin 2005, les agences doivent rendre public certains documents : "La première obligation posée par la nouvelle réglementation européenne concerne l'élaboration d'un rapport d'évaluation portant sur les résultats des essais menés sur un médicament et leur actualisation, en tant que de besoin, à partir d'informations obtenues postérieurement au dépôt de demande d'AMM et présentant une importance pour la qualité, l'efficacité et la sécurité du médicament concerné. Les agences doivent rendre ce rapport accessible au public sans retard, après avoir supprimé toute mention d'informations présentant une nature confidentielle sur le plan industriel et commercial. (...) Les termes de la directive impliquent désormais que chaque agence concernée élabore et publie un Rappe pour chaque spécialité donnant lieu à la délivrance d'une nouvelle AMM."[Rappe : Rapport public d'évaluation]

Ces documents commencent à être publiés par l'Afssaps mais de façon encore très partielle et avec une montée en charge prévue assez lente. Bien que le rapport ne commente pas ce point, ces documents consolidés apparaissent comme des documents de travail indispensables au fonctionnement correct de l'agence et devraient déjà exister et ne nécessiter qu'un léger toilettage pour être mis à disposition du public. Cela ne semble pas être le cas. Pourquoi ? Il aurait été intéressant d'en savoir plus sur ce point pour mieux comprendre les méthodes de travail de l'Afsspas.

La transparence du côté des entreprises

Selon les rapporteurs "Les laboratoires pharmaceutiques ont pris une initiative importante en publiant sur un site Internet ad hoc les informations relatives aux essais cliniques en cours. Ces informations sont rendues publiques vingt et un jours après l'inclusion d'un premier malade dans un protocole de recherche. Par ailleurs, les résultats définitifs de ces travaux sont intégralement mis en ligne un an après la conclusion des essais, si le produit testé s'est vu délivré une autorisation de mise sur le marché."

On sait que les entreprises du médicament ont beaucoup communiqué sur cette toute nouvelle "transparence" en réalité très partielle puisqu'elle ne concerne que les produits ayant reçu une AMM. Ces procédures unilatérales des entreprises souligne surtout les carences des CCPPRB qui devraient, dans un système de santé publique cohérent assurer ce suivi pour l'ensemble des essais. J'avais écrit à ce sujet (dans cette section d'un de mes articles écrit en 2002) "Surtout par rapport à la problématique qui nous intéresse ici, aucune publication par un organisme centralisé des essais demandés, refusés et réalisés avec un bilan des effets indésirables (graves ou non) constatés n'est effectué. Seuls les effets indésirables graves doivent être signalés au CCPRB. Mais il semble que même pour ceux-ci le retour d'information soit calamiteux. Selon Ca m'intéresse, "Les comités n'ont aucune information pour répondre à des questions vitales. Que devient un essai après avis favorable ? S'est-il bien déroulé ? A-t-il été interrompu ? A-t-il provoqué un accident grave ? Les résultats seront-ils publiés ? Supposés nous protéger, ces comités sont aveugles, sourds et muets." Certes c'est grave en ce qui concerne la sécurité des personnes participants aux essais, mais que dire aussi de la pertinence des AMM des produits si l'agence du médicament ne peut obtenir d'une source fiable, indépendante des industriels une synthèse des résultat réalisés mettant en particulier en évidence les effets indésirables des médicaments testés ?" On voit que quasiment aucun progrès n'a été réalisé sur ce point. Comment aussi mettre en place une pharmacovigilance de qualité en France en coordination avec l'agence européenne dans le cadre du fonctionnement actuel des CCPPRB ? Malheureusement les sénateurs dont l'analyse se borne à constater le supposé désir de transparence des industriels ne nous apportent aucun élément d'information sur ces questions fondamentales ! Bien au contraire, cette section se termine sur un satisfecit particulièrement mièvre : "L'ensemble de ces démarches, menées simultanément par chaque acteur de la filière médicament, est une étape importante pour l'information du public. Elles constituent une réponse aux interrogations soulevées par la crise du Vioxx et à la perte de confiance exprimée par le grand public à l'égard de l'industrie pharmaceutique et des autorités de tutelle en favorisant un débat autour de la notion de bénéfice-risque."

La transparence des processus de décisions au sein des agences

D'autres mesures de transparence sont prévues pour les agences "Indiquant la direction à suivre sur ces questions, la directive 2004/27/ CE propose des mesures radicales, au regard de la situation antérieure, pour assurer la transparence de ces travaux et indique que les différentes agences contribuant à la sécurité sanitaire devront désormais rendre accessibles au public leur règlement interne et celui de leurs comités, l'ordre du jour des réunions, les comptes rendus des réunions assortis des décisions prises, des détails des votes et des explications de vote, y compris les opinions minoritaires.

Cette mesure constitue une véritable révolution dans un secteur encore marqué par une profonde habitude du secret."

On ne saurait mieux dire ! Cette transparence amène à revoir les déclaration et de gestion des conflits d'intérêts par les experts de l'agence. Dans un effort héroïque particulièrement louable et "Dès l'été 2005, l'Afssaps a entrepris de préparer la mise en oeuvre de ce nouveau régime, sans attendre la transposition en droit interne de la directive qui n'interviendra au mieux qu'au dernier trimestre de l'année 2006:

En premier lieu, une version actualisée des règlements intérieurs des commissions d'AMM et de pharmacovigilance se référant au nouveau régime sera adoptée puis rendue publique. Le nouveau règlement de la commission doit prendre en compte à la fois les procédures rénovées de déclaration et de gestion des conflits d'intérêts et les nouvelles règles de transparence. Il est en ligne depuis le mois de février 2006.

