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La rubrique "Journal de bord" est le point d'entrée sous forme de billets de longueurs variées du site Gestion Santé depuis fin 2005. Les billets sont éventuellement repris, regroupés et actualisés sous forme d'article spécifique accessible depuis la page d'accueil lorsque le sujet le justifie. Comme pour les autres dossiers traités ailleurs sur le site j'espère pouvoir apporter des informations intéressantes et souvent difficilement accessibles au non spécialiste et tout cela d'une façon accessible et plaisante si possible ! Bonne lecture...

Mai 2014 - 03/05/14 -Myopie et lumière solaire - autres effets de la qualité de l'éclairage en milieu scolaire

03/05/14 - Myopie et et lumière solaire - autres effets de la qualité de l'éclairage en milieu scolaire

Myopie et intensité de l'éclairage

Le Science et Vie d’avril 2014 a publié un article fort intéressant, « Myopie – Les incroyables vertus de la lumière du soleil » (p. 82-85) qui fait le point sur les impressionnantes capacités protectrices de la lumière solaire (même lorsque le soleil est caché par les nuages) vis-à-vis du risque de myopie chez les enfants. Ceci alors que la myopie est un problème de santé en augmentation accélérée sur toute la planète.

L’effet serait « dose dépendant », autrement dit l’effet protecteur serait d’autant plus important que le temps passé à l’extérieur serait élevé. Il est lié à l’exposition dans le jeune âge, lorsque l’œil est en plein développement, les expériences effectuées ayant été réalisées à l’école primaire.

Ces effets ont été étudiés dès 2007 par Donald Mutti qui a montré « que le risque de souffrir de myopie, pour un enfant dont les deux parents sont atteints, passe de 60 à 20% à condition de passer plus de deux heures par jour à l’extérieur ». Des études récentes à Pékin et Taïwan en milieu scolaire ont confirmé ces résultats.

L’effet de l’intensité de la lumière semble largement plus important que d’autres effets possibles jusque-là invoqués, comme la fixité de l’œil dans les activités de précision telle que la lecture. En fait les enfants développent essentiellement la myopie du fait d’un déficit lumineux, car les gros lecteurs sortent moins, à l’extérieur, en moyenne que les autres enfants, mais la lecture en elle-même ne serait pas particulièrement néfaste. L’autre effet très souvent invoqué est le facteur génétique, la tarte à la crème de notre monde contemporain pour tout expliquer sans rien expliquer sur toutes sortes de maladies de civilisation (exemple type avec wikipedia sur les causes génétiques de la myopie).

Les chercheurs évoquent comme phénomène explicatif principal de la myopie un effet lié à l’intensité lumineuse sur la rétine, conduisant à la libération de dopamine, qui à son tour inhibe la croissance excessive de l’œil dans le sens de la longueur (la distance entre la rétine et la cornée, cf. myopie et longueur axiale), laquelle produit la myopie. Les données présentées n’indiquent malheureusement pas quelles caractéristiques de la lumière artificielle sont inadaptées et si celle-ci pourrait être améliorée, notamment en intensité, pour mieux correspondre à la lumière naturelle d’origine solaire.

D’après Science et Vie les études cellulaires semblent montrer que les rayons solaires UV ne seraient pas impliqués dans le phénomène d’inhibition de la croissance excessive de l’œil. Mais les chercheurs ont, si j’ai bien compris, mesuré seulement l’effet de l’irradiation UV directe de des cellules de l’œil sur l’expression de la dopamine par la rétine. Or c’est la peau qui permet la synthèse de la vitamine D à partir du cholestérol.

Une étude récente montre que myopie et niveau de vitamine D sont inversement corrélés. Il est probable que les enfants qui s’exposent davantage à la lumière naturelle reçoivent plus d’UVB sur l’ensemble de la peau, ce qui augmente à son tour le niveau de vitamine D. L’augmentation de la vitamine D pourrait être corrélée avec le temps passé à la lumière solaire naturelle, sans avoir pour autant d’effet biologique sur l’œil supplémentaire. De la même façon que beaucoup lire fait qu’on va en moyenne moins dehors sans être pour autant un facteur de risque important comme on le croyait précédemment, la vitamine D pourrait être un simple marqueur du temps passé à l’extérieur.

