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Journal de bord d'Août 2006
La rubrique "Journal de bord" est le point d'entrée sous forme de billets de longueurs variées du site Gestion Santé depuis fin 2005. Les billets sont éventuellement repris, regroupés et actualisés sous forme d'article spécifique accessible depuis la page d'accueil lorsque le sujet le justifie. Comme pour les autres dossiers traités ailleurs sur le site j'espère pouvoir apporter des informations intéressantes et souvent difficilement accessibles au non spécialiste et tout cela d'une façon accessible et plaisante si possible ! Bonne lecture...
Journal de bord de Jacques Valentin
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Août 2006 : - 28/08 - Vitamine D : un rôle dans la préservation des fonctions neuro-musculaires ? - 27/08 - Nouvelle atteinte grave à la liberté de la presse santé : NEXUS privé du taux de TVA à 2,10% - 25/08 - Articles sur la vitamine B3 et le cholestérol sur La Nutrition.fr - 07/08 - La vitamine D, un antiinfectieux ? - 04/08 - Fréquentation de Gestion Santé - 01/08 - Décryptage : Rapport d'information du Sénat sur la politique du médicament (4ème partie) -
28 Août 2006 : Vitamine D : un rôle dans la préservation des fonctions neuro-musculaires ?
On aura remarqué que Gestion Santé traite régulièrement de la vitamine D, cette vitamine étant à fois bien connue et mal connue. En particulier il sort en ce moment de nombreux articles actualisant l'intérêt de cette vitamine dans des indications inattendues ou bien revalorisant le dosage efficace de cette vitamine (rechercher "vitamine D" sur Gestion Santé avec Google).
Le lecteur régulier de notre site se souvient peut-être aussi que nous avons abordé la question de la L-Leucine (un acide aminé) comme protecteur contre la perte de masse musculaire liée à l'âge (billets du 30/12/05 et du 28/01/06).
On se doute bien que la fonte musculaire est un mécanisme complexe et que l'on peut attaquer suivant différents angles. Par exemple en plus de la L-leucine nous évoquions la glutamine (un autre acide aminé) et la question de la sensibilité à l'insuline qu'il conviendrait de rétablir (il existe des protocoles nutritionnels et par la supplémentation pour cela). Egalement intéressante et la stimulation de l'hormone de croissance (cf. notre billet du 19/05/06 - section 2) L'arginine et le monoxyde d'azote).
Plus étonnant et inattendu est le rôle probable de la vitamine D qu'évoque un article de Durk Pearson et Sandy Shaw (DP et SS) "Glucocorticoids Induce Muscle Wasting: Could Vitamin D Provide Protection?" sur le site de life-enhancement.com.
Cet article évoque les glucocorticoïdes qui selon Pharmacorama font partie des stéroïdes sécrétés par la glande corticosurrénale. Le principal glucocorticoïde est le cortisol aussi appelé "hormone du stress". C'est l'hypothalamus qui active la libération d'un peptide qui donne le signal aux corticosurrénales de libérer le cortisol. Malheureusement le veillissement et la complexité des données psycho-comportementales liées à la gestion de l'environnement et du stress font que la régulation fine du niveau de cortisol utile, liés à des mécanismes complexes d'autorégulation, est très difficile à réaliser par l'organisme et se désorganise facilement. La machinerie neuro-hormonale cesse de fonctionner de façon optimale probablement dès le début de l'âge adulte. Les facteurs alimentaires sont également très importants dans cette régulation.
La machinerie neuro-hormonale est de toute façon très délicate à optimiser et est liée à de très nombreux facteurs qui se dégradent rapidement avec le vieillissement et/ou le stress. La difficulté est notamment d'obtenir ce que les spécialistes du stress appellent la réponse de relaxation. Les dysfonctionnement sur ce point ont par exemple très probablement une place importante et peu explorée dans la dépression.
La dérégulation du fonctionnement de l'hypothalamus, chef d'orchestre de ces réponses hormonales neuro-adaptatives figure en bonne place dans les théories du vieillissement. Le lecteur intéressé par le sujet pourra lire par Ward Dean sur le site http://www.vrp.com la série d'article "Neuroendocrine Theory of Aging" inspirés et adaptés par l'auteur des recherches menées dès les années 50 par un gérontologue russe méconnu, aux théories d'avant garde, le professor Vladimir Dilman (1925-1994).
Les recherches sur un dérivé synthétique du cortisol, le dexamethasone montrent que ce glucocorticoïde de synthèse inhibe chez les rats âgés l'activation par la leucine de la synthèse musculaire. Selon le texte précité de DP et SS, "L'un des mécanismes par lequel les glucocorticoïdes affectent la synthèse des protéines musculaires est en induisant la résistance à l'insuline, par l'inhibition de la réponse musculaire à l'insuline, une hormone anabolique." Ces recherches permettent de préciser le rôle des glucocorticoïdes dans la résistance à l'insuline et la perte musculaire. En ce qui concerne l'os on sait aussi que la cortisone inhibe fortement le fonctionnement des ostéblastes et des ostéoclastes et donc la régénération osseuse. Cela montre bien l'impact majeur des glucocorticoïdes sur la fonction musculo-squelettique.
La vitamine D semble avoir un effet favorable, mais dont l'intensité reste à préciser sur la sensibilité à l'insuline, mais cet effet n'est probablement pas un rôle majeur. Les cellules musculaires disposent aussi de récepteurs à la vitamine D pouvant expliquer une efficacité de la vitamine D et du calcium dans la prévension des chutes par renforcement de la fonction musculo-squelettique. Un autre mécanisme par lequel la vitamine D pourrait agir sur l'équilibre et la motricité est via son action directe sur le système nerveux, son action sur les neurones semblant désormais clairement établie, lire également par DP et SS "Potential Antiaging Effects of Vitamin D 3 Protection Against Neurotoxic Agents". L'action se ferait en particulier sur les neurones dopaminergiques qui jouent un rôle majeur dans le coordination, l'équilibre, l'intégration des conduites et la motivation. La vitamine D prise à des dosages suffisant pourrait ainsi agir selon un double mécanisme complémentaire de renforcement de la fonction musculo-squelettique et d'amélioration des fonctions neurologiques.
Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_0806.htm#28_08_06
Les billets du Journal de bord consacrés à la vitamine D ont
été regroupés dans la page "Quoi
de neuf sur la vitamine D ?" :
http://gestionsante.free.fr/vitamine_d.htm
27 Août 2006 : Nouvelle atteinte grave à la liberté de la presse santé : NEXUS privé du taux de TVA à 2,10%
J'ai appris la triste nouvelle via l'édito de David Dennery dans NEXUS de Septembre-Octobre 2006 qui écrit : "Le 19 juillet dernier, nous apprenions le refus de l'administration de permettre à NEXUS de continuer à bénéficier du taux de TVA à 2,10%, comme c'est le cas de l'ensemble de la presse d'information. Il ne fait décidément pas bon informer sur le principe vaccinal au pays de Pasteur."
NEXUS donne ensuite un extrait du courrier justificatif qui lui a été adressé par l'administration "Ainsi : "En ce qui concerne NEXUS, il ressort des pièces versées au dossier, et notamment des numéros 37 à 43, que cette publication, en contestant dans de nombreux articles les acquis positifs de la science, mettant en doute l'innocuité des vaccins, et partant, le principe même de la vaccination ou celui des greffes d'organes, est susceptible, si elle est lue au premier degré, d'inquiéter les esprits les plus fragiles et ne présente pas, de ce fait, le caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée requis par les textes.""
Commentaire de NEXUS "La commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), officiant au sein des services de Matignon et à laquelle ne siège aucun scientifique, ne nous donne pas plus de détails sur le bien-fondé de sa décision. En effet, il lui suffit de se référer à sa ligne directrice qui exclut de l'intérêt général tout ce qui peut porter atteinte à la santé publique. Le problème reste que la médecine n'étant pas une science exacte, la remise en cause des acquis permet justement ses avancées. Les avantages de la vaccination n'ont pourtant jamais été démontrées par aucune étude scientifique."
