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Journal de bord de Novembre 2006

Faute de temps pour écrire des pages longues, structurées et relativement exhaustives sur tel ou tel sujet, je laissais souvent passer sans les commenter ou les citer une multitude d'excellents articles sur Internet ou dans des revues, ou sans parler de livres que j'ai lu et sur lesquels je souhaiterais attirer l'attention ou faire quelques commentaires utiles pour le lecteur de ce site. D'où cette nouvelle rubrique "Journal de bord" que j'ai lancé à la fin novembre 2005. La santé sera comme d'habitude le principal sujet traité ici, mais pas le seul, mes intérêts dépassant souvent ce domaine. Comme pour les autres dossiers traités ailleurs sur le site j'espère pouvoir apporter des informations intéressantes et souvent difficilement accessibles au non spécialiste et tout cela sur un ton plaisant si possible ! Bonne lecture...

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Novembre 2006 (et le Journal des 30 derniers jours) : : - 26/11 - Peter Rost nous explique Comment Big Pharma et les sociétés high tech font pour ne pas payer d'impôts - 23/11 - LaNutrition.fr s'intéresse aux conflits d'intérêts dans le monde de l'expertise - 21/11 - Autocritique à l'INSERM ? Effets collatéraux sur le projet sécuritaire "prévention et délinquance" de Sarkosy - 19/11 - Signons la pétition de PsY en mouvement "Non, à la mort programmée par l'Etat de la Psychothérapie française !" - 18/11 - Big Pharma et les enjeux des élections américaines - le point de vue de Byron J. Richards - 13/11 - Fréquentation de Gestion Santé - 07/11 - Articles de www.counterpunch.org sur les élections américaines et Big Pharma - 02/11 - Un article d'une revue médicale dentaire suisse sur les nécroses osseuses et les biphosphonates -

26 Novembre 2006 : Peter Rost nous explique Comment Big Pharma et les sociétés high tech font pour ne pas payer d'impôts

Le 7/11/06 nous avons commencé le 1er de plusieurs billets sur Big Pharma et les élections américaines. Le 7/11 c'était le site américain alternatif CounterPunch qui nous servait de guide avec un article de Peter Rost. Celui-ci ancien cadre dirigeant de l'industrie pharmaceutique revient sur CounterPunch nous expliquer les "Rules of the Game - How Multinational Corporations Avoid Paying Their Taxes" [Règles du jeu - Comment les entreprises multinationales évitent de payer leurs impôts]. [mes traductions pour l'article de Rost]

L'article s'intéresse aux techniques développées par certaines multinationales, notamment pharmaceutiques, pour délocaliser leurs profits dans des pays ayant une fiscalité très faible. Cette technique porte le nom trivial de "prix de transfert" (Transfer prices). Comme l'explique ce site en lien "Les prix de transfert sont les prix facturés pour le transfert de biens, de services, ou d'actifs incorporels entre des entreprises associées localisées dans des juridictions [fiscales] différentes" [ma traduction] .

Selon Rost, "Les abus dans le domaine des prix de transfert sont un des outils principaux que les entreprises multinationales utilisent pour tromper les U.S.A et d'autres pays et leur faire croire qu'elles ne font quasiment pas de profits et que donc elles ne devraient pas payer d'impôts. (...). L'argent que nous perdons ainsi peut-être estimé en dizaines de milliards, peut-être même en centaines de milliards chaque année. Nous finissons tous par payer des impôts plus élevés parce que de riches entreprises font en sorte de ne pas avoir à le faire."

Il ne s'agit pas de spéculations gratuites et Rost donne l'exemple tout récent d'une des principales multinationales pharmaceutiques, l'anglais GlaxoSmithKline (GSK) qui vient de signer un accord contractuel de 3,4 milliard de $ avec l'IRS (Internal Revenue Service), l'autorité responsable du recouvrement des impôts aux Etats-Unis, faisant suite à un litige de 17 ans sur les prix de transfert pratiqués par GSK, l'IRS estimant que la firme avait abusivement rapatriée par ce mécanisme des profits de ses filiales US vers la Grande Bretagne (L'affaire a été largement traitée dans les grands médias, lire ici par ex. ou en français).

Merck autre géant (américain) de la pharmacie vient de révéler qu'il était aussi en litige avec les autorités fiscales canadiennes et américaines avec un passif potentiel de 5,6 milliards de $. D'après Rost, "Selon l'IRS, l'un des mécanismes utilisé par Merck pour escroquer le contribuable américain a consisté à installer une filiale dans le paradis fiscal des Bermudes. Merck a ensuite transféré les brevets de plusieurs produits leaders [G.S. "blockbusters" = désigne un médicament générant plus d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires par an] à sa nouvelle filiale et a ensuite payé à cette filiale pour l'utilisation de ces brevets. L'arrangement a en pratique permis à une partie des profits de disparaître dans le "triangle des Bermudes" créé par Merck."

Rost détaille en plus le montage général de ce genre de pratiques "Pour des compagnies travaillant dans certains secteurs, comme les produits pharmaceutiques, c'est très simple de tout simplement "inventer" le prix qu'une compagnie située dans un autre pays facture à son partenaire U.S.. Et si le prix est assez élevé, "poof"; tout les profits disparaissent des USA, ou du Canada, ou de tout autre juridiction pratiquant une fiscalité normale pour finir dans un paradis fiscal pour entreprise. Et cela veut dire que les contribuables américains et canadiens ne reçoivent pas une part équitable."

Rost ajoute que ces pratiques s'accompagnent souvent de la tenue par les multinationales d'une double comptabilité, l'une pour les autorités fiscales où il est prévu de rapatrier à terme les bénéfices et un autre jeu à destination des dirigeants retranscrivant les coûts réels des différentes opérations qu'ils suivent. Evidemment certains secteurs se prêtent mieux que d'autres à ces pratiques, il ne faut pas que les coûts de fabrication soit trop importants. Par contre dans le cas de l'industrie pharmaceutique où les prix de fabrication des médicaments représentent souvent de l'ordre de 5% du prix de vente, les marges de manoeuvre sont énormes et la tentation de surfacturer le prix des bien achetés quasi irrésistible. "Cet argent est ensuite accumulé dans des paradis fiscaux pour entreprises ou les médicaments sont fabriqués comme Porto Rico ou l'Irlande. Porto Rico a pendant des années attiré de nombreuses usines de produits pharmaceutique et l'Irlande est la nouvelle destination pour de telles installations, non pas à cause de l'expérience des travailleurs ou de la beauté des paysages ou de la qualité de la bière mais à cause des faibles taxes. L'Irlande a en fait l'un des impôts sur les sociétés les plus faibles de la planète avec un taux d'imposition maximum de 12.5 %."

A Porto Rico un taux d'imposition de 10% et des dispositions très libérales de rapatriment des capitaux vers les USA depuis cette quasi colonie américaine en faillite font de Porto Rico un énorme centre de fabrication des médicaments pour les USA.

Les lignes de conduite de l'OCDE prévoient que les prix de transfert devraient être basés sur le principe que la facturation devrait être la même que si les biens étaient facturés à une entreprise indépendante sur le marché concurrentiel. Rost estime que ce principe est quasiment systématiquement violé par les multinationales qui utilisent les prix de transfert et d'autres astuces pour délocaliser leurs bénéfices vers des paradis fiscaux. Selon lui elles auraient tort de se géner si l'on en juge par la durée étonnante de règlement de l'affaire GlaxoSmithKline, sachant qu'évidemment seule une partie seulement de ses affaires donnent lieu à poursuites. Rost explique que ces pratiques touchent aussi d'autres secteurs notamment l'informatique. Il explique comment Microsoft a réaliser des économies d'impôts colossales en créant une filiale pour ses brevets en Irlande. Google s'organise actuellement pour réaliser des opérations similaires. Ces pratiques sont caractéristiques des sociétés dont la valeur en terme de propriétés intellectuelles est très importante. En général les compagnies innovantes déposent une première série de brevets dans leur pays d'origine puis lorsqu'elles développent une deuxième génération de brevets elles les déposent dans une filiale dans un paradis fiscal qui va pomper une bonne partie de leur bénéfice de façon réelle ou fictive via les prix de transfert.

Ce système possède un inconvénient car le rapatriement de ces bénéfices non imposables donne lieu à imposition lors du retour aux USA (hormis pour quelques paradis fiscaux légaux comme Porto Rico). D'où les 750 milliard de $ estimés bloqués dans les filiales étrangères de entreprises US jusqu'à tout récemment. Mais qu'à cela ne tienne le Congrès stipendié par les multinationales a autorisé le rapatriement des leurs profits d'avant 2003 moyennant une imposition de 5,25% au lieu de... 35% !

Gestion Santé : Cette "libéralité" explique selon certains économistes pour une bonne partie la résistance du $ jusqu'à tout récemment sur le marché des changes alors que de nombreux facteurs plaide pour une forte baisse de celui-ci. L'ultralibéralisme se nourrit des pratiques ici décrites. Ces mécanismes de rente et de prédation des ressources financières par les multinationales sont tout à fait basiques mais généralement méconnus de la plupart des citoyens.

Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1106.htm#26_11_06

23 Novembre 2006 : LaNutrition.fr s'intéresse aux conflits d'intérêts dans le monde de l'expertise

Nous avons régulièrement traité de la question des conflits d'intérêts qui parcourent en France le domaine de l'expertise et qui nuisent gravement à l'examen de toutes sorte de questions de santé publique (pour n'aborder ici que la question de la santé). Nous avons traité en détail de la question par exemple dans notre page "L'expertise santé à la française : L'AFSSAPS déclare que 840 médicaments ont un service médical rendu insuffisant" en particulier dans la section "Politiques, hauts fonctionnaires, experts et conflits d'intérêts" et dans les suivantes "Le secteur privé et l'expertise", "Certaines mesures gouvernementales récentes vont dramatiquement aggraver la dépendance des experts", "L'expertise française en matière de santé et la loi du 1er juillet 1998", "Les essais thérapeutiques des labos et les experts", etc. Ce document contenait à la fois une analyse théorique de la question (c'est à dire pourquoi y a-t-il une tendance lourde dans la société qui pousse aux conflits d'intérêts), des illustrations concrètes et des propositions de solutions.

Il n'en reste pas moins que la lutte contre les conflits d'intérêts passe aussi par une analyse micro-sociologique approfondie des conflits d'intérêts. Ce qui veut dire qu'au-delà des analyses générales nécessaires à la compréhension des enjeux et des grandes tendances, il est indispensable d'aller également étudier dans le détail et de façon aussi exhaustive que possible les conflis d'intérêts. Les deux analyses ne sont pas exclusives mais bien au contraire se renforcent mutuellement, permettent de vérifier diverses hypothèses et permettent aussi à la société civile de mieux cerner au cas par cas ses interlocuteurs autour de tel ou tel enjeu de santé publique concret.

Pour les médicaments par ex. les conflits d'intérêts devraient être étudiés par grandes classes de pathologies et dans le domaine de la nutrition il faut aussi faire une analyse par grandes catégories de produits alimentaires en partant, en général, des syndicats professionnels, qui sont les seuls à disposer des moyens financiers leur permettant d'influencer des experts.

On sait que Thierry Souccar et Isabelle Robard ont déjà fait oeuvre utile dans ce domaine avec leur livre "Santé, mensonges et propagande" que nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises sur Gestion Santé (recherche avec Google). Thierry Souccar revient donc à la charge sur son site LaNutrition.fr avec ce que nous avons appelé précédemment une étude micro-sociologique puisqu'elle concerne les coulisses de L'Observatoire du Pain.

L'article est intéressant par l'éclairage qu'il propose autour de l'indice glycémique comme indicateur de santé nutritionnelle, par le parcours d'experts de premier plan qu'il permet de dévoiler, par les relations curieuses, par expert interposé (jusqu'à une date récente), qui se sont nouées entre le PNNS (Programme national nutrition santé) et l'Observatoire du Pain.

Bravo donc à LaNutrition.fr pour ce coup de projecteur dans les coulisses de l'expertise.

Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1106.htm#23_11_06

21 Novembre 2006 : Autocritique à l'INSERM ? Effets collatéraux sur le projet sécuritaire "prévention et délinquance" de Sarkosy

Autocritique à l'INSERM ?

On sait que le credo scientiste virulent désormais professé à l'INSERM, une des principales institutions de recherche française avec le CNRS, a connu récemment un sévère revers. Trop arrogante et trop sure d'elle-même l'Institut qui croyait pouvoir déployer impunément ses analyses marquées par le réductionisme scientiste le plus débridé à pris la société civile de front avec son rapport sur le Troubles des conduites.

Nous avions fait une critique virulente de ce travail surtout par rapport à la question des facteurs nutritionnels dans notre billet du 15/02/06 à peu près au même moment où un collectif lançait un site et une pétition " Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans - Appel en réponse à l'expertise INSERM sur le trouble des conduites chez l'enfant " dont nous rendions compte quasiment en temps réel dans notre billet du 17/02/06.

Cette dérive de l'INSERM remonte en fait à nettement plus loin dans le temps. Nous avions pointé le phénomène dans notre billet du 7/12/05, à l'occasion d'un rapport lamentable sur la psychothérapie de cet Institut, en soulignant que la gravité du phénomène allait bien au-delà de tel ou tel rapport critiquable. Je me permet de citer ce billet dont les positions théoriques me paraissent plus que jamais d'actualité :

"Du côté des mauvaises nouvelles il faut évoquer l'INSERM devenu un bastion du conservatisme médical le plus intransigeant, qui médicalise et biologise, rapport après rapport, toutes les dimensions des problèmes médico-psycho-sociaux. Seules les thérapies cognitives et comportementales et les médicaments ont désormais droit de citer, la dimension psychologique, psychosociale, économique, nutritionnelle des troubles de la personnalité est passée au karcher (cet outil s'utilise aussi largement de nos jours dans le domaine des sciences humaines). Le gouvernement soutient largement cette nouvelle machine de guerre qui vise à l'éradication de toute prise en compte de la complexité de la dimension humaine de la subjectivité (...).

Du point de vue social et politique, on est frappé de voir combien dans l'idéologie en voie de radicalisation des nouvelles classes dominantes mondialisées, le système de contrôle social, dans lesquels les médias sous influence pèsent de plus en plus lourd, supporte de plus en plus mal le questionnement et la critique de l'ordre établi que porte les sciences humaines en général et la psychanalyse et les psychothérapies en particulier. Seul le reformatage cognitif visant à une adaptation rapide aux contraintes sociales extérieures, sans recul critique sur la société et ses contraintes ni référence aux besoins profonds de l'individu est désormais toléré. (...)

La société française qui est ressortie du référendum sur la constitution européenne dans un état de clivage entre classes dominés et dominantes comme on ne l'avait pas connu en France depuis des décennies, est dans un état de crise de légitimité majeure de son pouvoir normatif, ce qui ouvre des espaces de changement mais est aussi propice à des tentatives de reprise en main brutales passant par l'exploitation des angoisses et des peurs sociales de la population. Tout cela résulte notamment et à mon avis pour l'essentiel de la perte de contrôle des classes dirigeantes sur le contenu des médias indépendants sur Internet et de la professionnalisation et de la légitimation éditoriale croissante de ceux-ci. La comparaison éditoriale entre le contenu bidonné ou complètement stéréotypé des médias dominants et la recherche de pertinence et d'objectivité qui se développe dans les médias dominés est de plus en plus perceptible et crée une tension sans précédent dans la psyché collective depuis que le phénomène touche des populations qui deviennent conséquentes."

En tout cas le collectif Pas de zéro de conduite a fait mouche et récolté près de 200 000 signatures à sa pétition. L'étendue de la réaction du public et la variété et la qualité des professionnels de terrain pour la plupart très remontés contre le rapport et les projets politiques qui gravitaient autour de lui a amené l'INSERM à faire ce que le Figaro du 17/11/06 estime être une "autocritique" et selon la journaliste Catherine Petitnicolas "L'institut fait un virage à 180° sur l'appréciation de la signification des manifestations d'agressivité des bambins."

Toujours selon le Figaro, "Bien conscient du malaise, l'Inserm a organisé mardi à la Mutualité, à Paris, une « quasi-contre-expertise » collective sur la question, qui a fait salle comble. Et a annoncé une refonte complète de la façon de mener ces travaux fondés jusqu'ici sur une analyse certes très détaillée mais par trop théorique de toutes les publications scientifiques internationales (nord-américaines surtout) sur le sujet. Et sans suffisamment tenir compte de la réalité des pratiques dans notre pays."

On fera remarquer que le «quasi-contre-expertise» valait probablement largement le rapport d'une incroyable nullité produit par l'INSERM sur le Trouble des conduites de l'enfant. En ce qui concerne l'approche "certes très détaillée mais par trop théorique" il faut quand même rappeler que l'INSERM est capable de parler longuement des troubles des conduites de l'enfant et de donner des conseils de prise en charge dans ce domaine sans juger utile de dire un mot des dispositifs psychologiques, médicaux et sociaux de leur prise en charge concrète par la société française avec leurs qualités et leurs lacunes éventuelles (et donc évidemment aucun comparatif entre régions ou avec d'autres pays n'est proposé), ni évoquer le système scolaire et ses problèmes, ni évoquer les difficultés liées aux conditions économiques et sociales de vie des familles françaises, ni encore sans s'intéresser le moins du monde à la nutrition malgré qu'elle joue évidemment un rôle clé dans le développement psycho-comportemental des enfants. Je suppose que pour l'INSERM du moment qu'un enfant ne meurt pas de faim il n'y a pas lieu d'évoquer la nutrition dans son développement neuro-psychologique...

