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Journal de bord de Mai 2006

La rubrique "Journal de bord" est le point d'entrée sous forme de billets de longueurs variées du site Gestion Santé depuis fin  2005.  Les billets sont éventuellement repris,  regroupés et actualisés sous forme d'article spécifique accessible depuis la page d'accueil lorsque le sujet le justifie. Comme pour les autres dossiers traités ailleurs sur le site j'espère pouvoir apporter des informations intéressantes et souvent difficilement accessibles au non spécialiste et tout cela d'une façon accessible et plaisante si possible ! Bonne lecture...

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Mai 2006 : - 19/05 - L'arginine et le monoxyde d'azote - 11/05 - Une proposition de législation pour interdire la publicité sur les médicaments aux USA - 9/05 - Collectif Europe et Médicament : Transposition de la Directive européenne 2004/27/CE sur le médicament : danger !

19 mai 2006 : L'arginine et le monoxyde d'azote

Dans de précédents billets de janvier 2006 nous évoquions l'intérêt de doses modérées de L-Arginine (17/01 - 05/01) à prendre de préférence sous forme de l'arginine alpha ketoglutarate (AAKG : 2 molécules d'arginine avec une molécule d'AKG un précurseur de la glutamine) qui diffuse plus lentement dans l'organisme, pour favoriser via la libération de monoxyde d'azote la mise en circulation d'hormone de croissance par l'hypophyse, la division cellulaire, la cicatrisation des plaies et la réparation des tissus endommagés par les blessures et les traumatismes, évacuer l'ammoniaque, renforcer le système immunitaire et sécréter d'importantes hormones.

De nombreux acides aminés, vitamines, minéraux, enzymes, agissant en synergie dans différents cycles, il paraît intéressant de dire un mot d'un d'entre eux, le cycle de fabrication du monoxyde d'azote où l'arginine joue un rôle clé.

1) Durk Pearson et Sandy Shaw vieux routiers de la supplémentation

Pour cela nous allons nous appuyer sur un article de Durk Pearson et Sandy Shaw paru dans la revue d'avril 2006 du site life-enhancement.com. Je conseille aux lecteurs qui lisent l'anglais de s'abonner (par mail) à la revue (mensuelle), qui propose régulièrement des articles intéressants comme celui dont nous allons parler. Les articles de la revue sont de difficulté très variée et celui que nous allons étudier et de loin un des plus techniques. Durk Pearson et Sandy Shaw (D et S) sont deux vieux routiers du monde de la supplémentation américaine, sympas avec un look sixties et des positions parfois discutables (sur les OGM par exemple) mais des connaissances particulièrement solides sur la biochimie des suppléments résultant de leur longue expérience (pour une interview de D et S en français lire Nutranews de 2002). Ils travaillent souvent comme journalistes pour l'industrie du supplément et pour la mise au point de suppléments sous leur nom.

2) Arginine, hormone de croissance et monoxyde d'azote

Cet article sous forme d'interview est une présentation d'un de leurs produits mais nous nous y intéresserons pour les informations scientifiques qu'il contient. Ce produit qui a connu une longue évolution dans sa composition vise à amener des composants nutritionnels favorisant la libération de l'hormone de croissance [growth hormone (GH)] parmi lesquels figure l'arginine. La GH qui diminue régulièrement avec l'âge est notamment associée à l'aspect juvénile et au maintien des muscles par rapport aux graisses (sur la protection de la masse musculaire cf. aussi nos billets du 30/12/05 et du 28/01/06 sur la leucine). Comme la GH se libère tout au long de la journée, et en cycles nocturnes pulsants, les injections de GH ne sont pas tellement satisfaisantes, présentent des effets secondaires non négligeables et sont de surcroît hors de prix. Il paraît beaucoup plus judicieux de jouer sur ses précurseurs, sur la nutrition, la supplémentation et l'hygiène de vie pour en favoriser la synthèse naturelle. Cette approche devrait de toute façon être un pré-requis de l'utilisation de la GH. Pour ceux que cela intéresse, la magazine Nutranews a publié en octobre 2002 un excellent article de synthèse en français sur les protocoles nutritionnels de stimulation de la GH.

Les recherches menées sur le métabolisme permettent de cerner les nutriments utiles à la stimulation de l'hormone de croissance et à la libération de monoxyde d'azote (NO). Le NO favorise en effet la libération de la GH par son effet stimulant dans la neurotransmission centrale et périphérique. Comme l'expliquent D et S, certaines découvertes dans ce domaine sont relativement récentes comme "la découverte, en 1988, que l'arginine était le précurseur de l'oxyde nitrique (NO). Cette molécule simple est critique pour la dilatation des vaisseaux sanguins et pour aider à la régulation de la pression sanguine et par conséquent à la circulation sanguine." Nous sommes revenus sur le gaz NO dans un article dont nous conseillons la lecture "Les nitrates - nitrites et la vitamine C incontournables dans le traitement du sepsis". Il présente d'autres voies très importantes de biosynthèse du NO indépendamment des voies NO synthases présentées dans ce qui suit..

3) Les enzymes NOS (NO synthases)

Au cours de leur recherche D et S ont ajouté de la choline et de la vitamine B5 à leur produit car le métabolisme de l'arginine et lié au neurotransmetteur acétylcholine, (à la fois présent dans le système nerveux central et périphérique où il relait l'influx nerveux, des nerfs moteurs aux muscles). L'acétylcholine est un dérivé de la choline dont la synthèse est facilitée par la vitamine B5. Puis la compréhension de l'action de l'arginine au niveau biochimique s'est nettement affinée "Vers 1990 il a été montré que l'acetylcholine active une enzyme qui catalyze la production de NO à partir de l'arginine. Cette enzyme est du type nitric oxide synthase, ou NOS, et il en existe quatre versions. La version qui est activée par l'acétylcholine est l'endothelial nitric oxide synthase (eNOS), que l'on trouve dans les vaisseaux sanguins. Elle est d'une importance cruciale pour maintenir la santé cardiovasculaire et des déficiences significatives de l'activité de eNOS sont caractéristique de la maladie cardiovasculaire.

