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Journal de bord de Février 2010

Faute de temps pour écrire des pages longues, structurées et relativement exhaustives sur tel ou tel sujet, je laissais souvent passer sans les commenter ou les citer une multitude d'excellents articles sur Internet ou dans des revues, ou sans parler de livres que j'ai lu et sur lesquels je souhaiterais attirer l'attention ou faire quelques commentaires utiles pour le lecteur de ce site. D'où cette nouvelle rubrique "Journal de bord" que j'ai lancé à la fin novembre 2005. La santé sera comme d'habitude le principal sujet traité ici, mais pas le seul, mes intérêts dépassant souvent ce domaine. Comme pour les autres dossiers traités ailleurs sur le site j'espère pouvoir apporter des informations intéressantes et souvent difficilement accessibles au non spécialiste et tout cela sur un ton plaisant si possible ! Bonne lecture...

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Février 2010 : - 15/02/10 : Biologie quantique : dans la photosynthèse la molécule de chlorophylle optimise le rendement énergétique comme une machine quantique - Autres aspects de la biologie quantique - 10/02/10 : Psychiatrie orthomoléculaire : Les huiles de poisson pourraient réduire le risque de désordres psychotiques chez des individus à risque élevé - 01/02/10 : La glycation et le vieillissement - Les médicaments antidiabétiques et la glycation - les suppléments : La carnosine - La benfotiamine - Les formes anti-glycation de la vitamine B6 : la pyridoxamine et la P5P et tentative d'interdiction de la FDA aux USA -

Biologie quantique : dans la photosynthèse l’antenne de chlorophylle optimise le rendement énergétique comme une machine quantique - Autres aspects de la biologie quantique -

La photosynthèse aux origines de la vie
Des effets quantiques dans l’antenne de chlorophylle optimise son rendement énergétique
La théorie de la cohérence et de la décohérence quantique
La synthèse chlorophyllienne viole les limites temporelles attendues de la cohérence quantique
Contradiction apparente entre la théorie de la décohérence et les résultats obtenus dans l'antenne de chlorophylle
L’antenne de chlorophylle fonctionne comme machine quantique
La biologie quantique : un mécanisme de base du fonctionnement cellulaire ?
Le magazine Science et Vie d'avril 2011
Le Workshop "Quantum Biology: Current Status and Opportunities" de l'université of Surrey

La photosynthèse aux origines de la vie

Le rendement de la réaction de photosynthèse soulevait bien des questions depuis longtemps car on ne s'expliquait pas vraiment son rendement extraordinairement élevé. Les panneaux solaires créés par l'homme font pale figure en comparaison de l'efficience de la photosynthèse.

Selon wikipedia, "La photosynthèse est l’un des plus anciens processus biogéochimiques de la terre. On a retrouvé par exemple des microfossiles d’organismes similaires à des bactéries, vieux de 3,8 milliards d’années, probablement capables de réaliser la photosynthèse." … "les organismes photosynthétiques assimilent environ 100 milliards de tonnes de carbone en biomasse, chaque année.".

On suppose qu'aux origines de la vie, les premières cellules utilisaient les composés carbonés abondant dans l'environnement qui se sont alors raréfiés. La photosynthèse a été une solution adaptative pour augmenter les ressources nutritives du milieu en captant l'énergie solaire.

Les organismes capables de photosynthèse absorbent l’énergie solaire et l’utilise pour produire un sucre en consommant du dioxyde de carbone et de l'eau et en rejetant du dioxygène, ce qui leur permet de se développer. La photosynthèse se présente comme une réaction d'oxydo-réduction au cours de laquelle le carbone passe d'une forme oxydée à une forme réduite : CO2 → HCHO ; et l'oxygène d'une forme réduite à une forme oxydée : H2O → O(c'est l'eau qui libère l'oxygène de la réaction).

La photosynthèse, en libérant des quantités énormes d'O2 dans les océans puis dans l'air, a refaçonné complètement la biosphère, lire (La vie aurait inventé la photosynthèse il y a 3,5 milliards d'années...). Au départ l'O2 libéré par la photosynthèse a oxydé les minéraux qui ont une forte affinité pour lui. Puis vers - 2,5 milliards d'année, l'excès d'O2 a été libéré dans l'atmosphère et les organismes vivants ont du s'adapter à l'O2, initialement très toxique pour les espèces vivantes (lire « L'adaptation de la vie à l'oxygène sur la Terre primitive »). Des organismes ont appris à l'utiliser dans des processus énergétiques spécifiques qui ont donné une nouvelle impulsion à la vie.