On apprend que selon le Figaro qui a consulté l'INSERM :

"« Cet épisode qui a entraîné bien des polémiques sera très positif pour notre organisme de recherche », a d'emblée pointé le président du comité d'éthique de l'Inserm, Jean Claude Ameisen. « Désormais lorsqu'une expertise aura de fortes implications sociétales, comme celle-là, nous demanderons aux professionnels de terrain de nous faire des propositions sur les noms d'experts à consulter, puis, à l'issue de ce travail mais avant sa publication, nos interlocuteurs y auront à nouveau accès, précise Jean Marie Danion, professeur de psychiatrie à Strasbourg et directeur de l'unité Inserm 666. "

On est heureux d'apprendre que l'INSERM soit doté d'un "comité d'éthique" qui n'a pas du être jusqu'à tout récemment trop débordé de travail. Il faudra d'ailleurs que je me fasse expliquer un jour la différence certainement très subtile entre comité d'éthique et chargé de la communication dans ces belles institutions bureaucratiques si caractéristiques de notre modernité si pleine d'humanité. Pour ce faire une idée de la qualité admirable de l'éthique produite actuellement en France dans divers comités Théodule, on pourra lire de Bernard Guennebaud "Quand le BCG pulvérise la morale du Comité d'éthique" ou notre billet du 22/09/06 "Au pays de Tartuffe : la vaccination contre le BCG et l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique".

On prendra néanmoins acte des engagements importants pris par l'INSERM en ce qui concerne ses nouvelles méthodes de travail, même si l'on se demande s'il ne s'agit pas plutôt de méthodes de déminages puisque, apparemment, elles ne s'appliqueront qu'aux expertises "ayant de fortes implications sociétales", précision fort inquiétante qui montre bien les limites et les réticences probables de l'INSERM à l'égard de ces changements.

A mon sens les graves errements constatés ces dernières années traduisent une crise grave du recrutement qui frappe tout particulièrement les sphères dirigeantes de l'Institut. Certes ces technocrates, probablement compétents et efficaces, peuvent sans état d'âme mener du jour au lendemain des politiques diamétralement opposées s'ils en reçoivent l'ordre, mais est-ce avec eux qu'on remettra au centre du travail de l'INSERM une véritable anthropologie médicale qui devrait s'appuyer sur une synthèse interdisciplinaire de qualité en provenance des différentes sciences humaines et des sciences de la vie selon une méthodologie à adapter spécifiquement à chaque sujet d'étude ? Poser la question s'est évidemment y répondre par la négative !

Effets indirects sur le projet sécuritaire "prévention et délinquance" de Sarkosy

Il faut aussi savoir comme l'expliquait un article de Libération de Eric Favereau sur le même sujet le 15/11 que tout cela avait un volet politique très affirmé à l'arrière plan : "On était alors en plein débat sur les projets sécuritaires de prévention de la délinquance de Nicolas Sarkozy (...). Cette expertise, effectuée à partir de synthèses d'études de la littérature médicale, semblait prendre ouvertement partie. Elle préconisait «le repérage des perturbations du comportement dès la crèche et l'école maternelle». Les chercheurs présentaient comme pathologiques «des colères et des actes de désobéissance», et les présentaient comme «prédictifs» d'une délinquance. «Des traits de caractères, tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme, l'agressivité», mais aussi «l'indocilité, l'impulsivité, l'indice de moralité bas», étaient ainsi mentionnés «comme associés à la précocité des agressions». En arrière-fond, il y avait aussi la montée en puissance des neurosciences, avec une vision comportementaliste de la maladie mentale, y compris chez l'enfant."

En tout cas la mobilisation citoyenne autour de cette affaire de troubles de l'enfant aura très utilement diffusée bien au-delà de son objet spécifique et atteint le projet de loi ultrasécuritaire de Sarkosy "prévention et délinquance" qui prévoit des dispositions scandaleuses en matière de psychiatrie, de suivi socio-pénal des populations et de pouvoirs donnés au maires.

Ainsi nombre d'associations mais aussi d'élus sont très remontés par rapport à ce projet . A Paris par exemple où l'on évoque un projet "inefficace et dangereux" et où on estime que,

"En imposant aux professionnels de l’action sociale d’informer le maire de la situation d’une personne ou d’une famille rencontrant des difficultés sociales par la levée du secret professionnel, ce texte porte atteinte aux libertés individuelles.

En désignant le maire comme un maillon de la chaîne pénale, ce projet crée une confusion des rôles et des responsabilités avec les autorités de police et de justice. Il sert à masquer la faiblesse des moyens budgétaires et humains de la justice et de la protection judiciaire de la jeunesse, de la psychiatrie publique qui est hélas une constante dans notre pays. La municipalité refuse que le gouvernement se défausse sur les Maires de la responsabilité de l’insécurité -qu’il n’a pas su enrayer-.

Les élus locaux n’ont pas vocation à exercer un contrôle social et parental sur les familles. Les principes du travail social, fondés sur le secret professionnel et la relation de confiance avec les usagers, doivent être respectés.

De même, nous refusons l’amalgame entre maladie mentale et délinquance, unanimement dénoncé par les professionnels."

Le Dr Pierre Suesser, vice-président du Syndicat national des médecins de PMI, qui a été l'un des initiateurs de la pétition Pas de zéro de conduite est par exemple actuellement en première ligne dans la lutte contre le projet de prévention de la délinquance en ce qui concerne ses volets psychiatrie, santé mentale et pouvoirs donnés au maires, ce qui confirme bien la diffusion du débat à partir de la critique du rapport de l'INSERM.

En ce qui concerne l'aspect psychiatrie les professionnels de la santé concernés sont attérés comme le montre bien le communiqué ci-joint sur le projet de révision de la loi de 1990 sur les dispositions concernant l'internement psychiatrique.

Par rapport à tout cela et alors qu'il n'a jamais pris l'avis de spécialistes de la santé ou des affaires sociales le ministre de l'intérieur continue comme si de rien n'était malgré les nombreux signes d'alertes venant de toute part concernant les incohérences de son projet. Tout cela dans un climat de grande confusion ou le ministre de l'intérieur agit comme un premier ministre bis avec le soutien d'une partie du groupe UMP à l'assemblée. En ce qui concerne le volet santé mentale uniquement, une tardive et piteuse tentative de déminage qui accroit encore la confusion vient d'être lancée. Dans Libération du 15/11 "Imbroglio législatif sur la santé mentale" Eric Favereau nous apprend ainsi que "les députés UMP ont décidé de permettre au gouvernement de légiférer par ordonnance sur le volet santé mentale. Et pour ce faire, le groupe UMP va autoriser le gouvernement à présenter, dans sa niche (séance dont l'ordre du jour est fixé par un groupe) du 23 novembre, un projet de loi relatif «aux professions de santé dans lequel sera introduit un amendement l'habilitant à légiférer par ordonnance». Mais comme rien ne peut être tout à fait simple ­ et manifestement pour ne pas vexer le ministre de l'Intérieur ­, il est prévu que l'Assemblée nationale examine malgré tout le texte de Sarkozy, y compris sur le volet santé mentale. Mais une fois que le gouvernement aura légiféré par ordonnance, «on pourra supprimer ce qui aura été voté par précaution»."

C'est vraiment n'importe quoi !

L'inconséquence de Sarkozy et du gouvernement ouvre un boulevard potentiel pour des prises de positions politiques où l'on pourrait s'adresser directement à la société civile très mobilisée et aussi rassurer une opinion publique visiblement très sensibilisée sur toute ces questions et surement pas dans un sens ultrasécuritaire, comme le montre l'énorme soutien inattendu à la pétition Pas de zéro de conduite. Cela permettrait aux personnalités politiques de l'opposition de se positionner utilement sur ces importants sujets de société dans la perspective des présidentielles. Malheureusement les errements du ministre de l'intérieur sont loin d'être exploités comme il le faudrait par les socialistes et leur candidate, ni d'ailleurs par les autres candidats d'opposition.

Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1106.htm#21_11_06

19 Novembre 2006 : Signons la pétition de PsY en mouvement "Non, à la mort programmée par l'Etat de la Psychothérapie française !"

Cela fait un moment que nous alertons nos lecteurs sur les projets liberticides en préparation dans les officines franco-française concernant la réglementation de la psychothérapie. Nous avons en fait été un des premiers site Internet à alerter l'opinion fin 2003 via un article très étoffé sur la question " Pas de liberté s'il vous plait, nous sommes français ! ".

Plus récemment et après le vote d'un projet de loi médiocre, alors que les discussions devenaient plus techniques autour du projet de décret lié à ladite loi nous nous sommes retrouvés dans les positions du groupe PsY en mouvement, très pragmatique et efficace dans les discussions politici-administrative engagées autour du projet de décret, mais très exigeant sur les positions de principe et tout à fait en phase avec nos propres positions. De ce fait, depuis le vote de la loi nous nous contentons en général de diffuser en les commentant les principales annonces de PsY en mouvement sur la question (lire notre dernier billet du 24/10/06).