Personnellement j'aurais plutôt écrit que la balance des bénéfices et des risques de chaque vaccination peut faire (devrait faire) l'objet d'un débat permanent dans la société prenant en compte l'évolution constante des connaissances des risques et des bénéfices, ceci d'autant que les vaccins sont fabriqués par le secteur privé et que le secteur public manque cruellement d'experts indépendants des fabricants et que l'évaluation de la sécurité et de l'efficacité réelle des vaccins et très limitée. De plus tant dans le discours public que dans celui des médias dominant sévit sur la vaccination un discours de propagande permanent ce qui évidemment nuit gravement à une politique éclairée de santé publique. NEXUS fait donc dans ce domaine oeuvre de salubrité publique !
Nous avons par rapport aux observations du CPPAP repris à titre d'exemple le n° 42 de NEXUS (qui se situe dans la fenêtre des n° 37 à 43 examinés par la CPPAP pour forger son avis) très représentatif de ce que peut publier NEXUS sur la vaccination puisqu'il titre en couverture "Vaccination - Quels risques pour les bébés ?" annonçant un dossier de la p. 22 à la page 38 avec une section substantielle consacrée à la médecine vétérinaire (p. 32-38). Le n° est donc très représentatif de la position de la CPPAP car NEXUS ne traite que de temps à autre de la vaccination et ne consacre qu'une partie de sa revue à la médecine et à la santé.
La p. 22 évoque le H5N1 puis divers accidents vaccinaux survenus depuis 1918 dans le monde. P. 23-26 on peut lire un article sur la chronobiologie des jours critiques liés aux vaccinations. C'est un sujet intéressant car l'existence de la relation de causalité entre vaccination et accidents vaccinaux et un débat récurrent en terme de pharmacovigilance et de sécurité vaccinale (tel problème de santé est-il ou non lié à la vaccination qui l'a précédé ?) et l'examen de nouvelles hypothèses sur la question est un sujet scientifique particulièrement pertinent. Suit un autre article sur "Bébé secoué ou bébé vacciné ?" qui développe notamment l'hypothèse intéressante que certains syndromes dits du bébé secoué pourraient être liés à des carences aiguës en vitamine C suite à des vaccinations chez des sujets sensibles dont le système immunitaire sursollicité par la vaccination aurait entraîné une carence en vitamine C avec la destruction classique des tissus conjonctifs qui accompagne les états scorbutiques. L'auteur de ces deux articles est docteur es sciences naturelles, travaille depuis 25 ans sur la question des vaccinations et a publié des ouvrages et de nombreux articles scientifiques sur la question. Les articles comportent d'ailleurs de nombreuses références scientifiques. Le dernier article évoque les problèmes des vaccinations chez les chiens et les chats et les dangers qu'ils peuvent présenter pour ces animaux et les enseignements plus généraux que l'on peut en tirer. On voit qu'il n'y a rien dans ces articles qui sorte de l'examen d'hypothèses scientifiques intéressantes et du libre débat d'idée dans une démocratie.
Pouvoir débattre de ces sujets librement me paraît indispensable dans une démocratie digne de ce nom. NEXUS le fait dans des termes scientifiquement relevés qui font honneur à la revue qui les publie. La technicité des articles exclue d'ailleurs du lectorat le supposé lecteur "fragile"qui préoccupe tant le CPPAP.
Le discours de la CPPAP qui ose écrire "(...) en contestant dans de nombreux articles les acquis positifs de la science, mettant en doute l'innocuité des vaccins, et partant, le principe même de la vaccination ou celui des greffes d'organes, est susceptible, si elle est lue au premier degré, d'inquiéter les esprits les plus fragiles." est indigne d'un service de la République. Reprocher à une revue, comme étant contraire à l'intérêt général, le fait de contester les acquis positifs de la science, comme si ceux-ci ne s'inscrivaient pas dans une société, une économie et une culture qui détermine en profondeur la nature et la qualité positive ou négative pour le bien de l'humanité de la production scientifique est proprement effrayant ! On pourra lire pour approfondir cette importante question "Les distorsions dans le développement de la science" de notre billet du 30/07/06.
Que dire aussi de la fixation des sujets dont on est autorisé à débattre en France ? Ainsi de l'interdit de contester l'innocuité des vaccins, alors que l'évaluation des effets secondaires des produits de santé est au coeur de nombreux débats de santé publique dans tous les milieux laisse pantois ! Et que dire de l'induction selon laquelle contester cette innocuité c'est contester le principe même de la vaccination ? et de là en déduire tout cela pourrait inquiéter les esprits les plus fragiles, rien que cela ! L'indigence de l'avis laisse vraiment pantois. Visiblement la CPPAP se croit tout permis. On épingle des articles que l'on croit, à tort ou à raison critiquables et on occulte totalement la contribution générale de la revue aux débats d'idées. Si l'on pratiquait de même avec l'ensemble de la presse, et au vu de la qualité générale du journalisme hexagonal, il ne resterait pas beaucoup de titres de presse ayant la TVA à 2,10% !
Selon nous, cet avis est l'expression d'une inculture particulièrement grave et de surcroît il constitue une prise de position partisane très affirmée par rapport à des convictions philosophiques et scientifiques particulières, en violation flagrante de l'obligation de neutralité qui impose que le comportement des agents publics, les actes ou les décisions qu'ils sont appelés à prendre soient dictés uniquement par l'intérêt du service public et non par des convictions politiques, philosophiques ou religieuses personnelles et qu'ils n'utilisent pas le service public comme un instrument de propagande.
Il faut comprendre que cette mesure du taux de TVA à 2,10% dont le refus est souvent une peine de mort pour le média concerné est une mesure fondamentalement politique et qu'elle vise clairement à tenter d'interdire certaines publications dérangeantes en les mettant dans une situation financière très difficile. On est donc là au coeur de la liberté de la presse en France.
Il faut savoir que les publications santé alternatives en France sont en permanence en butte à ce genre de persécutions (rappelons que NEXUS ne consacre qu'une partie de ces numéros à ces questions et traite de nombreux autres sujets). Il faut aussi savoir que la jurisprudence que nous allons évoquer sur certaines affaires ne concerne qu'une toute petite partie des publications concernées, seulement celles qui se sont astreintes à la longue procédure les amenant jusqu'au Conseil d'État alors qu'elles sont par ailleurs en but aux conséquences financières de la mesure prise par la CPPAP. [Ajout du 29/08 : A vérifier toutefois si le recours gracieux et contentieux contre la décision de la CPPAP suspend ou non l'augmentation du taux de TVA]
Nous nous souvenons ainsi d'une autre publication santé "alternative" (Vérités Santé Pratique) qui était allée jusqu'au Conseil d'État sans succès pour le même problème. Après recherche j'ai retrouvé un extrait du dossier correspondant sur le site du CPPAP et également celui-ci en 2004 lors d'une nouvelle tentative (je crois, sauf erreur de ma part, qu'il s'agissait de la même revue ayant changé de nom et d'éditeur) où, comme le note la CPPAP lui-même, le Conseil d'État a renforcé les pouvoirs d'appréciation discrétionnaires de la CPPAP et, selon-nous, le caractère liberticide de son pouvoir de décision. Le CE a en effet écrit à propos de Santé pratique "que cette publication, en dépit de certaines précautions de présentation, expose sous un jour favorable des conduites thérapeutiques, relatives notamment à des affections graves, qui sont susceptibles de détourner les maladies de thérapies conformes à l'état actuel des connaissances scientifiques ; (...)" Ce que la CPPAP commente ainsi : "[Le Conseil d'État] renforce le pouvoir d'appréciation de la CPPAP en considérant que, d'une part, des précautions de présentation ne sont pas en soi suffisantes et, d'autre part, en présentant des thérapies alternatives sous un jour favorable, même sans jeter de discrédit sur la médecine traditionnelle, une telle publication pouvait détourner les lecteurs des thérapies reconnues comme efficaces à l'heure actuelle. [mon souligné]". Cela donne une idée de l'étendue des pouvoirs de censure ainsi accordés à la CPPAP !
Le lecteur pourra se faire une idée des enjeux d'évolution de la jurisprudence en consultant "Les grandes décisions du Conseil d'État" sur le site de la CPPAP. Ce qui frappe c'est qu'alors que pour les autres types de publications les enjeux de l'inscription sont souvent relativement bénins en terme de liberté d'expression, en exigeant par exemple que la publication ne constitue pas un quasi support publicitaire d'une marque ou bien qu'elle doit avoir vraiment pour objet l'information par voix écrite, les enjeux touchent pour NEXUS et les autres revues santé concernées le coeur de la liberté de la presse.