Cette page ...et l'oxygène fut... retrace les étapes de cette transformation. James Lovelock est bien connu pour avoir décrit toutes ces étapes et émis l'hypothèse Gaïa sur la coévolution entre les éléments physiques et biologiques de la biosphère.

Des effets quantiques dans l’antenne de chlorophylle optimise son rendement énergétique

Cela fait des années que l'on soupçonne une optimisation de la réaction de photosynthèse à un niveau quantique qui paraît seule en mesure d'expliquer un rendement qui dépasse les 95%. Précisons tout de même que les les organismes photosynthétiques ne réalisent cet exploit que sur des longueurs d'ondes bien déterminées du spectre lumineux, notamment le bleu et le rouge pour ce qui concerne les plantes.

La question du fonctionnement de la molécule de chlorophylle et de la possibilité d'effets quantiques a fait pour la première fois l'objet d'une tentative de démonstration dans la presse scientifique en 2007, suite aux recherches menées à l'Université de Berkeley en Californie par le Fleming research group, publiées dans Nature, "Evidence for wavelike energy transfer through quantum coherence in photosynthetic systems". Ces recherches ont été menées sur des bactéries soufrées vertes refroidies à - 150° et excitées par des lasers se substituant au rayonnement solaire.

Selon le site Futura-Sciences, qui rappelle le phénomène de la photosynthèse de la chlorophylle, "Sous l'action du rayonnement solaire, les molécules de chlorophylle voient leur niveau électroniques excités et passer à un niveau d'énergie supérieur à ceux des molécules alentour. L'énergie peut alors s'écouler de différents niveaux d'énergie en différents niveaux jusqu'à ce que la photosynthèse soit complète. Le problème était qu'il y avait différents chemins possibles pour atteindre un état d'équilibre à plus basse énergie, certains n'étant pas aussi efficaces que d'autres."

Selon techno-science.net commentant la même expérience, "Les scientifiques supposaient que l'énergie s'écoulait un peu au hasard, essentiellement selon une suite de sautillements incohérents entre les niveaux. Mais ce mécanisme n'expliquait pas comment l’énergie solaire est transférée aussi rapidement au centre de réaction, ce qui permet à la photosynthèse d'avoir un rendement de 95% ou plus." [Pour vous faire une idée plus précise de ce qu'est une antenne de photosystème ou antenne chlorophyllienne je vous conseille de consulter cette page d'un cours de Jussieu sur la photosynthèse.]

En traçant les niveaux d'énergie des électrons à travers la chlorophylle des bactéries étudiées, "Les physiciens ont découvert des variations régulières du signal durant quelques centaines de femtosecondes, qu'ils ont interprétés comme autant de "battements quantiques" reliant de manière cohérente tous les niveaux d'énergies entre eux. Selon Engel, l'excitation est capable de trouver l'itinéraire optimal vers le centre de réaction sans aucun gaspillage d'énergie dû à des tentatives au hasard: "c'est un peu comme si l'excitation pouvait "sentir" le bon chemin sans avoir à les visiter tous un par un," indique-t-il. Le site du journal La Recherche indique de son côté à propos de l'expérience que "Cela signifie que les électrons partagent les mêmes propriétés quantiques et qu'ils interagissent très fortement les uns avec les autres. L'équipe de Fleming présentera dans les prochains mois de nouveaux résultats qui devraient établir que des électrons associés à des protéines différentes forment un seul et même système quantique."

Les conditions de température très basses de l'expérience de 2007 faisaient que certains doutaient encore des résultats. Mais une nouvelle étude, qui est résumée dans cet article de vulgarisation, "Everywhere in a Flash: The Quantum Physics of Photosynthesis", menée à Chicago vient de paraître sur la même question effectuée cette fois-ci à température ambiante sur une algue marine commune, dont la structure moléculaire détaillée de l'antenne de chlorophylle, PC645, a été précédemment décrite au niveau atomique, et qui donne les mêmes résultats : “Coherently wired light-harvesting in photosynthetic marine algae at ambient temperature.” By Elisabetta Collini, Cathy Y. Wong, Krystyna E. Wilk, Paul M. G. Curmi, Paul Brumer & Gregory D. Scholes. Nature , Vol. 463 No. 7281, Feb. 4, 2010.