Comme nous l'annoncions dernièrement et probablement suite à des arbitrages fait à haut niveau sous la pression des factions extrémistes des milieux UMP antipsy réunis autour du député Bernard Accoyer, le ministre de la santé est complètement revenu sur ses engagements initiaux et qui satisfaisaient toutes les parties pour sortir en définitive une nouvelle version désastreuse du projet de décret. Les médecins et les psychologues, même sans formation ou expérience spécifique de la psychothérapie sont outrageusement favorisés par rapport aux psychothérapeutes formés dans des écoles privés dont la liquidation est à l'opposé programmée même pour ceux déjà en exercice ! Les psychanalystes bénéficient d'une reconnaissance spécifique alors que d'un point de vue administratif et légal rien ne permet de les distinguer des autres écoles de psychothérapies, ce qui ouvre la porte à toute sorte d'abus. Aucune reconnaissance ou partenariat avec l'université n'est prévu pour les écoles privées de psychothérapeute. La formation universitaire à la psychothérapie sera d'un niveau très élevé (master) portant en germe une situation de conflit et de crise grave avec les psychologues. Bref un désastre complet.

Avant d'aller devant le Conseil d'Etat pour tenter de faire annuler un décret qui ne devrait pas manquer de failles légales, PsY en mouvement tente un dernière effort pour peser sur le projet de décret via l'opinion publique.

J'invite donc tous les lecteurs de Gestion Santé à signer cette pétition en allant à :

Pétition Psychothérapie : Non, à la mort programmée par l'Etat de la Psychothérapie française !

Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1106.htm#19_11_06

18 Novembre 2006 : Big Pharma et les enjeux des élections américaines - le point de vue de Byron J. Richards

Une des mes amies militante de la liberté thérapeutique m'a fait suivre un excellent article de Byron J. Richards, un activiste qui défend la liberté thérapeutique et les thérapies naturelles mais connait aussi très bien les coulisses de la FDA et de Big Pharma. On peut lire de lui par exemple l'ouvrage "Fight for your health - Exposing The FDA'S Betrayal of America" Son dernier article "The politics and profits in keeping americans sick" [Essai de traduction : Les politiques et les profiteurs qui gardent les américains malades] date du 12/11 et nous permet de faire une suite postélectorale à notre billet préélectoral du 7/11 sur les enjeux des élections de novembre maintenant que l'on connaît la victoire démocrate. Son article est très fouillé et bien sourcé et propose des analyses des rapports de pouvoir entre politique - Big Pharma et enjeux de santé difficilement trouvables ailleurs, d'autant que notre auteur porte un intérêt tout particulier aux actions de Big Pharma contre les thérapies naturelles (notamment l'enjeu clé pour l'avenir des suppléments nutritionnels), ce que ne font pas les critiques "classiques" de Big Pharma qui en font une critique qui reste enfermées dans une anthropologie médicale étriquée et sclérosée que Big Pharma a justement contribuée à façonner, notamment après la 2e guerre mondiale. Sur notre critique des "critiques classiques" du système médico-insustriel on pourra se reporter ici à notre analyse des ouvrages de Christian Lehman, Philippe Pignarre et Jean-Claude Salomon.

C'est dans ce contexte que suivrons assez longuement Richards dans son exposé qui traite successivement de plusieurs sujets ayant des connexions importantes entre eux notamment du fait des acteurs concernés.

Hormis les sections traduites par nous-même entre guillemets du texte de Richards, le reste, bien que nous suivions le plan de l'article de Richards, constitue un commentaire libre avec des apports originaux de Gestion Santé et des compléments divers issus des articles donnés en lien par Richards.

Medicare Part D a pris un gros coup sur la tête

Richards explique que "L'un des meilleurs amis de Bush, Big Pharma, a fait tout ce qu'il pouvait pour le sortir du pétrin. Il a déversé plus de 8 million de dollars dans les coffres de campagne de ceux qui étaient dans des courses serrées et pour ceux dont il aura besoin de soliciter l'aide dans les mois à venir." Bien sûr un des enjeux principaux est Medicare Part D dont nous avons déjà parlé en détail le 7/11.

Richards cite un excellent article du San Diego Union par Dana Wilkie qui fait avec trois ans de retard le bilan accablant de la réforme de Medicare "Lobbying's ills shine through in Medicare law - Watchdogs say Congress caved" [Les méfaits du lobbying transparaissent avec éclat à travers la loi Medicare - Les "chiens de garde" dénoncent l'effondrement (moral) du Congrès - Remarque : Les chiens de garde (Watchdogs) sont le nom populaire donné à des militants ou à des organisations de protection des intérêts civiques ou consuméristes] :

"Le trajet du plan de prescription des médicaments – que les seniors à travers tout le pays dénoncent avec virulence pour sa confusion, ses prix élevés et ses incohérences – est accompagné de révélations sur des tactiques très agressives pour le faire avancer à la Chambre utilisés par l'industrie pharmaceutique et les compagnies d'assurance santé déversant des cadeaux de campagne sur des législateurs clés et de confortables arrangements pour ceux qui ont rédigé le texte de loi et sont ensuite partis pour prendre des emplois très lucratifs de lobbyistes."

Le résultat est plutôt désastreux alors que le "Président Bush s'était fait le champion du dénommé Medicare Part D program comme un moyen de donner aux patients de Medicare et à Medicaid plus d'options pour leur assurance et de diminuer le coût des médicaments. Mais cela devient un sujet explosif à de nombreux rassemblements publics organisés par les politiciens avec leurs électeurs.

Les américains se plaignent que leur nouvelle assurance paie parfois pour un médicament mais pas un autre, ou qu'ils sont placés automatiquement dans des projets de soin qui ne remboursent pas leurs prescriptions. Il y a de la colère sur des délais d'accès aux médicaments et de la frustration à propos de dispositions complexes."

Les sondages auprès des personnes concernées sur la simplicité d'utilisation et l'efficacité du plan sont très mauvais. Dana Wilkie explicite : "Prenez l'avis de n'importe quel watchdog de surveillance du gouvernement et vous entendrez que l'une des raisons pour laquelle les coûts des médicaments de Medicare sont hors de contrôle vient de ce que le Congrès a capitulé devant les demandes des compagnies pharmaceutiques et interdit à Medicare de négocier des remises sur les quantités achetées. Cela alors que le Veterans Health Administration arrive à sauver des millions de dollars au contribuable via de telles négociations."

L'article estime que si l'on a pas constaté de délits criminels comme dans les affaires des lobbyistes Cunningham et Abramoff, les pratiques constatées n'en sont pas moins inacceptables et nécessiteraient des réformes profondes des pratiques de lobbying. " “Ce que vous constatez là est ce qui arrive quand l'industrie pharmaceutique, par le lobbying, les contributions aux campagnes électorales et l'achat d'influence, obtient le programme qu'il souhaite” explique Larry Noble, directeur exécutif du Center for Responsive Politics, un watchdog surveillant le Congrès. “Ce contre quoi l'industrie à mené ses actions de lobbying c'est n'importe quel type de système cohérent, et ils ont obtenu pratiquement tout ce qu'ils demandaient en terme de quelle offre proposer et de comment la proposer.” "

Noble donne comme exemple de liens inacceptables celui de Billy Tauzin, un républicain de Louisiane qui s'est illustré par ses conflits d'intérêts. Tauzin a été président du Comité pour l'Energie et le Commerce de 2001 à 2004. A ce titre il supervisait l'industrie pharmaceutique et les législations la concernant. De ce fait, Tauzin a participé à la conception de sections majeures de la loi sur Medicare de 2003. Début 2005 il démissionnait de son mandat pour aller siéger à la tête du Pharmaceutical Research and Manufacturers of America , or PhRMA, un très puissant groupe commercial également chargé de réaliser les plus importantes campagnes de lobbying de l'industrie pharmaceutique. On lui aurait proposé plus d'un million de dollars par an pour ses services. "Alors que les lois fédérales interdisaient à Tauzin d'effectuer du lobbying pendant un an après avoir quitté son poste, son nouvel emploi lui donne néanmoins une influence considérable sur la conception de la politique de santé à Washington." Ll'article dresse aussi la liste et les montants des contributions électorales octroyées à divers politiciens républicains. De plus, mettant en fureur les critiques de Medicare, "les 10 compagnies qui ont gagné des contrats fédéraux lucratifs pour offrir une couverture nationale de prescription pour Medicare, y compris Pacificare Health Systems basé en Californie, on donné au total $6.5 millions à des membres du Congrès au cours des six dernières années."

