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Journal de bord de Décembre 2013

 

La rubrique "Journal de bord" est le point d'entrée sous forme de billets de longueurs variées du site Gestion Santé depuis fin  2005.  Les billets sont éventuellement repris,  regroupés et actualisés sous forme d'article spécifique accessible depuis la page d'accueil lorsque le sujet le justifie. Comme pour les autres dossiers traités ailleurs sur le site j'espère pouvoir apporter des informations intéressantes et souvent difficilement accessibles au non spécialiste et tout cela d'une façon accessible et plaisante si possible ! Bonne lecture...

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Décembre 2013 : 14/12/13 - "Nutrition et Cancer : le rôle des compléments alimentaires" compte rendu d’une journée de conférences organisées par le Cancéropôle d’Ile-de-France

14/12/13 - "Nutrition et Cancer : le rôle des compléments alimentaires" compte rendu d’une journée de conférences organisées par le Cancéropôle d’Ile-de-France 

Une de nos connaissances qui apprécie Gestion Santé et s’intéresse aux compléments nutritionnels s’est rendue récemment pour raisons professionnelles et par intérêt personnel à la conférence « Nutrition et Cancer ». Elle a bien voulu nous transmettre les notes détaillées prises à cette occasion. Avec son autorisation, nous avons intégré dans le texte entre crochets les commentaires de Gestion Santé et des renvois à des articles du site traitant des sujets évoqués lors de cette journée. Ceci par souci didactique et histoire de montrer la fragilité et les limites de la pensée dominante et des clichés qu’elle véhicule. L’ensemble de ces commentaires n’engagent que Gestion Santé.

***

 Je me suis donc inscrit à la conférence "Nutrition et Cancer : le rôle des compléments alimentaires" par le Cancéropôle IDF.

 Dans l'ensemble, ce fut une journée bien organisée, c'est assez rare dans ce type d’événement mais le timing a été suivi à la minute, aucun débordement, tout à commencé à l'heure. A l'arrivée, croissants et pains au chocolat (nickel pour le cancer donc ^^), une conférence en anglais avec traduction simultanée par une interprète dans un casque pour ceux qui veulent. Excellent déjeuner en mode buffet avec petits tapas assez bien foutus. Bref, bonne organisation.

 La journée était divisée en 2 : la première partie sur le rôle des compléments alimentaire dans la prévention des cancers, et l'autre sur leur utilité chez des patients cancéreux.

 Le tout était présenté sous la houlette du professeur Jean Navarro,  professeur honoraire en pédiatrie qui fut président du cancéropôle Île-de-France pendant quatre ans et qui est actuellement directeur de la politique médicale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), en charge des problèmes de nutrition et cancer, ainsi que des inégalités sociales. Il est nommé officier de la légion d'honneur en 2005 (légion qu'il arbore sur la boutonnière de son costume). Malgré les interventions assez tranchées des intervenants, Jean Navarro veut se placer dans le camp de la nuance, et semble être subjugué par la qualité des présentations qu'il loue copieusement à la fin de chacune d'elles.

 Selon lui, il faut "un regard humble" sur nos connaissances, car chaque nouvelle étude permet de corriger un tir qu'on aurait fait dans une mauvaise direction. Il dénonce la peur de l'alimentation, tout en reconnaissant que la science y a également sa part de responsabilité, et reprend le terme de "cacophonie alimentaire" de Claude Fischler, sociologue et directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l'alimentation humaine. 

 Je ne vous le cache pas, globalement et sans surprise, ça a été très anti compléments alimentaires.

 1- La première intervention "Rapport introductif sur les aspects épidémiologiques" est de Marie-Christine Boutron-Ruault (qui a collaboré sur l'étude EPIC entre autres) où elle a fait part des études épidémiologiques sur la question.
[Gestion Santé a évoqué son travail sur l'effet cancérigène probable de la
prise de ß-carotène chez les fumeuses et ex-fumeuses.] 

 Elle commence en légitimant l'épidémiologie, admettant que celle-ci a des limites, mais que les études d'interventions n'en sont pas dépourvues puisqu'il est impossible de s'assurer que les personnes participant à l'étude (notamment du groupe placebo) ne prennent pas déjà de supplémentation avant l'intervention et ont tous une alimentation équivalente. Selon elle, pour une étude d'intervention irréprochable, il faudrait donc pratiquement imposer la même alimentation à tous les groupes (mais bon, c'est bien pour ça que la randomisation existe il me semble ?).