Dans l'étude de Nature on excite la chlorophylle avec des pulsations lasers d'un quadrillion de seconde permettant d'exciter les électrons individuellement. Les protéines sont juste après éclairées par un laser et l'analyse de la fluctuation énergétique dans des molécules distantes montre une corrélation quantique par rapport à l'impact précédent. L'énergie circule donc dans le système de façon quantique avant de "choisir la bonne trajectoire", ce qui "explique" le rendement de la photosynthèse.

De plus Engel qui avait participé à l'étude de 2007 sur les basses températures a mis de son côté en évidence en 2010 des phénomènes de cohérence quantique sur des durées de temps similaires à température ambiante : “Long-lived quantum coherence in photosynthetic complexes at physiological temperature”. Il attribue le phénomène de persistance quantique aux propriétés électriques, aux formes des protéines ainsi qu’à la dynamique oscillatoire des populations de protéines.

L’expérience ayant été effectuée sur des bactéries et des algues dont les structures sont proches de celles des plantes, il est probable que la démonstration vaut pour l’ensemble des organismes photosynthétiques.

On ignore si la photosynthèse primitive, il y a plusieurs milliards d'années fonctionnait également de façon quantique ou si le procédé a été optimisé par la sélection naturelle et l'évolution. Comme elle existe dans toutes les espèces, l'optimisation est probablement très ancienne et remonte probablement à « l'invention » de la photosynthèse. L'évolution semble surtout s'être ingéniée à faire passer et à adapter le processus aux différentes espèces qui l'utilisent. L'énergie solaire étant sauf cas particulier très abondante, l'optimisation quantique a probablement surtout pour but de permettre une protection et une optimisation morphologique des structures receveuses de l'énergie solaire.

La théorie de la cohérence et de la décohérence quantique

Nous allons examiner la question fondamentale de la cohérence (état quantique) et de la décohérence (sortie de l'état quantique), car l'antenne de chlorophylle passe par intervalle d'un état quantique à un état ayant les caractéristiques de la physique classique.

Selon Wikipedia la décohérence est "un phénomène physique susceptible d'expliquer la transition entre les règles physiques quantiques et les règles physiques classiques telles que nous les connaissons, à un niveau macroscopique. Plus spécifiquement, cette théorie apporte une réponse, considérée comme étant la plus complète à ce jour, au paradoxe du chat de Schrödinger et au problème de la mesure quantique."

La théorie de la décohérence est une tentative très aboutie, développée dans le dernier tiers du XXe Siècle, pour expliquer pourquoi la réalité macroscopique ne fonctionne pas selon les spécificités de la mécanique quantique mais selon les lois de cause à effet classiques et elle tente aussi de résoudre un paradoxe interne à la mécanique quantique elle-même :

"Le problème majeur est que la physique quantique admet des états superposés, ces états étant absolument inconnus à un niveau macroscopique, décrit par la physique classique. L'exemple le plus frappant décrivant ce problème est l'expérience du chat de Schrödinger. Dans cette expérience de pensée, l'état superposé d'un atome (désintégré/non désintégré) doit se propager, en suivant scrupuleusement les règles quantiques, à l'état d'un chat qui devrait également être, selon ces règles, dans un état superposé mort/vivant. Or, un tel état n'est jamais observé, d'où paradoxe et problème.
La théorie quantique tient compte de cette non-observabilité des états superposés quantiques en stipulant que tout acte d'observation provoque un
effondrement de la fonction d'onde, c'est-à-dire sélectionne instantanément un et un seul état parmi l'ensemble des états superposés possibles. Cela donne lieu à un postulat spécifique ( postulat 5 dit de « Réduction du paquet d'onde »), qui est en contradiction mathématique avec un autre postulat de la mécanique quantique ( postulat 6  : l'équation de Schrödinger)." (...)
[Mises en gras dans les citations par
Gestion Santé] "L'idée de base de la décohérence est qu'un système quantique ne doit pas être considéré comme isolé, mais en interaction avec un environnement possédant un grand nombre de degrés de liberté. Ce sont ces interactions qui provoquent la disparition rapide des états superposés.
En effet, selon cette théorie, chaque éventualité d'un état superposé interagit avec son environnement ; mais
la complexité des interactions est telle que les différentes possibilités deviennent rapidement incohérentes (d'où le nom de la théorie). On peut démontrer mathématiquement que chaque interaction « déphase » les fonctions d'onde des états les unes par rapport aux autres, jusqu'à devenir orthogonales et de produit scalaire nul. En conséquence, la probabilité d'observer un état superposé tend rapidement vers zéro ."
Seuls restent observables les états dit « purs », correspondant aux états observables macroscopiquement, par exemple - dans le cas du Chat de Schrödinger - mort
ou bien vivant. (...) pour la théorie de la décohérence, l'effondrement de la fonction d'onde n'est pas spécifiquement provoquée par un acte de mesure, mais peut avoir lieu spontanément, même en l'absence d'observation et d'observateurs.". En fait, l'interaction du système quantique avec son environnement est l'équivalent d'un acte de mesure.

