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Après le MEDIATOR, la sécurité du PROTELOS de Servier mise en cause

Nous avons consacré en juin 2011 un article de synthèse à "L’affaire du Médiator secoue le monde de la santé et le monde politique français". Cette affaire continue à avoir des développements politiques et judiciaires. Elle a amené  la presse à s'intéresser aux autres médicaments de Servier,  en particulier le  PROTELOS, médicament destiné au traitement de l’ostéoporose chez la femme ménopausée. Le produit agit via la molécule de strontium, un minéral proche du calcium et qui consolide la structure osseuse lorsqu'il est pris sur plusieurs années.

Nouveau scandale autour du PROTELOS

Selon le journal Libération du 7/09/11, un rapport de l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) de 2010, fait à la demande de l'EMA (agence européenne du médicament) à propos de la pharmacovigilance du PROTELOS autorisé en 2004, mettrait en évidence de graves dérives dans le suivi de pharmacovigilance du produit par Servier.

Il faut  savoir qu'en 2007, une alerte de pharmacovigilance avait été lancée par les autorités sanitaires suite à de graves réactions allergiques au ranélate de strontium, la forme chimique du médicament (Protelos : nouvelles recommandations en raison du risque de réactions allergiques graves). Ces alertes s'ajoutaient aux effets secondaires déjà connus d’augmentation des événements thromboemboliques veineux et de troubles du système nerveux. Le rapport de l'Afssaps et de l'EMA fait donc suite aux alertes de 2007 d'une particulière gravité puisque l'on avait constaté 2 décès sur 16 cas de réactions allergiques très  graves. Le PROTELOS avait été mis sous surveillance renforcée et l'EMA a demandé à l'Afssaps d'aller vérifier la qualité du suivi de la pharmacovigilance de Servier. On ignore s'il s'agit d'un contrôle de routine suite à l'apparition de ces nouveaux effets secondaires ou si les agences ont également repéré des anomalies dans les documents de pharmacovigilance transmis par Servier. Il faut en effet savoir que l'essentiel du suivi en matière de pharmacovigilance est entre les mains des labos et que la situation devrait encore s'aggraver sous la pression des labos activement soutenus par les autorités européennes (lire "Pharmacovigilance en Europe" de Europe et Médicament).

 Les journalistes de Libération ont eu connaissance du rapport de l'Afsaaps via l'instruction judiciaire en cours sur le Mediator de Servier (car il faut visiblement être magistrat et avoir une commission rogatoire pour réussir à lire les rapports "confidentiels" enfermés dans les coffres de l'Afssaps et de l'EMA). Libération indique que, "D’après les conclusions de cette enquête, le labo a commis huit «écarts majeurs» et deux «écarts critiques», c’est-à-dire des «violations» et «violations graves» de la réglementation, dont certaines «affectant de façon négative la sécurité ou le bien-être des patients ou posant un risque potentiel pour la santé publique». En d’autres termes, Servier n’aurait pas déclaré aux autorités des cas graves susceptibles de remettre en cause le médicament."

L'article de Libération n'en reste pas à ces généralités et détaille les manquements, ce qui permet d'en cerner la gravité :

"Le rapport ajoute qu’il «n’existe aucune garantie que des effets indésirables graves […] soient détectés et traités comme tels» par Servier. Et d’expliquer que le labo déclare des cas comme «non graves» alors qu’ils «devraient être classés» comme «graves».
De plus, la méthode de Servier conduit à «sous-estimer le nombre d’effets indésirables inattendus», poursuit l’EMA. Selon l’agence, Servier a donc dissimulé aux autorités des effets indésirables qui n’étaient pas encore connus. Exemple : ce cas d’«inflammation muqueuse» répertorié par Servier comme «attendu», alors «qu’il ne figure pas sur» la notice du médicament.

Le rapport indique aussi les problèmes de collecte de l'information : «Il n’existe aucune procédure structurée pour assurer une détection fiable des signaux de sécurité», pointe le rapport. Par exemple, la procédure de détection des Dress [lire ici], cette pathologie potentiellement mortelle, n’est «pas totalement effective ni contrôlée». Le rapport indique également des défaillances dans la détection des cas venant de certains pays (Portugal, Espagne, Chypre), Servier n’étant pas assez exigeant avec ses distributeurs locaux. Même manque de rigueur quand des patients appellent Servier, puisque «rien ne permet», selon le rapport, de garantir que le laboratoire mène ensuite l’enquête auprès du médecin qui a prescrit le médicament."

Enfin le rapport pointe des difficultés qui semblent concerner l'ensemble du dispositif de pharmacovigilance de Servier : "«Rien ne permet de s’assurer» que le chef de la pharmacovigilance de Servier «est en mesure de superviser le fonctionnement du système», explique l’EMA, faute de procédures adaptées. Il «n’a aucune visibilité sur les tendances et les récurrences de défauts de qualité des produits» dont il est censé analyser les effets secondaires." (...) "Les défaillances étaient si importantes que l’EMA a jugé qu’elles pouvaient «avoir un impact potentiel sur d’autres produits», a indiqué un porte-parole à Libération."

Servier a réagi aux révélations concernant le rapport d'inspection dont il minore l'importance. Selon Le Figaro, "Le laboratoire Servier a affirmé mercredi n'avoir «jamais dissimulé les effets secondaires d'un médicament»." (...) et déclare "avoir «toujours coopéré pleinement et de manière transparente avec les autorités de santé»." Evidemment le laboratoire a tout intérêt à adopter cette stratégie puisque le rapport d'inspection qui date de 2010 n'a eu aucune suite à ce jour, et que le journal Libération a du se substituer aux agences de santé pour en faire connaître en partie le contenu. 

Le rôle de l'Afssaps, de la HAS et de l'EMA

Le fait que ni l'Afssaps ni l'EMA n'aient rendu ce rapport public et qu'il soit gardé sous clé depuis 2010, alors que Servier est très gravement mis en cause par ailleurs pour le Mediator trahit une politique du secret et de la dissimulation dont on peut légitimement se demander si elle se limite à Servier et au Protelos. Des données de pharmacovigilance qui semblent de première importance pour les acteurs de santé ont en tout cas été occultées.

