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Journal de bord de Novembre 2013

La rubrique "Journal de bord" est le point d'entrée sous forme de billets de longueurs variées du site Gestion Santé depuis fin  2005.  Les billets sont éventuellement repris,  regroupés et actualisés sous forme d'article spécifique accessible depuis la page d'accueil lorsque le sujet le justifie. Comme pour les autres dossiers traités ailleurs sur le site j'espère pouvoir apporter des informations intéressantes et souvent difficilement accessibles au non spécialiste et tout cela d'une façon accessible et plaisante si possible ! Bonne lecture...

Journal de bord de Jacques Valentin Archives : - 12/16 - 04/16- 07/14 - 05/14 - 04/14 - 01/14 - 12/13 - 11/13 - 10/13 - 09/13 - 08/13 - 07/13 - 05/13 - 12/12 au 0313 - 08/12 - 06/12 - 04/12 - 03/12 - 02/12 - 01/12 - 11/11 - 10/11 - 09/11 - 08 et 06/11 - 02/11 - 12/10 - 10/10 - 09/10 - 05/10 - 03 et 04/10 - 02/10 - 01/10 - 12/09 - 11/09 - 04/09 - 01/09 - 10/08 - 08/08 - 04/08 - 11/07 - 09/07 - 05 et 06/07 - 04/07 - 03/07 - 02/07 - 01/07 - 12/06 - 11/06 - 10/06 - 09/06 - 08/06 -07/06 - 06/06 - 05/06 - 04/06 - 03/06 -02/06 - 01/06 - 12/05 - 11/05 -

Novembre 2013 : 27/11/13 - L'homme meilleur coureur du monde animal  -  03/11/13 - Etude VITACOG : Vitamines B, baisse du taux d'homocystéine et protection contre le déclin neurologique et l'Alzheimer (avec les omega 3 comme cofacteurs selon une étude retrospective de 2015)

27/11/13 - L'homme meilleur coureur du monde animal 

Pour aborder le thème de la course de fond et de ses bénéfices pour la santé, nous allons faire un tour d'horizon général sur les racines archaïques de la course de fond chez nos ancêtres hominiens. On va voir que cela permet de mettre en perspective sous un nouvel angle de nombreux sujets de santé importants. Voici le plan de notre exposé :

L'importance du sport pour la santé
Un hors série remarquable de GEO sur le sport
L'homme meilleur coureur du monde animal
Une capacité à la course d'endurance remontant à plus de 2 millions d'années
Le problème de la dissipation de la chaleur liée à la course de longue durée : la transpiration
La chasse d'endurance, un avantage compétitif majeur pour les hominiens
Chasse originelle ou charognage originel ?
Le problème de l'alimentation végétale des hominiens chasseurs : Le rôle possible du chyme
Le pied humain et la foulée primitive
L'équipement des hommes primitifs : sacs de transports puis vêtements et chaussage
Le retour aux sandales primitives
Applications en matière de santé et de style de vie :
Pratique de la course de fond ou d'une activité équivalente
Et la transpiration ? Le sauna japonais aux infrarouges
Les ultraviolets A également bénéfiques ?
A suivre...


L'importance du sport pour la santé

Dans une page récente sur le vieillissement, nous écrivions que "Les protocoles de complémentation sont à intégrer à une alimentation équilibrée et à une pratique sportive bien étudiée. L'articulation alimentation + complémentation avec le sport est en particulier absolument décisive. D'ailleurs Gestion Santé devrait davantage insister sur ce point tout à fait fondamental pour le vieillissement en bonne santé.
La recherche sur le sport pour maintenir la santé générale connait un développement marqué ces dernières années. Par exemple ... le Géo Hors série de septembre - octobre 2013 sur "Le Bien être et le Sport" est en tout point remarquable et propose un travail de vulgarisation scientifique et un tour d'horizon très complet et de haut niveau."

Un hors série remarquable de GEO sur le sport

Et bien parlons donc activité sportive et feuilletons la revue GEO et son n° spécial "Sport et bien-être", dont le sous-titre est "Equilibre, vitalité, maîtrise de soi... Ce que la science nous démontre".
Ce n° est un vrai régal pour l'esprit et en plus il est superbement illustré. On en trouvait encore quelques n° en kiosque en novembre. Il nous servira de fil conducteur pour ce billet. C'est autant un passage en revue des capacités motrices exceptionnelles de l'être humain qu'un examen du sport et de ses bienfaits pour l'organisme.

Les articles sont scientifiquement fouillés et apportent des informations très complètes et à la pointe des connaissances sur de nombreux sujets. Le niveau est parfois assez relevé et demande une lecture attentive, mais le style reste agréable et accessible avec des illustrations bien choisies qui rendent la lecture agréable et qui facilitent la compréhension des sujets abordés.

L'homme meilleur coureur du monde animal

Nous allons nous attarder aujourd'hui sur "Le meilleur coureur du monde animal" (p. 30-35, article de Martin Paetsch, illustrations de Karl Wesker) qui apporte des informations encore peu connues et très intéressantes sur les racines archaïques de la course de fond. Nous allons faire un résumé des informations les plus saillantes de l'article et les compléter avec des éclairages personnels, l'article en question ouvrant des perspectives aussi variées que passionnantes.

GEO rappelle notre exceptionnelle capacité à la course, assez moyenne en terme de vitesse, mais exceptionnelle en terme d'endurance, qui s'est mise en place il y a plus de deux millions d'années, lorsque nos ancêtres se sont mis à chasser dans la savane africaine, la surface de celle-ci s'étant fortement accrue au détriment de la forêt à partir de - 2,5 millions d'années, ouvrant des espaces aux hominiens moyennant une adaptation évolutive à ce nouveau milieu, notamment l'ajout de la capacité à courir à celle de la marche.

Un adulte bien entrainé peut courir jusqu'à 20km dans une journée. En fait dans le domaine de la distance de ses déplacements, l'homme fait partie des espèces les plus mobiles et endurantes. La situation bipédique permettant une course d'endurance plus efficace et énergétiquement plus économique que celle des quadrupèdes. La verticalité assure aussi une bonne vision à distance.

Une capacité à la course d'endurance remontant à plus de 2 millions d'années

Depuis quelques années, les chercheurs pensent qu'il faut aller au-delà de la théorie classique de la verticalisation et de la marche et que l'hominisation s'est accompagnée d'une capacité nouvelle et décisive à la course qui s'est mise en place probablement quelque part entre - 2,5 et 2 millions d'années lorsque les représentants du genre Homo ont commencé à se déplacer de plus en plus fréquemment dans la savane pour chasser. Les modifications en question sont déjà solidement installées chez Homo erectus il y a 1,8 millions d'années (on parle aussi souvent d'Homo ergaster pour les représentants africains les plus anciens de ce groupe d'hominiens).