Cependant certains autres cas sont plus proches de la censure comme les affaires Graff it et Pirate Mag. Le subterfuge qui permet un contrôle politique sans rapport avec l'Etat de droit ou avec nos libertés constitutionnelles est donné assez clairement à propos d'un avis sur la publication "Graff it !". Cette affaire avait d'ailleurs si je me souviens bien été commentée dans la presse à l'époque, ce qui tranche avec l'omerta qui prévaut dès qu'une revue traitant de santé est frappée des mêmes dispositions.
Le commentaire de la CPPAP de la décision du CE sur Graff it est assez explicite : "Depuis 2001, le Conseil d'État a validé tous les refus de d'admission ou de renouvellement d'inscription de publications par la CPPAP fondés sur un défaut d'intérêt général (danger pour la santé publique, incitation à la pratique sur supports non autorisés du graffiti, incitation à l'accès frauduleux à des systèmes de traitement de données, incitation ou présentation sous un jour favorable de la consommation de produits stupéfiants). [mon souligné] "
Il s'agit donc là d'une interprétation par la CPPAP puis par
le CE de la notion d'intérêt général.
Dans un document
de la CPPAP sur les "lignes directrices" que suit celle-ci, on
trouve que "Le défaut d’intérêt
général résulte de l’absence d’une des 4 définitions
de l’intérêt général. Il a été
complété par la notion d’atteinte à l’ordre
public (santé public [sic] , dérive sectaire, incitation à la
consommation de drogue, à la dégradation par
graffitis et tags, pornographie et piratage
informatique). [mon souligné, orthographe d'origine] " Remarque : sur la question du piratage réel ou présumé on pourra lire ici le cas de Pirate Mag.
Après recherche j'ai trouvé que la notion d'intérêt général et les 4 définitions sus-évoquées renvoient à l'article D.18 du Code des postes et des communications électroniques, à savoir que les publications éligibles doivent "Avoir un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée : instruction, éducation, information, récréation du public. [mes soulignés] " La réglementation ne prévoit pas d'autres contraintes et l'on voit que ces critères s'ils étaient appliqués en l'état seraient d'une très grande libéralité, la "récréation du public" et "l'information" ouvrant la porte à toute sorte de contenu. Cela est bien naturel puisque nous sommes dans le champ de la libre expression.
La notion de troubles ou d'atteintes à l'ordre public sont donc "rajoutés" de sa propre autorité par la CPPAP dans ses critères d'évaluation et ne figure nul par dans les textes. La notion d'ordre public se décline traditionnellement autour des notions de sécurité, de tranquillité et de salubrité publique. Elle concerne par exemple l'incitation à commettre des délits et infractions (sécurité) ou des troubles divers comme des manifestations à répétition (tranquillité) (lire ici par ex.). Les infractions à la législation en vigueur dans ces différents domaines commises par la presse sont punissables en tant que telle et la CPPAP exerce donc bien ce qu'il faut appeler une fonction de censure en présumant d'infractions qui n'ont pas été constatées par la loi.
Dans les sociétés démocratiques on considère en général que la notion d'ordre public peut être invoquée en cas de menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société. Elle peut alors justifier des limitations des libertés. Pour ce qui concerne plus particulièrement la question de la santé on invoque habituellement l'ordre public par rapport à la question de la salubrité. Les pouvoirs publics peuvent ainsi prendre des mesures contraignantes concernant la circulation des personnes pour éviter une épidémie ou des accidents.
Tout ceci ne concerne pas normalement la liberté d'expression sauf à supposer que les articles de presse traitant de la santé doivent constituer une sorte de publi-reportage permanent des actions de santé menées par les pouvoirs publics à défaut de quoi ils porteraient atteinte à la santé publique. Or toute l'histoire de la liberté de la presse consiste en sa capacité à pouvoir critiquer l'action des pouvoirs publics et privés avec des arguments qui peuvent être de qualité très variables mais que l'on considère comme librement publiable tant qu'ils ne dérivent pas vers la diffamation ou des appels à des actions violentes contre "l'ordre public". C'est ensuite dans le débat contradictoire, la polémique, que le citoyen sera en mesure de se forger son opinion. Supposer comme le fait le CPPAP que des esprits "fragiles" pourraient être ébranlés par certains des arguments échangés et "lu au premier degré", c'est revenir sur les acquis essentiels de la liberté de la presse et de la liberté d'expression et reprendre l'argumentaire traditionnel des adversaires de la République et de la démocratie qui justement invoquent constamment les esprits fragiles qui seraient incapables de gérer leur propre liberté en dehors d'un cadre paternaliste et contraignant qui gérerait au mieux et à leur place leurs propres intérêts. Toutes les avancées de la démocratie rencontrent ce genre d'argumentaire : droit de vote pour tous (par opposition au suffrage censitaire), abaissement de l'âge de vote, vote des femmes, divorce, droit à l'avortement, etc.
L'exception introduite par les lignes directrices complétées par l'atteinte à l'ordre public de la CPPAP constitue donc une atteinte gravissime à la liberté de la presse et à la liberté d'expression. Elle est révélatrice de la régression dans le domaine de la liberté de la presse, en matière de pluralisme de l'information qui sévit depuis plus de 20 ans dans notre pays et qui commence à corroder le socle des libertés publiques de base.
Avant de conclure sur ce propos et pour mieux illustrer notre propos à destination d'un lecteur qui connaîtrait mal les enjeux de la liberté d'expression dans le domaine de la santé et serait plus familier des luttes sociales plus classiques imaginons que le CPPAP ait ajouté dans ses "lignes directrices" une atteinte à l'ordre public dans le domaine de la lutte contre le chômage et supprimé le droit à la TVA réduite de la revue politico-économique "Rouge vif" au motif que "celle-ci en mettant en cause de façon répétée les acquis positifs des sciences économiques et plus spécifiquement l'efficacité de l'action des services de l'emploi chargé de la réinsertion des personnes sans emploi est de nature, si elle est lue au premier degré par les chômeurs les plus fragiles, de les décourager de rechercher un nouvel emploi et ne présente pas, de ce fait, le caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée requis par les textes." On voit peut-être mieux j'espère grâce à cette transposition humoristique et pourtant quasiment littérale l'énormité de l'enjeu en terme de libertés publiques.
Il faut donc démesurément étendre cette notion de santé publique pour inférer que des informations liées à la liberté d'expression pourraient avoir des incidences en matière de santé publique. On peut certes concevoir que, par exemple, des campagnes de désobéissance civile concernant les vaccinations légalement obligatoire tomberaient assez naturellement dans le champ du trouble à l'ordre public. Mais il est clair que ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Et de telles actions seraient de toute façon sanctionnables en tant que telle par les pouvoirs publics sans que cela soit soit du ressort de la CPPAP.
Mais discuter des dangers éventuels de tel ou telle vaccination fut-elle obligatoire (toutes les vaccinations conseillées ne le sont pas, loin de là) rentre à l'évidence dans le champ des libertés publiques fondamentales. D'ailleurs si l'on prend le cas du B.C.G. (vaccin contre la tuberculose) on s'interroge gravement actuellement dans les milieux officiels sur la pertinence d'une vaccination pourtant actuellement encore obligatoire (lire aussi ici). Il est à noter que les données du débat sur le B.C.G. dont on consent actuellement enfin à débattre tout en reportant indéfiniment les décisions qui s'imposent sont en fait connues et clairement identifiés depuis des décennies par les milieux hostiles à cette vaccination... On voit donc l'importance fondamentale pour la santé publique et la démocratie de pouvoir débattre librement et ouvertement de ces sujets pour faire évoluer si nécessaire des pratiques qui pourraient ne pas être dans l'intérêt de la santé publique.