En deuxième lieu, les ordres du jour de ces commissions, ainsi que des groupes de travail spécialisés qui préparent les délibérations de la commission d'AMM, doivent être mis en ligne avant la fin du premier semestre de l'année 2006.

En troisième lieu, les comptes rendus des commissions seront établis et également mis en ligne après leur approbation par la commission concernée lors de la séance suivante. Les comptes rendus de la commission d'AMM devront faire état des travaux préparatoires menés par les groupes spécialisés dont les conclusions auront servi de base à ces délibérations. Ils devront faire apparaître, en tant que de besoin, l'existence d'opinions minoritaires avec l'indication de leur audience au sein de l'instance et de leur motivation scientifique. Les comptes rendus de la commission nationale de pharmacovigilance retraceront, quant à eux, les débats ayant préalablement eu lieu au sein du comité technique de pharmacovigilance."

Les rapporteurs évoquent le fait que l'Afssaps anticipe sur la transposition de la directive 2004/27/ CE. Il n'aurait pas été inutile que les sénateurs alertent de surcroit leurs collègues sénateurs sur les lacunes, signalées par le CEM du projet de loi préparé par le gouvernement en ce qui concerne les règles de transparence très en retrait par rapport aux dispositions normalement obligatoires de la directive (lire : "France : Transposition de la Directive européenne 2004/27/CE sur le médicament : danger !").

Comme exemple de merveille de transparence et de concrétisation des efforts inouïs de l'Afsspas les rapporteurs nous apprennent qu' "Un premier compte rendu de la commission d'AMM (séance du 2 mars 2006) a pu être mis à disposition sur Internet le 27 mars dernier." Suit un insert d'une compte rendu de réunion de l'Afssps sur les "conditions de prescription et de délivrance du médicament Macugen (pegaptanib), indiqué dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) et administré par injection intravitréenne." le texte complet se trouve ici sur le site de l'Afssaps. Il est à noter que la recherche via la rubrique "recherche" sur la porte d'entrée du site internet de l'Afssaps ne remonte pas le document correspondant et qu'il faut passer par Google pour réussir à le dénicher (j'ai cherché Macugen + Afssaps) ! Sans commentaire...

La lecture du texte m'a laissé avec une forte impression de malaise. Il est difficile de sa faire une idée précise des 10 experts réunis pour l'occasion en l'absence du nom, des CV et des compétences qui les ont fait sélectionner (la transparence est encore toute relative et appremment rien de mieux n'est prévu dans les textes européens !). Le pire n'est pas que 3 d'entre eux, près du 1/3 de l'effectif, aient des conflits d'intérêt avec le fabricant. C'est surtout l'impression que les jeux sont faits d'avance qui pose problème. Les experts semblent des praticiens chevronnés ayant probablement une pratique hospitalière en sus de leur pratique privée. Sont-ils représentatifs de ophtalmologistes libéraux sachant que l'enjeu de la décision est de permettre l'utilisation d'une technique de l'ordre de la chirurgie en médecine de ville ? On a l'impression fort désagréable et que j'espère erronnée que tous ces experts défendent des produits concurrents pour différents fabricants visant la même pathologie et que l'on cherche surtout à justifier la libéralisation d'un marché très lucratif qu'on estime verrouillé. A aucun moment n'est évalué sérieusement la balance bénéfice - risque du produit et c'est de là que vient je pense mon malaise. En consultant le portail de la revue Prescrire je trouve "pegaptanib (Macugen) (Mai 2006) Dans la dégénérescence maculaire : trop de risques pour trop peu de bénéfices". Certes la revue Prescrire, même si elle est indépendante des labos, est faillible, et il m'arrive d'ailleurs d'être en désaccord avec elle, mais au moins elle répond à la bonne question, celle de l'évaluation du rapport bénéfice - risque.
Bref on comprendra que nous ne partageons pas l'enthousiasme des rapporteurs sur la toute nouvelle culture de la transparence de l'Afssaps, et que cette autorisation donnée en exemple illustre magistralement (mais bien involontairement) la question des rapports entre la HAS et l'Afssaps et des conflits de compétence potentiels qui risquent de survenir (du fait de la non prise en compte du rapport - bénéfice risque dans les décisions de l'Afssaps). Elle donne aussi tout son sens à une remarque précédemment citée des rapporteurs sur la crédibilité des agences : "Elle dépend aussi de la fiabilité des processus d'expertise qu'elle met en oeuvre. Ces processus doivent offrir des garanties de collégialité et d'indépendance et être suffisamment lisibles, pour les destinataires des décisions prises par l'agence comme pour l'opinion publique."

On voit sur cet exemple concret que nous sommes encore très loin du compte.

(à suivre)

Les billets sur le rapport du Sénat ont été regroupés sur une page unique pour mettre un lien vers la page :

http://gestionsante.free.fr/rapportsenat.htm

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Créé le 7/07/06. Dernière modification le 30/07/06.