Une autre version de NOS c'est la neuronal nitric oxide synthase (nNOS), que l'on trouve dans les neurones dans tout le système nerveux central et dans le système nerveux périphérique où le NO accompli de nombreuses fonctions importantes. Encore une autre version est le mitochondrial nitric oxide synthase (mtNOS), que l'on trouve dans les mitochondries des cellules, les petits organites qui génére presque toute notre énergie. La quatrième version est inducible nitric oxide synthase (iNOS), que l'on trouve dans les cellules du système immunitaire où NO est produit pour combattre les infections ; Le côté négatif du phénomène est que les infections peuvent amener votre organisme à être saturé de NO, ce qui peut entraîner des dommages collatéraux provoqués par l'inflammation." [G.S. : en réalité ce n'est pas NO lui-même qui est dangereux, mais certains dérivés oxydatifs très agressifs des nitrites NO2, comme les peroxynitrites, qui sont toxiques, ils se forment par ex. lors de pathologies infectieuses graves, de chocs allergiques sévères, etc.]

On voit que les quatre déclinaisons des NO synthases recouvrent les indications thérapeutiques de l'arginine que nous évoquions en introduction de ce billet. Les effets thérapeutiques constatés résultent de la synthèse du monoxyde d'azote (NO) facilité par l'arginine et d'autres cofacteurs avec l'aide des NO synthases. Le NO joue un rôle essentiel dans des fonctions physiologiques très différentes.

On peut aussi consulter le site pharmacorama pour une présentation claire et en français de la synthèse du monoxyde d'azote à partir de l'arginine. On notera dans la réaction la présence nécessaire de Fer et de coenzymes dérivés de la vitamine B3 (NADPH : nicotinamide adénine dinucléotide phosphate) et de la vitamine B2 (FMN : flavine mononucléotide). L'apport en ces deux vitamines (à prendre plutôt dans un multicomplément apportant l'ensemble des vitamines B et des cofacteurs) peut donc être intéressant pour faciliter la synthèse du NO.

4) eNOS et vieillissement

D et S discutent ensuite d'un papier scientifique (résumé ici et discuté ici par www.life-enhancement.com) qu'ils estiment de première importance, montrant le lien entre restriction calorique et augmentation de eNOS.Ces recherches suggèrent que la stimulation de l'enzyme eNOS pourrait expliquer une bonne partie des effets de la restriction colorique. Ceci d'autant plus que "Deux ans auparavant, ils [ces chercheurs, dans cet article] avaient découvert que NO via eNOS induit la biogenèse des mitochondries, la création de nouvelles mitochondries dans nos cellules, et maintenant ils ont découvert un lien entre cela et le mécanisme de la restriction calorique, qui étend la durée de vie de nombreux types d'organismes vivants, des mousses aux mammifères. "

Sur la relation entre vieillissement et mitochondries D et S apportent les précisions suivantes en réponse à la question "N'y a-t-il pas une relation ente notre âge et le nombre de mytochondries dans nos cellules ?" "Oui en effet. Pendant que vous veillissez, les mitochondries déclinent tant en quantité qu'en qualités fonctionnelles — les personnes plus âgées ont en proportion dans leurs cellules plus de mitochondries défectueuses que les personnes plus jeunes.. Plus les mitochondries subissent de dommages, moins elles sont capables de produire de l'ATP, la molécule énergétique universelle et plus elles sont susceptibles de produire des quantités importantes du radical libre nocif superoxide. Aussi est-il très important de maintenir la vitalité de nos mitochondries."

5) La tetrahydrobiopterin, la vitamine B9 et la synthèse du monoxyde d'azote

L'arginine est un facteur important du cycle permettant la synthèse du NO mais il existe aussi des cofacteurs dont il faut s'assurer qu'ils soient présents pour éviter des perturbations dans la synthèse du NO.

La Tetrahydrobiopterin ou BH4 est une enzyme qui est un cofacteur essentiel de eNOS dans la synthèse du monoxyde d'azote. Mais cette enzyme est assez facilement détruite notamment en présence de stress oxydatif. Cela produit un découplage entre eNOS et BH4. Le BH4 est un produit très coûteux et fragile que l'on sait synthétiser et qu'on utilise comme médicament dans certaines maladies génétiques. Compte tenu de son coût et de sa fragilité son utilisation ne peut être envisagée en supplémentation dans un futur proche.

D et S discutent différents auteurs [Cf. par ex. cet article] ayant montré "que sous l'influence du stress oxydatif, le chemin métabolique qui produit NO à partir de l'arginine peut être perturbé et amené à fonctionner dans une autre direction. Cela s'appelle le découplage [entre eNOS et BH4] et dans ce cas, cela conduit à la production de radicaux superoxide à la place du NO. Les radicaux superoxides peuvent ensuite réagir rapidement avec le NO restant pour former une espèce oxydante extrèmement puissante appelée peroxynitrite."

D et S proposent une supplémentation en vitamine B9 en s'appuyant sur cette étude de 2002 sur les relations entre une enzyme dérivée de la vitamine B9, la 5-methyltetrahydrofolate (en abrégé : CH3–FH4, lire wikipedia) avec la BH4. En fait l'enzyme CH3–FH4 de la B9 pourrait simultanément protéger la BH4 en réduisant l'oxydation des tissus et la production de superoxyde (la vitamine B9 et ces dérivés sont un excellent protecteur vasculaire) et aussi en pouvant la remplacer dans le cycle du NO, du fait d'une structure chimique partiellement similaire. A noter que l'acide folinique (folinic acid), une forme coenzymée de vitamine B9 précurseur direct de CH3–FH4, désormais disponible sur le marché américain de la supplémentation à un coût raisonnable et serait probablement un apport plus efficace que la B9 dans cette intention.