On en est pour l'instant réduit aux hypothèses sur la façon dont l'Afssaps et la HAS pourraient tenter de justifier leur attitude. En ce qui concerne le rapport sur la pharmacovigilance de Servier, l'Afssaps invoquera probablement le fait qu'elle agissait dans le cadre d'une saisine de l'EMA. On ignore d'ailleurs ce qui a suscité l'inspection, laquelle fait probablement suite à des insuffisances dans la qualité des données de pharmacovigilance fournies par Servier. Apparemment du côté de l'EMA, on préfère pour l'instant, selon Libération, continuer à mener une soit-disant "enquête" dans la plus grande discrétion sur la pharmacovigilance de Servier et entre temps on oublie d'alerter les prescripteurs sur les manquements déjà établis entourant la pharmacovigilance du PROTELOS.

C'est dans ce contexte que Le Nouvel Observateur rappelle également la pression exercée par Servier sur les journaux médicaux financés par la publicité, " Comment Servier a fait pression sur la presse médicale pour vanter le Protelos". Prescrire, une des rares revues médicales indépendantes de la publicité, a, de son côté, évoqué de façon critique le cas du PROTELOS au cours des dernières années. Selon Le Nouvel Observateur, la revue indique, "Dans son numéro d’avril dernier, [que] le bilan est de 884 effets indésirables notifiés, dont 199 graves. "Il s’est agi essentiellement  de troubles cardiovasculaires, cutanées, hépatodigestifs, neurologiques, hématologiques ou respiratoires", note le rédacteur."

J'ai eu la surprise de découvrir sur le site de  l'Afssaps que la commission de la transparence de la HAS (Haute Autorité de Santé) avait remis un avis concernant le PROTELOS pour le "Renouvellement de l'inscription sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux". Ce document daté du 11 mai 2011 fait un point sur les études de suivi et de sécurité du PROTELOS, oublie dans sa conclusion les épisodes inflammatoires et ceux portant sur le système nerveux central pour réduire les nombreux effets secondaires aux seules maladies thromboemboliques tout en concluant que "ce risque estimé en conditions réelles d’utilisation reste similaire à celui retrouvé lors des essais."  

L'avis est complexe et mérite une analyse détaillée. Certes l'avis peut sembler sévère puisqu'on lit en 6.1 que "l’intérêt de santé publique rendu par PROTELOS, en l’état actuel des connaissances et compte tenu des autres thérapeutiques disponibles à ce jour, peut être considéré comme nul." (...) et en 6.2 "En conséquence, la Commission de la Transparence considère que PROTELOS n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu (V) dans la stratégie de prise en charge de l’ostéoporose postménopausique." Mais en 6.5, la HAS , considérant l'efficacité reconnue et le  fait que le produit est utile en cas de contre-indication ou d'une intolérance aux bisphosphonates [une alternative thérapeutique] et pour les femmes n’ayant pas de facteur de risque thromboembolique, donne un "Avis favorable au maintien de l'inscription sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux." au taux de remboursement de 35% (6.5.3). Le périmètre de prescription est redéfini et "restreint aux femmes présentant une intolérance ou une contre-indication aux bisphosphonates ou sans risque d’événement thrombo-embolique veineux". On voit que l'affaire s'est jouée de façon particulièrement serrée et que la prise en compte d'effets secondaires plus importants auraient pu aboutir au déremboursement.

Si l'avis de la HAS est suivi par le gouvernement (ce qui s'est produit le 21/09/11, cf. infra), le produit va rester sur le marché passant de 65% à 35% et les mutuelles de santé que souscrivent la plupart des femmes qui prennent du Protelos assureront le complément de remboursement. Le produit bénéficiera de quelques années de vie supplémentaire avant d'être déremboursé d'ici quelques années comme la plupart des produits passant aux 35%. Mais la différence sera très importante pour Servier qui bénéficiera d'un sursis de plusieurs années supplémentaires pour rentabiliser les recherches menées sur un produit dont la mise sur le marché est relativement récente (début 2005). Avec la révélation du rapport de l'Afsspas par Libération le problème se complique car l'Afsspas va être obligée de réexaminer les données de pharmacovigilance et peut-être va-t-on vers un déremboursement immédiat.

Dans ce contexte le fait que l'Afssaps a conservé au secret un rapport qui montrerait que les effets secondaires du PROTELOS ont été sous-estimés est d'une importance cruciale. La HAS est de toute façon très réticente à prendre en compte les résultats de la pharmacovigilance dans ces avis. Ceci apparait, ainsi que nous l'avons signalé, dans le fait qu'elle ramène largement, dans son avis, le problème des effets secondaires aux seules accidents thromboemboliques, qui sont les seuls effets secondaires à avoir fait l'objet d'une quantification de l'augmentation du risque qui soit relativement précise. Nous allons maintenant voir que la HAS a aussi effectué une distortion de certaines données de pharmacovigilance.

Les bizarreries de l'avis de 2011 de la HAS concernant les effets secondaires inflammatoires graves dits DRESS

Mais il y encore un autre aspect trouble dans l'avis de la HAS qui mérite d'être signalé en dehors du fait que la HAS ramène l'essentiel des effets indésirables aux seules maladies thromboemboliques ou n'ait  pas utilisé le rapport de l'Afssaps sur les anomalies de pharmacovigilance, il s'agit de la façon dont sont évalués les DRESS.

Si l'on examine le rapport d'alerte de 2007 de l'Afssaps sur les DRESS, on lit (mes soulignés) "16 cas de syndrome DRESS, dont 13 en France, ont été rapportés chez des patientes traitées par Protelos®. Dans deux cas, ces effets indésirables ont conduit au décès de la patiente." Le rapport de pharmacovigilance de 2010 évoque quand à lui les effets indésirables (EI) français "notifiés entre janvier 2006 et le 31 mars 2009 à la firme ou aux CRPV"  (...). "L’analyse porte sur 884 EI (...)" "Les accidents thromboemboliques (39 embolies pulmonaires et 54 thromboses veineuses profondes) représentent 102 (98%) des 104 EI cardiovasculaires." "Les 51 EI cutanés comprennent 19 cas de syndrome DRESS  dont 12 ont été confirmés par un comité d’experts et 32 autres éruptions graves (dont 7 éruptions avec atteinte systémique et 1 syndrome de Stevens Johnson)." 