Richards donne aussi un lien vers un volumineux document de Public Campaign (www.publicampaign.org) datant d'août 2004 "How the White House and Congress Are Neglecting Our Health Care Because of Their Corporate Contributors" [Comment la Maison Blanche et le Congrès négligent notre santé du fait des contributions financières des entreprises], document que nous n'avons pas encore eu le temps de lire vu sa longueur. Il cite également parmi les politiciens républicains liés à Big Pharma Orinn Hatch et Rick Santorum. Nous avions évoqué le cas de ce dernier le 7/11. Il a été arrosé de façon incroyable de contributions par Big Pharma, il faut dire qu'il défendait ardemment Medicare Part D est a fait un lobbying intense auprès de ses collègues sénateurs pour bloquer les projets autorisant la réimportation des médicaments du Canada et d'Europe où ils sont beaucoup moins chers. Heureuse nouvelle il a mordu la poussière face à Bob Casey Jr., mis au pain sec et à l'eau par Big Pharma pour avoir critiqué de façon virulente les errements de Medicare. D'autres grands amis de Big Phama sont également allés au tapis tel le Sen. républicain Mike DeWine de l'Ohio et Mark Kennedy du Minnesota.

Dans le cadre des mauvaises nouvelles le bellisiste démocrate et par ailleurs grand ami de Big Pharma Lieberman qui s'était présenté en indépendant après avoir perdu les primaires démocrates a été réélu, "Lieberman n'aime pas voir les compagnies pharmaceutiques poursuivies en justice quand elles rendent les américains malades ou les tuent et est partisan de l'accélération des procédures de mise sur le marché des médicaments dangereux où dont l'efficacité n'est pas démontrée". Sur le contexte général de l'élection on pourra lire "Le Parti démocrate contrôle les deux chambres du Congrès" de Patrick Martin sur www.wsws.org.

Parmi les autres politiciens fortement soutenus par Big Pharma pour avoir aidé à faire passer Medicare Part D "se trouvaient Nancy Johnson (R-CT) et Mike Ferguson (R-NJ). Dans le passé, Big Pharma les a récompensé avec les dons les plus importants pour la Chambre [des représentants] (Ferguson $371,000 et Johnson $338,000). Ils étaient aussi dans le top ten de Big Pharma pour la présente élection (Ferguson $239,000 and Johnson $171,000). Ferguson a gagné et Johnson a perdu."

Les inquiétants projets de Big Pharma à l'encontre des suppléments nutritionnels

Richards bien qu'il convienne de ce que Big Pharma a subit un revers en novembre estime qu'il garde une longueur d'avance sur ses adversaires : "Il prépare agressivement ses prochains pas en avant pour préserver les profits frauduleux de l'industrie de la maladie, s'assurer qu'il peut nuire à la santé des américains sans être sanctionné, éliminer la compétition des suppléments nutritionnels, et saper votre droit à être en bonne santé."

Ces intentions futures peuvent être notamment décodées au travers de financements massifs de compétiteurs qui n'étaient pas dans des courses électorales serrées, ce qui donne à penser que les financements qui leur ont été atttribués sont surtout liés à des projets d'actions futures de Big Pharma. Dans ce cadre on repère "Orrin Hatch (R-UT) et Edward Kennedy (D-MA). Hatch était second [en montant de financement], recevant plus de $300,000 et Kennedy est arrivé 5e avec $226,000". [R = Républicain D = Démocrate, suivi du nom de l'Etat]. Attention il ne s'agit pas ici de Mark Kennedy susévoqu" mais du démocrate bien connu Edward Kennedy.

Richards détaille ensuite le cas de Hatch qui en 30 ans à Whashington a développé de longue date des relations de lobbying très élaborées avec l'industrie pharmaceutique et avec celle des suppléments nutritionnels (il a voté la grande loi de libéralisation des suppléments en 94). Ses positions ont été changeantes dans le temps, mais c'est tout récemment qu'il s'est illustré par son soutien "à l'épouvantable Adverse Event Reporting (AER) [Rapport des effets adverses] pour les suppléments nutritionnels, une législation destinée à vous dépouiller de votre liberté thérapeutique". Cette législation assimilerait les suppléments aux médicaments par rapport au principe de précaution et non plus à celui de la nutrition qui donne pourtant toute satisfaction compte tenu de l'extraordinaire sureté de ces produits constatée depuis 1994. Cette loi prévoit des règles de signalement peu fiables et très coûteuses et serait une catastrophe pour les fabricants, les distributeurs et les consommateurs (lire le commentaire sur le projet de loi S.3546 par la Life Extension Foundation). Les politiciens très favorables à Big Pharma sont venus en renfort de Hatch and Durbin qui ont mis le projet dans le circuit législatif avec le risque d'un examen lors de la prochaine inter-session législative.

Big Pharma veut réformer la FDA avec l'aide de ses amis politiques

Selon Richards que nous citons ici longuement "Le cadeau de Big Pharma à Kennedy est compréhensible. [G.S. : Richards parle ici à nouveau du démocrate Edward Kennedy] Il a toujours détesté la liberté thérapeutique et les options de santé autres que celles proposées par Big Pharma, s'opposant au DHSEA depuis le début [G.S. : Le DHSEA est la grande loi de libération des suppléments de 1994] . Kennedy tient une position clé au Comité pour la Santé, l'Education, le Travail et les Pensions, responsable des sujets concernant Big Pharma et la FDA. Kennedy et Enzi ont travaillé pendant des mois avec Big Pharma et la FDA à concocter une loi de soi-disant sécurité appelée : Enhancing Drug Safety and Innovation Act of 2006 ( S.3807 ) [Acte pour l'amélioration de la sécurité des médicaments et l'innovation].

Au lieu de créer un bureau indépendant au sein de la FDA pour suivre la sécurité des médicaments, cette législation crée un nouveau bureau au sein de la FDA qui agira comme le ferait une compagnie pharmaceutique ! Il s'appellera le Reagan-Udall Institute for Applied Bio-Medical Research et sera financé par des intérêts particuliers au sein de Big Pharma et de l'industrie des biotechnologies. Son rôle est de prendre en charge la procédure accélérée de mise sur le marché de médications risquées. Cette législation prétend s'attaquer aux questions de sécurité, servant d'écran de fumée pour rassurer le public alors qu'en réalité elle sert de couverture pour les médicaments les plus risqués et les plus dangereux en cours de mise au point par Big Pharma. Kennedy prévoit d'introduire à la dérobée cette loi lors de la prochaine inter-session législative. [G.S. : Nous traduisons "Lame Duck" par inter-session, c'est la période pendant laquelle une assemblée et/ou un élu battu continue à exercer son mandat avant son expiration, période de durée parfois conséquente aux USA et très favorable aux coups fourrés] "

Le cas de Durbin, son projet de loi sur les suppléments et son action dans le domaine des brevets des médicaments

Durbin, un adversaire de longue date de DHSEA de 1994 comme Kennedy, a proposé une loi liberticide ( S.722 ) sur les suppléments (celle qui sera finalement remplacée par le projet de loi S.3546 ou Adverse Event Reporting (AER) sus évoqué). Pour cela "Il a réussi à obtenir le soutien d'alliés démocrates de Big Pharma au Sénat comme le Sen. Hillary Clinton (D-NY), le Sen. Charles Schumer (D-NY), et le Sen. Dianne Feinstein (D-CA). Les représentants alliés à Big Pharma et aux entreprises de biotech se joignirent à lui dirigés par Susan Davis (D-CA), Henry Waxman (D-CA), John Dingell (D-MI), and Chris Von Hollen (D-MD)."

C'est dans ce contexte qu'est intervenue une grande campagne de désinformation, sur fond d'un pseudo contre-feu à S. 722 jugé trop extrémiste par l'intermédiaire du projet Adverse Event Reporting (AER) présenté, bien à tort, comme un projet des politiciens ayant une position modérée sur les suppléments "avec Hatch and Harkin travaillant à côté de Durbin pour écrire la nouvelle loi AER. Des groupes de négoces de suppléments comme le Council for Responsible Nutrition (CRN) et le Natural Products Association (NNFA), qui sont maintenant des pions dans le jeu de Big Pharma, furent appelés en renfort pendant les négociations pour aider à écrire le texte et pour donner la fausse apparence qu'une majorité de compagnies du champ des suppléments, des magasins de produits nutritionnels santé et par conséquent de leurs consommateurs soutiendraient la législation."

Sur la question fondamentale de ces pseudo interlocuteurs des hommes politiques qui permettent de créer la fiction d'un dialogue critique et ouvert avec la société civile, on pourra lire la section de notre billet du 28/11/05 sur "société civile et opposition contrôlée" ou la note 2 de cette page de notre site. Dans la catégorie des acteurs intègres et disposant de moyens suffisamment importants pour mener des actions d'information conséquentes, on pourra se fier à The Alliance for Natural Health (ANH), évoqué dans ce billet du 28/11/05. L'ANH propose des projets constructifs de régulation légal des suppléments et s'oppose aux nombreux projets très nuisibles souvent inspirés par les multinationales du médicament.