Par ailleurs pour limiter la formation des dérivés nitrés à partir des radicaux libres, les auteurs suggèrent de supplémenter en vitamine C en vitamine E (seules certaines formes de vitamine E comme le gamma-tocophérol sont les seules efficaces sur les dérivés nitrés, cf. ma page sur la vitamine E). Nous renvoyons à nouveau pour plus de détails à Les nitrates - nitrites et la vitamine C incontournables dans le traitement du sepsis.

6) La citrulline pour augmenter la production de NO

D et S rappellent que "il est important de comprendre qu'il y a de l'ordre d'une demi-douzaine de chemins métaboliques différents dans lesquels l'arginine est impliquée. Produire l'urée n'est que l'un d'entre eux. Un autre bien sûr c'est de produire le NO, et dans cette réaction l'arginine est à nouveau transformée en citrulline, mais par un mécanisme complètement différent qui n'implique pas l'ornithine."

Le cycle de l'urée qui implique l'acide aminé ornithine est représenté sur la page de l'interview de N et S que nous discutons (ici en français sur wikipedia) et celui de la synthèse du NO sur la page de pharmacorama déjà citée. La citrulline est donc un intermédiaire dans ces deux cycles. Les apports alimentaires de citrulline sont très faibles car la citrulline est surtout un intermédiaire métabolique et rares sont les protéines alimentaires qui en contiennent. D et S citent différentes études montrant que l'apport alimentaire de citrulline stimule la synthèse de NO et les niveaux plasmatiques d'arginine. Comme l'arginine est déjà présente en quantité importante dans les alimentations riches en protéine, l'apport de citruline en quantité modérée semble un moyen intéressant d'optimiser la synthèse de NO dans le cycle de l'arginine en permettant de resynthétiser efficacement l'arginine après la production de NO. Comme la régénération de la citrulline intervient surtout dans les reins et qu'on ignore l'effet de mégadoses de citrulline sur ces organes sur le long terme, D et S conseillent de rester dans des dosages modérés. Autrement dit ne pas dépasser 1 à 2 gramme par jour et s'assurer de la présence des cofacteurs nécessaires aux cycle de l'urée et de la synthèse du NO. La citrulline est toutefois utilisée depuis au moins 20 ans en Europe pour sa faculté à éliminer l'amoniaque, donc à faciliter le cycle de l'urée. Le stimol (Citrulline malate) est ainsi vendu sans ordonnance et sa sécurité d'utilisation semble importante. La citrulline se trouve aussi facilement en complément alimentaire aux USA, depuis quelques années, sous forme également de citrulline malate (le malate sera utilisé dans le cycle de Krebs). Si vous achetez la citrulline en vrac, ce qui est une bonne opition pour le rapport qualité - prix, il faut prévoir de la mettre vous même en gélules, car le goût est très désagréable.

L'intérêt de la citrulline semble être sa capacité à diffuser très largement dans l'ensemble des cellules du fait de sa stabilité qui résulte de sa spécialisation dans des cycles métaboliques bien déterminés. Au contraire l'arginine a une demi-vie très courte (d'où l'intérêt d'utiliser la forme AAKG) et a tendance a être stockée et transformée dans le foie, alors que la citrulline va diffuser dans toute les cellules pour y augmenter efficacement le niveau local d'arginine.

7) Le Magnesium Aspartate pour augmenter la production de NO

Après la citrulline, le cycle du NO nécessite de l'aspartate pour régénérer l'arginine. L'enzyme argininosuccinate synthase catalyse la réaction de la citrulline avec l'aspartate pour donner de l'arginine et du fumarate (également utilisé dans le cycle de Krebs). Le magnésium participe aussi à cette réaction d'où l'intérêt d'utiliser de l'aspartate de magnesium. L'arginine produite peut être réutilisée localement pour produite à nouveau du NO.

L'acide aspartique en supplémentation est en général lié à un minéral et on l'utilise d'ailleurs surtout comme transporteur de minéral. Le magnesium, le calcium, le potassium et le zinc sont les plus couramments liés, mais d'autres minéraux peuvent être également utilisés. L'aspartate a la réputation d'être avec les orotates un des meilleurs transporteur cellulaire de minéral. Une des limites à son utilisation c'est que la molécule est volumineuse. 1 gramme de magnesium aspartate apporte 10% de magnesium soit 100mg ce qui est relativement faible par rapport aux apports journaliers recommandés. Par ailleurs il ne faut pas surdoser l'acide aspartique qui a une action stimulante sur les neurones qui pourrait être néfaste à haute dose. Des dosages de l'ordre d'un gramme d'acide aspartique devrait cependant pouvoir contribuer utilement au cycle de production du NO sans effet secondaire. Voir un exemple de produit avec du Mg un peu de potassium et de la taurine..

8) En conclusion :

Ce billet nous a permis de voir comment l'arginine participe au cycle de production du monoxyde d'azote et accessoirement à celui de la détoxycation de l'amoniaque par la cycle de l'urée. On s'aperçoit que c'est l'ensemble de ces cycles qui doit être optimisé et pas seulement l'apport en arginine qui doit être renforcé. Pour l'arginine il conviendrait probablement de préférer l'arginine alpha ketoglutarate supposée diffuser de façon plus large dans l'ensemble des cellules avec une dégradation plus lente. Tous les cofacteurs du cycle sont aussi important et plusieurs peuvent être apportés par la supplémentation comme nous l'avons montré au fil de notre exposé avec notamment la vitamine B2 et B3, la citrulline, le magnesium aspartate, le fer... Des éléments protecteurs de l'environnement cellulaire où le cycle de production du NO intervient peuvent aussi être apportés (Vitamine C, vitamine B9, vitamine E...). D'autres nutriments peuvent stimuler les enzymes NOS comme l'acétylcholine dont la synthèse peut être optimisée par la choline et la vitamine B5.