Les auteurs de GEO procèdent à un examen anatomique détaillé de la jambe, des fessiers, du rôle du torse, du cou et des bras dans la capacité à la course qui demandent des caractéristiques morphologiques tout à fait spécifiques et très différentes de celles nécessaires pour la marche. La course nécessite aussi des modifications de l'oreille interne pour maintenir l'équilibre pendant la course, informer sur les accélérations et les changements de position et d'orientation, la réception au sol étant beaucoup plus complexe que dans la marche.

Pour plus de détail on pourra aussi lire l'ouvrage "La Course a Pied - Posture, Biomecanique, Performance" de Frédéric Brigaud.

Le problème de la dissipation de la chaleur liée à la course de longue durée : la transpiration

Un autre aspect fondamental de la course est la nécessité de dissiper la chaleur, la course générant 10 fois plus de chaleur que la marche. Sous le soleil africain une telle hausse de température est très difficile à dissiper. Les carnivores qui doivent également courir disposent du halètement, la vapeur d'eau évacuée abaissant la température, mais il n'est pas possible de courir et de haleter simultanément. Les hommes ont développé un autre mécanisme particulièrement efficace , la transpiration, qui permet de maintenir une respiration suffisante et oxygénante pendant une durée prolongée, ce dont ne disposent ni les carnivores ni les singes. Les glandes sudoripares, au nombre de 2 à 4 millions chez l'adulte humain, peuvent évacuer jusqu'à 2,5 litres de sueur par heure, faisant de nous des champions incontestés de la transpiration et de la thermorégulation ! Mais les glandes sudoripares pour refroidir efficacement le corps doivent être en contact direct avec l'air, ce qui est incompatible avec le pelage qui a diminué rapidement chez nos ancêtres. Il est probable que Homo erectus avait déjà des glandes sudoripares et une pilosité très réduite, proche de celle de l'homme actuel.

Cette transformation a doté homo d'un système d'évacuation de la chaleur très supérieur à celui des autres prédateurs et à celui des proies qu'il recherchait. Les prédateurs peuvent difficilement chasser pendant les heures chaudes de la journée, contrairement à l'homme. Les proies doivent aussi se reposer régulièrement en recherchant l'ombre.

La chasse d'endurance, un avantage compétitif majeur pour les hominiens

Ceci explique qu'avant l'invention d'armes de jet, homo ait pu pourchasser ses proies même de taille importante, simplement en les épuisant, et probablement les tuer avec des simples pierres taillées (on ignore à quelle date les épieux en bois taillés ont été inventés). Le scientifique sud-africain Louis Liebenberg a appelé cette technique de chasse originelle "persistence hunting" (wikipedia english, la chasse d'endurance en français). Cette théorie est encore peu connue et, par exemple, il n'y a pas encore de page wikipedia en français sur le sujet. Bravo donc à GEO de nous la présenter dans cette brillante synthèse.

Cette théorie est exposée dans cet article de Nature et dans le livre "The Art of Tracking: The Origin of Science" (épuisé, mais mis en libre accès par l'auteur). Dans ce type de chasse que l'on retrouve encore chez de rares tribus presque disparues, la chasse se fait sur des durées de 2 à 5h, voire davantage, souvent en pleine chaleur, les chasseurs s'étant préalablement abondamment hydratés. Un documentaire de David Attenborough pour la BBC, visible sur Youtube donne une bonne idée de ce dont il s'agit. A la fin de la chasse, l'animal est déjà à l'agonie à cause du stress thermique qu'il a subit et peut être tué aisément avec une arme rudimentaire, même si sa taille est importante. Lire aussi "The Perfect Runner".

Il est probable que ce type de chasse, couteuse en efforts et en énergie, n'était pas la seule utilisée, mais participait à un éventail de compétences multiples en matière de chasse en groupe.

Cette évolution a profondément transformé l'alimentation humaine qui est devenue semi-carnivore. Comme l'explique l'ouvrage "Le paléolithique inférieur et moyen en Espagne", "Les protéines provenant de la viande ont de nombreux avantages alimentaires : elles permettent un développement rapide des tissus musculaires et constituent une source d'énergie de qualité supérieure : pour un même poids, elles procurent une plus grande quantité de protéines utiles que des noix, des semences ou d'autres sources adéquates de protéines végétales." (p. 149)

Louis Liebenberg pense quant à lui que les stratégies de chasses complexes, qui demandent une coopération  élaborée et continue entre chasseurs, le décriptage des traces et des indices de déplacement, la compréhension des stratégies de déplacement et de fuite des espèces chassées (qui devait prendre la forme d'une empathie primitive avec le gibier), a fortement contribué à développer et a complexifier le système nerveux humain. Ce développement a été possible grâce à l'amélioration du régime alimentaire lié à la chasse. La chasse a apporté des éléments nutritionnels décisifs, d'un point de vue qualitatif et quantitatif qui ont permis le développement et le fonctionnement coûteux en énergie d'un cerveau de taille sans cesse croissante. La part croissante de l'alimentation carnée plus dense en nutriments essentiels a également permis de réduite la taille du système digestif au profit de celle du système nerveux central.

Chasse originelle ou charognage originel ?

Il faut préciser que la théorie de la "chasse originelle" de gibiers de taille importante, au moins dès - 2 millions d'années, vient heurter une lubie ancienne des spécialistes du paléolithique inférieur qui nous est infligée depuis les années 1950, selon laquelle "la chasse était complètement en dehors des capacités des anciens hominidés et [ce qui] suggère que la majeure partie des protéines dont ils disposaient devait provenir du charognage des carcasses abandonnées par des prédateurs rassasiés ou éloignés de leur proies." (même source, p. 150) Selon ces théoriciens, pendant une période relativement longue, probablement pendant plusieurs centaines de milliers d'années, homo aurait eu massivement recours au charognage sans être encore chasseur !

Tout cela malgré des arguments bien peu favorables : Le charognage n'est pratiqué que par des animaux déjà chasseurs compétents (cas de la hyène et des autres espèces de charognards carnivores), absence de charognage chez les babouins et les chimpanzés qui répugnent à s'approprier des animaux déjà morts, existence de compétiteurs spécialisés et dangereux pour l'homme à proximité immédiate des dépouilles, manque de dépouilles exploitables en quantité suffisante, sens de l'odorat insuffisant pour repérer des dépouilles peu visibles dans la savane, absence d'adaptation, contrairement aux autres charognards, aux toxines liées à la putréfaction de la viande sur des carcasses exposées au soleil et à la chaleur, nécessitant une récupération rapide de celles-ci, etc. (Ibid., p. 151-153)

La théorie de la chasse d'endurance et les adaptations des espèces les plus anciennes du genre homo à la course renouvelle donc complètement la question. Personnellement j'ai été marqué dans mes jeunes années par un ouvrage du psychiatre et psychanalyste Gérard Mendel (1930-2004), qui fut le brillant et éclectique directeur d'une collection de psychologie et sciences humaines chez Payot pendant trente ans et qui publia lui-même comme auteur d'intéressants et ambitieux ouvrages d'anthropologie psychanalytique, comme son "Anthropologie différentielle - vers une anthropologie sociopsychanalytique " (1972).