 Selon Marie-Christine Boutron-Ruault, en France, un complément alimentaire est prescrit par un médecin pour compenser une carence avérée dans un cas précis. La mode qui consiste à prendre des compléments alimentaires en prévention pour sa santé viendrait des Etats-Unis, et comme toutes les modes venant des US, elle n'est pas bonne à prendre. Nous avons droit à une petite blague au passage à ce propos : "savez-vous que les Américains sont les premiers producteurs de vitamine C au monde ? Si, si, dans les urines" (rire complaisant du public). [Gestion Santé : J'entends cette blague désopilante depuis que je m'intéresse à la complémentation. Elle se décline aussi sous la version "urine la plus chère du monde". Rappelons, pour situer la pertinence de cette tentative humoristique, que presque tous les animaux « pissent » des flots de vitamine C puisqu’ils la synthétisent  à des niveaux très élevés à partir du sucre dans le foie, faculté perdue par les primates il y a des millions d’années suite à une accident génétique défavorable.]

 Bref, on a eu droit aux études ATBC et Caret (sans surprise), à E3N, à une meta-analyse de Bjelakovic, à SU.VI.MAX.

Elle s'attaque à la prise abusive de vitamine C dans E3N en montrant qu'un seul des quartiles aurait du en prendre [Gestion Santé : 25% de carence est un chiffre qui reste important et qui est probablement sous évalué. Nous avons montré dans un article que l’ANC de 110mg français pour la vitamine C laisse les fumeurs et les personnes âgées avec des apports insuffisants pour atteindre des taux plasmatiques adéquats], à l'acide folique dans une méta-analyse récente parue dans l'IJC (qui montre tout de même un résultat intéressant sur les mélanomes, mais là "il faut être prudent sur l’interprétation" selon elle), au sélénium dans NPC et SELECT.
[ Gestion Santé : Lien vers l’étude IJC.
L’étude NPC a montré un effet très protecteur du sélénium sur le cancer de la prostate, mais seulement à des doses de 200 µg plutôt que 400 ug où l’efficacité semble disparaître.
Nous avons consacré un long billet à la scandaleuse étude SELECT qui utilise de la vitamine E, de la vit. E + sélénium ou un placebo. La vitamine E utilisée est synthétique et 87,5% des molécules présentent une malformation structurelle par rapport aux 8 formes de vitamine E naturelle dont elle inhibe probablement l’effet anticancéreux. Aux USA, cette forme de vitamine E ne se trouve plus sur le marché de la complémentation depuis au moins une quinzaine d’année et ne semble utilisée que par les contempteurs irresponsables des compléments alimentaires qui dilapident l’argent public en mettant en danger la sécurité des participants aux études cliniques. Le sélénium utilisé dans SELECT est du selenomethionine et on savait déjà lors de la conception de l’étude que cette forme de sélénium n’est pas un bon protecteur du cancer. Gestion Santé a longuement documenté dans ses pages les formes utiles de vitamine E et de sélénium pour le cancer et d’autres pathologies.]

Elle reconnait que parfois les augmentations de risque sont peu significatives, mais comme on doit s'attendre à une diminution du risque (puisque c'est pour ça qu'on prend des compléments), le fait de voir une augmentation, même significativement faible, prouve que cela ne sert à rien.
[Gestion Santé : Curieusement l’effet protecteur constaté (pour les hommes seulement) vis-à-vis du cancer dans l’étude française SUVIMAX n’est pas évoqué. On pourra lire cet article de LaNutrition pour un bilan nettement plus équilibré des études menées sur le sujet.]