En ce qui concerne d'autres approches comme les médecines complémentaires que peuvent défendre des revues comme NEXUS et qu'on tente de leur interdire d'évoquer, leur place dans les traitements est actuellement très discutée. Le verrouillage par le système médico-pharmaceutique dominant rend l'évaluation de nombreuses approches complémentaires potentiellement intéressantes partiels et insuffisants bien que l'intérêt de certaines approches soit néanmoins reconnue et validé dans telle ou telle indication (en prévention, en accompagnement ou à la place de tel ou tel traitement ou en post traitement) par diverses études scientifiques de qualité. L'enjeu est considérable car ces approches sont de nature à éviter la surmédicalisation traditionnellement associée aux effets secondaires, permettent souvent une prise en charge psychologique et médicale plus globale de la personne et peuvent améliorer le rapport coût - bénéfice des traitements si elles sont bien intégrés dans ceux-ci. On imagine le danger qui pourrait résulter pour la santé publique d'un verrouillage politique et médiatique qui se superposerait dans ce domaine aux différents pouvoirs qui ont intérêt au statu quo dans ce domaine. C'est d'ailleurs déjà largement le cas et seule la liberté de la presse permet de dénouer partiellement l'étau.
Rappelons que sur ce point NEXUS publie en général d'excellents articles santé scientifiquement très relevé. Nous avions nous-mêmes présenté brièvement NEXUS à l'occasion de la présentation que nous avions faites des travaux passionnants de Harold D. Foster sur les relations entre le minéral sélénium et le HIV (lire aussi ici). La revue conteste aussi dans d'autres articles l'existence même du HIV (ce que ne fait pas du tout Foster) idée que nous ne partageons pas non plus pour notre part ; mais en publiant des articles défendant des théories diverses sur la question des rapports entre HIV et sida la revue montre précisément qu'elle ne pratique pas une fixation monomaniaque sur tel ou tel interprétation mais est bien une revue qui contribue aux débats d'idées en présentant des théories et des approches qui lui paraissent intéressantes et stimulantes et qu'elle s'adresse donc à un lecteur adulte et capable de se forger son opinion.
Or ce sont précisément ce genre de débats que tente d'interdire la CPPAP ! Pour comprendre la gravité de ce qui est en jeu pour NEXUS et d'autres revues santé, il faut comprendre que les textes légaux ne prévoient rien de toutes ces "lignes directives" qui dans le cadre des atteintes à l'ordre public dans le domaine de la santé sont une véritable création juridique n'ayant pas de bases légales ou réglementaires mais qui sont générées de toute pièce par une officine rattachée au premier ministre ! Ce qui est inouï et gravissime c'est que le Conseil d'État ait donné sa caution à cette limitation sans précédent de la liberté d'expression. Cela donne une idée des dérives répressives qui trouvent désormais libre cours dans notre société.
Cela en dit long hélas sur la collusion et l'aveuglement des élites qui tournent en vase clos et font de leur méconnaissance de certains sujets de société une véritable vertu qui ressemble étrangement à de l'aveuglement volontaire, au lieu faire preuve en la matière d'une curiosité et ouverture d'esprit de bon aloi. Pour évoquer mon cas personnel, je ne connaissais rien il y a dix ans aux suppléments nutritionnels. En 10 ans, plutôt que de me contenter du prêt à penser social rabâchant en boucle "les compléments alimentaires c'est de la poudre de perlimpinpin", je me suis penché sans parti pris sur la question et j'ai pu découvrir un univers scientifique d'une richesse passionnante. J'ai toujours essayé de fonctionner ainsi dans la vie avec une curiosité questionnante qui m'a permis de repérer certaines de mes zones d'ignorance qui, dans bien des domaines, ont la particularité de ne pas faire l'objet d'une signalétique intérieure ou extérieure explicite mais au contraire nécessitent de lever des préjugés et des idées toutes faites qui correspondent à l'intériorisation volontaire des discours "clé en main" que véhiculent inlassablement le discours social dominant pour nous éviter d'avoir à penser par nous-mêmes. Mais, à ce qu'il semble, penser par soi-même se rapproche désormais dangereusement de l'atteinte à l'ordre public !
NEXUS semble ne pas souhaiter vouloir tenter de recours devant la CPPAP ni devant le Conseil d'État. La revue qui a un lectorat fidèle et un tirage considérable de 23000 exemplaires pense pouvoir assumer la hausse des prix au n° qui résulterait d'une TVA à 19,6%. Nous pensons quant à nous qu'il est dommage de renoncer au combat de principe contre une réglementation inique et qu'un revirement de jurisprudence du Conseil d'État est une possibilité sérieuse. Il faudrait certes probablement pour obtenir ce résultat unir les différentes revues concernées par les errements du CPPAP et faire une vigoureuse campagne de presse. Cela n'est pas il faut le dire dans la culture de ces revues où l'éclatement est la règle et l'union toujours difficile du fait des différences d'intérêt et de point de vue et, il faut hélas bien le reconnaître, de l'égotisme de nombreux personnages. Il faudrait aussi tenter de mettre fin au déluge de propagande scientiste qui tente inlassablement de refouler les pratiques des médecines complémentaires dans le champ de la superstition, de la mouvance sectaire et ainsi de les exclure des règles protectrices de l'Etat de droit. Et en effet on constate que toutes ces atteintes répétées à la liberté d'expression font l'objet d'un verrouillage médiatique quasi complet de la part des médias dominants et même des institutions ou associations qui prétendent défendre la liberté de la presse et les droits de l'homme. Tout cela est bien navrant !
Les pratiques du CPPAP et l'énormité de ses pouvoirs dans certains domaines sont rarement discutés et critiqués. ACRIMED l'observatoire des médias c'est par exemple contenté de dénoncer les faveurs faites à la presse féminine dont certains magazines ressemblent de plus en plus à de lourds catalogues publicitaires "De la puissance de la presse féminine" et "Vrais catalogues, faux magazines : la presse féminine sort ses « magalogues »". Rien à ma connaissance sur les problèmes autrement sérieux que nous évoquons ici. Il est hélas peu probable de toute façon qu'ils défendent une revue comme NEXUS traitant par ailleurs régulièrement d'Ufologie, d'énergie libre et de conspirations politiques ! D'ailleurs ACRIMED a accordé tout récemment une Tribune "Paranormal, dérives sectaires : cautions médiatiques sous couvert de libre information" à un membre de l'Observatoire Zététique, organisation qui représente en France les fractions politiquement les plus extrémistes et les plus actives du scientisme militant. Les militants de ce groupuscule sont, je crois, peu nombreux mais disposent de sympathies et de soutiens politiques et médiatiques considérables.
Dans un article historique intéressant du Réseau Voltaire, "Les médias sous contrôle de l’État - Le mythe de la liberté de la presse en France" Thierry Meyssan évoque la CPPAP "Les journaux doivent, eux, être enregistrés par la Commission paritaire de la presse où siègent d'autres représentants du Premier ministre pour bénéficier du taux réduit de TVA à 2,1% au lieu de 19,6%. Ils bénéficient alors aussi de tarifs ultra-préférentiels à La Poste. À ce subventionnement indirect s'ajoute un subventionnement direct par les services du Premier ministre des quotidiens nationaux. Le refus ou le retrait d'un de ces agréments vaut toutes les censures : il condamne généralement le journal concerné à la faillite immédiate. Et s'il survit, il est réduit à la marginalité sur un marché assisté où ne s'appliquent pas les règles de la libre concurrence." Malheureusement le Réseau Voltaire généralement très bien sourcé ne donne pas de détails complémentaires dans cet article ni, à ma connaissance, ailleurs sur son site. Par ailleurs le RV a été longtemps très proche des milieux antisectes et de la mouvance scientiste, mais suite à une évolution complexe passant notamment par une rupture avec les partis politiques dominants en France qui instrumentalisent la lutte contre les sectes, il semble que le RV adopte désormais dans ce domaine une position beaucoup plus nuancée et mesurée et se centre surtout sur les connexions politiques de certains mouvement religieux avec les puissances d'argent et l'impérialisme US (Opus dei, Églises évangéliques américaines proches de l'extrême droite bushienne, etc).
Ces deux exemples pour illustrer les réticences que risque de rencontrer la défense de NEXUS dans la société civile même à priori la moins prévenue.