Livres de Gérard Mendel sur Amazon

Dans "La chasse structurale : une interprétation du devenir humain" (1977), il donnait un rôle crucial à la chasse comme moteur de l'humanisation. Elle a joué un rôle clé dans le processus d'humanisation et a permis de développer l'égalité et la solidarité dans les groupes humains primitifs, du fait de la complexité de la chasse en groupe et du partage nécessaire et égalitaire des tâches et des proies acquises collectivement. Ceci explique les facteurs de solidarité humaine si importants dans les sociétés humaines préagricoles (le fameux "socialisme primitif"). Le fait de chasser et les apports abondants en protéines que cela permet ont permis dans le même temps au cerveau qui a besoin de beaucoup d'énergie de se développer davantage. La chasse a contribué (avec d'autres facteurs) de façon notable à inhiber de plus en plus les tendances agressives et hiérarchiques organisées autour des mâles (ou des femelles) dominants dans les sociétés humaines archaïques, comparativement aux sociétés de singes, et a permis de développer l'affectivité humaine, la solidarité, l'égalité et la capacité à prendre soin de façon collective des plus jeunes en soutien des mères (contrairement aux autres singes). La solidarité du groupe primitif initiée par la chasse a en effet permis d'assurer les soins et les apports alimentaires aux enfants et aux mères, compte tenu de ce que les enfants d'hominiens arrivent beaucoup plus tardivement à maturité que les autres espèces de singe.

De ce fait, la théorie du charognage exclusif s'étendant sur des durées indéfinies m'a toujours exaspérée par son manque de vraisemblance. Ajoutons que des recherches récentes viennent d'identifier une "boucherie primitive" au Kenia à - 2 millions d'années, sur le site de Kanjera South, montrant que l'homme chassait au moins déjà des antilopes de petites et moyennes taille et récupérait en complément les restes de plus grosses dépouilles tuées par des prédateurs. A cette époque les hommes primitifs étaient donc déjà des chasseurs très efficaces, complétant leur ravitaillement par du charognage sélectif (pour plus de détails en anglais). Ces pratiques sont donc antérieures à l'apparition de Homo ergaster.

Les partisans du charognage exclusif effectuent actuellement un repli stratégique et temporel et présentent le charognage comme une phase d'amorçage encore plus ancienne de l'évolution des espèces de préhominiens, au niveau des première phases du développement de Homo habilis, le prédécesseur de Homo ergaster, qui aurait créé une pression évolutive à partir duquel se serait finalement établie la capacité à la course et la chasse classique. Bien que cette hypothèse ne soit pas à exclure, il est également possible, et à mon avis plus vraisemblable, que différents facteurs aient poussés dès l'origine vers la chasse. Les compétences en matière de chasse collective complexe chez les chimpanzés existent déjà (lire "Le singe carnivore : la chasse chez les primates non humains"), même si la chasse reste une activité  occasionnelle, et cela montre que la capacité à la course n'est pas un pré-requis indispensable pour chasser. Des préhominiens aptes à la marche et encore maladroits dans le domaine de la course auraient pu utiliser plus systématiquement la chasse que les autres singes pour se procurer des protéines très assimilables, du fait qu'ils vivaient à la limite de la forêt et de la savane. La chasse aurait alors pu représenter des apports alimentaires intéressants, bien avant que les préhominiens ne courent, et les avantages reproductifs dont auraient bénéficiés les groupes d'hominiens les plus rapides et les mieux adaptés à la chasse aurait créé la pression sélective nécessaire et suffisante pour l'apparition des aptitudes à la course. Devenant un chasseur compétent et régulier, habitué à dépecer des carcasses d'animaux, ces préhumains auraient appris à compléter leur ravitaillement par du charognage occasionnel.

Le problème de l'alimentation végétale des hominiens chasseurs : Le rôle possible du chyme

L'homme étant omnivore, l'avancée dans la savane a probablement rendue difficile l'accès aux produits végétaux, aisément disponibles dans la forêt, dont l'homme a toujours besoin pour son équilibre alimentaire. On peut supposer que des préhominiens ont vécu à proximité de la forêt puis se sont engagés plus profondément dans la savane, probablement avec des migrations saisonnières adaptées à la gestion des ressources. Néanmoins l'accès aux produits végétaux a du être un problème récurrent.

Le livre précité sur le paléolithique inférieur indique qu' "En mangeant le contenu de l'estomac et la chair des proies, un hominidé peut survivre dans la plupart des milieux sans recourir à des aliments végétaux." (p.150) Le blog Passeur de Sciences a examiné cette question sous un autre angle, mais les résultats peuvent être généralisés à la question qui nous intéresse :

"Même si cela nous semble étonnant voire dégoûtant, de nombreux peuples actuels considèrent le chyme (nom savant du contenu stomacal) comme un mets de choix. C'est notamment le cas des Inuits et de plusieurs tribus amérindiennes (Cris, Lakotas, Pieds-Noirs), des Aborigènes d'Australie, des Damaras en Namibie et des Kurias en Afrique de l'Est." "...le célèbre explorateur norvégien Fridtjof Nansen (1861-1930) décrit ce plat : (...) [Le chyme] a subi une sorte de cuisson à l'étouffée dans le processus de semi-digestion, pendant que les sucs gastriques jouent le rôle d'une sauce vive et aromatique. Beaucoup feront sans doute une mine ironique à la pensée de ce plat, mais ils ne le devraient pas. Je l'ai goûté et ne l'ai pas trouvé immangeable, quoique assez aigre, comme du lait fermenté." Cela apporte des éléments indispensables lorsque des végétaux digestibles par l'homme sont absents : "Ce qui signifie une végétation nettement moins abondante et une difficulté réelle à s'approvisionner en certaines vitamines comme, par exemple, la vitamine C. Riche en matières végétales, le chyme pallie ce manque et présente aussi l'avantage d'apporter une bonne dose de glucides. "

Le chyme aurait donc pu constituer, sinon en permanence, mais au moins à certaines saisons, notamment la saison sèche, un apport indispensable à l'équilibre alimentaires des hominidés primitifs.

Bon je rassure les lecteurs de Gestion Santé, je ne compte pas déduire de tout ce qui précède un nouveau "Régime Paléo" à leur intention à base de cervelle fraiche et de viande avec os à moelle, le tout habillé d'un peu d'herbe lactofermentée. Ouf, vous l'avez échappé belle ! Certes l'adaptation a une alimentation carnée remonte à environ 2,5 millions d'année avec une modification en conséquence du système digestif. Néanmoins, moyennant certaines précautions, un régime à prédominance végétarienne reste également possible. De nombreuses sociétés traditionnelles ont mis au point différents régimes alimentaires de ce genre.