Elle pense que l'augmentation spectaculaire de ces dernières années de dosages de la vitamine D est "de la folie" (sic) et que l'on ne sait pas si physiologiquement ce n'est pas mieux pour nous d'avoir des taux bas l'hiver.
Dans l'étude WHI , elle indique à ce propos une augmentation du risque de cancer du sein invasif dans un sous-groupe qui se complémentait déjà à plus de 600 UI de vitamine D avant l'intervention.
Selon elle, la vitamine D semble suivre une courbe de risque en J, où l'optimum se situerait entre 20 et 30 ng/L. 
[Gestion Santé : L’étude WHI n’était pas conçue pour évaluer le risque de cancer du sein, mais seulement, et de façon secondaire, le risque de cancer colorectal. Il faut beaucoup d’audace et d’imagination pour monter en épingle des données purement exploratoires provenant de sous-groupes de cette étude… surtout lorsqu’elles contredisent tout ce que l’on sait de l’effet protecteur probable de la vitamine D vis-à-vis du cancer.
La courbe de risque en J évoquée pour la vitamine D est une pure fantasmagorie aux taux plasmatiques évoqués. D’une façon générale on estime que le risque santé augmente si le taux plasmatique dépasse 80 ou 90 ng/ml mais cela nécessite des apports de vitamine D considérés comme excessifs même par les plus fervents partisans de la complémentation en vitamine D.
Même la conservatrice Académie de médecine note dans un de ses rapports récents que « Le taux de 25OHD sérique doit être supérieur à 75 nmol/L (ou 30 ng/ml) pour admettre un statut vitaminique normal selon la majorité des auteurs. »]

On a eu droit à l'Iowa Women's Health Study de 2011 dans laquelle elle pointe les augmentations de risques suite aux prises de multi-vitamines, en particulier celles contenant du fer et du cuivre. Cette étude semble montrer un effet bénéfique du calcium, mais c'était sans compter sur méta-analyse du World Cancer Research Fund qui pointe les effets délétères du calcium.
[Gestion Santé : La Iowa Women's Health Study basée sur de simples questionnaires déclaratifs comporte des retraitements statistiques largement arbitraires et de nombreux risques de fausses associations, du fait des nombreuses différences entre les femmes prenant des compléments et celles n’en prenant pas. On ne peut que se fier à ces résultats les plus robustes, à savoir que la prise de fer ne doit intervenir qu’en cas de carence avérée et que la prise de cuivre doit se faire à des dosages modérés, des résultats déjà largement établis et qui sont bien intégrés dans la communication des fabricants sérieux de compléments depuis plusieurs années.
Il est a noter que c’est essentiellement le corps médical qui est à l’origine de la surprescription de longue date des compléments de fer (ainsi que de calcium) alors que ce sont les spécialistes de la complémentation qui font le travail pédagogique inverse, en disant depuis plus de 15 ans qu’il faut être très prudent dans ce domaine, ce qui est tout de même un comble ! De même les spécialistes de la complémentation insistent sur le fait qu’il faut un cocktail bien conçu sans excès de calcium pour lutter contre la déminéralisation osseuse.]

Conclusion : Les compléments sont au mieux inutile, au pire dangereux en automédication (oui, ce terme vous fait bondir, moi aussi, et pourtant il est utilisé tout au long de la journée, mais il faut comprendre le point de vue ici, qui est de dire qu'un complément alimentaire doit être prescrit par un médecin). Marie-Christine Boutron-Ruault concède alors "un petit complément à l'occasion, pendant une très courte période, si ça permet de se sentir mieux et que ça fait du bien au moral pourquoi pas, mais en usage prolongé on aboutit à des catastrophes". Rien que ça.
Il faut donc une alimentation équilibrée.
Ce mythe de l'alimentation équilibrée est répété religieusement tout au long de la journée.
[Gestion Santé a récemment fait remarquer, à propos de l’étude NutriNet-Santé , qu’un certain nombre de médecins nutritionnistes français, hostiles aux compléments alimentaires, mettaient tacitement en cause le statut juridique des compléments alimentaires, qui sont en droit européen et français des produits nutritionnels, en utilisant systématiquement un vocabulaire médical tel que produits « prescrits » ou « automédication » pour parler des compléments alimentaires.]

Une pharmacienne assez perspicace pointe ensuite du doigt les absurdités de certaines études citées, notamment sur le beta-carotène en rappelant les doses limites dans un complément alimentaires qui sont de 4.8mg, loin des dosages utilisées dans ces études.
La réponse, très ambiguë et incertaine laisse la pharmacienne perplexe, et Marie-Christine Boutron-Ruault finit de s'embourber en disant que la forme synthétique est la même que la forme naturelle. 