Lisons maintenant le rapport de la HAS de 2011, (p.10) "[de] fin 2004 jusqu’en mars 2010, 32 cas (11 avérés, 6 probables et 15 possibles) de DRESS possiblement relié au traitement par PROTELOS ont été retenus par le comité d’experts (...). En France, 14 cas de DRESS ont été notifiés dont 6 cas (dont 1 décès) considérés comme avérés, 2 comme probables et 6 comme possibles."
Les données de la HAS sont donc invraisemblables par comparaison  à 2007 (seulement un cas de plus par rapport à 2007 !) mais surtout la HAS ne suit pas le rapport de pharmacovigilance de 2010
, qu'elle cite pourtant correctement 2 pages plus tôt en donnant les 884 effets indésirables et en les ventilant correctement mais sans donner à ce moment là le nombre de DRESS dont elle minore massivement le nombre 2 pages plus bas !

Bref la HAS pour une raison incompréhensible, réussit à déformer dans un sens favorable à Servier les données de pharmacovigilance qui sont disponibles sur les DRESS au moment où elle établit son avis. Si les séries temporelles des effets secondaires cités se superposent parfois, elles montrent toutefois que malgré l'alerte de pharmacovigilance de 2007 et les changements de notice, les DRESS sont des évènements largement imprévisibles et qui engagent le pronostic vital et qui ont continué à se produire à un rythme soutenu sur la période récente. La manière dont cet effet secondaire a été mis à l'arrière plan par rapport aux accidents thromboemboliques dans l'évaluation de la HAS n'est pas acceptable. Nous verrons dans la suite que la survenue des DRESS reste une phénomène d'occurence régulière confirmé par les dernières données de pharmacovigilance.

Coodination du travail de la HAS et l'Afssaps - Relations avec l'EMA

Normalement la HAS et l'Afssaps sont sensées travailler en étroite collaboration. Suite au scandale du Mediator on nous avait promis que la collaboration entre les deux agences serait désormais exemplaire.

Lors de son audition le 16 février 2011 par la Commission des Affaires Sociales de l'assemblée nationale, avant sa nomination à l'Afssaps, Dominique Maraninchi, avait déclaré (mes soulignés) "Oui à l’autonomie des différentes agences, à condition que leur action soit coordonnée et qu’aucune ne soit autiste. L’AFSSAPS doit tenir compte des évaluations de la HAS pour apprécier le rapport bénéfice/risque au fil du temps, qui peut différer de celui déterminé en amont de l’AMM sur la base de critères mondiaux, pouvant prendre en compte certains impacts sociétaux. Dans la surveillance post-AMM, il faut d’autant moins hésiter à dire qu’un bénéfice est faible que le risque est alors élevé."

On voit à quelle point on se trouve, quelques mois plus tard et sur un cas d'école, avec des pratiques aux antipodes de ces belles paroles. Dominique Maraninchi présidait l’Institut national du cancer (INCA) depuis 5 ans. La cancérologie est le secteur où les laboratoires pharmaceutiques réalisent actuellement leurs profits les plus importants. Les relations entre experts, agences et firmes y sont idylliques. Mettre un "homme de consensus" comme Dominique Maraninchi à l'Afssaps ce n'est surement pas, on l'aura compris, pour engager l'épreuve de force avec les labos au service de la santé publique. Sans porter de jugement particulier sur l'homme, la culture dominante chez les notables de la cancérologie c'est de préserver l'harmonie préétablie sensée régner entre firmes et santé publique et ne pas faire de vagues...

Rappelons quand même la grave crise au sein des agences de santé fin 2010 et début 2011 et la façon dont le gouvernement et le président de la République ont prétendu mettre en place un vaste changement dans les hommes et les pratiques... tout en nommant des personnalités qui avaient comme on dit toute leur confiance... Comme je l'écrivais à propos du Mediator : "C’est dans ce contexte de crise grave du système de santé que les têtes ont valsé début 2011. Le directeur de l’AFSSAPS, Jean Marimbert est contraint à la démission (il avait été nommé dans des conditions détestables en février 2004) et il est remplacé en février par Dominique Maraninchi nommé par le président Sarkozy. En janvier de 2011, le président Sarkozy a aussi nommé à la tête de la HAS, la Haute Autorité de Santé, la principale agence de santé avec l’Afssaps, le Pr. Jean-Luc Harousseau. Un médecin très marqué politiquement [ancien responsable local de l'UMP, lire pharmacritique] et très proche de l’industrie pharmaceutique. (...) Le président de la République s’emploie donc activement, au moment où, soi-disant, des réformes importantes pour moraliser le suivi des médicaments sont à l’ordre du jour, à verrouiller plus que jamais le système."

Si l'Afssaps a été en première ligne dans l'affaire du Mediator, la qualité du travail de la HAS a été très sévèrement remise en cause récemment. Une de ses attributions consiste à formuler des recommandations de bonnes pratiques. Or suite à un recours du Formindep devant le Conseil d'Etat, la recommandation de la Haute autorité de santé sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2 a été abrogée en avril 2011 pour non respect des règles de gestion des conflits d’intérêts des experts de la HAS ayant élaboré ces recommandations (lire Formindep). Pour limiter les dégats, la HAS a dû prendre l'initiative de retirer également en mai 2011 sa recommandation sur la maladie d’Alzheimer également attaquée (lire Formindep). Mais il ne faut pas se faire d'illusion, il s'agit sous la pression d'un groupe de pression issu de la société civile d'une moralisation très circonscrite, la pression des firmes pharmaceutiques qui s'exerce de façon multiforme, empêchant la formulation d'une politique de prescription rationnelle, d'autant que le système autorise la mise sur le marché de médicaments inefficaces et dangereux.

Outre les problèmes que l'on rencontre à l'Afssaps et à la HAS, les problèmes ne sont pas moindres à l'agence européenne, l'EMA, comme l'a, entre autres, récemment rappelé le FORMINDEP dans "Scandale à l’Agence Européenne du Médicament" et dans "L’EMA ou le Royaume des Bisounours". Les conflits d'intérêts y sont au moins aussi graves qu'à l'Afssaps ou à la HAS.