Le pied humain et la foulée primitive

Le pied de l'homme : Comme le rappelle GEO, c'es un chef d'œuvre "Composé de vingt-six os, formant avec de nombreux muscles, ligaments et articulations une structure complexe, il se transforme en fonction de l'exercice à accomplir. Ainsi, lorsque le pied se pose sur le sol, il est souple et flexible pour à la fois amortir le choc et adhérer au sol. En quelques fractions de seconde, il se raidit pour nous propulser en avant. Durant la course, il fonctionne comme un ressort, emmagasinant une partie de l'énergie lorsqu'il touche le sol et la restituant lors de la propulsion."

La nature de la foulée primitive suscite ces dernières années un regain d'intérêt de la part des chercheurs et anthropologues, du fait que les premiers hominidés n'étaient pas chaussés. La course pied nu était encore pratiquée en Afrique à une époque récente. L'éthiopien Abebe Bikila a par exemple gagné 2 marathons courus pieds nus en 1960 et 1964.

Le biologiste évolutionniste Daniel Lieberman de l'Université Harvard à Cambridge, Massachusetts (The Barefoot Professor par Nature Video), qui est lauteur d'un ouvrage sur l'anthroplogie de la santé, Story of the Human Body: Evolution, Health and Disease, a mis en évidence des différences cruciales dans la façon dont les coureurs pieds nus et chaussés posent le pied, avec des conséquences spectaculaires dans la façon dont le corps absorbe l'impact. Les coureurs habitués à être chaussés attaquent souvent avec le talon alors que les coureurs pieds nus amortissent l'impact avec l'avant du pied avant de poser le talon. Lorsque les coureurs attaquent le sol avec le talon ils absorbent plusieurs fois leur poids à l'impact ce qui est impossible à supporter en courant pied nu. Cette différence dans la foulée a certainement des effets importants sur l'équilibre postural général. Daniel Lieberman estime que les coureurs qui attaquent davantage avec le talon ont plus de problèmes de douleurs aux hanches et ont plus de fractures de fatigue. D'un point de vue pratique, il faut donc mieux éviter ce type d'attaque même avec de bonnes chaussures, au profit d'une attaque par l'avant du pied. Une approche intermédiaire est aussi possible.

L'équipement des hommes primitifs : sacs de transports puis vêtements et chaussage

Outre la marche ou la course pieds nus, le chaussage primitif a sans doute à nous apprendre sur les modalités fonctionnelles du chaussage le plus adapté à la course. Les restes de chaussures trouvées sur des sites archéologiques sont de dates assez récentes, pour des raisons qui tiennent au caractère très périssable des constituants. Il en va de même pour l'ensemble des vêtements du paléolithique ainsi que pour les sacs, cordages, etc. Nous allons faire un bref tour d'horizon sur ce sujet avant de revenir aux sandales et chaussures primitives.

Les préhominiens ayant perdu très tôt leur pilosité et s'étant verticalisés, l'enfant ne pouvait plus s'agripper et il devait donc être transportés dans les bras jusqu'à ce qu'ils puissent marcher facilement. Dans le même temps l'étroitesse du bassin lié à la verticalisation rendait le passage des enfants à naître de plus en plus difficile, ce qui a entrainé que plus le cerveau se développait, plus l'enfant devait naître dans un état de prématurité, lequel augmentait le délai avant lequel il pouvait marcher puis courir et où il devait être porté. Ceci alors que les humains devaient se déplacer dans un environnement plus ouvert, la savane demandant une plus grande mobilité et offrant moins de refuges. Il y avait donc une contradiction fondamentale entre l'augmentation de la taille du cerveau et la mobilité humaine qui était par ailleurs le résultat de la poussée évolutive en cours.

Timothy Taylor dans "The Artificial Ape: How Technology Changed the Course of Human Evolution" estime que dès l'époque de homo habilis où la taille du cerveau a commencé à augmenter de façon importante, il a fallu impérativement inventer des porte-bébés, à partir du cuir des animaux, pour se déplacer dans la savane avec les enfants en bas âge. Les sacs de transport étaient aussi indispensables pour transporter les pierres taillées d'un lieu à un autre et pour transporter le ravitaillement indispensable à ces groupes sociaux archaïques en perpétuel déplacement en fonction du gibier et des saisons. Les sacs portés sur le dos permettent de libérer les mains pour d'autres usages vitaux et de marcher ou de courir beaucoup plus facilement avec un chargement relativement encombrant. Les sacs permettent aussi de "passer plus facilement le relais" et de faire participer plus facilement l'ensemble du groupe aux tâches liées au transport.

Sans cette innovation technologique pour porter les enfants, les outils et la ravitaillement, les évolutions biologiques et culturelles vers plus d'intelligence et un plus grand cerveau auraient été impossibles car contre-productive d'un point de vue évolutif. Homo habilis a donc du effectuer au saut évolutif majeur à cette époque, vers beaucoup plus de socialisation et d'égalité, une façon différente de travailler et de vivre ensemble, de partager les ressources, de prendre soin des plus jeunes.

Le livre précité, "Le paléolithique inférieur et moyen en Espagne" explique "[qu'il] n'y a pas de preuves directes de vêtements ou de chaussures dans les gisements du Paléolithique inférieur, mais il est quasi inimaginable que des hominidés aient pu occuper l'Espagne de l'époque glaciaire sans une forme des uns et des autres." Le paléolithique européen s'étend de - 500000 à -300000 en Europe. Cela donne une idée de l'ancienneté probable des premiers chaussages des hominidés !

Ainsi, alors que les ancètres africains n'avaient probablement qu'un besoin limité de vêtements et de chaussage, cet usage s'est développé à partir des compétences nécessaires pour créer des sacs de transport, dès que l'homme a migré vers des contrées plus froides et que la glaciation du pléistocène s'est installée.

Le retour aux sandales primitives

Du fait des indices archéologiques limités, il est plus intéressant de se tourner vers quelques groupes humains actuels au style de vie primitif pour s'informer sur le chaussage primitif. En matière de chaussage minimaliste efficace, on évoque régulièrement les huaraches, fines sandales de cuir tannés des tarahumaras, coureurs de fond émérites des montagnes du Mexique (voir vidéo en exemple) .

La redécouverte des ces pratiques ancestrales de la course en sandale, explique la mode récente, qui arrive en France (voir wikipedia) du barefoot running ou natural running, la course à pied pieds-nus, le courir naturel, qui se décline aussi en course à pied minimaliste lorsque l'on adopte des chaussures super légères et fines, moulant le pied... qui donnent des débouchés nouveaux aux fabricants de chaussures de sport. A titre d'exemple, les sandales minimalistes Luna Sandals conçues sur les conseils d'un amateur de course minimaliste en s'inspirant des huaraches. Attention toutefois, en dehors du risque de ridicule, courir pieds nus ou avec des chaussures ou sandales minimalistes demande un temps d'adaptation indispensable du pied, des tendons, des muscles et des os, si on veut éviter tout risque de blessure !