2- La deuxième intervention porte sur la cohorte Nutrinet Santé, elle est présentée par Mathilde Touvier, thésarde de Marie-Christine Boutron-Ruault (on comprend vite que ce milieu cultive l'entre-soi). Rien de nouveau sous le soleil, on a droit à une présentation assez analytique de l'étude ponctuée ça et là par quelques remarques anti-complémentation bien placées. Lorsqu'on apprend par exemple que 33.8% des consommateurs de compléments alimentaires le font afin "de rester en bonne santé", Mathilde Touvier conclu "on voit bien ici, au regard de ce que l'on vient d'entendre, qu'il y a inadéquation entre les motivations et la réalité des faits". Petit rire complice de la salle... "Pauvres consommateurs, eux qui pensent préserver leur santé sont en train de la compromettre sans le savoir", pense ici tout le monde tout bas certainement...
Elle pointe également le fait que les consommateurs de compléments sont globalement ceux qui en ont selon elle le moins besoin, puisqu'il s'agit principalement de gens qui fument peu, font attention à leur santé, mangent équilibré et bio, font du sport, sont issus d'un milieu socio-culturel favorisé. Un "paradoxe" selon l'intervenante, qui en oublie à se demander s'il n'y a pas une bonne raison à tout cela, et qui oublie de mentionner le fait que, même dans le groupe qui mange le mieux, des déficits demeurent.

Finalement, et là aussi ce sera le fil rouge de la journée, nous avons droit à une diabolisation sans égale du beta-carotène, en particulier parce qu'il est pris par des fumeurs inconscients qui en abuseraient principalement en période estivale afin de préparer leur peau au bronzage. Les fumeurs font globalement figure de mauvais élèves, ils ne prennent pas de compléments pour préserver leur santé mais principalement pour gérer leur stress, perdre du poids, ou soutenir leur performance intellectuelle, ils ont une grosse tendance à l'auto-médication (sic), et consomment autant de béta-carotène que les non fumeurs, malgré les risques aujourd'hui notoires.
Le béta-carotène est par ailleurs tellement décrié au fil de la journée, qu'il en devient dangereux pour tout le monde, même pour les non fumeurs, même à de faibles doses. Une autre pharmacienne (moins affûtée que la première manifestement) s'affole, et demande pourquoi les compléments contiennent tous du béta-carotène alors que nous en connaissons manifestement les risques désastreux. Les organisateurs offrent en réponse une mine dépitée : "que voulez-vous, ce sont les fabricants de compléments qui font ceux qu'ils veulent !!! On ne sait pas pourquoi ils en mettent..." et la pharmacienne de surenchérir "bah c'est toujours pareil de toute façon, ce sont ceux qui fabriquent les choses qui en savent le moins et font n'importe quoi..." 
[Gestion Santé a justement montré à propos du béta-carotène comment le discours hostile aux compléments pouvait en arriver d’approximations en exagérations à faire dire n’importe quoi aux chiffres « Quand la Mutualité Française communique sur le beta-carotène cancérigène ». Il est important d’éviter le béta carotène pour les fumeurs (sauf s’il est pris dans un multi complément bien dosé). Malheureusement le discours général médiatique alimenté par les mandarins de la nutrition est si globalement hostile aux compléments qu’il empêche de faire passer des messages clés et d’éduquer sérieusement le public. De ce fait, des messages importants à faire passer sur le fer, le cuivre ou le béta-carotène pour les fumeurs deviennent inaudibles.]

Je demande alors pourquoi les études et celle-ci en particulier [la cohorte Nutrinet Santé] montrent que même les personnes qui s'alimentent le mieux présentent néanmoins de nombreux déficits, alors qu'on nous répète qu'il suffit de manger équilibré. 
[Gestion Santé qui a soigneusement étudié les tableaux fournis dans l’étude sur Nutrinet Santé a montré que si les carences avant complémentation sont moins prononcées chez les personnes qui se supplémentent, du fait d’une meilleure alimentation, elles restent significatives pour de nombreux nutriments essentiels et justifient pleinement la complémentation, contrairement aux commentaires orientés donnés dans l’étude et dans les médias par les responsables de cette recherche]

Ce n'est pas la jeune thésarde qui répond mais Marie-Christine Boutron-Ruault qui bondit pour sauver son élève : "L'argument selon lequel il faudrait se complémenter car on n'atteint pas nos ANC est l'une des plus grandes erreurs. D'abord, parce qu'on ne traite pas des statistiques, ni des taux biologiques, mais on traite des personnes, qui sont toutes uniques, ont des métabolismes différents, des caractéristiques propres etc. Et donc chaque personne doit faire l'objet d'un diagnostique personnalisé par le médecin afin de savoir si une complémentation pourrait lui bénéficier.
Enfin, parce que les ANC ne sont pas fait pour être absolument atteints envers et contre tout, mais constituent un guide pour 90% de la population afin d'indiquer un certain optimum, un idéal, pas un taux minimum à atteindre à tout prix."