Richards soupçonne Durbin, qui est très proche de Big Pharma et des gros cabinets d'avocats américains qui travaillent beaucoup avec Big Pharma, de concocter ses projets en partenariat avec eux. Il est notamment très proche de Kirkland & Ellis un cabinet spécialisé dans les litiges entourant la durée des brevets des médicaments (on connait les batailles homériques régulières entre Big Pharma et les fabricants de génériques) et qui a aussi une expertise importante dans les litiges internationaux autour du droit des brevets. Ce domaine connait un développement très important dans le domaine du médicament avec les accords récents de l'OMC auxquels souscrivent de plus en plus de pays du Tiers Monde dont certains, comme l'Inde par exemple, ont une industrie pharmaceutique prospère. Le droit des brevets dans le domaine du médicament qui devient applicable à ces pays va avoir (a parfois déjà) des effets dévastateurs sur l'offre, les prix, la concurrence et les politiques de santé des pays concernés.

Dans le domaine de l'ultralibéralisme affairiste sur fond de monopoles et de rentes sur les brevets les politiciens démocrates et républicains partagent les mêmes intérêts et ont souvent les mêmes soutiens financiers.

Attention à l'inter-session parlementaire !

Le Congrès doit recommencer à siéger en intersession (Lame Duck) à partir du 13/11. Comme nous l'évoquions ci-dessous les Lame Duck sont fertiles en coups fourrés divers. Selon Richards, les politiciens démocrates et républicains ayant concoctés le projet Adverse Event Reporting (AER) vont s'efforcer de le faire passer pendant cette période ou l'attention du public est relachée et où l'on aime faire croire que l'on se contente d'exécuter les affaires courantes. Compte tenu de l'impopularité du projet déjà éventé par de nombreux leader d'opinions dans le champ de la liberté thérapeutique, il est probable que l'on tentera de le rattacher à des dispositifs législatifs globaux prévoyant des dépenses gouvernementales diverses pour l'y dissimuler avec des manoeuvres différentes prévues dans les deux chambres. La vigilance des associations de consommateurs doit donc être maximum pendant cette période très dangereuse.

En ce qui concerne l'autre gros cadeau à Big Pharma, le Enhancing Drug Safety and Innovation Act of 2006 ( S.3807 ) décrit ci-dessus et porté par Kennedy et son compère Enzi les affaires sont moins avancées et on ne sait pas comment le dossier est susceptible d'avancer dans les chambres.

Sur ce denier point, l'avis de Gestion Santé est que Big Pharma s'est attiré de très fortes inimitiés démocrates en finançant outrageusement les républicains lors des dernières élections sur fond de contentieux autour de Medicare Part D et des profits absolument indécents qu'a réalisé l'industrie pharmaceutique et qui sont liés au fait que Medicare n'a pas été autorisé à passer des marchés pour négocier les prix par rapport aux quantités achetées. Il est probable que dans ce contexte tous les projets spécifiquement destinés à la législation sur les médicaments seront passés à la loupe. De plus nous avons vu dans notre billet du 7/11 que la démocrate Nancy Pelosi probable future présidente de la Chambre des représentants était très remontée contre les industriels de la pharmacie ce qui n'augure rien de bon pour eux probablement jusqu'aux prochaines présidentielles. Faute de pouvoir peser beaucoup sur la politique étrangère les démocrates vont sans doute se défouler sur les sujets de société et la maladresse de Big Pharma due à son incroyable gloutonnerie risque de lui coûter très cher. Nous avions d'ailleurs déjà souligné sur Gestion Santé que le fait que l'industrie pharmaceutique doive faire défendre ses intérêts particuliers par des fractions nettement plus réduites de l'establishment politique, ici les extrémistes du clan Bush, au lieu de pouvoir arroser paisiblement tous les camps comme précédemment était un signe de notoire fragilisation de son emprise idéologique sur la société. Evidemment l'examen dans le détail, comme le fait Richards montre toute sorte de nuances, mais les tendances de fond sont néanmoins bien là.

Par ailleurs certaines affirmations de Richards comme de présenter Hillary Clinton comme une créature de Big Pharma sont sans doute trop expéditives. Nous avons évoqué lors de notre analyse d'un ouvrage de P. Pignarre son projet d'évaluation comparé de l'efficacité des médicaments qui avait provoqué la fureur de Big Pharma. Il est vrai que les positions bellicistes de Mme Clinton ces dernières années sont épouvantables (lire Hillary the Hawk de Justin Raimondo) et qu'on ne peut exclure qu'elle ait adoptée en matière de santé un comportement également parfaitement cynique et opportuniste. Il faut néanmoins tenir compte du fait que la méconnaissance de l'intérêt des suppléments nutritionnels, bien que bien moindre aux USA qu'en Europe, reste important chez les politiques et peut expliquer pour partie, par simple méconnaissance du sujet, le comportement nuisible de personnages politiques qui, par ailleurs, ne sont pas spécialement proche de l'industrie pharmaceutique.

En tout cas Richards nous aura permis de faire un beau tour d'horizon de l'agenda de Big Pharma et de ses relations avec la classe politique US avec au passage des portraits instructifs d'un certain nombre de politiciens sous influence. Nous serions bien en peine de présenter des informations comparables à nos lecteurs en ce qui concerne la siutation en France à l'approche des élections législatives et présidentielles.

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http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1106.htm#18_11_06

13 Novembre 2006 : Fréquentation de Gestion Santé

Dans notre dernier point sur la fréquentation de Gestion Santé, le 16/10, nous indiquions viser une stabilisation au-dessus des 7000 pages vues mensuellement après l'accès de faiblesse traditionnel des mois de juillet et août. Pour l'instant l'objectif est atteint : 7142 pages en septembre, 7284 pages en octobre et nous restons toujours au-dessus des 7000 pages sur le cumul des 30 derniers jours fournis par eStat persos, notre contrôleur de trafic. Donc une belle satisfaction de ce côté là.

Parmi les nouveautés des derniers mois qui nous semblent signaler la qualité et l'originalité du travail de Gestion Santé, notre billet sur les "Biphosphonates et nécroses osseuses" du 18 juin 2006. Dans l'esprit de suivi des dossiers santé important nous avons complété ce sujet le 2 novembre dernier. Un dossier probablement promis à exploser dans les médias traditionnels dans les mois ou années à venir et que nous aurons contribué à annoncer aux lecteurs français.

Egalement notre "Décryptage : Rapport d'information du Sénat sur la politique du médicament" en trois parties, démarré en juin 2006 sous forme de billet et regroupé dans une page ad hoc. Un très gros travail qui est loin d'être terminé et que nous avons provisoirement laissé de côté car c'est un énorme travail d'analyse et de synthèse qui demande de nombreuses heures de travail et que nous avons entrepris notamment pour réactualiser une grande partie des éléments sur la politique française du médicament épars sur de nombreuses pages de Gestion Santé. Il faut savoir également que ce gros travail, relativement technique, malgré notre souci d'être le plus pédagogique possible, ne rencontre pas forcément l'intérêt passionné du lecteur, ce qui est assez compréhensible vu la technicité du sujet. Nous le voyons plutôt comme un outil de travail et de référence pour nous-même ou pour le lecteur spécifiquement intéressé à la question. A titre indicatif la page dédiée à ce sujet fait l'objet de 30 à 40 visites par mois.

Fin août une page importante "Nouvelle atteinte grave à la liberté de la presse santé : NEXUS privé du taux de TVA à 2,10%". Un sujet dont, incroyable mais vrai, vous ne risquez pas d'entendre parler via "Reporter sans frontière" (ce qui n'est pas vraiment une surprise) ni même sur des médias alternatifs sensés suivre, avec une grande liberté de ton les évènements importants qui se passent dans les coulisses de la presse comme ACRIMED. Voilà qui, à nouveau, donne un aperçu très inquiétant sur l'extraordinaire formatage des questions de société par l'idéologie dominante malgré la liberté nouvelle et exceptionnelle qu'apporte l'internet depuis quelques années. Comme quoi on ne revient pas indemne de décennies de lavage de cerveau par les médias dominants. Une occasion en tout cas pour Gestion Santé de faire valoir son expertise et l'originalité de ses points de vue sur la question. Une originalité qui explique d'ailleurs peut-être que Gestion Santé malgré sa bonne fréquentation ne soit pas beaucoup cité par d'autres sites internet ( cf. nos remarques à ce sujet ci-dessous).

Enfin plus récemment notre contribution sur le débat sur le BCG "Au pays de Tartuffe : la vaccination contre le BCG et l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique" que nous avons pu prolonger par une excellente contribution de Bernard Guennebaud sur le même sujet "Quand le BCG pulvérise la morale du Comité d'éthique" ce qui nous a permis de participer utilement à l'information de nos lecteurs sur l'importante audition publique qui a lieu aujourd'hui et demain à la Société Française de Santé Publique , "Audition publique sur la vaccination des enfants par le BCG - Levée de l'obligation vaccinale ?

J'espère que Bernard Guennebaud pourra venir prochainement faire le point sur ces deux journées. Signalons que cela fait longtemps que nous n'avions pas sollicité un contributeur externe et que nous nous en réjouissons surtout lorsque cela nous donne l'occasion d'être en prise sur l'actualité et des enjeux de société important où la société civile a l'occasion de peser utilement.