La modernisation factice de la politique de santé française

Apparemment notre analyse très pessimiste sur les projets de "moralisation" du monde de la santé plein de pseudo projets de réformes "en profondeur" se trouve confirmée avec éclat avec l'affaire du Protelos et les nouveaux dirigeants de l'Afssaps et de la HAS pourraient voir leur réputation bien entamée après seulement quelques mois aux commandes... si les médias continuent leur enquête sur cette affaire ce qui n'est en rien assuré. Ne doutons pas que l'on va voir se développer dans les prochains jours du côté du pouvoir politique et des agences de santé une stratégie d'enfumage et de tergiversation.

C'est dans ce contexte qu'il faut lire  par exemple un article du Figaro du  8 septembre rendant compte de l'intervention du ministre Xavier Bertrand sur RTL. Le ministre a indiqué que l'Agence du médicament (l'Afssaps) allait réaliser une nouvelle étude sur le Protelos qui est pris par 390 000 femmes en France pour résoudre des problèmes d'ostéoporose. «Si le bénéfice pour les patients n'est pas supérieur aux risques, nous n'hésiterons pas à retirer ce médicament, promet Xavier Bertrand. Il y a eu un avant et un après Mediator : le doute doit désormais profiter aux patients et non à l'entreprise qui les commercialise».  Evidemment Xavier Bertrand oublie de dire que le Protelos a fait l'objet d'un rapport de l'Afssaps dès 2010 ET qu'il a sur son bureau un avis de la HAS de 2011 qui l'invite à poursuivre le remboursement comme si de rien n'était !

Du côté de l'Afssaps,  Dominique MARANINCHI, interviewé par le Figaro qui lui demande, "En tant que patron de l'Afssaps, êtiez-vous au courant de ce rapport sur les risques du Protelos ?", répond  "Nous étions au courant puisque nous avons participé à la réévalution en cours du bénéfice-risque, notamment sur les effets secondaires du médicament. Attention, nous ne sommes pas devant un fait judiciaire. Nous avons constaté des déviances et interrogé la firme qui nous a apporté des réponses. Cette inspection peut donner lieu à une sanction mais nous n'en sommes pas encore à ce stade."

Il faut donc comprendre qu'à l'Afssaps, même pour des manquements conséquents en matière de pharmacovigilance, on ne sanctionne pas, on ne demande pas à la HAS d'en tenir compte dans ses avis, on ne publie pas les rapports d'inspection et bien au contraire on en dissimule l'existence. On préfère coopèrer aimablement, dans les coulisses, avec les firmes pour qu'elles puissent progressivement améliorer la qualité de leur standards en matière de pharmacovigilance, en espérant qu'elles pourront atteindre, à une date indéterminée, une qualité compatible avec les bonnes pratiques internationales légalement en vigueur. Ce n'est pas le rêve d'un patron de multinationale, c'est l'Afssaps telle qu'elle fonctionne au quotidien !

Vers un enterrement du Protelos ou seulement une restriction des indications ?

La situation du Protelos évolue constamment. Cela nous amène aussi à mettre cette page régulièrement à jour ! L'épisode intermédiaire intervenu le 21/09/11 c'est, nous apprend Le Figaro, l'adoption des recommandations de l'avis de la HAS du 11 mai dernier que nous avons déjà abondamment commanté, avec sa "terrible" restriction des indications. Ladite restriction limite la prescription aux patientes qui "ne présente pas d'«antécédent d'événement thrombo-embolique veineux ou d'autres facteurs de risque d'événement thrombo-embolique veineux», comme être âgée de plus de 80 ans." Cette restriction des indications avait en fait déjà été recommandée par le rapporteur de la Commission Nationale de Pharmacovigilance déjà évoqué de juillet 2010, mais à l'époque les "gentils membres" avaient estimés (p12/21) que "Concernant les EVT [événements thromboemboliques], les membres de la commission ont conclu que les données recueillies depuis l’octroi de l’autorisation de mise sur le marché ne permettaient pas de justifier l’ajout d’une contre-indication chez les patientes à risque, en lieu et place de la recommandation actuellement approuvée."

Cependant ce genre de restriction des indications a en général peu d'effets car, comme nous l'avions montré à propos des statines, elles ne sont quasiment pas suivies par les médecins. Les femmes qui prennent déjà le produit et n'ont pas d'effet secondaire particulier vont continuer à prendre le Protelos, sauf si le bouche à oreille les en dissuade, et les nouvelles prescriptions seront indexées sur l'indice médiatique de popularité du produit, qui étant ce qu'il est actuellement, c'est-à-dire exécrable, seront donc très limitées, les médecins hésitant évidemment à prescrire et les visiteurs médicaux ayant mieux à faire que d'engager d'interminables discussions sur un produit vilipendé dans tous les médias et qui risque d'être retiré du marché avant la fin du mois.

La décision de suivre l'avis de la HAS de mai 2011 m'a surpris car je pensais que l'on allait aller directement au retrait du produit, mais le subtil Xavier Bertrand, notre vénéré ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé a peut-être pensé que l'on pouvait s'en tenir à des demi-mesures préservant les intérêts de Servier ? Le risque en cas de maintien du remboursement même restraint serait que les médias continuent leurs investigations sur les turpitudes des agences de santé concernant la pharmacovigilance du Protelos et le rapport étouffé dont Libération a révélé l'existence.

Le Figaro du 14/09/11 a titré "Le Protelos de Servier va être réexaminé" et indiquait que "Le rapport bénéfice/risque du Protelos, médicament contre l'ostéoporose des laboratoires Servier, va être réexaminé le 29 septembre en Commission d'autorisation de mise sur le marché, en raison de la "persistance, de façon significative, des effets indésirables graves". 129 "effets indésirables graves" ont été déclarés pour 3,3 millions de boîtes vendues, d'avril 2009 à mars 2011, selon un rapport présenté hier au Comité technique de pharmacovigilance (CTPV)." Cela signifie que l'on remet en route la pharmacovigilance du Protelos qui était maintenue en coma artificiel.