On comprend mieux dans ce contexte les résultats mitigés ou négatifs de l'utilisation de l'arginine en mono-supplémentation chez des patients ayant une insuffisance cardiaque ou de l'angine de poitrine (cf. billet du 5/01/06). Il est difficile de comprendre cette approche par la mono-supplémentation alors que les cycles métaboliques que nous venons de présenter, de façon d'ailleurs très simplifiée, sont évidemment parfaitement connus des chercheurs médecins. Sans doute s'agit-il pour beaucoup de paresse mentale et de conformisme dans la conception des protocoles thérapeutiques. On peut aussi y voir plus profondément la conséquence du formatage idéologique des croyances médicales qu'impose l'industrie pharmaceutique qui propose inlassablement des monothérapies agressives pour promouvoir des médicaments brevetés et traiter ainsi en monothérapie des pathologies souvent complexes qui devraient bénéficier d'approches multi-factorielles.

L'approche multi-supplémentation va de soi dans le monde de la supplémentation, mais elle semble curieusement encore très difficile à appréhender pour la médecine traditionnelle. Le réductionisme et la mono-causalité des protocoles thérapeutiques qui sont à la base de la plupart des essais thérapeutiques actuels datent d'un autre âge scientifique mais restent malheureusement parfaitement adaptés à la logique de promotion des produits de l'industrie pharmaceutique. Homéostasie, systémique, cybernétique, boucle auto-reproductives dominent la conceptualisation de la biologie depuis plus de 50 ans mais sont de facto interdits de thérapeutique. C'est un monde fou, mais c'est le nôtre et nous devons vivre avec ! Sachant que la médecine et la science ont depuis longtemps renoncé à imposer leur vues face à la logique du profit...

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http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_0506.htm#19_05_06

11 mai 2006 : Une proposition de législation pour interdire la publicité sur les médicaments aux USA

L'un des enjeux de la directive européenne 2004/27/CE publiée le 30 avril 2004 sur le médicament était la publicité pour les médicaments. Les multinationales du médicament épaulées par la Commission Européenne, comme d'habitude totalement insensible au bien public, ont cherché à profiter de l'actualisation de cette législation sur le médicament pour autoriser la publicité sur les médicaments de prescription. Grâce notamment aux efforts du Collectif Europe et Médicament (CEM) ces dispositions ont été rejetées par le parlement européen.

Si le parlement européen avait suivi la Commission européenne sur cette affaire, tous les autres pays auraient aussi fini par capituler sur cette question, compte tenu du fait que la publicité sur les médicaments de prescription est déjà autorisée aux USA.

1) Le contexte socio-politique lié à la mondialisation :

Les citoyens qui commencent à entendre un peu parler d'organisations semi-secrètes comme le Groupe de Bilderberg, la Commission trilatérale et autre clubs de super dirigeants des sphères politiques, économiques, du complexe militaro-industriel et (hélas) des médias se demandent ce qui peut bien s'y discuter et s'il s'agit vraiment d'une sorte de gouvernement mondial secret. En fait se sont, à mon avis, dans ces lieux que se mettent surtout en place les agendas confidentiels de nos dirigeants, que l'on y prend la température pour savoir si les temps sont mûrs pour faire avancer tel ou tel dossier. Ces processus de codécisions et d'avancement d'agendas concernent souvent des sujets complexes à la frontière des domaines techniques, juridiques, financiers et politiques avec des impacts forts au niveau international, sur la gestion des biens publics, l'organisation sociale des sociétés, et tout cela demande évidemment une expertise importante. Le montage ou le prémontage de ces dossiers dans ce type d'instance permet ensuite aux politiques d'arriver au moment de la discussion et de la décision politico-juridique avec des dossiers clés en main formatés suivant une idéologie bien particulière, essentiellement favorable aux multinationales (dont les intérêts sont d'ailleurs très loin de recouper ceux de l'ensemble des acteurs économiques contribuant à la prospérité générale). A ce stade d'avancement des travaux préparatoires à la décision, étalés parfois sur des années et qui sont décisifs dans le montage des projets, la complexité technique de certains dossiers rendait jusqu'à récemment quasiment impossible une contre expertise et des contre propositions crédibles de la société civile. Mais cela change rapidement par la création d'une expertise sociale en réseau grâce à l'internet.