Toutefois comme on en est qu’au début de ces recherches, il n’est pas exclu non plus que le taux plasmatique de vitamine D circulant qui régule l’expression de nombreux gènes puisse avoir également un effet inhibiteur favorable sur la croissance des tissus de l’œil. Il faudrait réaliser des études de complémentation avec de la vitamine D sur des enfants passant la même durée de temps à l’extérieur pour le vérifier. Pour plus d’information lire notre page sur la vitamine D. On peut aussi supposer que d’autres nutriments agissent en coordination avec la libération de dopamine pour réguler favorablement la croissance de l’œil.

Nous avons notamment évoqué, à propos de la course à pied, le biologiste évolutionniste Daniel Lieberman de l'Université Harvard à Cambridge, Massachusetts (The Barefoot Professor par Nature Video), qui est l’auteur d'un ouvrage innovant sur l'anthropologie de la santé, Story of the Human Body: Evolution, Health and Disease . C’est un ouvrage que nous sommes en train de lire et qui ouvre beaucoup de pistes de réflexion très intéressantes en remettant l’homme dans la perspective de son évolution sur plusieurs millions d’années et de son inscription dans un cadre social et écologique spécifique, alors que notre environnement moderne artificiel n’a qu’une existence très récente sous de très nombreux aspects.

Il convient de mettre les différents aspects de la vie dans le monde contemporain en perspective pour différencier les facteurs positifs, ceux qui sont neutres et les effets objectivement nuisibles pour la santé. Ceci de façon aussi scientifique et vérifiable que possible, sans tomber dans le sentimentalisme ou la nostalgie et en se méfiant des causalités trompeuses.

Il s’avère que cette approche anthropologique de la santé est celle qui apporte depuis quelques années certaines des pistes les plus solides pour se maintenir en bonne santé.

Daniel Lieberman donne quelques éléments de contexte par rapport à la myopie (p. 329-337 de son livre, traduction Gestion Santé), « Aux USA et en Europe, près d’un tiers des enfants entre l’âge de 7 et 17 ans deviennent myopes et ont besoin de lunettes pour voir correctement ; le pourcentage de personnes myopes est supérieur dans certains pays asiatiques. (…) Toutefois, l’examen des faits suggère que la myopie était très rare autrefois. Des études provenant de toutes les parties de la planète suggèrent que les taux de myopie étaient de moins de 3% parmi les chasseurs cueilleurs et les populations qui pratiquent une agriculture de subsistance. »

L’auteur montre que la myopie s’est développée progressivement dans la population des pays les plus développés depuis quelques siècles avec de fortes variations suivant le style de vie. La myopie qui empêche une bonne vision à distance étant un facteur très défavorable à la survie chez les peuples primitifs, son développement accéléré est nécessairement liée au mode de vie moderne. Les facteurs génétiques évoluent quant à eux beaucoup plus lentement. Autant pour la tarte à la crème des facteurs génétiques omnipotents.

Toutefois au moment où il a publié son livre, en 2013, Lieberman ne semble pas avoir eu connaissance des recherches très récentes que nous évoquons dans cet article, publiées en 2012 (lire aussi ici) qui font le lien explicite entre la protection contre la myopie et la libération de dopamine par la rétine sous l’influence d’une lumière intense. Il a par contre eu connaissance de recherches préalables allant dans se sens, ce qui donne un ton un peu hésitant au passage de son livre sur les facteurs explicatifs de la myopie.

Tout ceci montre que les recherches dans le domaine de l’anthropologie de la santé nous donnent des axes de recherches féconds, mais qu’elles doivent être affinées et validées par des approches interdisciplinaires. Sur la myopie, nous avons probablement franchi une étape importante, sans avoir probablement encore défini le poids respectif exact de tous les facteurs favorisant ou protecteurs.

Tout cela nous invite notamment à encourager les enfants à passer plus de temps à l’extérieur et à nous interroger sur la qualité de l’éclairage que nous proposons à nos enfants, tant à l’école qu’à la maison.