Applications en matière de santé et de style de vie

Pratique de la course de fond ou d'une activité équivalente

Tous ces éléments plaident pour faire de la course d'endurance une des activités les mieux adaptées à l'être humain et Gestion Santé vous recommande "chaudement" de la pratiquer régulièrement. La course dans la nature avec un peu de relief pour le travail cardiaque et une adaptation de la foulée aux irrégularités du terrain, pour le travail des chevilles, constitue probablement la meilleure formule. Courir sur des surfaces élastiques, comme de la terre et de l'herbe, plutôt que sur du goudron ou des surfaces dures qui peuvent créer de l'inflammation, sont aussi des adaptations utiles de la course pour en tirer le maximum de bénéfices santé. Bien penser à adopter une posture naturelle et à éviter une attaque avec le talon.

L'essai de chaussures minimalistes peut aussi être intéressante pour les plus jeunes et les plus sportifs, ou les plus motivés, s'ils peuvent les essayer dans un cadre adapté et de façon progressive. D'une façon générale, il n'est pas nécessaire de courir pendant des heures et une simple course de 20 minutes à une demi-heure, trois fois par semaine, surtout si un peu de relief entraîne un effort cardio-respiratoire soutenu, permet déjà de renforcer la musculature, les tendons et les articulations et de progresser régulièrement en endurance au niveau cardiaque, quel que soit l'âge, à condition évidemment d'être dans un état de santé permettant la pratique du jogging. La course stimule la musculature et le métabolisme général, permettant de réguler le poids et de nombreux autres paramètres santé. Tous les muscles sont sollicités : nuque, dos, bras, abdos, fesses, cuisses, mollets... Sauf erreur posturale importante, mauvaises chaussures ou foulées incorrectes, l'oscillation couplée du dos et du bassin est très bénéfique pour la coordination posturale.

La course génère de façon typique ce que l'on appelle le bon stress, qui met tous les tissus du corps en alerte, de façon coordonnée. L'évacuation de la chaleur participe aussi de façon très importante à ce mécanisme de stress puis à la réponse de relaxation et de repos qui suit l'effort. Tout cela a un effet psycho-physiologique très positif.

Les obstacles à cette activité sportive sont en général des problèmes articulaires, le surpoids trop important et tous les handicaps interdisant la course, ainsi que les problèmes cardiaques entraînant une contre-indication médicale. Tous ces problèmes de santé sont malheureusement relativement fréquents. S'il ne s'agit pas d'un problème cardiaque, une activité stimulant la résistance cardiaque, en salle ou en piscine, ainsi que le vélo, peuvent constituer de bons substituts.

Et la transpiration ? Le sauna japonais aux infrarouges

La capacité spécifiquement humaine à une transpiration profuse ouvre également des perspectives santé intéressantes. La transpiration résultant d'une activité sportive similaire à la course d'endurance a par elle-même des bénéfices santé spécifiques, les modifications thermiques liées à l'élévation et à l'évacuation de la chaleur, conduisant à la transpiration, entraînant des modifications tissulaires, neuro-hormonales et immunologiques spécifiques et très bénéfiques pour tous les organes du corps. Par ailleurs, une étude japonaise a montré que "Plus un athlète est entraîné et plus le processus de sudation se déclenche rapidement. Mais les femmes, même en très bonne condition physique, transpirent moins que les hommes." L'entrainement renforce donc les effets bénéfiques du sport en rapport avec la transpiration. La différence entre homme et femme se comprend aisément au vu des éléments évolutifs que nous avons présentés, les hommes étant beaucoup plus spécialisé dans la chasse archaïque.

Il est légitime de supposer que des méthodes stimulant, au repos, une transpiration analogue à celle de la course de nos ancêtres hominiens devraient avoir des effets bénéfiques pour la santé. D'une façon générale on estime que toutes les méthodes stimulant la transpiration, pratiquées sans excès et avec une hydratation suffisante sont bénéfiques pour la santé.

Parmi les principales méthodes traditionnelles ou plus récentes, on trouve les thermes, le sauna suédois à air chaud, le hammam, et par rapport aux émetteurs d'infrarouges, les sweat-lodges indiens, les huttes de sudation en argile celtiques, les poêles en stéatite finlandais et le sauna japonais aux infrarouges. Le sauna aux infrarouges est ce qui se rapproche le plus des conditions de la savane et du stress thermique rencontré par les chasseurs primitifs. Selon Futura Sciences, "[Les infrarouges] agissent par rayonnement, à la manière du Soleil, mais sans émission d’ultraviolets. Alors que le sauna traditionnel chauffe l’air, ici 80 % du rayonnement thermique pénètrent en profondeur les tissus cutanés (sur 3 à 4 cm). (...) La chaleur infrarouge provoquerait une sudation 3 à 6 fois plus importante qu’un sauna traditionnel. Grâce à cette forte transpiration, la peau respire mieux et son irrigation sanguine s’en trouve améliorée. Les muscles tendus, débarrassés de leurs toxines, s’assouplissent. La température ambiante, aux alentours de 40 °C, sollicite moins le cœur et s’avère plus supportable pour les personnes sensibles aux très grosses chaleurs. (...) Dans son numéro du 7 août 1981, le JAMA (Journal de l’association médicale américaine) présentait un article favorable au sauna infrarouge quant à ses effets bénéfiques sur le système cardiovasculaire et sa capacité à brûler les graisses corporelles. On apprend en substance que l'utilisation régulière d'un sauna infrarouge « peut être aussi efficace pour entraîner le système cardiovasculaire et brûler des calories qu'un exercice régulier. » Il aurait démontré son efficacité sur des personnes en fauteuil roulant et d’autres dans l’incapacité de suivre un quelconque programme d’entraînement."

On voit que mis à part l'apport bénéfique des ultra-violets (notamment les UVB), le sauna japonais aux infrarouge reproduit la plupart des effets bénéfiques de la sudation profonde liée à la course d'endurance de la chasse dans la savane africaine. On estime qu'une séance d'une demi-heure permet souvent de perdre un litre ou plus de sueur. Cela constituerait l'équivalent d'une course de 20km, le maximum qu'un homme bien entraîné puisse réaliser sans aller au-delà de ses capacités autorégulatrices normales. Cette transpiration qui sollicite les glandes sébacées en plus des glandes sudoripares provoquerait une détoxication très importante des toxines liposolubles. Le nombre de calories consommées approcherait celles perdues pendant une cours de fond de 10 à 15km.

En ce qui concerne le matériel professionnel, la norme semble être l’appareil Iyashi Dôme, même s'il existe d'autres appareils qui peuvent être intéressants mais qui sont beaucoup moins diffusés en France. La société Iyashi Dôme a l’exclusivité européenne de l’appareil. On trouve cet appareil dans de très nombreuses villes de France, la société permettant de trouver facilement les exploitants sur une carte via ce lien. Nous avons personnellement testé cet appareil dans une salle de sport à Paris et nous avons été très favorablement impressionné par le résultat.