Il faut savoir que ce mode de contrôle international de l'évolution socio-économique s'est construit dans l'après dernière guerre mondiale, à partir des années 50. Dans le domaine des médicaments il y a eu par exemple une réforme des essais cliniques dans les années 60. Nous en avons parlé à l'occasion de la recension d'un ouvrage de Philippe Pignarre en écrivant "Malheureusement les réformes des autorisations de mise sur le marché mise en place dans les années 60 ont laissé aux laboratoires la maîtrise complète des études [démontrant l'efficacité des médicaments]. De plus, les laboratoires ont obtenu de ne pas avoir à comparer les nouveaux traitements avec le meilleur traitement de référence." Cette réforme incomplète et biaisée qui avait fait suite à de graves accidents médicamenteux est le type même de réforme orchestrée par les instances dont nous parlions ci-dessus. Il est significatif que ces réformes se soient imposées au niveau international avec une telle homogénéité à une époque où la mondialisation aurait pu sembler encore embryonnaire. C'est à travers les groupes de réflexions et de pression que nous évoquions, situés à l'interface du pouvoir économique des multinationales et du pouvoir politique qu'à du se constituer ce consensus. La plupart des tares du système de santé actuel remontent aux décisions prises à cette époque. Elles ont abouti à la destruction systématique des petits laboratoires innovants, remplacés par de monstrueux oligopoles faiblement innovants et parasitaires qui prélèvent une énorme rente sur la collectivité, à l'instrumentalisation complète de la recherche publique par les firmes privées, à la quasi disparition des médicaments non brevetables, etc. Tout cela s'est fait quasiment à l'insu du public et de la société civile. On peut d'ailleurs dire que la société civile du XXIe S est beaucoup plus réactive et efficace par rapport à ces manipulations, même si nous n'en sommes qu'aux balbutiements dans le domaine des contre mesures. De plus nous devons vivre avec l'inertie résultant de la sédimentation dévastatrice de plus de 50 ans de mondialisation occulte.

2) La société civile américaine se mobilise contre la publicité pour les médicaments :

La directive 2004/27/CE a donc manifesté en ce qui concerne la publicité pour les médicaments un coup d'arrêt à l'agenda des groupes que nous venons d'évoquer. Et comme nous vivons désormais dans un monde instable en interaction permanente nous avons un mouvement en retour des décisions européennes vers les USA. C'est notre collègue Sepp Hasslberger qui nous a alerté par un article sur son blog. On apprend ainsi que la Nouvelle-Zélande et les USA sont les deux seuls pays industrialisés à autoriser la publicité et que la Nouvelle-Zélande aurait un projet de loi d'interdiction en préparation. Le site stopdrugads.org coordonne l'effort des associations, des professionnels de santé et du public pour une interdiction. Nous traduisons de l'anglais les titres (en gras) et les informations les plus intéressantes tirés de l'argumentaire de stopdruads.org :

"Le marketing des médicaments délivrés sur ordonnance est nuisible pour la relation entre le patient et son médecin." Suit une explication et le lien vers l'appel de plus de 200 sommités médicales appelant à mettre fin à ce type de publicité. Notons que cet appel est hébergé par Commercial Alert "une organisation non commerciale dont la mission est de veiller à ce que la culture commerciale reste limitée à sa propre sphère de compétence, et de faire en sorte qu'elle ne puisse aboutir à l'exploitation des enfants et à porter atteinte aux valeurs supérieures que sont la vie de famille, la communauté, l'intégrité de l'environnement et la démocratie"

"Les publicités sur les médicaments entraînent la surprescription des médicaments." Et les résultats peuvent être tragique comme le montre l'exemple du Vioxx qui a fait l'objet d'un budget publicitaire faramineux de Merck & Co. et "selon une étude récente dans Le Lancet, un des journaux médicaux les plus respectés au monde, ce serait jusqu'à 140 000 accidents cardiovasculaires sérieux qui auraient résultés aux USA de l'utilisation du Vioxx."

"Les sociétés pharmaceutiques ont des conflits d'intérêts qui les empêche de présenter des informations impartiales sur leurs produits."

"Les agences de publicité ont des conflits d'intérêt qui les empêche de présenter des informations impartiales sur les produits de leurs clients." Leur but est d'encourager les patients à demander tel ou tel médicament à leur médecin : "Nous savons aussi que cette stratégie fonctionne. Par exemple une étude par la Kaiser Family Foundation a montré que le “DTC [ direct-to-consumer = le marketing des médicaments de prescription directement ciblé sur le consommateur] produit un gain significatif pour l'industrie pharmaceutique : chaque $1 supplémentaire que l'industrie dépense en publicité DTC en l'an 2000 a rapporté $4.20 de plus de ventes.”"

"Les techniques utilisées par les compagnies pharmaceutiques et les agences de publicités sont trompeuses et créent une culture de la maladie et de la peur." Des pathologies dont l'existence est douteuse sont ainsi créées de toute pièce. Le lecteur pourra lire pour approfondir ce sujet, qui est une stratégie ancienne des entreprises pharmaceutiques, notre compte rendu du livre de Philippe Pignarre, "Comment la dépression est devenue une épidémie", avec des exemples centrés sur le domaine de la psychiatrie ou notre analyse approfondie sur le traitement de l'excès de cholestérol par différents médicaments depuis les années 60. Cette stratégie vise autant le corps médical que les patients et elle est en fait indépendante de la publicité faite ou non aux patients, bien que évidemment la publicité sur les médicaments de prescription renforce ce phénomène de façon importante.

"Il n'y a pas de justification pour la publicité sur les drogues de prescription puisque les consommateurs ne peuvent obtenir ces médicaments sans ordonnance."

Ce titre est une conclusion en forme de paradoxe et qui pose implicitement la question de la publicité à direction des professionnels eux-mêmes, c'est-à-dire la visite médicale et la publicité de l'industrie pharmaceutique à direction des professionnels, sujet qui a été évacué par la directive européenne tout comme de la campagne US que nous évoquons ici. Mais il faut bien un début à tout ! L'article se conclue par l'évocation du projet de loi de la Nouvelle-Zélande et de la directive européenne qui laisse les USA extrèmement isolé dans leurs errements publicitaires.

Liens complémentaires : Le site Commercial Alert que nous avons précédemment cité propose également une page sur le "Marketing des médicaments" avec de très nombreux liens sur le sujet que nous venons de traiter.

Mettre un lien vers ce billet :
http://gestionsante.free.fr/journal_de_bord_0506.htm#11_05_06

9 mai 2006 : Collectif Europe et Médicament : Transposition de la Directive européenne 2004/27/CE sur le médicament : danger !