Une recherche sur internet sur la question de la censure de NEXUS remonte aussi un bon article sur agoravox spécifiquement consacré à la question : "Censure de la presse alternative : ça continue !". L'auteur de l'article, Jean-Luc Martin-Lagardette, journaliste indépendant a également écrit un autre bon papier "Quand la presse « censure » la presse" qui traite du cas de"Pratiques de Santé" et qui confirme notre hypothèse ci-dessus qu'il s'agit du même titre que "Vérités Santé Pratique". Ce journaliste a écrit "« L'Information responsable. Un défi démocratique », J-L M-L, Editions ECLM, 2006" qui propose une réforme de la CPPAP parmi de nombreuses autres propositions pour améliorer la situation de la presse et du journalisme. La CPPAP n'associe que les éditeurs et les pouvoirs publics et les lecteurs et les journalistes en sont absent ce qui est une anomalie importante. En fouinant un peu sur les réactions parfois excellentes des lecteurs d'agoravox nous avons trouvé le lien fourni par l'un d'eux, la copie d'un extrait de Pratiques de santé où l'éditeur Alexandre Imbert explique en juillet 2006 à ses lecteurs ses dernières démélées avec la CPPAP qui se caractérisent par un mépris sans précédent des procédures, même par rapport aux normes habituellement bien peu exemplaires de la CPPAP. Le fait que la CPPAP ait à nouveau retoqué la demande de Pratiques de santé alors que la rédaction du journal a été reprise il y a quelques années par Jean-Paul Willem, un médecin et un chirurgien particulièrement respecté pour ses connaissances et ses actions de terrain en matière d'anthropologie médicale, en dit long sur le caractère purement politique de la censure exercée par la CPPAP. Alexandre Imbert a montré dans le passé sa pugnacité judiciaire, et il se pourrait que la CPPAP soit cette fois allée trop loin. Malheureusement l'éditeur ne souhaite pas retourner à nouveau devant le Conseil d'Etat considérant qu'il a épuisé tous les recours. C'est bien dommage, en effet comme je crois l'avoir montré dans ce qui précède, la jurisprudence du CE est d'une grande fragilité juridique et il me semble qu'une bonne plaidoirie pourrait la renverser en particulier si un soutien média minimum pouvait être obtenu.
On voit d'après cette analyse que la CPPAP fonctionne largement comme un organisme de censure comme le montre les affaires Graff it ! et Pirate Mag qui constituent ce qu'il faut bien appeler une censure préventive de titres de presse sur la base de délits hypothétiques que ces revues qui dérangent pourraient commettre alors que la législation en matière de presse permet déjà aux pouvoirs publics de sanctionner les titres de presse qui sortiraient de la légalité. Mais c'est bien là l'esprit dont se nourrit tout censeur, pratiquer la répression de délits imaginaires faute de disposer de délits réels à sanctionner ! En matière de santé j'espère avoir démontré dans ce qui précède que le danger et les agissements de la CPPAP sont d'une toute autre portée par rapport aux menances qu'il font peser sur les libertés publiques.
Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_0806.htm#27_08_06
25 Août 2006 : Articles sur la vitamine B3 et le cholestérol sur La Nutrition.fr
Les lecteurs fidèles de Gestion Santé connaissent notre intérêt pour les vitamines B (Mais que mettent-ils dans mon multivitamines B ?) et notre critique du traitement du cholestérol élevé par le système médical dominant (Le scandale de la cérivastatine de Bayer : Les médicaments anti-cholestérol et la politique de santé publique et Les statines en prévention primaire ?).
De ce point de vue il est utile pour le lecteur de recouper les points de vue et des sources différentes sur toutes ces questions souvent complexes et controversées. Le site www.lanutrition.fr de Thierry Souccar a justement proposé récemment un article intéressant sur ces questions "Cholestérol : le meilleur traitement est une vitamine" qui fait le point sur l'utilisation de l'acide nicotinique (ou niacine) une des deux formes de la vitamine B3. De plus l'article contient des informations peu connues sur le Dr Abram Hoffer un des pionniers méconnus de l'utilisation des vitamines dans le traitement de diverses maladies. Nous avons évoqué plusieurs fois ce remarquable chercheur sur Gestion Santé (résultat recherche sur Google).
Le site lanutrition.fr a également proposé un autre article complémentaire sur la question "Cholestérol : mystères, zones d’ombre et traitements naturels" qui souligne l'intérêt d'augmenter le HDL (le "bon" cholestérol) avec la niacine. Le site rappelle aussi les données basiques sur le LDL et le HDL "Cholestérol : le bon et le mauvais".
Il faut aussi savoir que cela fait longtemps que les chercheurs estiment les lipoprotéines HDL et LDL ne sont pas de très bons marqueurs du risque cardiovasculaire et qu'il faudrait mieux s'intéresser aux apoprotéines. Les protéines des lipoprotéines sont appelées des apoprotéines parmi lesquelles on distingue en particulier les apo A1 et les apo B. L'apo A1 se trouve principalement dans les HDL et les apo B dans le LDL. Outre qu'elles permettent la solubilisation des lipoprotéines qu'elles enveloppent, les apoprotéines sont la partie "intelligente" de la lipoprotéine, la partie qui va "informer" la membrane des cellules rencontrées de la nature de la lipoprotéine. Les tests de mesure des des apo A-I et B sont désormais bien au point, mais ne sont pas utilisés en pratique médicale courante. A noter le fait que d'après les dernières recherches c'est bien le ratio apo B/A-I qui est le plus prédicteur par rapport au LDL, HDL, au cholesterol total, aux triglycerides, ou aux ratios lipidiques (LDL/HDL) (il faut prendre un abonnement gratuit pour accéder à ce dernier lien sur Medscape). Un niveau élevé de apo B révèle en particulier la présence de nombreuses particules très denses de LDL qui sont les plus toxiques pour l'organisme. Ce marqueur plus performant permet de repérer des patients à risque ayant un LDL dans la normale et à l'inverse d'en d'exclure d'autres apparemment à risque par rapport au ratio HDL/LDL.
Comme d'habitude la médecine courante initie encore des traitements avec des médicaments aux lourds effets secondaires sur la base de mesures de risques périmées et néglige d'autre part des traitements surs par l'alimentation ou la supplémentation.
Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_0806.htm#25_08_06
7 Août 2006 : La vitamine D, un antiinfectieux ?
Nous traitons régulièrement de la vitamine D sur Gestion Santé (Recherche "vitamine D" dans Gestion Santé avec Google) et pourrions le faire encore plus souvent compte tenu du grand nombre de publications de qualité plaidant pour des apports élevés en vitamine D dans différentes indications qui sortent régulièrement depuis plusieurs années.
Par exemple dans le traitement de la tuberculose, où cette étude "Toll-Like Receptor Triggering of a Vitamin D-Mediated Human Antimicrobial Response" a été très commentée. Ainsi dans ce bon article de vulgarisation "Vitamin D Protects Against Tuberculosis" (dépêche de presse en français dans le Nouvel Obs sur le même sujet). Ces articles expliquent en particulier que la vitamine D déclenche la production dun peptide antimicrobien qui tue les bactéries de la tuberculose. Moins connu est l'étude indonésienne de 2006 "The effect of vitamin D as supplementary treatment in patients with moderately advanced pulmonary tuberculous lesion." ou l'étude plus ancienne de 1998 "Vitamin D administration to tuberculous children and its value." Ces deux études montrent des résultats tout à fait spectaculaire lorsque l'on ajoute de la vitamine D au traitement standard de la tuberculose. Le dosage de la première étude est de 0.25mg soit 10 000 UI (Vitamine D sur Wikipedia). On est très loin des 400 UI considérés comme des apports "normaux" de vitamine D. Bon ceci dit je ne conseillerai pas de prendre ces apports en complémentation sans avis médical. Les valeurs actualisées que je vois citer par les spécialistes pour la saison froide sont plutôt de l'ordre de 1000 à 3000 UI / jour (il s'agit de l'opinion que je me suis forgé sur la base de mes lectures pas d'un conseil de supplémentation à mes lecteurs, lire à ce sujet la mise en garde qui figure en bas de chacune de mes pages). Pour relativiser les choses et les risques précisons quand même qu'en été on synthétise facilement de 10 000 à 20 000 UI en faisant une bronzette intégrale de 30 minutes. Donc pas la peine de vous supplémenter pendant cette période si vous allez régulièrement au soleil.