Les dernières péripéties concernant le suivi de pharmacovigilance du Protelos

Il aura fallu le début de scandale lancé par les révélations du journal Libération sur le rapport enterré de l'Afssaps fait pour le compte de l'EMA concernant la pharmacovigilance de Servier et du Protelos pour que le CTPV soit sorti du jour au lendemain de la naphtaline et qu'on organise en catastrophe les réunions de pharmacovigilance qui auraient du normalement précéder la réévaluation du Protelos par la HAS en mai 2011. On fait tout dans le désordre le plus complet, mais qu'importe, le bon peuple n'y verra que tu feu car la matière est trop complexe.

Rappelons que le CTPV fait le travail technique de mise en perspective des données de la pharmacovigilance pour préparer le travail de la Commission nationale de pharmacovigilance (lire les détails de l'organisation). Par ailleurs le Protelos ayant bénéficié d'une AMM (autorisation de mise sur le marché) européenne, ce devrait théoriquement être l'EMA qui retire l'AMM et non l'Afssaps. Mais le processus de décision entre les services de pharmacovigilance et d'AMM et entre les agences nationales et européennes et particulièrement complexe et permet quand même à l'Afssaps de retirer l'AMM du produit en cas d'urgence. La complexité du système permet surtout, hors cas d'urgence médiatique, d'organiser l'irresponsabilité généralisée de l'ensemble des acteurs concernés au plus grand bénéfice des firmes. On pourra lire à ce sujet, sur le cas d'école récent concernant l'Actos (finalement interdit par la France), un article bien informé du Figaro écrit peu avant le retrait : "Actos : pourquoi l'Afssaps ne l'a toujours pas interdit".

De toute façon cette histoire d'AMM européenne est un enfumage de premier ordre, le gouvernement ayant tout loisir de dérembourser un médicament en cas de Service Médical Rendu (SMR) insuffisant que l'AMM soit française ou européenne, ce qu'il se garde bien de faire pour ne pas avoir à rappeler qu'il pratique la politique du gichet ouvert : quasiment tous les nouveaux médicaments ayant une AMM quel que soit leur SMR sont remboursés ! Seuls les médicaments anciens et en fin de vie (selon les critères des industriels) sont déremboursés selon des critères parfois discutables. Cette pratique fonctionne dans le cadre d'un accord tacite et non écrit avec l'industrie pharmaceutique, afin de favoriser la rentabilité économique  du secteur au mépris des intérêts de la santé publique. Ce laxisme incroyable a été notamment souligné à plusieurs reprises par la Cours des Comptes qui a noté l'effet de substitution très inflationiste en matière de prix et sans légitimité scientifique des molécules nouvelles très coûteuses et parfois médiocres ou mal évaluées qui viennent remplacer les produits anciens déremboursés.

Dans le cadre du nouveau scandale entourant le Protelos, l'Afssaps a du se résoudre à traiter plus ouvertement la question du suivi de pharmacovigilance du Protelos [Voir le Communiqué de presse sur le site Afssaps]. On apprend par exemple que c'est le Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Tours qui continue à assurer la coordination des données françaises provenant des la base nationale de pharmacovigilance publique et des sources privées (Servier) depuis l'alerte de 2007.

On apprend par le Communiqué de l'Afsspas que 2 séries temporelles d'effets secondaires ont été examinés. La première fenêtre est un rappel de celle ci-dessus évoquée dans le rapport de la Commission Nationale de Pharmacovigilance du 6 juillet 2010 et nous avons montré qu'elles n'avaient pas été correctement prise en compte par la HAS en ce qui concerne les DRESS.

Selon l'Afssaps, "Le 2ème rapport portant sur les effets indésirables graves déclarés d’avril 2009 à mars 2011 a été présenté le 13 Septembre 2011 au Comité technique de Pharmacovigilance (CTPV)." Seuls les compte rendus de la Commission nationale de pharmacovigilance (et non ceux considérés comme préparatoires du CTPV) sont rendus publics (Afssaps) : "Les comptes rendus synthétiques des réunions de la Commission sont publiés sur le site internet de l’Afssaps dans le mois qui suit l’approbation du compte rendu de la séance concernée. Les comptes rendus sont assortis des détails et explications des votes, y compris les opinions minoritaires et leur motivation." Il faudra donc attendre que la Commission nationale de pharmacovigilance se soit réunie le 27 septembre 2011 pour en savoir plus (on aura évidemment un nouveau communiqué dès que la réunion aura eu lieu compte tenu de la pression médiatique).

On peut déjà dire cependant au vu de la teneur du Communiqué de l'Afssaps que le CTPV ne semble pas avoir examiné les problèmes cruciaux posés par la sincérité des données de pharmacovigilance de Servier sur le Protelos qui ont fait l'objet du rapport de l'Afssaps demandé par l'EMA et dont Libération a donné quelques extraits. On imagine que le rapport de l'Afssaps sur Servier a donné lieu à de nombreux échanges entre le le Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Tours chargé de consolider les données publiques du Protelos avec celles fournies par Servier et avec les services de la pharmacovigilance. C'était l'occasion de faire une synthèse des observations du rapport et de leur impact sur la pharmacovigilance du Protelos. Mais il semble que l'on peut déjà annoncer que le CTPV et prochainement la Commission nationale de pharmacovigilance vont travailler sur les données des effets secondaires comme si on pouvait les utiliser telles quelles sans se poser de question. Pourtant le Communiqué indique que dans le dernier rapport de pharmacovigilance, (mon souligné) " l’analyse porte sur 129 effets indésirables graves, 85 déclarés à la firme et 44 aux CRPV" On voit par là l'importance énorme de la question de la fiabilité des données de Servier qui sont deux fois plus nombreuses que celle des CRPV. A noter que l'avis de pharmacovigilance de juillet 2010 ne donnait pas la ventilation firme / CRPV, est-ce l'indice d'un progrès même minime ?

Après ces remarques préliminaires, voyons ce qu'il en est des données rapportées dans le Communiqué de l'Afssaps : "Le 2ème rapport portant sur les effets indésirables graves déclarés d’avril 2009 à mars 2011 a été présenté le 13 Septembre 2011 au Comité technique de Pharmacovigilance (CTPV)." (...) Le rapport a mis en évidence "50 accidents thromboemboliques veineux" et "8 cas de DRESS" avec trois décès liés aux accidents thromboemboliques et un décès probable lié au DRESS.