Pour les personnes qui s'intéressent plus particulièrement au libre accès aux suppléments nutritionnels nous conseillons une lecture attentive du point 4)

Nous continuons notre tour d'horizon des affaires suivies par le Collectif Europe et Médicament (CEM) à partir des informations hébergées sur le site internet de la revue Prescrire.

La dernière fois nous évoquions au passage la directive 2004/27/CE publiée le 30 avril 2004 qui modifiait la règlementation européenne sur le médicament et par rapport à laquelle le CEM s'était largement fait connaître pour la première fois en tentant d'améliorer ce projet de directive. Comme toutes les directives celle-ci doit être transposée en droit interne, ce qui aurait du être fait depuis 6 mois (depuis le 30/10/05, cf. remarques du CEM en décembre 2005). Rassurons nous, il n'y a là rien d'inhabituel, la France, qui devrait procéder à la transposition cette année, est même plus rapide que d'habitude, étant d'habitude une des championnes d'Europe du retard à la transposition ! C'est de cette directive que nous allons traiter aujourd'hui.

1) La France et la transposition des directives :

Il faut savoir que le retard à transposer n'est pas en France mis au service de la qualité, loin s'en faut. Une bonne transposition suppose en autres choses de respecter l'esprit et la lettre de la directive, de la confronter à l'existant de la législation nationale, d'étudier le périmètre des modifications à effectuer, de voir si la directive offre des marges d'interprétations qui seront l'occasion de choix politiques à arbitrer, d'étudier s'il convient également de mettre à jour des sujets connexes qui ne sont pas directement touchés par la directive mais qui pourraient être utilement modifiés à l'occasion du travail législatif des députés.

Tous ces choix peuvent être l'occasion de débats et de réflexion à organiser de façon ouverte et en concertation avec les élus et la société civile. Evidemment tout ça c'est la théorie, qui suppose une société relativement performante dans ses structures étatiques et qui soit démocratique dans son rapport avec les élus et la société civile. Autant dire que nous évoquons un idéal assez éloigné de la réalité de la société française actuelle comme chacun peut plus particulièrement s'en rendre compte ces temps ci (mais le mal vient de très loin) !

Evidemment, comme d'habitude en France, on fait comme si tout allait pour le mieux. Ce site du gouvernement décrit les conditions idylliques dans lesquelles "Depuis 1986, le Secrétariat général du gouvernement (SGG) et le SGCI centralisent le processus de transposition." [Le SGCI est depuis devenu le SGAE, Secrétariat général des affaires européennes sans que cela ne change évidemment rien au problème]. La Délégation de l'Assemblée Nationale pour l'Union Européenne a aussi publié un rapport d'information sur la transposition des directives européennes en juillet 2005 qui donne une idée du retard considérable à combler (évidemment les parlementaires sont dans ce rapport extrêmement indulgents avec eux-mêmes)...

Mais dans la pratique, sans doute pour écluser une partie de son énorme retard à transposer une multitude de directives et tout autant pour éviter tout débat démocratique, il est prévu de transposer prochainement tout une série de directives par ordonnance notamment dans le domaine de la santé. Autrement dit, suivant une procédure exceptionnelle, le Parlement se dessaisit de quasiment tous ces pouvoirs, autorisant le gouvernement à écrire la transposition à sa guise, le Parlement se contentant d'une autorisation de principe préalable et d'une ratification après coup, s'interdisant donc toute réflexion et proposition sur le contenu des textes concernés.

2) Les modalités de transpositions - les quelques éléments déjà transposés

C'est ainsi que le gouvernement s'apprête selon le CEM a transposer dans la plus totale opacité et sous les formes d' "un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire (alias loi DDAC) et d'un projet d'ordonnance" La qualité juridique de la transposition s'annonce des plus médiocres et le CEM s'inquiète des projets gouvernementaux.

Mais voyons d'abord voyons les quelques éléments déjà transposés à l'occasion de diverses lois passées au Parlement depuis le vote de la directive. Selon le CEM "seules quelques dispositions intéressant firmes et agences ont été prises, en France, dans le sens de la Directive." En fait on trouve seulement une définition du médicament générique et des dispositions sur les interruptions de commercialisation des médicaments par les firmes pharmaceutiques.

Ainsi figure "Une définition plus détaillée et pourtant vague du médicament générique". Selon le CEM cette définition du médicament générique "est le résultat contourné d'un compromis entre partisans des firmes pharmaceutiques qui commercialisent des génériques et partisans des autres firmes. Nous avons déjà eu l'occasion de souligner que cette définition pourra donner lieu à des interprétations variées sur fond de protectionnisme industriel (5)" [5- Prescrire Rédaction "Génériques : quelles limites tolérées à la bioéquivalence ?" Rev Prescrire 2005 ; 25 (257) : 75-76.] [Cet article de Prescrire étant payant on trouvera quelques informations intéressantes sur la notion de bioéquivalence liée aux génériques (avec un point de vue proche du gouvernement et de l'AFSSAPS) dans ce dossier de novembre 2004 du Panorama du médecin]

Sur les interruptions de commercialisation, le CEM indique que "selon l'article 23 bis de la Directive, la notification des arrêts de commercialisation ou ruptures de stock doit avoir lieu « hormis dans des circonstances exceptionnelles » au plus tard deux mois avant l'interruption." (...) "la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a complété, dans l'esprit de la Directive, l'article L.5124-6 du CSP [Code de la santé publique] relatif au signalement des arrêts de commercialisation par les firmes à l'Agence des produits de santé (Afssaps). Désormais, les firmes doivent « en outre informer l'Agence (…) de tout risque de rupture de stock sur un médicament ou produit sans alternative thérapeutique disponible (…) ainsi que tout risque de rupture de stock (…) lié à l'accroissement brutal et inattendu de la demande » [les (...) sont dans le texte d'origine]" Mais comme le précise le CEM, l'article L.5124-6 du CSP n'a pas repris le délai de deux mois précisé par la directive.