Pour les particuliers, on peut aussi acheter un appareil façon cabine de sauna en bois, de tailles variées suivant les besoins et l'espace disponible. Les cabines de sauna japonais sont moins chères et consomment moins d'énergie que les saunas traditionnels. Ces saunas pour particuliers constituent un bon investissement de par leur facilité d'utilisation à domicile.

Quelques exemples de modèles de sauna infrarouge proposés par Amazon (marques non testées)

Les ultraviolets A également bénéfiques ?

On sait de longue date que les UVB sont bénéfiques en permettant la biotransformation du précurseur de la vitamine D en vitamine D utilisable par les cellules. Mais on peut avoir les mêmes résultats par la prise de vitamine D par voie orale.

Toutefois diverses études montrent que le soleil a des bénéfices spécifiques indépendants de la biosynthèse de la vitamine D, notamment pour la santé cardiovasculaire. On vient de voir les effets bénéfiques des infrarouges et de l'activation de la transpiration. Mais ces effets très spécifiques ne suffisent pas non plus à expliquer tous les bénéfices du soleil chez les personnes exposées.

Depuis peu on y voit plus clair et on estime désormais probable que les ultraviolets A sont également bénéfiques pour la santé, indépendamment des UVB.

L'évolution s'ingénie vraiment à valoriser toutes les variables environnementales au service de la santé ! On sait qu'une partie de la santé cardiovasculaire est liée à la libération de gaz NO, le monooxyde d'azote ayant un effet vasodilatateur et des effets bénéfiques également dans la signalisation cellulaire au niveau du cerveau. Le gaz NO a d'ailleurs une utilisation directe en réanimation en gaz d'inhalation, dans des indications d'hypertension très spécifiques, une indication probablement trop étroite par rapport aux bénéfices possibles.

Or, une étude de fin 2014 rapportée par blog-nitrates.fr présente une nouvelle voie probable de biosynthèse de NO à partir des nitrates (NO3) alimentaires, abondants dans la peau, qui sont activés par les UVA solaires et transformés en NO. Sous réserve de confirmation de cette étude qui date de 2014, cela signifierait qu'une nouvelle voie de métabolisation des nitrates en nitrites puis en NO aurait été identifiée chez l'homme, laquelle explique les bénfices cardiovascuilaires et cérébraux des UVA.

On voit qu'avec les ultraviolets A et B et les infrarouges, les campagnes simplistes sur le moins de soleil le mieux ne sont pas vraiment pertinentes en terme de santé publique. Bien sur il faut rester prudent et des bains de soleil relativement courts permettent d'obtenir les bénéfices évoqués.

A suivre...

Cet article est déjà fort long. Il aura une suite prochainement où nous aborderons la question du Earthing ou du grounding, la connexion à la terre et à ses flux électroniques protecteurs et régulateurs, que devrait normalement nous apporter la course de fond ou la marche, mais qui devient de plus en plus rare du fait des semelles et chaussettes synthétiques et les surfaces isolantes de nos habitats et de nos villes.

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03/11/13 - Etude VITACOG : Les vitamines B, baisse du taux d'homocystéine et protection contre le déclin neurologique et l'Alzheimer (avec les omega 3 comme cofacteurs selon une étude retrospective de 2015)

Rappel sur l'homocystéine et le cycle de la méthionine

Il y a longtemps déjà, nous avions mis en ligne une page sur l'homocystéine que nous n'avons pas eu l'occasion de remettre à jour depuis pas mal d'années.

Depuis cette date de nombreux résultats complémentaires ont corrélé un taux élevé d'homocystéine (tHcy) à une augmentation très nette de différents troubles cardiovasculaires et neurodégénératifs. Le Life Extension Magazine avait rappelé en 2006 l'accumulation des connaissances dans ce domaine et le lien étroit entre l'augmentation des taux d'tHcy et diverses pathologies. A priori la corrélation semble nettement plus forte qu'avec le cholestérol. Mais on sait que le traitement du cholestérol  avec des médicaments spécifiques est très discuté, à juste titre, et que les résultats sont peu concluants. Quid de l'homocystéine ?

Le "traitement" de l'homocystéine élevée s'envisage le plus souvent par une intervention nutritionnelle vitaminique sur le cycle de la méthionine (ou Cycle de Yang) au cours duquel de nombreuses protéines soufrées sont fabriquées à partir de la méthionine, une protéine essentielle qui doit être apportée par l'alimentation. L'intervention la plus simple (mais pas la plus complète) consiste à ajouter en complémentation les vitamines B6, B9 et B12. Cet apport agit sur deux points du cycle, la voie de la transsulfuration où l'tHcy est transformée de façon irréversible en cystéine (voie catalysée par la B6) et à un autre point du cycle ou la vitamine B9 et la B12 retransforment l'tHcy en méthionine. L'apport nutritionnel de vitamines améliore le rendement des réactions dans le cycle.

Echec des études d'intervention  vitaminiques sur le risque cardiovasculaire

Malheureusement, les études d'intervention utilisant les vitamines B6 + B9 + B12 à des doses relativement élevées se sont révélées, en ce qui concerne le risque cardiovasculaire, être des échecs malgré la baisse du taux d'tHcy obtenue.

Comme le rappelle cette page de 2007, "Homocystéine et risque cardiovasculaire", "si la supplémentation vitaminique a largement prouvé son efficacité sur la réduction des concentrations plasmatiques tHcy, les études actuelles ne mettent pas en évidence d’effet positif de cette supplémentation en termes de réduction du risque cardiovasculaire. L’hypothèse d’une absence d’efficacité a été récemment renforcée par trois études randomisées s’intéressant aux bénéfices potentiels artériels (études NORVIT et HOPE 2), et thromboemboliques veineux (étude VITRO) d’une supplémentation vitaminique."

Quel pourrait être la cause de l'échec constaté dans le domaine cardiovasculaire ?

Le Life Extension Magazine a examiné en détail en 2006 le résultat de deux des études sus évoquées pour tenter de comprendre les causes possibles de l'échec de celles-ci. La magazine estime que les résultats ne sont pas contradictoires avec l'intérêt de faire baisser le taux d'homocystéine dans les troubles cardiovasculaires. Notamment l'étude était relativement brève, les patients présentaient des polypathologies cardiovasculaires sévères et des taux élevés d'homocystéine était insuffisamment représentés dans les cohortes.

On pourrait aussi faire remarquer que les vitamines apportées ne l’étaient pas sous la forme coenzymée, alors que c'est sous cette forme qu'elles interviennent dans le cycle de la méthionine, que l'on aurait aussi pu utiliser la bétaïne qui participe également au cycle, ainsi que de nombreux cofacteurs vitaminiques et minéraux.

Mais comme l'homocystéine a quand même baissé sensiblement dans les études, c'est probablement qu'un autre élément intervient dans la toxicité de l'tHcy et qu'une intervention sur le seul cycle de la méthionine est insuffisante.