Le communiqué conclue par "La persistance, de façon significative, des effets indésirables graves, malgré les mises en garde introduites dans le résumé des caractéristiques du produit amène l’Afssaps, sur la base de l’analyse présentée en CTPV à prendre l’avis de la Commission nationale de pharmacovigilance le 27 septembre 2011 et à examiner les données du rapport bénéfice / risque en Commission d’autorisation de mise sur le marché le 29 septembre 2011."

Selon un communiqué de l'Afssaps  la perspective d'un retrait semble s'éloigner et la Commission nationale de pharmacovigilance a seulement demandé une réévaluation du rapport bénéfice/risque de ce produit ."Les données de l’évaluation faite lors de la commission de pharmacovigilance seront transmises à la commission d’autorisation de mise sur le marché qui doit se réunir le 29 septembre afin de mettre en perspective le profil de risque de ce médicament avec les données portant sur son efficacité." Comme le titre Le Figaro, en général bien informé sur les sujets santé, cela semble signifier que "Le Protelos de Servier restera sur le marché".

Ainsi d'après le communiqué, et sous réserve de la lecture du compte rendu complet de Commission nationale de pharmacovigilance à paraître, les problèmes de la non fiabilité des données de pharmacovigilances provenant de Servier n'ont pas été pris en compte. Même si le suivi de pharmacovigilance a été amélioré chez Servier depuis depuis le rapport de l'Afssaps, les carences décrites par Libération ont du générer une sous notification importante au cours de la dernière période de suivi de la pharmacovigilance surtout si l'on tient compte que la firme fait remonter deux fois plus d'effets que la pharmacovigilance publique ! Tout ceci ne peut que nous conforter dans notre appel à la publication des tous les documents entourant cette affaire...

Le ranelate de strontium et les problèmes que pose la forme chimique du Protelos choisie par Servier

Rappelons que le strontium est un minéral très similaire au calcium et qu'il peut se substituer au calcium dans différents processus biochimiques et remplacer une petite quantité du calcium des os et des dents. La présence de traces supérieures à la normale de strontium dans les tissus osseux limite la résorption osseuse et augmente de façon importante le taux de formation de nouveau tissu osseux. Il permet une rénovation de la qualité de l'os.

Cette affinité du calcium pour l'os et l'effet positif sur l'os est connue de longue date et a été comprise dès les années 1940. On sait que le corps contient de l'ordre de 320mg de strontium dont la quasi totalité se trouve dans l'os. Cette quantité totale peut être sensiblement augmentée si l'eau de boisson est riche en strontium ou en cas de complémentation.

Dans les années 1980 de nouvelles recherches, notamment d'origine française [Marie PJ, Skoryna SC, Pivon RJ, Chabot G, Glorieux FH, Stara JF. Histomorphometry of bone changes in stable strontium therapy. In: Trace substances in environmental health XIX, edited by D.D. Hemphill, University of Missouri, Columbia, Missouri, 1985, 193-208] ont permis de préciser avec des outils scientifiques plus modernes les effets du strontium sur le métabolisme osseux. D'après le nom des chercheurs, ces équipes françaises sont à l'origine du projet de développement du Protelos par Servier.

On voit tout de suite qu'il n'était pas possible de déposer un brevet compte tenu de l'absence d'innovation pour ce qui concerne les effets du strontium sur la santé de l'os et du fait que les sels de strontium avaient déjà été utilisés dans différents essais cliniques, en particulier le carbonate, le lactate et le gluconate (le citrate moins utilisé étant aussi une forme d'apport satisfaisante). Ces différents sels (et le ranelate) ont une biodisponibilité située dans une fenêtre de 25 à 30% lorsque le strontium est pris en dehors des repas pour éviter qu'il entre en compétition avec le calcium alimentaire.

La seule solution pour Servier était de mener de nouvelles études prouvant l'efficacité du strontium, dans certaines indications bien circonscrites, avec un sel de strontium brevetable. En l'occurence Servier a utilisé l'acide ranélique une molécule purement synthétique. D'après un article bien informé de aor.com, (traduction Gestion Santé) "alors que le corps absorbe 27% du strontium d'un comprimé, il absorbe moins du dixième (2.5%) de l'acide ranélique. Et de l'acide ranélique ainsi absorbé, de 93 à 99% est excrété dans les 7 jours sans avoir été métabolisé par le corps [Source en note : Reginster JY. Strontium ranelate in osteoporosis. Curr Pharm Des. 2002;8(21):1907-16.]

Aujourd'hui nous sommes confrontés aux effets scondaires du ranelate de strontium. J'aimerai pouvoir lancer le slogan coup de poing : "100% des effets positifs du Protelos sont liés au strontium, 100% des effets secondaires sont liés au ranelate." Mais malheureusement seule la première partie de la proposition est démontrée et on ne peut qu'émettre des hypothèses sur la 2ème. Néanmoins, se poser des questions sur la toxicité du ranelate est une question de bon sens, et je m'étais inquiété de cette question sur Gestion Santé dès 2006. J'écrivais à l'époque "En ce qui concerne le strontium on aimerait par exemple savoir si la toxicité provient du ranelate ou du strontium. On s'étonne que les autorités de santé n'aient pas approfondi la question ou exigé des études de toxicologie supplémentaire, même post AMM. Peut-être d'ailleurs les études de toxicologie existantes permettent-elles de formuler des hypothèses intéressantes sur cette question. Mais visiblement seul une poignée de spécialistes sont informés de la question et aucune information ne circule sur la question. "

Aparemment je suis un des rares à me poser ce genre de questions pourtant élémentaires ! Le site pharmacorama qui est une source sérieuse en ce qui concerne la pharmacologie, est le seul à ma connaissance a avoir évoqué à propos du syndrome DRESS (mais c'est probablement la même chose pour tous les autres effets nocifs), "Le mécanisme de cet effet indésirable particulier ne semble pas encore connu mais on peut penser que c'est l'acide ranélique plutôt que le strontium qui est en cause." Malheureusement pharmacorama donne son avis en passant sans argumenter. En ce qui me concerne je ferai remarquer que le strontium est un élément trace présent dans la chaine alimentaire depuis les origines de la vie et qu'il est peu probable qu'il provoque les DRESS et les autres effets secondaires du Protelos. Les seuls effets nocifs connus jusqu'à présent à propos du strontium étaient des déformations de l'os pour des apports de strontium très élevés. Le ranelate est un produit synthétique artificiel et il ne serait pas vraiment surprenant qu'il provoque des effets inflammatoires et des réactions auto-immunes à l'origine des DRESS mais aussi des autres effets rencontrés.