Si toutes ces études se confirmaient cela démontrerait une fois de plus que les préjugés ont fait prendre des décennies de retard à la médecine. On sait depuis longtemps que les noirs sont, à situation d'ensoleillement identique, nettement plus à risque de tuberculose que les autres races et qu'ils ont des taux plus faibles de vitamine D circulant, que leur peau synthétise plus difficilement. Pourtant aucune étude systématique de l'effet de la vitamine D comme cofacteur possible des traitements standard de la tuberculose n'a été initiée alors que la tuberculose est une priorité de santé publique dans de nombreux pays et aussi pour l'OMS et que de telles études sont très simples et peu coûteuses à monter. Il en va de même pour la quasi totalité des autres vitamines et nutriments, notamment de la vitamine C qui est également une vitamine d'efficacité probable en complément du traitement habituel de la tuberculose. Mais pratiquement aucune étude n'a été menée sur ce sujet depuis les années 70 ! Thomas Levy, dans son ouvrage classique "Vitamin C, Infectious Diseases, and Toxins" (Xlibris, 2002) a lu et commenté de nombreuses études allant pourtant dans le sens d'une efficacité probable de la vitamine C dans cette indication.
Les études concordantes menées sur l'activation des peptides antimicrobiens par la vitamine D agissant comme de quasi antibiotiques devrait enfin stimuler la recherche et, j'espère, confirmer les résultats positifs des rares études disponibles.
Ces intéressants résultats préliminaires ont amené John Jacob Cannell du Vitamin D Council (un organisme non commercial qui mène des activités pédagogiques en faveur de la vitamine D) à se demander si ces résultats ne pourraient pas être dose-dépendants, c'est-à-dire à se demander si de très fortes doses de vitamine D donnéees brièvement dans le temps ne pourraient pas avoir des effets antiviraux et antibactériens intéressants allant d'ailleurs bien au-delà de l'action probable sur la seule tuberculose (l'apport ponctuel de très fortes doses de vitamine D en une seule fois est une pratique médicale courante en cas de carence et ne pose pas de problème de sécurité d'utilisation).
Le Dr Cannell a eu connaissance de résultats anecdotiques de lecteurs du Vitamin D Council allant dans le sens d'un effet anti-infectieux de fortes doses de vitamine D, mais surtout il s'est replongé dans une thérapeutique, celle du Dr. Knott, qui a eu beaucoup de succès à partir des années 30 et jusqu'au début des années 50 aux USA et à fait l'objet de nombreuses publications dans des revues scientifiques prestigieuses de l'époque avant de tomber dans un oubli quasi total. Cette technique consistait a irradier à l'extérieur du corps une fraction du sang circulant (jusqu'à 10% du sang total) avec des rayons UV et à le réinjecter ensuite aux patients. Je laisse le lecteur intéressé lire en détail ce texte très stimulant du Dr Cannell dont je ne reprend que quelques points. Celui-ci explique qu'on ne connaissait pas encore la relation entre la vitamine D et les UV à l'époque, et il décrit en détail les nombreux éléments faisant penser que dans cette thérapeutique l'irradiation activait la synthèse de vitamine D. Par exemple le traitement traite tous les signes d'une déficience en vitamine D, en particulier le rachitisme. L'auteur montre même que chez les chiens dont l'intégralité du sang est irradié (au lieu d'une fraction dans le traitement normal) ceux-ci décèdent dans les jours suivants avec tous les signes cliniques d'une intoxication aïgue par la vitamine D.
Evidemment le fait que l'on devrait obtenir les mêmes résultats avec de la vitamine D à haute dose sans avoir désormais à utiliser cette ancienne technique n'échappe pas à l'auteur. Mais hormis l'intérêt de comprendre rétrospectivement les modalités d'efficacité d'une ancienne thérapeutique, ce qui l'intéresse ce sont les autres résultats thérapeutiques démontrés à l'époque avec cette technique : "La raison pour laquelle c'est important [la thérapie du Dr. Knott] est que ces centaines d'études ont été publiées, dont de nombreuses dans les meilleures publications, décrivant des effets indiscutables similaires à ceux des antibiotiques à la suite d'irradiations du sang."
Dans cette thérapeutique les quantités délivrées de vitamine D se chiffrent en dizaines de milliers d'UI et même plus probablement en centaine de milliers. Les résultats documentés à répétition sont des guérisons très efficaces en milieu hospitalier d'infections sévères très diverses engageant le pronostic vital des sujets traités.
L'intérêt possible pour une utilisation de nos jours serait évidemment de conforter l'efficacité des traitements classiques par antibiothérapie dans le cas d'infections graves nécessitant des mesures thérapeutiques rapides et énergiques (pour les infections chroniques comme la tuberculose des dosages plus modestes au long cours seraient probablement suffisant et le dosage de 10 000 UI ci-dessus évoqué probablement suffisant).
Le Dr Cannell expose ensuite les circonstances dans laquelle cette thérapeutique a été abandonnée "Alors qu'est-ce qui a mis fin à la recherche sur l'irradiation aux ultraviolets aux Etats-Unis ? D'abord, davantage d'antibiotiques devinrent disponibles, ayant de bien meilleurs résultats (cela se passait avant que de nombreuses bactéries ne développent des résistances aux antibiotiques). Ensuite, le mécanisme d'action proposé par Knott la destruction directe des bactéries dans le sang irradié ou la stérilisation du sang s'est révélé être erroné après investigation. Quand vous réfléchissez au raisonnement de Knott, cette explication n'a jamais eu de sens. Seule une petite fraction du sang est irradiée aussi les bactéries dans le sang non irradié seraient libres de se reproduire à l'intérieur du corps. Non, la stérilisation du sang n'a jamais été un mécanisme vraisemblable d'action. Toutefois, sans un mécanisme d'action vraisemblable, le protocole était condamné, au moins aux Etats-Unis." [Le Dr Cannel veut dire, je crois, que les nouveaux antibiotiques sont devenus plus efficaces, pas que les antibiotiques étaient plus efficaces que la thérapie du Dr Knott dont l'efficacité était à peu près équivalente aux traitement par antibiothérapie - De toute façon l'objectif n'est pas de substituer l'un à l'autre mais de trouver des traitements agissant en synergie]
L'explication du Dr Cannell me semble bien courte par rapport au reste de son article qui est très bien observé et fort perspicace. La disparition de cette thérapeutique éprouvée est surtout à mon sens très illustrative de l'extraordinaire capacité d'amnésie des sciences médicales et de l'extrême difficulté qu'il y a dans ce domaine à effectuer une accumulation raisonnée du savoir scientifique en dépit d'effets thérapeutiques absolument avérés. Il est frappant de constater qu'on ne semble plus, tout à coup, savoir si ces effets existent vraiment ou pas et ils semblent soudain se dissoudre et disparaître sous nos yeux comme s'ils n'avaient jamais existé, disparaissant avec une technique soudain passée de mode, phénomène qui, je dois l'avouer, laisse l'observateur sans préjugé que je suis absolument médusé.
C'est que les sciences médicales sont des sciences molles qui se font passer pour des sciences dures. L'interaction entre ce qui est étudié, l'investigateur et la théorie crée des boucles d'interactions qui provoquent aisément des distorsions massives des observations et des théories. Ceci explique les étranges phénomènes de mode qui parcourent le champ médical. Pour s'en préserver il faut articuler les sciences médicales aux sciences humaines et surtout éviter tout dogmatisme, favoriser l'interdisciplinarité, faire preuve de prudence, d'ouverture d'esprit et de tolérance à l'égard des innovateurs. Bref tout le contraire de ce qui caractérise la science médicale, livrée aux coteries et au népotisme, hypnotisée par le réductionisme scientiste, livrée au pouvoir de l'argent, etc.
Le Dr Cannell explique ensuite que la thérapeutique du Dr Knott a ensuite migrée en Allemagne puis en Russie où elle était encore ces dernières années couramment pratiquée. Le Dr Cannell donne de très nombreux résumés d'études publiées disponibles sur Pubmed. Dans ces études d'origine russe souvent très récentes, la thérapeutique découverte par le Dr Knott est également utilisée pour les infections graves avec toujours le même succès . Mais ces études ont été publiées en russe et il est impossible de savoir, d'après les très brefs résumés disponibles, si certains auteurs ont compris que le mécanisme d'action était lié à l'activation de la vitamine D par le traitement.
Aussi le Dr Cannell demande-t-il aux patients qui utiliseraient cette thérapie avec un thérapeute alternatif soit la Photoluminescence Therapy (auparavant appelée Ultraviolet Blood Irradiation) et qui utilisent l'appareillage allemand Euphoton EN 600 NT de bien vouloir mesurer leur taux de 25(OH)D avant l'intervention et quelques jours après l'irradiation pour vérifier l'hypothèse d'une augmentation majeure du taux de vitamine D circulant suite à ce traitement.