Il faudra se satisfaire donc de cette réponse : les ANC finalement ne servent pas à grand chose, et quand bien même on ne les atteindrait pas, ce ne serait absolument pas un problème. Finalement, il suffit de suivre le sacro saint PNSS sans se poser de questions, et tout ira bien.
[Gestion Santé  : Mme Boutron-Ruault reprend en fait la dogmatique sur les ANC fixée par le grand pontife de la nutrition française, Serge Hercberg dans un article « de référence » de 2006 (cette référence n’en est bien sûr une que pour la coterie française de la nutrition). Nous avons étudié en détail les incohérences et les contradictions de cet article de Hercberg dans «  Ces ANC qui seraient fixés à des niveaux relativement élevés  ». Dans ce discours extrémiste, seules les carences si elles sont confirmées par un médecin via une atteinte des organes et un tableau clinique caractéristique légitiment la prescription éventuelle d’un complément alimentaire par un médecin sur une durée déterminée. Ce discours ridicule repose sur la négation de principe de tous les états possibles de situations pré-carentielles qui amènent des lésions tissulaires profondes et parfois irréversibles, mais peu spécifiques d’une pathologie bien définie, avant qu’un tableau clinique ne donne la signature de telle ou telle pathologie (en pratique, il s’agira alors du scorbut pour la vitamine C, du béribéri pour la B1, etc.). Que l’on puisse écrire ce genre d’inepties dans le seul but de discréditer les compléments alimentaires, sans se ridiculiser et en étant au contraire cité avec révérence est une illustration dramatique du climat mandarinal qui sévit en France dans le monde académique de la nutrition.]

Le prochain épisode de Nutrinet-Santé est à paraître, il s'agira d'une analyse sur les déclarations d'accidents, en particulier les cas de cancer, afin de les confronter aux analyses alimentaires. Mais pour ça, il faudra patienter quelques mois.
[Gestion Santé  : Dans la première étude Mathilde Touvier avait matraqué ad nauseam dans tous les médias "On sait ainsi que des compléments alimentaires à base de produits naturels sont particulièrement contre-indiqués chez les patients atteints de cancers gynécologiques (gattilier, DHEA, trèfle rouge, luzerne, soja, igname sauvage), du sein (gattilier, DHEA, trèfle rouge, luzerne, soja, igname sauvage, cohosh noir), de cancer de la prostate (gattilier, DHEA, trèfle rouge, huile de lin) et de leucémies (échinacée)". Tout ceci alors que l’étude initiale ne portait que très marginalement sur ces produits ! On peut donc légitimement s’inquiéter et se demander si les chercheurs ne vont pas tenter de recouper la prise de tel ou tel complément avec des déclarations de cancer pour créer de pseudo liens de causalité. Par contre les données brutes recoupant habitudes alimentaires et cancer peuvent être intéressantes, mais malheureusement, les données alimentation + complémentation et cancer seront d’un intérêt limité car l’étude NutriNet santé ne fait pas de recueil précis des dosages et de la fréquence réelle d’utilisation des compléments.]

3- L'intervention suivante a malheureusement été assez ennuyeuse, faute à une intervenante très peu à l'aise à l'oral qui semblait lire un texte et qui ne faisait aucun effort pour maintenir l'attention. C'est un peu dommage, car de ce que j'ai compris, cela semblait aller pour une fois dans le sens des compléments. Il s'agissait d'une étude prospective cas témoin nichée dans la cohorte SU.VI.MAX, analysant les liens entre les  taux plasmatiques d'acides gras et les risques de cancers.
Ce que j'en ai retenu, c'est que chez des sujets qui ne se complémentaient pas (il s'agissait du complément élaboré pour l'étude), certains ratios d'acides gras sont associés à une augmentation du risque de cancers. En revanche, dans le groupe qui se complémente, cette association disparaît, le complément semblant protéger certains acides rgas (en particulier oméga-6) de la peroxydation.
Selon l'intervenante, une des limites de l'étude tient au fait que l'usage d'un multivitamine ne permet pas d'isoler la molécule responsable du bénéfice. On retrouve ici encore la mentalité typique de ceux qui confondent micro-nutrition et pharmacologie, puisqu'il n'y a pas UNE substance active en micro-nutrition, mais un ensemble de substances qui agissent en synergie. Et c'est là toute la différence, et le concept même qui rend caduc un grand nombre d'études sur le sujet.