Venons en maintenant aux projets à venir à savoir le projet de loi de transposition et l'ordonnance. Remarquons néanmoins et au préalable le caractère baroque du processus. Si l'on estime nécessaire de devoir consulter les élus sur une loi, pourquoi ne pas prendre le temps de les consulter sur l'ensemble du dispositif ? Cela paraît bien suspect !

3) La transposition via le projet de loi :

En ce qui concerne la loi de transposition, le CEM souligne "des oublis majeurs sur la transparence de l'Afssaps [Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé]" En effet, "tandis que l'article 126 ter de la Directive exige que l'Afssaps rende publics l'ordre du jour de ses réunions (de commissions et groupes de travail), les comptes rendus assortis des décisions prises, le détails des votes, etc., le projet de loi ne fait que modifier légèrement la loi française relative aux rapports d'évaluation de l'Afssaps et aux conflits d'intérêts (articles L.5311-1 et L.5323-4 du CSP). Le projet de transposition est donc très incomplet sur ce point majeur, qui conditionne la crédibilité de l'Agence."

Il faut savoir que cadre légal mis à part, le bilan actuel de fonctionnement de l'AFSSAPS est marqué par une très grande opacité et d'extraordinaires lacunes de fonctionnement. Pour leur livre "Santé, mensonges et propagande" de Thierry Souccar et Isabelle Robard (Seuil, 2004) (lire p. 286) les auteurs ont tenté d'obtenir le réglement intérieur des différentes commissions de l'agence, réglements censés être en application pour la plupart d'entre eux depuis 2001 selon le rapport même de l'AFSSAPS. L'agence elle-même existe depuis 1998 et a repris l'essentiel des activités de l'agence du médicament créée en 1993 ce qui donne une idée du retard ou plutôt des extraordinaires résistances à l'égard de toute transparence. Après de nombreuses démarches infructueuses les auteurs ont appris que trois commissions (sur 14 commissions) avaient approuvé un réglement intérieur, mais que ceux-ci étaient en cours de modification, sans que l'on sache trop s'ils étaient effectivement en application ou pas. En tout cas il n'étaient pas communicables. D'ailleurs la cellule de veille déontologique qui semblait en assurer le suivi devait être supprimée...

Ces règlements sont très importants car ils formalisent le cadre juridico-administratif garantissant la pérénité des modes de fonctionnement de l'agence, l'équité, la légalité et la transparence de ses procédures d'instruction et de ses décisions vis à vis des différents acteurs concernés par le fonctionnement de l'agence. Leur mise en place est donc fondamentale. Une autre section de l'ouvrage des mêmes auteurs traite d'ailleurs (p. 168 à 182), de la façon indigne dont l'AFSSAPS par toute sorte d'arguties s'efforce de bloquer depuis plusieurs années l'intégration dans la pharmacopée française des plantes des territoires d'outre-mer. L'absence de procédures écrites connues par les parties sur les modalités de travail de l'AFSSAPS semble être utilisée à plein par l'AFSSAPS pour écarter les géneurs (pardon, les demandeurs) confrontés à toute sorte de demandes incohérentes et variables dans le temps de la part de l'agence sans que leurs demandes soient véritablement instruites ni traitées de façon suivie par rapport à une procédure écrite dont les demandeurs aurait pu exiger le suivi par l'agence. Bref l'absence de règlement intérieur est en autres utilités un moyen commode de neutraliser et de décourager les gêneurs.

4) La défintion du médicament et l'étendu d'application :

Par ailleurs le CEM indique que pour le reste, "Le projet de loi porte principalement sur la définition du médicament et l'autorisation de mise sur le marché, et paraît respecter l'esprit de la Directive sur ces points." En réalité le CEM n'est pas très précis car la définition du médicament et son champ d'extension figure à l'article 1 de l'ordonnance. Contrairement à ce qu'écrit Prescrire la définition du médicament du projet de loi français pose en réalité des problèmes très importants de frontière avec d'autres catégories de produits (alimentaires, cosmétiques, appareils médicaux, suppléments nutritionnels).

La définition du médicament est beaucoup trop étendue et pas assez spécifique puisqu'elle inclut toute substance pouvant être administrée "en vue de restaurer, corriger ou modifier leurs [il s'agit des hommes ou des animaux] fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique."

Cette définition très étendue est pourtant à peu près similaire à l'article premier - 2 de la directive, et elle est peut-être inévitable car le médecin est amené à prescrire des produits selon une très large gamme allant de médicaments très anodins par eux-même mais qui peuvent être très importants dans l'arsenal thérapeutique (par exemple réhydrater un nouveau né) ou très actifs avec de nombreux effets secondaires (produits de cancérologie par exemple). La gamme des médicaments peut donc aller de l'absence complète de toxicité à des produits à manier avec la plus extrème précaution. Mais la définition retenue est en même temps tellement vaste que tout produit alimentaire, cosmétique ou tout supplément nutritionnel qui va par définition également agir sur la physiologie en modifiant le métabolisme est donc de ce fait un médicament. L'eau par exemple répond parfaitement à cette définition du médicament ! D'où un risque d'insécurité juridique majeur pour toute une gamme de produits et le risque de voir toutes sortes d'intervenants à commencer par la puissance publique utiliser cette définition pour reclasser en médicament d'innombrables produits et en interdire de fait la distribution compte tenu des coûts prohibitifs associés aux études de sécurité pour la mise sur le marché des médicaments et lié à leur distribution par une poignée d'intervenant verrouillant la concurrence dans des circuits très restreints (les pharmacies) et eux aussi très peu concurrentiels.