En attendant que l'enquête sur la pharmacovigilance de Servier soit suivi d'une très improbable enquête sur les services de toxicologie de Servier, je rappellerai que pour quelques dizaines de milliers d'euro il est désormais possible de mener des études de toxicologie avec des puces à ADN sur les cultures cellulaires humaines des tissus concernés par les effets secondaires répertoriés du Protelos, ce qui permettrait de comparer un sel comme le carbonate de strontium avec le ranelate de strontium (et leurs métabolites éventuels) pour savoir si les gènes de l'inflammation et des réactions auto-immunes sont plus activés dans un cas que dans l'autre (lire Programme de toxicologie scientifique présenté par antidote-europe.org). cela permettrait de trancher rapidement la question de la responsabilité respective du ranelate et du strontium dans les effets secondaires.

En tout état de cause, il n'est pas acceptable que les agences de santé n'aient pas demandé d'étude toxicologique indépendante sur le ranelate et notamment par comparaison avec d'autres formes chimiques d'apport en strontium. On en est toujours réduit aux hypothèses sur la toxicité relative du strontium par rapport au ranelate et on prive peut-être les patients d'un produit intéressant et que l'on pourrait apporter sans risque sous forme d'un autre sel, moyennant quelques modestes recherches toxicologiques complémentaires. L'incapacité des milieux médicaux dominant ou critiques du système à comprendre qu'il y a là un problème et à le poser clairement est assez révélatrice du genre de médecine qu'on pratique dans ces milieux. Si je réussis à poser autrement et de façon renouvelée le problème ce n'est pas du fait de qualités intellectuelles supérieures, mais simplement parce que mon intérêt de longue date pour la complémentation nutritionnelle me permet d'acoir une conception plus large et plus ouverte en matière d'anthropologie médicale qui me permet d'apporter des éclairages renouvelés sur des questions où les critiques de l'industrie pharmaceutique restent complètement enfermés dans les formes faussées de la problématique construite par les firmes.

C'est pour cela que la HAS et mêmes des revues indépendantes comme Prescrire veulent réorienter les patientes vers une prescription de masse des bisphosphonates. On croit rêver !

Choisir entre la peste et le cholera : les bisphosphonates alternative thérapeutique du Protelos

La HAS, mais aussi des revues comme Prescrire, comparent défavorablement le Protelos aux bisphosphonates senser représenter "l'alternative thérapeutique" efficace au Protelos. Voilà une "alternative" pour le moins curieuse ! Les bisphosphonates constituent une classe de médicaments à haut risque et nous avons été un des premiers sites français à évoquer la question en 2006.

Je cite un passage de mon billet "Bisphosphonates et nécroses osseuses" : "Les bisphosphonates (ou disphosphonates) sont des inhibiteurs de la résorption osseuse. Ils bloquent l'activité des ostéoclastes et limitent ainsi la destruction de l'os. La construction de l'os est elle du ressort des ostéoblastes. Le remodelage osseux, est lié au fonctionnement coordonné et efficace des ostéoclastes et des ostéoblastes. En renouvelant l'os en permanence, ce remodelage permet à l'os de rester solide et résistant dans la durée. En bloquant les ostéoblastes par les biphosphonates on génére deux problèmes liés. Le premier problème concerne la qualité de l'os. Au bout d'un certain temps d'utilisation, on constate que le tissu osseux est en moyenne fait d'un matériau plus ancien et de moins bonne qualité qu'un tissu osseux normal. Le second problème, conséquence du premier, est que l'os devient plus fragile et cassant du fait de la baisse de qualité du tissu osseux. Dans ces condition l'efficacité de ces médicaments et les indications de leur prescription fait débat de longue date. Le bon sens plaide pour des indications bien circonscrites et strictement limitées et pour la recherche d'alternatives notamment par la nutrition et la supplémentation nutritionnelle (... ). Malheureusement ces approches "alternatives" sont très mal vues par la médecine actuelle. Et on assiste aux dérives habituelles des indications et des prescriptions sous la pression constante de l'industrie pharmaceutique."

Les bisphosphonates sont utilisés en cancérologie (les formes les plus actives) ou pour protéger des risques de fractures liées à la déminéralisation osseuse. On a observé des nécroses osseuses avec les produits de cancérologie. "En ce qui concerne les personnes soignées pour cancer, les personnes concernées par la nécrose de la machoire semblent déjà plus nombreuses qu'on aurait pu l'imaginer (ma traduction) "On estime que parmi les 500,000 patients cancéreux américains qui ont pris ces médicaments parce que leur maladie affecte leurs os de 1 à 10 % pourraient développer le problème." On voit l'incertitude des données et l'importance de la fourchette haute possible de l'estimation. Précisons aussi que selon un des meilleurs spécialistes du sujet, le Dr. Sook-Bin Woo, de l'école de médecine dentaire de Havard, la fourchette la plus probable serait en réalité de 6 à 10% !

Pour l'ostéoporose, on n'a pour l'instant aucune donnée fiable sur le risque. Cela vient probablement de ce que le risque est à priori nettement plus faible. Nénamoins des cas de nécroses de patients traités pour ostéoporose ont été également formellement identifiés et comme les personnes qui prennent des biphosphonates sont beaucoup plus nombreuses que celles qui en prennent pour un cancer on risque d'être confronté à un vrai problème de santé publique.