4- Nous avons ensuite droit à une présentation intitulée "Sélénium, polyphénols et risque de cancer" par Marie Touillaud , sauf qu'en réalité il s'agissait d'isoflavones uniquement concernant les polyphénols (et c'est bien dommage, le titre est trompeur). On a droit alors à un assez long exposé sur les phyto-œstrogènes, depuis leurs effets mis en évidence chez l'animal (œstrus, infertilité), jusqu'à leur présence dans notre alimentation (via le trèfle rouge et le soja notamment). Les phyto-œstrogènes sont vendus principalement afin de diminuer les effets de la ménopause. Depuis 2012, l'allégation portant sur la peau et les cheveux a été interdite, faute de preuves suffisantes.
Là aussi, en citant pas mal d'études (une méta-analyse de 2006, l'étude Osteoporosis Prevention Using Soy (OPUS), une étude clinique à Chicago, E3N...) la conclusion est qu'il y a trop d'incertitudes pour préconiser une supplémentation en phyto-oestrogènes en préventions de cancer du sein, et s'il ne faut pas se priver de manger un peu du soja, par principe de précaution, il ne faudrait pas en abuser.

Concernant le sélénium, si le rapport WCRF/AICR de 2007 semble indiquer des effets positifs de cet oligoélément sur les risques de cancer de la prostate, par la suite 2 meta-analyses (dont SELECT) ne sont pas favorable au sélénium en supplémentation. L'intervenante se range alors aux préconisations de l'American Cancer Society qui dans ses Guidelines préconise de ne pas se supplémenter en sélénium, et dans tous les cas d'éviter les fortes doses qui peuvent être toxiques.
Là encore, aucune différence n'est faite entre les différentes formes de sélénium, organiques ou inorganiques.

L'intervention s'achève sur un petit débat sur la consommation de soja, qui du coup effraie une partie de l'auditoire. Marie Touillaud rassure tout le monde en disant que l'on peut se permettre une portion de soja par jour (sous forme de lait, yaourt, tofu, ...) et qu'il y a beaucoup de bénéfices à intégrer du soja dans sa diète, mais que mieux vaut en rester là par précaution tant qu'on en saurait pas plus. Une personne rappelle également que les asiatiques métaboliseraient mieux le soja que nous grâce à une flore bactérienne différente.

Somme toute, une intervention assez nuancée et pas trop mal dans l'ensemble, même si on regrette un titre mensonger et une absence de recul sur certaines études (concernant entre autre, la forme de sélénium utilisée, de surcroît dans un pays où les sols sont déjà très riches en sélénium, ce qui n'est pas le cas partout dans le monde).

5- Marie-Paule Vasson, enseignante en école de pharmacie, fait une présentation sur le complément alimentaire : sa définition, quelle est la législation associée, que comprend ce terme et comment se distingue-t-il du médicament (au final, la limite peut paraître assez flou puisque les médicaments eux même comportent la notion de "prévention" dans leur définition). Une présentation pas forcement passionnante pour qui connait un peu les compléments alimentaires, avec en plus, quelques fautes sur les chiffres (notamment sur l'AJR de la vitamine C qui est présentée à 60 mg/jour alors qu'il est de 80 mg, curieusement personne ne relève).
[ Gestion Santé  : Les ANC sont par contre de 110mg/jour depuis 2001. Sur la distinction AJR et ANC : lire wikipedia].
On passe en revue les statistiques de vente selon les promesses (en tête des ventes évidemment, les compléments alimentaires "minceur, drainage", arnaques notoires s'il en est...), le cas des allégations santé (depuis 2012, une liste très codifiée définit les allégations santé autorisées pour chaque complément alimentaire, même si ces allégations sont très prudentes et très restrictives, cela n'est visiblement pas assez pour le professeur Jean Navarro, qui reconnait néanmoins que cela va dans le bon sens mais qu'il reste des efforts à faire) ainsi que la législation qui entoure le complément. Aucun mot sur la fabrication, et tel que cela est présenté, on pourrait croire que n'importe qui peut s'improviser fabricant de complément alimentaire en trafiquant dans sa cuisine, alors que les normes sont aussi sévères sinon plus que pour le médicament.
La présentation s'est achevée avec les résultats d'un questionnaire mené auprès de centaines de pharmaciens qui montrait que :
64% d'entre eux donnaient souvent des conseils sur l'alimentation
72% d'entre eux donnaient souvent des conseils sur les compléments alimentaires
Mais qu'à la question "pensez-vous être suffisamment formés/informés pour pouvoir répondre à ces questions" ils ont estimé à 57% en savoir assez sur la nutrition pour informer, mais à 66% ne pas en savoir assez sur les compléments alimentaires (bref, j'aimerais savoir ce qu'ils conseillent dans ce cas...).
A donc été soulevé le pb des formations sur les compléments alimentaires, précisant que dans la plupart des cas aujourd'hui, c'est l'industriel qui visite l'officine qui forme, de manière biaisée forcement, les pharmaciens.
Ces derniers revendiquent enfin que leur soit reconnu un rôle d'éducateur en nutrition dans la loi HPST.