Tout cela vient d'une contradiction dans la rédaction de la directive. On a d'une part le considérant 7 de la directive 2004/27/CE qui entendait éviter toute création d'insécurité juridique dans ce domaine en disant avec beaucoup de clarté que "Lorsqu'un produit répond de façon évidente à la définition d'autres catégories de produits, notamment les denrées alimentaires, les compléments alimentaires, les dispositifs médicaux, les biocides ou les produits cosmétiques, la présente directive n'est pas applicable." Malheureusement la définition du médicament précise à l'article 2 - 2. "En cas de doute, lorsqu'un produit, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, est susceptible de répondre à la fois à la définition d'un “médicament” et à la définition d'un produit régi par une autre législation communautaire, les dispositions de la présente directive s'appliquent."

C'est un point très important et une contradiction majeure sur laquelle nous avions déjà attiré l'attention en 2004 (lire : "Directive européenne sur les Produits Pharmaceutiques").

Le gouvernement français a dans ce domaine une très large marge d'interprétation. Dans le projet actuel il reprend la définition de l'article 2 - 2 ce qui deviendrait une source d'insécurité juridique majeure. Mais il pourrait aussi bien utiliser le considérant 7 pour faire une rédaction toute différente. L'ANH avait ainsi proposé d'écrire que "Là où un produit tombe clairement sous la définition d'autres catégories de produits, en particulier les aliments, les compléments alimentaires, des appareils médicaux, les biocides ou les cosmétiques, il ne sera pas considéré comme un produit médical."

Il me semble impératif de revoir la rédaction de l'ordonnance dans ce sens. C'est tout à fait possible et souhaitable au regard du droit européen qui en cas d'ambiguité de rédaction encourage à expliciter le texte dans le sens du considérant.

5) La transposition via l'ordonnance :

En ce qui concerne l'ordonnance, le CEM constate que le projet ne contient "aucune des mesures très attendues par les patients et les soignants : indépendance du financement des activités de pharmacovigilance de l'Agence, obligation de tester le contenu des notices par des patients, de faire figurer les DCI sur les boîtes de médicaments même quand ils contiennent jusqu'à 3 principes actifs, etc. Ces points relèvent certes du domaine réglementaire, et pas du domaine législatif, mais on ne voit pour l'instant aucun projet de décret les concernant. Il faudra donc veiller à ce qu'ils ne soient pas oubliés, et à ce que la transposition soit complète."

Pire l'ordonnance introduit de nouvelles dispositions qui ne figurent pas dans la directive et qui créent un chapitre du code de la santé publique intitulé : "Encadrement des programmes d'observance". Il s'agit donc d'une innovation très importante et dont les modalités sont particulièrement à surveiller puisque la lecture du Rapport au Président de la République qui explicite la question le fait dans les termes les plus inquiétants. Les programmes d'accompagnement sont en effet "proposés par des entreprises pharmaceutiques en appui des traitements". Ils placent l'ensemble du dispositif santé français de facto sous la coupe des industriels. Les patients, médecins, infirmiers et les données confidentielles de santé sont concernés puisque ces programmes contrôlés par les entreprises "sont initiés par le médecin lors de la consultation et visent à favoriser l'observance par le patient ou à l'accompagner à travers différents dispositifs individualisés (relance téléphonique, numéro vert, éducation personnalisée pour les patients, envoi d'infirmiers à domicile, etc.)." Suivent diverses précisions visant à donner un verni scientifique au dispositif d'où la curieuse formulation introductive sur le mode de la dénégation : "Si ces programmes ne sont pas assimilables à de la publicité, il convient néanmoins de les encadrer." Formule contournée et involontairement comique d'un rédacteur sans doute géné aux entournures et devant décrire un projet indéfendable en terme de santé publique !

Mais tout cela a-t-il au moins un rapport avec la directive 2004/27/CE ? Le rapport au président de la République indique que "Ces dispositions sont conformes aux orientations données par la Commission européenne lors de la négociation de la révision pharmaceutique, qui visaient à admettre plus largement la possibilité pour les firmes pharmaceutiques de faire de l'information sur des sujets de santé." Bien entendu le rapport oublie de préciser que sous la pression de la société civile, toutes les dispositions correspondantes ont été finalement écartées par le Parlement Européen. Ainsi l'ordonnance française vise tout simplement à réintroduire en droit français le programme de privatisation de la santé publique secrètement négocié entre la Commission et les multinationales du médicament qui avait été mis en échec par le Parlement Européen et écarté de la directive !

On comprend donc mieux la séparation entre transposition par la loi et par l'ordonnance, cette dernière réalisant une transposition imaginaire de la directive. Le gouvernement souhaite bien évidemment occulter autant que possible son contenu qui figure parmi de multiples autres projets de transpositions et espère ainsi empêcher la discussion de son contenu au parlement français ! Saluons à nouveau le remarquable travail de veille juridique mené par le CEM et la revue Prescrire. Attention toutefois au fait que toutes ces informations restent confidentielles et ne diffusent pour l'instant quasiment sur aucun média, même alternatif. Dans ces conditions et compte tenu du verrouillage politique français actuel et de la technicité du dossier on peut s'attendre au pire !

Comme l'indique le CEM en conclusion et en soulignant le danger : "Le projet de transposition ne tient aucun compte des exigences majeures imposées par la Directive en matière de transparence. Mais de surcroît, il vise à introduire dans le droit français le "coaching" des patients par les firmes pharmaceutiques qui vendent les médicaments, jusqu'à l'envoi de "contrôleurs" à domicile. Il s'écarte ainsi totalement de l'esprit de la Directive."

A suivre dans de prochains billets de Gestion Santé...

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Créé le 01/05/06. Dernière modification le 19/05/06.