Comme le note avec humour le Dr Cannell nous sommes presque dans le domaine de la science fiction. Et il est vrai que déjà les résultats solides évoqués au début, pourtant sortis dans des revues de vulgarisation aisément accessible, sur la stimulation des pepdides antimicrobiens par la vitamine D ne semble pas avoir provoqué la plus minime réaction d'intérêt dans les milieux médicaux chargés du traitement de la tuberculose. Alors on peut imaginer de ce qu'il peut en être des théories et recherches d'avant-garde du Dr Cannell...
(à suivre...)
Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_0806.htm#07_08_06
Les billets du Journal de bord consacrés à la vitamine D ont
été regroupés dans la page "Quoi
de neuf sur la vitamine D ?" :
http://gestionsante.free.fr/vitamine_d.htm
4 Août 2006 : Fréquentation de Gestion Santé
Le 8/07/06 nous constations avec satisfaction que nous avions eu 11 212 pages vues en juin après 6 600 pages en mai suite à notre interview dans le magazine mensuel Nutranews. Nous nous demandions quel allait être le score de juillet après la retombée naturelle des visites après ce sympatique coup de pub et avec l'arrivée du mois de juillet qui connaît traditionnellement une importante chute de fréquentation. Or nous avons eu quand même 5 988 pages vues en juillet. C'est un peux mieux qu'en janvier et février 2006 et pas trop en dessous des mois de mars avril et mai suivant. Tout cela est donc plutôt rassurant d'autant que nous continuons dans l'intervalle à travailler à enrichir le site. J'espère donc qu'après un mois d'août qui s'annonce tout aussi calme Gestion Santé repartira à la hausse en septembre.
Merci à tous pour votre fidélité.
Jacques Valentin pour Gestion Santé
1er Août 2006 : Décryptage : Rapport d'information du Sénat sur la politique du médicament (4ème partie)
Nous avons créé une nouvelle page sur notre analyse du rapport du Sénat qui regroupe nos billets déjà publiés. Nous l'enrichissons à chaque nouveau billet traitant de ce sujet. Aujourd'hui nous étudions cette section du rapport (à partir de la section : b) Une presse médicale sous influence)
Une presse médicale sous influence
Le rapport sénatorial rappelle que l'essentiel de la publicité des journaux médicaux provient des laboratoires pharmaceutiques et que "Par ailleurs, les articles sont le plus souvent écrits par des spécialistes qui ont des liens d'intérêts avec les laboratoires. Ils ont alors tendance à fonder leur jugement sur des études exclusivement favorables au produit dont ils estiment légitime de promouvoir la prescription."
Par ailleurs les rapporteurs citent la "Petite encyclopédie critique du médicament" du Professeur Claude Béraud, 2002 qui écrit sévèrement que :
« Le Syndicat national de la presse médicale et des professions de santé regroupait en 1999 soixante-seize éditeurs et 176 revues et journaux. Trois types de publications sont à la disposition des professionnels :
« 1. La presse médicale quotidienne, diffusée en grande partie gratuitement, est d'une insigne médiocrité sur le plan scientifique. Elle est pourtant la plus lue par les professionnels, en raison de sa gratuité et parce qu'elle défend tous les corporatismes médicaux. Les articles qui ont un objectif thérapeutique sont le plus souvent sans intérêt médical, car il s'agit tantôt de publicités rédactionnelles, tantôt de simples opinions d'auteurs trop sensibles aux arguments de l'industrie pharmaceutique et parfois même rémunérés pour rédiger ces articles. Ces écrits ne sont pas soumis à la critique d'un comité de lecture ;
« 2. Les revues de médecine générale, vendues principalement sur abonnement, n'échappent pas à l'influence des firmes. Leur indépendance n'est pas assurée, car leur équilibre financier dépend du volume de la publicité que leur confient les laboratoires. Leur niveau est variable, mais il tend à s'améliorer. Le contrôle des articles, signés parfois par des universitaires renommés, reste insuffisant ;
« 3. Les revues spécialisées, qui concernent les disciplines classiques (cardiologie, gastroentérologie, etc.), sont habituellement d'un assez bon niveau. Elles sont lues par les spécialistes hospitaliers et une partie des médecins libéraux. Elles apportent une information contrôlée par des comités de lecture parfois sévères23(*). »
Le rapport évoque ensuite le cas d'exception de la revue française Prescrire qui est une revue sans publicité. La situation de la presse médicale française est ensuite mise de façon bizarre et plutôt artificielle en parallèle avec la situation de la presse internationale spécialisée de langue anglaise dont le rôle est la publication des nouveaux résultats de recherche. Ce passage est trop court, peu clair et la spécificité de ces revues n'est pas distinguées des autres types de revues médicales. Rien n'est dit non plus de la lutte difficile que mènent ces revues depuis plusieurs années pour mettre en évidence et limiter autant que possible les conflits d'intérêts éventuels des rédacteurs des articles.
Les rapporteurs souhaitent aussi "la publication rapide du décret d'application de l'article 26 de la loi du 4 mars 2002 précitée, qui dispose que « les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu'ils s'expriment lors d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits ». De cette façon, les lecteurs seront informés des liens d'intérêts de l'auteur et capables de juger de son objectivité ;"
Il s'agirait d'une mesure utile mais qui est encore nettement insuffisante car elle ne règle pas le cas des journalistes non médecins (et les médecins n'exerçant pas ne seront probablement pas concernés non plus par un éventuel décret). Comme nous l'écrivions en parlant de la presse à l'occasion de notre présentation du livre de Jean-Claude Salomon, "Le complexe médico-industriel", ATTAC, Mille et une nuits, 2003. "Il serait autrement plus simple comme nous l'avons proposé sur Gestion Santé de réglementer strictement les relations d'influence du CMI [Complexe médico-industriel], en particulier celles entre les industriels et les journalistes, en interdisant purement et simplement les innombrables voyages de luxe pseudo informatifs qui les visent et en interdisant ou en réglementant strictement les "ménages" (prestations plus ou moins réelles où un journaliste est payé fort cher et en fonction de sa notoriété pour des prestations de type publi-reportage). Des régles d'éthiques pourraient être instaurées dans les médias de service public et dans l'audio-visuel sous l'autorité du CSA, et les titres les plus prestigieux de la presse écrite pourraient souscrire une charte déontologique allant dans le même sens. L'assainissement du monde de la presse est une priorité, celle-ci constituant le principal contre-pouvoir dans notre société."
Les bases d'information professionnelles sur le médicament
Le rapport rappelle qu' "Il existe actuellement quatre bases d'information qui transposent les recommandations officielles sur les médicaments : la base Vidal, la base Claude Bernard, la base thérapie et celle de l'Afssaps en cours de constitution. Elles sont notamment utilisées pour l'élaboration des logiciels de prescription."
Pour les liens Internet il faut savoir que la base Vidal est payante liée aux industriels et est nous ne donnerons donc pas son lien internet, que la base Claude Bernard est une base gratuite réservée aux professionnels de santé, que la "base thérapie" fait probablement référence à Thériaque, Système d'information sur les produits de santé, base gratuite également réservée aux professionnels de santé. Il est possible pour "l'amateur éclairé" de s'abonner à ces deux bases. Quand à la base de l'Afssaps, cette institution n'est même pas capable de donner des informations élémentaires sur ses activités conforme aux règles de transparence applicables aux agences européennes (lire La transparence à l'Afssaps : les Rappe). On espère donc qu'elle réservera son énergie à régler ces graves lacunes plutôt qu'a doublonner des bases de qualité déjà existantes !
Par ailleurs le rapport regrette que "La source d'information la plus complète et la plus utilisée par les médecins demeure toutefois le Vidal, qui ne traite pourtant que 50 % des produits et se contente de reproduire les RCP produits pas la commission d'AMM. En outre, l'inscription au Vidal dépend de la bonne volonté des laboratoires, qui en financent le coût." Là encore difficile de suivre le raisonnement des rédacteurs qui parle de "source d'information la plus complète" alors que deux des bases Internet précitées sont beaucoup plus complètes que celle du Vidal et qu'elles alimentent des logiciels de prescription ! Peut-être faut-il comprendre que parmi les sources de données biaisées et partielles qu'utilisent les médecins, le Vidal, malgré ses lacunes, et via notamment sa version écrite qui est distribué gratuitement aux médecins (ce qu'oublie de rappeler le rapport) est la source d'information la plus complète utilisée par les médecins ?