Les hôpitaux spécialisés en chirurgie de la machoire reçoivent désormais de très nombreux patients concernés par des nécroses de la mâchoire qui commencement souvent à l'occasion d'une extraction dentaire qui ne cicatrise pas et dégénère. La pathologie s'annonce comme un chemin de croix pour la plupart des personnes concernés. Il n'existe pas encore de traitement de référence et les opérations chirugicales outre qu'elles peuvent être très invalidantes donnent des résultats médiocres. La nécrose a tendance a redémarrer faute de tissu sain disponible. Il semble que cela soit un effet du blocage des ostéoclastes par les biphosphonates qui bloquent le remodelage osseux de la machoire. Le problème au niveau de l'extraction dentaire semble donc toucher de très larges sections du tissu osseux. Dans la stratégie de soin des nécroses, le retrait des biphosphonates se révèle quasiment sans efficacité à court et moyen terme, car la demi-vie de ces produits est très longue. On s'oriente aussi vers des antibiothérapies de longue durée qui pourraient devenir les traitements de référence de première intention.

Selon l'article "L'ostéonécrose et autres effets indésirables du traitement par les biphosphonates", les cas rencontrés sont très nombreux dans tous les pays et les articles publiés sur la question s'accumulent. En conclusion et reprenant des remarques faites par les auteurs de différents articles de référence sur la question les auteurs évoquent "une véritable future épidémie" ou une "bombe à retardement". Pas vraiment rassurant... "

Je montrai aussi les lacunes importantes du suivi de pharmacovigilance et des recommandations proches du ridicule proposées au personnel de santé par l'Afssaps.

J'avais complété l'information des lecteurs de Gestion Santé par "Un article d'une revue médicale dentaire suisse sur les nécroses osseuses et les bisphosphonates" dont je donne aussi un extrait : "L'article [suisse] enchaîne sur les manifestations cliniques, radiologiques et histologiques qui peuvent être absolument catastrophiques. Particulièrement intéressante et la ressemblance avec une ancienne maladie professionnelle liée à l'intoxication chronique au phosphore. "Ces cas d’ostéonécrose maxillo-mandibulaire ressembleraient à une maladie professionnelle aujourd’hui disparue, connue sous le nom de «phossy jaw» ou «Kieferphosphornekrose», qui touchait, au XIXe siècle, les ouvriers des fabriques d’allumettes ou de l’industrie de l’armement qui étaient exposés à l’inhalation chronique de vapeurs de phosphore blanc."

Cette similitude suggère que les biphosphonates activeraient la toxicité du phosphore bien qu'il soit donné à toute petite dose. De toute façon ces produits agissent bien comme un poison cellulaire en détruisant les ostéoclastes. On les utilise quand même très largement en prévention de l'ostéoporose !

Sur la structure chimique des bisphosphonates, on lira l'article de Pharmacorama. Cette catégorie de médicaments est en fait à l'origine un sous-produit de la recherche sur les.. lessives... une des principales multinationales du secteur s'étant lancée dans le secteur pharmaceutique à la suite de ses "fabuleuses découvertes" dans ce domaine... On notera d'ailleurs que des spécialistes de l'écologie sont partisans de l'interdiction des phosphonates des lessives dont la biodégradation est très mauvaise (lire par ex. ici point 13 p. 3/6), comme celle des biphosphonates médicamenteux qui persistent longtemps dans l'organisme, même après l'arrêt du traitement.

L'article confirme nos informations précédentes sur la rémanence : "Du fait de l’affinité des BP pour le tissu osseux et de leur forte liaison aux molécules calciques, les effets secondaires délétères sont susceptibles de persister pendant des années. Ainsi, ni la réduction de la posologie, ni l’arrêt des biphosphonates n’apportent d’amélioration; un traitement chirurgical est souvent nécessaire." Par ailleurs, "Les spécialistes sont unanimes à constater que les ostéonécroses des maxillaires associées aux BP sont extrêmement rebelles à toutes les formes de traitement."

Enfin la conclusion de l'article tournée vers l'avenir est très inquiétante "Une bombe à retardement - Compte tenu de la date d’introduction des BP, notamment de l’acide zolédronique (2003), molécule 1000 fois plus puissante que l’étidronate et 100 fois plus puissante que l’alendronate, et du fait que selon certaines estimations, plus de 2 millions de patients sont actuellement sous traitement par des BP, on peut redouter une augmentation significative du nombre de patients affectés dans un avenir proche. Des observations récentes de nouveaux cas vont dans ce sens."

Notre point de vue est que les bisphosphonates devraient être retirés du marché pour l'indication d'ostéoporose et que l'urgence est plus grande que pour le Protelos ! Nous sommes loin d'être les seuls à mettre en garde contre ces produits (lire par exemple pharmacritique).

Une prise en charge globale de la personne et une prise en compte intégrative de la santé de l'os

Le mépris de la médecine officielle à l'égard de la complémentation alimentaire et des approches non médicamenteuses pour les risques de fracture chez la personne âgée est... un véritable problème de santé publique !

Il faut privilégier la vitamine D (les apports actuellement conseillés sont insuffisants - il faut impérativement individualiser les apports et les ajuster pour maintenir des taux plasmatiques élevés) et la vitamine K1 et K2.

Les apports en calcium seuls ne sont pas adaptés, et les formes chimiques apportés ne sont souvent pas les plus efficaces. Il faut apporter l'ensemble des éléments minéraux complémentaires dont l'efficacité a été mise en évidence dans les études sur la nutrition humaine et cela sous des formes chimiques correspondant à la structure et au métabolisme osseux. La monothérapie par des produits vendus à prix d'or comme le Protelos n'est pas une approche rationnelle (indépendamment de la toxicité du produit).

Bien sûr, les compléments agissant sur la minéralisation de l'os sont efficaces sur le moyen ou le long terme et ne protègent pas des chutes qui sont le plus souvent à l'origine des fractures !

Il faut aussi agir aussi à court et moyen terme, lutter contre la paupérisations des séniors et leur désocialisation, leur assurer un habitat de qualité (limitant en particulier les risques de chutes) et une alimentation équilibrée, se préoccuper du maintien de la masse musculaire, (notamment par la L-Leucine et / ou les BCAA), et par une activité physique suffisante et adaptée aux personnes âgées. Il faut veiller à diminuer la surmédication trop répandue.


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Créé le 12/09/11. Dernière modification le 29/09/11