6- Cette présentation de Pierre-François Cartron était très technique et je pense que bien peu de gens ont pu comprendre grand chose. Globalement, il s'agissait d'étudier les effets de folates associé au protocle de Stupp (radiothérapie+ témozolomide (Témodal)) dans le traitement des gliomes de stade 4 (Glioblastome multiforme). En résumé, 8 années de recherche ont permis de définir que les folates, via le SAMe, permettait de reméthyler certains gènes qui ont été identifiés comme facteur de mauvais pronostic, et que cela permettait des gains surprenant en terme de survie chez les rats. L'étude est décrite ici  http://clincancerres.aacrjournals.org/content/15/10/3519.full
En ce moment est conduite une étude clinique (sur des humains donc) avec une supplémentation de 5mg d'acide folique 5 jours par semaine, afin de confirmer ces résultats sur des humains.
A la suite de cette présentation, plusieurs intervenants se sont empressé de dire "c'est super encourageant, mais il ne faudrait pas que cette information sorte d'ici, sans quoi tout le monde va se mettre à se supplémenter en folates par prévention !!!"
[Gestion Santé  : Il s’agit de doses très élevées de vitamine B9 (au moins 12 fois plus) par rapport aux doses usuelles utilisées en complémentation aux USA qui dépassent rarement 400mcg dans les multicompléments. Le SAMe (S-adénosylméthionine) est un métabolite créé dans le cycle de Yang, ou cycle de la méthionine, où la vitamine B9 agit comme cofacteur sous sa forme coenzymée. Sur la méthylation de l’ADN : Folate and DNA Methylation .

La suite est assez peu passionnante, une intervention sur les compléments antioxydants suite à un diagnostique de cancer par Paule Latino-Martel qui aurait épluchée toute la littérature de Medline avec comme mot clés "Cancer" et "Compléments alimentaires". La conclusion, une fois de plus "les compléments alimentaires ne changent pas le pronostic des cancers diagnostiqués", "le beta-carotène est absolument à proscrire", "une alimentation équilibrée couplée à une pratique physique régulière est amplement suffisante".
[Gestion Santé : Les malades du cancer on reçu pendant des décennies le conseil de la part du corps médical de faire aussi peu d’exercice que possible. Les recherches menées surtout aux USA ont permis de montrer que c’était totalement erroné et que l’activité physique et sportive était au contraire très bénéfique dans cette pathologie. Par ailleurs la perte d’appétit du malade cancéreux est un problème essentiel. Gestion Santé est stupéfait que des questions fondamentales comme l’intérêt de la complémentation pour le patient cancéreux dénutri, une pathologie fréquente fortement associée à la mortalité, n’ait pas été abordée lors de cette journée.]