L'échec du FOPIM
Le rapport évoque ensuite le FOPIM. Le sabordement du FOPIM doit beaucoup au ministre de la santé de l'époque Jean-François Mattei et à son cabinet. Le FOPIM était chargé de donner une information qualitative sur le médicament et avait déjà indisposé les fabricants par son indépendance. Par ailleurs son financement au % de l'activité du secteur créait un dangereux précédent en le rendant indépendant du système de redevances qui lie les mains des autres agences (lire "Indépendance financière des agences et indépendance de décision").
En sus du rapport, on pourra lire par ex. cet article du Monde repris par esculape.com ou cet article "Etrange malédiction sur la base médicamenteuse FOPIM..."
Le rôle de la HAS en matière d'information
Le rapport rappelle que "Le législateur, par la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie, a confié à la HAS une compétence de premier ordre en matière d'information médicale. Sa commission « qualité et diffusion de l'information médicale » est ainsi chargée de la diffusion de recommandations sur l'usage des médicaments, de la certification des logiciels d'aide à la prescription et des sites « Internet santé », ainsi que de la transformation de la charte de la visite médicale en une procédure de certification."
Il s'agit notamment d'une information qualitative visant à améliorer la prescription pour laquelle "la HAS dispose de trois outils : les fiches de transparence édictées pour chaque produit, les fiches définissant des stratégies thérapeutiques et les fiches produits. Cette dernière catégorie répond à des demandes fortes exprimées par la DGS et les professionnels de santé et est éditée lorsqu'il existe un risque important de mésusage du produit. L'objectif est d'anticiper les risques et de diffuser l'information avant que les mauvaises pratiques ne soient ancrées dans les habitudes."
Dans les différents domaines de ses attributions le retard de la HAS semble sensible et rien de concret n'a pu être évalué par les rapporteurs, les premiers résultats de la HAS par exemple pour la certification des bases de données n'étant pas attendus avant 2007... En ce qui concerne la visite médicale et son "contrôle" par la HAS que semble défendre le rapport, nous avons vu tout le mal qu'il fallait en penser (La visite médicale : bras armé des laboratoires).
De toute façon les rapporteurs semblent très pessimistes puisque "Toutefois, les moyens dont la HAS dispose pour la diffusion de ses recommandations - 14 millions d'euros sur un budget total de 103 millions d'euros en 2006 - sont sans commune mesure avec ceux que les laboratoires consacrent à la promotion - 15 % de leur chiffre d'affaires en moyenne - rendant impossible une concurrence sur un pied d'égalité et l'obligeant à cibler ses interventions en amont des habitudes de prescription et à utiliser une multiplicité de vecteurs (acteurs institutionnels, patients, EPP)."
D'autant plus que selon les rapporteurs "Il est encore trop tôt pour juger de l'efficacité de cette double source d'information - HAS et Afssaps - sur la qualité et l'accessibilité des renseignements destinés aux prescripteurs. Les deux instances concernées devront toutefois surmonter les clivages administratifs pour poursuivre une stratégie d'information complémentaire." On pourra à ce sujet lire nos sections précédentes présentant de façon plus générale l'origine de ces conflits potentiels entre HAS et Afsspas (La réévaluation des médicaments et le Service Médical Rendu et Les discontinuités entre AMM, SMR/ AMSR et remboursement).
La publicité
Les rapporteurs rappellent que la publicité des produits de prescription est interdite en France est en Europe et seulement autorisée sur les médicaments non remboursés sans ordonnance (lire par ex. notre billet du 11 mai 2006 : Une proposition de législation pour interdire la publicité sur les médicaments aux USA).
Suit une description du contrôle de la publicité avec ce passage savoureux : "Il convient de noter, à cet égard, qu'aucun pays européen ne soumet les campagnes publicitaires des médicaments requérant une prescription médicale à un contrôle a priori . Il a en effet été considéré, au moment de la transposition de la directive, que les professionnels de santé ont suffisamment d'esprit critique pour qu'un contrôle de ce type soit superflu." [sans commentaire]
Par ailleurs dans le cadre du contrôle de ces campagnes vers les professionnels "L'Afssaps examine chaque année environ 9.000 dossiers de cette seconde catégorie, dont 15 % sont suivis d'une mise en demeure ou plus rarement d'une décision d'interdiction. Les mesures d'interdiction sont transmises au comité économique des produits de santé (CEPS), qui peut prononcer une sanction financière d'un montant égal, au plus, à 10 % du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise grâce à la molécule faisant l'objet de la campagne. Le CEPS ne transmet pas, ce qui est regrettable, ces données à l'Afssaps, mais il semble, au travers des contacts avec les firmes, que les sanctions sont assez systématiques."
La transparence a ses limites puisqu'il semble impossible de disposer d'un rapport synthétisant les actions de l'Afsspas et de la HAS et listant les campagnes interdites, les motifs et le montant des pénalités. D'ailleurs, si je comprend bien ce passage du rapport "...mais il semble, au travers des contacts avec les firmes..." il semble que ce soit des firmes et non du CEPS que les rapporteurs tirent leur information sur la sévérité supposée du CEPS. On croit rêver !
Répondre au défi de l'information du publicCette section du rapport propose des informations relativemennt disparates et aucune proposition vraiment systématisée. Quelques passages soulèvent des idées intéressantes qui mériteraient probablement d'être mise en oeuvre.
Le rapport note à juste titre que l'information du patient complète celle du médecin sur l'usage raisonnée et prudent du médicament afin d'éviter tant la surconsommation que le mésusage, "En effet, autant que le prescripteur, le patient est responsable de ces deux écueils, notamment lorsqu'il est prêt à guérir par tous les moyens et suit un traitement de quinze et parfois vingt-cinq médicaments actifs. Le patient joue donc un rôle incitatif non négligeable dans la prescription, dont le médecin doit avoir conscience."
Les rapporteurs notent l'efficacité des certaines campagnes médiatiques, "il est apparu que la consommation d'antibiotiques diminuait après les périodes de passage intensif des spots publicitaires (automne-hiver 2002-2003 puis automne-hiver 2003-2004) mais repartait à la hausse lorsque le message n'était plus diffusé pendant quelque temps."
A propos de l'obsession française pour l'ordonnance bourrée de médicaments, les rapporteurs évoquent l'expérience Néo-zélandaise "il serait utile de réfléchir à la promotion des « ordonnances vertes », comme il en existe en Nouvelle-Zélande, qui privilégient un régime alimentaire ou la pratique d'un sport." Encore faudrait-il que les médecins soient correctement formés pour donner des conseils vraiment pertinents notamment en matière de nutrition, ce qui ne s'improvise pas.
Autre sujet intéressant, les actions d'éducation à la santé dès l'école. Est évoqué par exemple le cas de la Suède "qui connaissait il y a quelques années, un véritable problème d'hygiène dentaire chez les enfants et les jeunes adultes : l'apprentissage du brossage de dents à l'école primaire a été rendu obligatoire, ce qui a permis une diminution de 90 % des cas de caries au bout de huit ans [Audition du Professeur Jean-Paul Giroud, membre de l'Académie nationale de médecine, p. 300]." Je crois que certaines villes françaises comme Paris mènent des actions relativement conséquentes dans le domaine dentaire (dépistage et éducation) mais ces initiatives intéressantes sont curieusement bien peu médiatisées et totalement facultatives par rapport aux obligations en matière de santé publiques. Comme toujours en France la prévention est le parent pauvre. L'efficacité de la campagne Suédoise est en tout cas impressionante (ce pays a également interdit de facto les amalgames dentaires au mercure une mesure de sécurité sanitaire que l'Afsaaps estime dépourvue de tout fondement scientifique...).
(à suivre)
Mettre un lien vers la page concacrée à l'analyse
du rapport du Sénat sur la politique du médicament :
http://gestionsante.free.fr/rapportsenat.htm
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Créé le 01/08/06. Dernière modification le 28/08/06.