Nous ferions volontiers le pari que la vitamine C pourrait être un bon candidat car elle agit en synergie avec le glutathion un antioxydant clé qui est produit dans le cycle de la transsulfuration (lire aussi ici). Mais d'autres nutriments ont très certainement aussi un rôle dans l'affaire.

Etude VITACOG : Les mêmes vitamines seraient par contre fortement protectrices pour le cerveau contre l'Alzheimer via la baisse de l'homocystéine

En 2010, une étude de taille modeste, mais très bien conçue, menée sur des personnes de 70 ans et plus, ayant un risque élevé de développer la maladie d'Alzheimer, a montré un effet protecteur très important de l'apport des mêmes vitamines (B6 +B9 + B12) pour les pathologies neurodégénératives. L'effet est d'autant plus prononcé que l'homocystéinémie est élevée au départ.

Cette étude confirme et élargit les résultats constatés avec la B12 dont Gestion Santé a déjà fait état : "La carence franche en vitamine B12 est très fréquente chez la personne âgée. Elle toucherait au minimum 20% de cette population pour les carences franches et sévères, et elle est pour l'essentiel liée à l'insuffisance d'acide chlorydrique gastrique dans ces populations. Elle est à l'origine de troubles cognitifs et même de démences. (...) une étude de petite taille mais très bien conçue, publiée dans Neurology, "Vitamin B12 status and rate of brain volume loss in community-dwelling elderly" a montré, selon le commentaire de Lanutrition.fr, que "Au bout de 5 ans de suivi les chercheurs se sont aperçus que le déclin de volume cérébral était plus marqué chez les volontaires qui présentaient des bas niveaux de vitamine B12. Ils ont ainsi calculé que ceux qui avaient peu de vitamine B12 avaient 6 fois plus de risque de voir le volume de leur cerveau diminuer."

L'étude de 2010 appelée VITACOG, (lire SantéBlog) a montré menée sur des personnes âgées de plus de 70 ans que dans un "essai randomisé contrôlé en double aveugle, sur 133 participants assignés au hasard pour recevoir de fortes doses de vitamine B (0,8 mg d’acide folique, 0,5mg de vitamine B12 et 20mg de vitamine B6)  ou un placebo [Gestion Santé : le groupe traité et le groupe placebo comportent chacun 133 participants], a regardé, sur 2 ans, si de fortes doses d'acide folique, vitamine B6 et vitamine B12 pourraient être bénéfiques aux personnes âgées et souffrant de troubles cognitifs légers." (...) "Les chercheurs suggèrent que les vitamines B ralentissent le déclin cognitif chez les personnes atteintes de troubles cognitifs légers, allant parfois jusqu’à un « renversement de la déficience cognitive précoce»..."

Les taux d'atrophie cérébrale étaient diminués de 1/3 environ dans le groupe traité par rapport au placebo. De plus l'effet était remarquablement corrélé aux taux initiaux d'homocystéine (fig. 2 de la publication). Plus le taux d'tHcy était élevé, plus le traitement ralentissait le déclin cognitif. Ainsi, alors le quartile supérieur avait un ralentissement de 53%, le quartile inférieur des taux d'tHcy ne tirait à l'inverse aucun bénéfice du traitement, ce qui montre que l'effet est très fortement lié à la baisse de l'homocystéine. L'étude a été menée en Angleterre et l'effet montre que le ralentissement de 53% concernait des personnes dont la concentration initiale de tHcy  était >13 µmol/L. L'effet se manifeste dans les 3 quartiles supérieurs à partir de taux de tHcy >9.5 µmol/L.

Il est a noter que ces valeurs sont également bien corrélées avec ce que l'on sait, via des études d'observation, de la relation entre les taux de tHcy et le risque de maladie d'Alzheimer. Selon la Life Extension Foundation, il faudrait pour éviter tout surrisque santé lié à l'homystéine la maintenir à long terme dans une fourchette de 7-8 µmol/L, ce qui n'est d'ailleurs pas toujours évident, notamment en cas de problèmes rénaux sous-jacents. Ajoutons que la mesure de l'homystéine est un examen rarement effectué en France, même en cardiologie et qu'il n'est pas remboursé en médecine de ville...

Dans une étude plus récente, les chercheurs de VITACOG ont approfondi les études des scanners du cerveau des participants ayant participé à l'étude initiale pour mieux déterminer quelles étaient les structures du cerveau qui avaient bénéficié de la baisse du taux d'homocystéine. Futura-sciences.com qui rend compte des résultats (avec une erreur, car il ne s'agit pas d'une nouvelle étude mais d'un complément d'étude avec les mêmes participants) indique que "Dans les Pnas, David Smith et ses collègues viennent désormais de reproduire leur expérience. Mais cette fois, ils ont focalisé les scanners cérébraux au niveau des régions principalement touchées par la maladie d'Alzheimer (hippocampe, gyrus parahippocampique, gyrus fusiforme, cervelet, etc.), et ont regardé les effets sur les capacités cognitives. (...) "Après un suivi de deux ans, tous les patients avaient perdu de la matière grise. Un résultat cohérent puisque c’est le lot de tout le monde avec l’âge. Mais dans les régions ciblées, la perte neuronale monte à 3,7 % dans le groupe placébo, et atteint seulement 0,5 % chez les patients traités : soit environ 7 fois moins. Des résultats encore plus encourageants que ceux trouvés en 2010." (souligné Gestion Santé).

En 2015, dans une nouvelle étude rétrospective, les chercheurs ont à nouveau moulinés les résultats de l'étude en tenant compte cette fois des taux plasmatiques d'acide gras omega 3 DHA et EPA en début et fin de l'étude. Ceci a permis de mettre en évidence un nouveau facteur de corélation, les effets des vitamines B étaient maximum pour les niveaux d'omega 3 élevés en début d'étude et étaient inexistants pour les taux d'omega 3 faibles.

Dans l'étude VITACOG, les omega 3 ont été seulement mesurés, il n'y a pas eu de complémentation comme avec les vitamines B9, B12 et B6 apportés dans l'étude.

Comme le rappelle le site LaNutrition : "Le niveau d'acides gras oméga-3 est modulé par la quantité consommée de graisses riches en acide alpha-linolénique (noix, graines de lin, huiles de colza et lin...) et en acides gras EPA et DHA (poissons gras, crustacés, coquillages). Il faut aussi éviter les excès de la famille d'acides gras concurrents, les oméga-6 (huiles de tournesol, maïs, pépins de raisin)."

Pas de véritable suite à VITACOG, pourquoi ?

L'étude VITACOG a utilisé des outils de mesure cognitifs et objectifs sur les structures cérébrales très complets et éprouvés pour objectiver les effets neurologiques des deux années de traitement. C'est ce qui lui donne son aspect très démonstratif et convaincant. Malgré la taille relativement limitée de l'échantillon, la puissance de l'effet, sa corrélation marquée avec les taux d'homocystéine, et la confirmation par des études par scanner de l'évolution de la matière cérébrale dans les zones clés affectées par le vieillissement cérébral et la maladie d'Alzheimer constituent de puissants outils de confirmation, même si l'étude mériterait d'être répétée sur des échantillons plus importants.