Il se trouve que peu de temps après la rédaction du présent article est sorti une étude scientifique sur l’éclairage des écoles. Elle a été initiée par la multinationale Philips, qui a lancé une gamme de produits innovants pour l’éclairage en milieu scolaire, appelée SchoolVision. Il s’agit d’agir sur plusieurs paramètres, de proposer des systèmes informatisés qui tiennent comptent de l’éclairage extérieur pour moduler l’éclairage intérieur et le rendre qualitativement plus agréable et adapté aux activités, dotés de détecteurs de présence pour couper l’éclairage quand la pièce est vide, avec des « ambiances » adaptées aux différents temps de la classe, pour optimiser l’environnement d’apprentissage des enfants. Quatre scénarii sont ainsi proposés, Energie, Concentration, Repos ou Normal. Les scénarios résultent d’une variation de l’équilibre entre l’intensité lumineuse et la température/tonalité de couleur du jeu d'ampoules, via le régulateur de lumière Dynamic Lighting.

Philips a d’abord fait valider son travail en 2009 par un institut de recherche universitaire indépendant, Universitätsklinikum Hamburg-Eppendorf dans le cadre d’une étude scientifique d’une durée d’un an réalisée dans des écoles à Hambourg, en Allemagne. Au total, 166 écoliers et collégiens âgés de 8 à 16 ans y ont participé, ainsi que 18 enseignants.

Les résultats sont impressionnants, des tests ayant montré que la rapidité de lecture est augmentée de 35%, la fréquence des erreurs diminuée de 45% et l’hyperactivité diminuée de 76% (mesure effectuée avec l’ambiance lumineuse « calme » lors de la résolution d’un problème mathématique), le niveau d’agressivité général des enfants étant inchangé.

Sans doute pour soutenir le développement de son système en France, Philips a fait réaliser une nouvelle étude en 2013, menée par le professeur Damien Léger et le Docteur François Duforez, dans une école primaire de Vitré (Île-et-Vilaine) afin de confirmer l’intérêt de ce nouveau système. Cette nouvelle étude était davantage centrée sur les rythmes biologiques, en étudiant l’ensemble sommeil – veille – apprentissage. On sait que la question des rythmes biologiques est un gros problème en France où les rythmes scolaires des enfants sont très contraints.

o Evaluer l’effet de l’installation et de l’utilisation du système d’éclairage SchoolVision sur les rythmes de sommeil et de vigilance des écoliers d’une classe de CM2.

o Démontrer que l’on peut améliorer l’attention et la performance sans altérer le sommeil et la vigilance des écoliers.

Les résultats avant (éclairage au néon avec un apport de lumière extérieure assez élevé via de grandes vitres , même si l’étude est menée en plein hiver) comparé à après (avec SchoolVision) on montré en classe une meilleure concentration, surtout une diminution importante des erreurs pour des tâches complexes, avec une amélioration de la vitesse d’exécution, sans modification des paramètres veille - sommeil à la maison ou modification de l’humeur. Ils confirment l'étude allemande et indiquent que le dispositif agit principalement sur la qualité et l'efficacité de la concentration des élèves lors des tâches cognitives, en particulier les plus complexes.

Je ne suis vraiment pas un partisan de l’innovation santé pilotée par des géants industriels et bien sûr l'éclairage, même s'il est très important, n'est qu'un des innombrables problèmes qui accablent notre système éducatif contemporain. Je préfèrerai donc que toutes ces études soient menées par la puissance publique, guidée par les besoins fondamentaux que définiraient les populations concernées en s'appuyant sur une solide expertise scientifique. Mais il faudrait, pour cela, vivre dans un autre type de société. On peut donc considérer, ces réserves émises, que dans le cas d’espèce, les résultats sont vraiment intéressants et prometteurs.

Il faudrait en sus compléter ces recherches en définissant des paramètres d’éclairages optimums pour la santé oculaire elle-même, dans le cadre de la prophylaxie de la myopie, ce qui permettrait de couvrir une bonne partie des problèmes d’amélioration de l’éclairage en milieu scolaire.

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