La consolidation du lectorat de Gestion Santé nous incite à l'optimisme et signale je crois la constitution d'un noyau de lecteur fidèles réguliers pour lesquels Gestion Santé est un site dont les informations sont pertinentes et fiables.

Néanmoins au niveau des points faibles du site je constate que le référencement externe de Gestion Santé reste toujours très limité alors que nous-même mettons l'accent de façon systématique sur les meilleurs liens externes disponibles sur tous les sujets dont nous traitons et que nous existons quand même depuis début 2001. Il est frappant que les agrégateurs de contenu externe "alternatifs" comme Le Grand Soir - Bellaciao - Oulala.net - Rezo.net par exemple n'aient jamais référencé le moindre contenu de Gestion Santé. Cela pour des raisons diverses, le contenu de Gestion Santé lui-même qui ne rentre pas dans le cadre d'un certain conformisme et sans doute aussi un excès de timidité dans notre approche qui fait que nous répugnons à aller imposer nos contenus et nos points de vue ailleurs sans être préalablement sollicités pour le faire. Reste évidemment à continuer notre réflexion pour nous permettre de diffuser plus largement le contenu de Gestion Santé pour qu'il puisse rencontrer aussi largement que possible le lectorat potentiellement concerné par les sujets que nous abordons.

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7 Novembre 2006 : Articles de www.counterpunch.org sur les élections américaines et Big Pharma

CounterPunch est un site américain qui fait partie des sites "éco-socio-économico-politiques" dont nous conseillons vivement la lecture pour accéder à une information indépendante sur toutes sortes de questions intéressantes. Parmi les très nombreux sujets de société débattus CounterPunch traite assez régulièrement de la santé et des multinationales du médicament.

Ces derniers jours deux bons articles ont été mis en ligne. Le premier s'intitule "Drug Cartel's Pre-Election Jitters - Panic in Big Pharma" de Peter Rost. Ce qui peut se traduire en par "Agitation fébrile pré-électorale chez les Monopoles Pharmaceutiques - Panique chez Big Pharma".

Apparemment les multinationales pharmaceutiques sont en très mauvais terme avec de nombreux candidats du parti démocrate et financent abondamment les candidats bien pensants du parti républicain en particulier dans certaines courses électorales serrées de novembre 2006 (rappelons qu'aux USA les financement des candidats par les entreprises sont entièrement libres...). Le conflit avec les démocrates provient notamment des avantages outrageusement accordés lors de la réforme de Medicare à Big Pharma par les Républicains aux frais du contribuable, ce qui a fait enfler la polémique.

Est notamment concerné le programme "Medicare Part D" (une usine à gaz dont la compréhension est réservée aux initiés, lire ici par ex.) qui s'adresse aux personnes les plus pauvres dont les médicaments sont pris en charge par l'Etat. Ce programme mitonné conjointement par le gouvernement, les multinationales et les grandes assurances favorise outrageusement les entreprises concernés.

La démocrate Nancy Pelosi future présidente de la Chambre des représentants si les démocrates remportent les élections dans cette assemblée, où ils ont plus de chance de l'emporter qu'au Sénat (les Républicains tiennent actuellement les 2 assemblées) n'a pas fait mystère de son intention de démanteler l'essentiel du dispositif dans les meilleurs délais. Ces promesses en direction des seniors ont joué un rôle important dans la campagne électorale.

Les premières évaluations du programme montre qu'il rend les médicaments plus chers pour les personnes âgées, qu'il est plus coûteux pour le contribuable et qu'il enrichit outrageusement assureurs et multinationales du médicament.

Peter Rost est un ancien vice-président de Pfizer devenu un dénonciateur du système. Il a écrit "The Whistleblower, Confessions of a Healthcare Hitman", Soft Skull Press, 2006 [le dénonciateur, Confessions d'un tueur à gages de la santé]. Aux USA un "whistleblower" est une personne qui est témoin d'un acte illégal dans le cadre de ses activités professionnelles et expose ce qu'il sait à une autorité publique de façon à faire cesser et sanctionner l'action illégale dont il a été témoin. Ces personnes bénéficient d'une protection juridique légale vis à vis des rétorsions dont elle pourrait faire l'objet de la part de leur employeur. Le titre choisi par Peter Rost semble inspiré d'un autre ouvrage qui a pas mal fait parler de lui dans les médias alternatifs "Confessions d’un tueur à gages économique", de John Perkins, un ancien homme d'affaire qui a travaillé à l'interface entre les multinationales et les grandes institutions de régulation comme la banque mondiale, institutions dont on sait que l'agenda est largement contrôlé dans les coulisses par le Trésor américain au service des multinationales et de l'ultralibéralisme version US. Dans cette version très particulière du libéralisme on dérégule les marchés internationaux seulement quand les USA y sont en position de force et peuvent écouler facilement leurs produits ou racheter les entreprises étrangères à vil prix.

Perter Rost a son blog. On y trouve une présentation de son livre et des critiques intéressantes de l'ouvrage comme celle de Jake Whitney pour The Progressive Populist. On y apprend notamment les diverses péripéties qui ont fait que Perter Rost a été un whistleblower pendant sa carrière dans l'industrie pharmaceutique. Perter Rost a notamment dénoncé les fraudes fiscales de Wyeth (affaire toujours en cours), un géant de la pharmacie. En 2002 il travaille chez Pharmacia quand cette entreprise est rachetée par Pfizer. Chez Pfizer il dénonce en particulier le marketing non conforme à la législation de Genotropin, une hormone de croissance humaine. Toutefois le principal casus belli à l'égard de ses employeurs semble être d'avoir témoigné au Congrès et à l'émission 60 Minutes en y défendant l'importation des médicaments du Canada comme un moyen efficace de réduire les dépenses pharmaceutiques des américains. Cela torpillait le discours des compagnies pharmaceutiques et de l'administration Bush qui invoquait des motifs de sécurité pour empêcher les importations. Rost a notamment montré que c'était une pratique remontant à 20 ans en Europe et qui ne posait aucun problème de sécurité.

L'autre article de CounterPunch qui nous intéresse s'intitule "Profits and PACs - Why the Drug Companies Push the GOP" de Christopher Brauchli. Traduction : "Profits et groupes de pression - Pourquoi les compagnies pharmaceutiques soutiennent le Parti Républicain [GOP = Grand Old Party = Républicains]". L'article fait un point détaillé des financements électoraux par l'industrie pharmaceutique. Ainsi 69% des financements de la campagne de novembre sont allés aux Républicains. Comme l'auteur l'explique, ce déséquilibre de base connaît d'importantes variations préélectorales de dernière minute puisque Pfitzer, par exemple, qui s'inscrivait complètement dans cette tendance a inversé en octobre l'équilibre de ses financements en faveur des démocrates. Il s'agit probablement (selon nous) de manoeuvres opportunistes de dernière minute pour ne pas totalement s'aliéner les démocrates au vu des sondages indiquant la très probable perte d'au moins une des deux chambres par les républicains.

L'auteur revient sur un des enjeux de Medicare. Les démocrates souhaitaient que Medicare puisse négocier directement les prix avec les entreprises du médicament car il pourrait ainsi fortement peser sur les prix compte tenu des volumes en jeu. Les républicains s'y sont opposés soit disant au nom de la libre négociation des prix, comme si la personne âgée isolée pouvait négocier librement les prix des médicaments avec une multinationale ! L'article donne aussi des noms de républicains particulièrement soutenus par Big Pharma comme Jim Talent du Missouri qui a reçu $900,000 cette année pour son soutien indéfectible de la loi Medicare, idem pour Rick Santorum de Pennsylvanie avec près de $500,000 de contributions des compagnies pharmaceutiques. Son concurrent démocrate Bob Casey visiblement moins méritant n'aura reçu que $11,850 cette année !

La démocrate Nancy Pelosi estime que les économies liées à la négociation des prix entre Medicare et les entreprises pharmaceutiques permettraient de supprimer la fenêtre de déremboursement instituée par les républicains qui fait que au-delà de $2,250 de dépenses de médicaments dans une année civile, l'assuré doit payer ensuite pour $3,600 à 100% de sa propre poche en médicaments avant de pouvoir accéder à la couverture par Medicare Part D remboursée à 95%. C'est ce qu'on appelle le "donut hole", très bien expliqué dans cet article du Washington Post. Ce nouveau dispositif voté en 2003 est effectif depuis début 2006 et a déjà frappé durement environ 3 millions d'américains au mois de septembre 2006 sur 23 millions de personnes qui font partie du programme Medicare (ce nombre augmente évidemment très fortement en fin d'année lorsque les patients atteignent le plafond annuel). On comprend que cela risque de peser lourd dans le vote de novembre.

Ceci dit même en cas de victoire démocrate il ne faut pas s'attendre à des changements très importants dans le système, mais à de simples ajustements, car tout le système de santé américain et international est désormais largement dominé par l'argent et le pouvoir gigantesque des multinationales du médicament. Cela pervertit tout, notamment le traitement politique des dossiers de santé publique et empêche d'avoir en pratique une approche rationelle ouverte et efficace pour assurer un maintien de la santé des populations par la prévention, et cela empêche aussi que les traitements proposés aux patients reposent sur une évaluation non biaisée et raisonnée de l'ensemble des alternatives thérapeutiques en terme de coût-efficacité pour la collectivité et de bénéfice-risque pour les patients.