L'étude VITACOG n'a eu aucune suite concrète dans la prise en charge des personnes âgées atteintes d'un début de déclin cognitif. Une fois de plus l'hostilité féroce de l'establishment médical à l'égard des compléments alimentaires a joué un rôle essentiel dans ce phénomène.

Comme l'explique le neurologue anglais Peter Garrard qui a plaidé pour compléter l'essai VITACOG par un grand essai national de complémentation en vitamine B (ma traduction) :

"Les arguments en faveur de la conduite de l'essai étaient très forts et avec l'assistance d'un réseau national d'experts spécialisés dans la démence et les études cliniques, j'ai préparé l'argumentaire scientifique et économique pour obtenir un financement."

Comme par hasard une méta-analyse sur le sujet de la complémentation en vitamine B est alors opportunément sorti "démontrant" l'inefficacité de la complémentation sur le déclin neurologique, ce qui a coulé le projet de recherche...

Comme l'explique Peter Garrard, "Un examen plus attentif a montré que peu de ces études [rassemblés dans la méta-analyse] se centraient sur la démence, que les âges des patients qui y prenaient part étaient bien en dessous de ceux affectés par le développement de la maladie d'Alzheimer et que l'inclusion [des participants dans les études retenues] ne prévoyait pas la présence de déficience cognitive légère. Et de façon étonnante, les résultats de l'étude VITACOG n'étaient pas pris en compte."

Ainsi va la "science" de la nutrition et de la complémentation...

La conception du produit vitaminique utilisé dans l'étude, nutriments complémentaires envisageables

Ces différents résultats montrent l'importance d'une approche multifactorielle et d'une complémentation à large spectre défendue depuis sa création par Gestion Santé en plus de l'alimentation et de conditions de vie favorables à la santé. Bien que l'étude VITACOG ne rentre pas dans ce niveau de détail, l'apport d'autres vitamines et nutriments ne pourrait à notre sens qu'améliorer les résultats cognitifs très marqués de la prise de vitamine B et d'apport suffisant en omega 3 en cas d'homocystéine élevée.

Mis à part la vitamine B12 dont l'effet neuroprotecteur est bien documenté, de l'avis des concepteurs, des incertitudes entourent encore les résultats en ce qui concerne l'effet relatif des différentes vitamines B utilisées et les dosages nécessaires pour obtenir une efficacité équivalente ou supérieure.

Pour donner un ordre d'idée, des doses de 800mcg de vitamine B9 sont des doses rarement trouvées dans les multicompléments (sauf pour les femmes enceintes) et les dosages plus habituels dans les multicompléments alimentaires américains sont de 400mcg. Des doses de 400mcg seraient, à mon avis, probablement tout aussi efficaces (compte tenu du taux de métabolisation de la forme B9 non coenzymée utilisée). Il faudrait plutôt utiliser de la vitamine B9 coenzymée pour améliorer encore les résultats.

Les dosages de B12 et de B6 sont plus habituels (lire notre page sur l'évaluation des multicompléments pour plus d'infos sur les dosages des produits). Les multicompléments américains devraient donc permettre d'obtenir les résultats obtenus dans l'étude, si ceux-ci se confirmaient. Et on devrait retrouver, si l'effet est réel; d'ici quelques années des différenciations importantes entre utilisateurs et non utilisateurs de multicompléments vis à vis du risque de maladie d'Alzheimer, dans différentes études de suivi. Par contre les produits français ont des contraintes de dosages si ridiculement restrictives qu'ils ne permettent pas de reproduite les conditions deVITACOG.

La coenzymation de la B9 est très complexe et nécessite des cofacteurs minéraux et vitaminiques. Le complément utilisé n'apportant pas ces cofacteurs, l'utilisation de la vitamine B9 sous sa forme coenzymée aurait très probablement permis d'améliorer sensiblement les résultats en terme de baisse du taux d'homocystéine. Il en va de même pour la vitamine B6. L'apport de la B12 sous sa forme non coenzymée ne pose par contre pas de problème d'efficacité.

Une analyse retrospective de 2015 de VITACOG déjà évoquée indique que les omega 3 EPA DHA interviennent dans l'effet protecteur des vitamines B. Il existe de nombreux autres résultats préliminaires indiquant que d'autres minéraux, vitamines, nutriments, extraits de plantes permettraient d'améliorer encore sensiblement ces résultats.

La N-acétylcystéine (NAC), un dérivé synthétique de la cystéine, qui une fois dans l’organisme, est rapidement transformée en cystéine, pourrait être très utile comme précurseur du glutathion, un antioxydant systémique majeur. On apporte en général la NAC avec des apports suffisants de vitamine C de 500mg à 1,5g (en plusieurs prises). A mon sens c'est probablement l'absence d'apport de NAC + vitamine C qui explique l'échec relatif des interventions par les seules vitamines B9 + B12 + B6 en cardiologie que nous avons évoquées précédemment.

D'autres nutriments pourraient avoir aussi un effet synegique, tant en cordiologie qu'en prévention du veillissement neurologique. Notamment la vitamine D et l'extrait de curcuma ainsi que la vitamine E. Le magnésium est également un minéral clé dont des taux élevés doivent être maintenus, tout comme certains dérivés de la choline, l'extrait de thé vert ... Tous ces nutriments utiles peuvent se compléter utilement les uns les autres sans aucun risque pour la santé.

Lire notre rubrique Fournisseurs pour des conseils d'achat de vos compléments.

Si un résultat, même moins favorable que celui avec les 3 vitamines B, avait été obtenu en neurologie avec un produit de biotechnologie hors de prix, présentant des effets secondaires importants, nous aurions eu, pendant des semaines, des articles fracassants dans tous les médias sur "L'Alzheimer est vaincu". Comme d'habitude, à l'inverse, des résultats potentiellement sensationnels obtenus avec des produits qui ne coutent quasiment rien et ne présentent aucun effet secondaire reçoivent une couverture minimum et sont accueillis avec une mou dubitative. Ainsi, on prend grand soin de nous mettre en garde sur les dangers potentiels d'une telle approche : "De telles doses ne peuvent être prises sans l’avis d’un médecin, car elles peuvent, entre autres effets augmenter le risque d'autres maladies, comme le cancer" (blog.santelog.com). "Les effets secondaires à plus longue échéance n’ont pas non plus été déterminés. La vitamine B9 est par exemple accusée d’augmenter légèrement les risques de certains cancers. Il faut donc déterminer la balance bénéfices-risques avant de valider une telle thérapie." (futura-sciences).

Quand on sait ce que l'on fait avaler par ailleurs comme médicaments aux personnes âgées et les carences dans leur prise en charge nutritionnelle, on ne sait pas s'il faut mieux rire ou pleurer quand on lit des mises en garde aussi bien intentionnés !

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Créé le 03/11/13. Dernière modification le 19/10/16.