La présentation suivante est par Klara Rombauts qui présente son institut appelé "Reliable Cancer Therapies" dont le but est à la fois de rendre les résultats de recherches concernant les thérapies sur le cancer (alternatives ou non) accessibles via des "guidelines", ainsi que de participer au financement d'études sur des molécules très prometteuse qui n'ont pas suscité l’intérêt de Big Pharma pour une quelconque raison (le Salvestrol par exemple, s'est avéré très décevant; suite à une étude qui a pu trouver ses fonds grâce à cet institut).
Le site est à consulter ici :    http://www.reliablecancertherapies.com/

Enfin, nous avons droit à une présentation sur la MIVILUDES par Chantal Gatignol, une mission interministérielle qui mène une espèce de chasse aux sorcières contre les traitements alternatifs sectaires. Le "sectaire" est très important car dans la définition, il faut qu'il y ait perte de faculté de discernement du patient. Une dérive thérapeutique n'est pas nécessairement sectaire (même si elle reste dangereuse).
Ces dérives sont souvent sur le même schéma, surfent sur la vague de la théorie du complot, de l'emprise de BigPharma, sur la peur des vaccins, et sont souvent associés à des préceptes de la vague New Age (mouvance orientaliste, écologique, énergétique, reiki, thérapie quantiques, ondes, magnétisme, etc.), et les victimes connaissent souvent un sort fatal.
Selon Chantal Gatignol, les dérives les plus dangereuses sont celles liées aux émotions et aux énergies, comme le décodage  biologique, la nouvelle médecine Germanique du Dr Hamer, etc.
Parmi les sites internet cités, on retrouve celui bien connu de Santé Nature Innovation :-D (En raison d'un lien vers  http://www.cancerfungus.com/fr/  dans un commentaire sur leur page sur le cancer  http://www.santenatureinnovation.com/quels-problemes-de-sante/cancer/comment-savoir-si-on-a-un-cancer/)
D'autres autres exemples:  abcdelanature.com le-cancer.info micheldogna.fr , vivrecru.org le site de Thierry Casasnovas...
En conclusion, on a droit à une petite séance d'auto-flagellation où ils reconnaissent que les médecins sont sans doute en cause, du fait du manque de temps et d'humanisme de certains lorsqu'ils traitent des patients atteints de cancer.
[Gestion Santé a traité à deux reprises en 2013 de la MIVILUDES dont la lutte contre « l’emprise sectaire » dans le monde de la santé se développe régulièrement avec, hélas, de sérieux dérapages compte tenu d’une orientation exclusivement répressive et d’une hostilité de principe à une intégration raisonnée des médecines complémentaires dans la médecine académique. Lire cet article et celui-ci . Ceci dit une éducation du public est indispensable pour un usage prudent, informé et responsable, tant de la médecine académique qui connaît aussi de nombreux abus et dérives que pour se protéger du charlatanisme ou des promesses abusives que peuvent véhiculer les médecines complémentaires ou alternatives.]

Au final donc, une journée qui ne fait que confirmer ce que l'on savait déjà, c'est à dire que la médecine actuelle est assez hostile envers les compléments alimentaires, pour des raisons qui peuvent laisser parfois dubitatives...

[Gestion Santé estime que chaque cancer a ses spécificités, et que l’on dispose d’excellentes stratégies de complémentation pour la prévention ou l’accompagnement par la complémentation des traitements classiques de certains cancers, comme celui de la prostate, par exemple. Même si on est pas dans le niveau de preuve des meilleures études cliniques en double aveugle, lorsque de nombreux indices convergents (épidémiologie, études exploratoires, connaissance des mécanismes physiologiques et biochimiques, etc.) permettent de présumer d’un effet important et que le risque de la complémentation est nul et même bénéfique pour l’état de santé général, pourquoi ne pas utiliser les compléments surtout en associations bien construites de nutriments agissant en synergie ?
Par ailleurs la vitamine B9 que les femmes enceintes et en projet de procréation sont censées prendre pour diminuer dans des proportions importantes les risques de malformation fœtales est une victime collatérale majeure du discours de propagande anti compléments alimentaires qui se tient actuellement sous bannière médicale. Une conférence de cette réunion aurait pu évoquer les études très convaincantes qui montrent que la prise de B9 prénatale est un protecteur majeur pour plusieurs des principaux cancers pédiatriques des enfants à naître (47% pour les neuroblastomes, 39% pour la leucémie et 27% d'effet protecteur pour les tumeurs cérébrales). Evidemment cette journée n’en aura pas dit un mot. La consigne tacite était de faire silence sur tout ce qui peut présenter les compléments sous un jour favorable. Il est vrai aussi que les taux français lamentables de complémentation en B9 de la population cible des femmes enceintes traduit un échec massif de la politique de santé publique dans ce domaine. A qui la faute ?]

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Créé le 14/12/13. Dernière modification le 14/12/13.