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2 Novembre 2006 : Un article d'une revue médicale dentaire suisse sur les nécroses osseuses et les biphosphonates

Le lecteur régulier de Gestion Santé se souvient peut-être de notre billet du 18 juin 2006 "Biphosphonates et nécroses osseuses". Via un lien pointant vers notre billet depuis un forum de doctissimo.fr nous avons pris connaissance d'un intéressant article de la Revue mensuelle suisse d'odonto-stomatologie no. 05 / 2006. L'article en question de Thomas Vauthier, s'intitule "Ostéochimionécroses associées aux biphosphonates: ce n’est que la pointe de l’iceberg!".

On y apprend que le Congrès annuel 2006 du Groupement suisse pour l’étude de la chirurgie maxillo-faciale et de la stomatologie (SAKM) a eu son programme largement bouleversé "pour tenir compte d’une nouvelle pathologie émergente: les nécroses osseuses des maxillaires associées aux biphosphonates." L'article fait la synthèse de quatre conférences qui se sont tenues au congrès sur la question. Elles émanent de contributeurs provenant semble-t-il des meilleures institutions universitaires suisses ayant eu à traiter de ces pathologies. A cet égard il s'agit probablement d'intervenants de deuxième niveau qui se penchent sur les cas les plus graves suite à des complications survenues après intervention en cabinet dentaire.

La première partie rappelle le mode d'action des biphosphonates, leurs indications et fait l'historique de l' "épidémie" d'ostéonécrose des mâchoires (les ONJ = osteonecrosis of the jaw) repérée en 2003 et des principales publications traitant du sujet depuis cette date.

A propos de l'incidence et de la prévalence, l'article rappelle que le problème "apparaît pour l’essentiel chez des patients recevant un traitement par BP [biphosphonates] à forte dose dans le cadre du traitement des myélomes multiples et du contrôle des métastases osseuses des cancers du sein et de la prostate." Dans cette indication "L’incidence cumulative après 3 ans serait de 10% sous zolendronate et de 4% sous pamidronate." Selon dautres études plus récentes, l'incidence des ONJ serait de 11% des cas de cancer traités aux BP au bout de 36 à 48 mois.

En dehors du cancer, "Des cas sporadiques ont également été décrits chez des femmes traitées pour ostéoporose, y compris avec une voie d’administration orale." Mais l'incidence est inconnue.

L'article enchaîne sur les manifestations cliniques, radiologiques et histologiques qui peuvent être absolument catastrophiques. Particulièrement intéressante et la ressemblance avec une ancienne maladie professionnelle liée à l'intoxication chronique au phosphore. "Ces cas d’ostéonécrose maxillo-mandibulaire ressembleraient à une maladie professionnelle aujourd’hui disparue, connue sous le nom de «phossy jaw» ou «Kieferphosphornekrose», qui touchait, au XIXe siècle, les ouvriers des fabriques d’allumettes ou de l’industrie de l’armement qui étaient exposés à l’inhalation chronique de vapeurs de phosphore blanc."

Cette similitude suggère que les biphosphonates activeraient la toxicité du phosphore bien qu'il soit donné à toute petite dose. De toute façon ces produits agissent bien comme un poison cellulaire en détruisant les ostéoclastes. On les utilise quand même très largement en prévention de l'ostéoporose !

Sur la structure chimique des bisphosphonates, on lira l'article de Pharmacorama. Cette catégorie de médicaments est en fait à l'origine un sous-produit de la recherche sur les.. lessives... une des principales multinationales du secteur s'étant lancée dans le secteur pharmaceutique à la suite de ses "fabuleuses découvertes" dans ce domaine... On notera d'ailleurs que des spécialistes de l'écologie sont partisans de l'interdiction des phosphonates des lessives dont la biodégradation est très mauvaise (lire par ex. ici point 13 p. 3/6), comme celle des biphosphonates médicamenteux qui persistent longtemps dans l'organisme, même après l'arrêt du traitement.

L'article confirme nos informations précédentes sur la rémanence : "Du fait de l’affinité des BP pour le tissu osseux et de leur forte liaison aux molécules calciques, les effets secondaires délétères sont susceptibles de persister pendant des années. Ainsi, ni la réduction de la posologie, ni l’arrêt des biphosphonates n’apportent d’amélioration; un traitement chirurgical est souvent nécessaire." Par ailleurs, "Les spécialistes sont unanimes à constater que les ostéonécroses des maxillaires associées aux BP sont extrêmement rebelles à toutes les formes de traitement."

Enfin la conclusion de l'article tournée vers l'avenir est très inquiétante "Une bombe à retardement - Compte tenu de la date d’introduction des BP, notamment de l’acide zolédronique (2003), molécule 1000 fois plus puissante que l’étidronate et 100 fois plus puissante que l’alendronate, et du fait que selon certaines estimations, plus de 2 millions de patients sont actuellement sous traitement par des BP, on peut redouter une augmentation significative du nombre de patients affectés dans un avenir proche. Des observations récentes de nouveaux cas vont dans ce sens."

Félicitation aux chirurgiens dentistes suisses qui mettent la Revue mensuelle suisse d'odonto-stomatologied'un grand intérêt librement en ligne et qui attirent l'attention de leurs confrères et du public sur cette grave pathologie émergente.

Reste qu'au niveau de la cancérologie c'est l'omerta quasi totale qui semble toujours prévaloir. Comment organiser l'ambitieuse politique de prévention que préconisent les médecins suisses :

"Les patients devant être soumis à un traitement par biphosphonates à hautes doses et sur une période prolongée doivent faire l’objet d’un bilan médical et dentaire préalable pour l’évaluation d’éventuels facteurs de risque. L’élimination de toutes les sources potentielles de complications dentaires susceptibles de survenir une fois le traitement instauré doit précéder tout traitement par des BP." (...) "Les patients exposés au risque thérapeutique doivent faire l’objet d’une surveillance régulière de leur cavité buccale par un médecin-dentiste, de même que
de soins professionnels de prophylaxie à des intervalles de 3 à 6 mois."

La même revue a également publié des recommandations thérapeutiques détaillées dans son n° d'avril 2006 "Biphosphonates et médecine dentaire" (p. 430).

Mais comment mettre en place ces excellentes recommendations sans campagne générale du public et sensibilisation des associations de malades ? La ligue contre le cancer dont je ne consulte le site, hélas, que quand je veux me faire une idée de la de l'information très sélective fournie aux malades cancéreux et à leur entourage, ne consacre sur la totalité de son site que quelques lignes particulièrement peu informatives aux biphosphonates (appelé sur le site diphosphonates) et aucune à ce dramatique problème. S'agit-il de servir aux populations une réalité édifiante, formatée et édulcorée, voire censurée aux malades ou de les aider à y voir clair en pesant constamment les bénéfices et les risques des traitements et des pratiques médicales dans le domaine du cancer ? Poser la question c'est hélas avoir aussitôt sous les yeux la triste réponse en consultant les brochures d'information en (très) gros caractères de la ligue...

En dehors de ces opérations indispensables d'information qu'il faudrait rapidement mener (et que faut-il préciser rien n'annonce à court ou moyen terme), il conviendrait sans doute de revoir le rapport bénéfice risque des différents biphosphonates en cancérologie, et choisir les moins toxiques, veiller à ce qu'ils ne soient utilisés que dans des indications vraiment impératives, réfléchir aux alternatives thérapeutiques, etc. Pour l'instant rien n'indique que l'on s'oriente sérieusement dans cette direction et les spécialistes travaillant éventuellement sur le sujet ne communiquent pas en direction du public.

Du point de vue de la surveillance des populations il conviendrait probablement d'étudier avec soin le rétablissement des personnes sous biphosphonates atteintes de fractures afin de voir comment réagissent les autres sites osseux, car en bonne logique, il faut s'attendre à ce que le problème ne soit pas limité aux seules mâchoires...

En traitement ou en prévention de l'ostéoporose, il conviendrait probablement de revoir avec soin les indications de ces produits en particulier en prévention primaire (avant fracture) où l'efficacité est semble-t-il relativement médiocre et où les alternatives thérapeutiques plus sures ne sont pas suffisamment proposées aux malades (vitamine D, calcium + minéraux associés, nutrition générale, activité sportive modérée et adaptée visant à renforcer la musculature, etc.).

A noter pour ceux qui veulent creuser la question sur les moteurs de recherches que l'on trouve indifféremment la terminologie biphosphonates, bisphosphonates, ou diphosphonates. J'ai noté à cette occasion que notre billet du 18/06/06 sur le sujet était très bien classé par Google.

Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_1106.htm#07_11_06

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Créé le 2/11/06. Dernière modification le 26/11/06.