La synthèse chlorophyllienne viole les limites temporelles attendues de la cohérence quantique

Les seuils théoriques de déclenchement de la décohérence par interaction avec le milieu donnaient à penser que les phénomènes récemment observés en biologie quantique étaient impossibles. C'est ce qu'explique aussi cet article de futura-sciences, commentant les recherches que nous venons d'évoquer "Certaines algues utiliseraient les amplitudes de probabilité de la mécanique quantique pour optimiser la photosynthèse, ce qui signifie que ces cellules ont franchi l’obstacle de la décohérence quantique qui devrait rendre ce processus impossible à température ambiante."

Toujours suivant futura-sciences qui examine les expériences menées par rapport aux limites supposées de la décohérence quantique "En utilisant la même technique que le groupe de Fleming et Engel, des impulsions lasers femtosecondes pour pister les transfert d’énergies dans des molécules complexes, Gregory Scholes, de l’Université de Toronto au Canada, et ses collègues auraient démontré que les structures qui captent les photons dans le cas des algues Chroomonas et Rhodomonas, que l’on appelle des antennes, coordonnent le plus efficacement les transferts d’énergie le long de plusieurs pigments moléculaires. Les amplitudes quantiques sondent alors l’état des chemins possibles et déterminent celui qui est le plus rapide et avec le moins de perte d’énergie. La cohérence quantique est maintenue pour cela pendant 400 femtosecondes (4 × 10-13 seconde) alors qu’à cette température de 21°C, cela ne devrait pas être possible selon les chercheurs." Engel dans des expériences similaires également menées par son équipe en 2010 estime que la cohérence est maintenue pendant au minimum 300 fs et probablement davantage. Les différents articles semblent considérer cette durée comme très élevée et indispensable pour permettre un traitement optimum de la trajectoire de l'énergie dans l'antenne de chlorophylle.

On en est pour l'instant réduit aux conjectures quant à comprendre ce qui permet aux systèmes biologiques comme la synthèse chlorophyllienne de s'affranchir des seuils de décohérence quantique. Actuellement les chercheurs élaborent des ordinateurs quantiques. Or, selon Wikipedia ces machines progressent très lentement du fait des difficultés d’isolation du système et « le calcul quantique exige [ne permet que] peu d’entrées et peu de sorties. Il ne se prête donc a priori qu'aux calculs dont la complexité réside dans la combinatoire. On trouve ces problèmes dans l’ordonnancement et autres calculs de recherche opérationnelle, en bio-informatique, et bien entendu en cryptographie. »

L'antenne de chlorophylle contrairement à un ordinateur quantique est ouverte sur son environnement et organisée pour transférer et assimiler l’énergie. Selon Wikipedia, qui évalue les durées de superposition attendues de différents objets élémentaires, la durée de décohérence pour une molécule complexe dans un vide parfait et éclairée par le soleil est de 10-15 seconde, soit une femtoseconde à comparer à la durée nettement supérieure de 300 à 400 femtosecondes de l’antenne. Or nous sommes en présence d’une antenne constituée non pas d'une molécule complexe dans le vide parfait, mais de dizaines voir de centaines de molécules complexes de pigments caroténoïdes et de chlorophylles, plongées dans un bain énergétique intense lié à la température élevée du dispositif et étroitement intégré dans une organisation cellulaire très complexe. Comment l’intrication peut-elle se maintenir si longtemps dans un tel dispositif ? Cela reste inexpliqué, même si des chercheurs ont évoqué l'hypothèse des spécificités de nombreuses sous-structures biologiques qui sont d'une taille extrêmement réduite et dotées d’une morphologie spécifique. Cela leur permettrait de s'isoler de leur environnement beaucoup mieux qu’attendu et cela faciliterait les états quantiques. Il est possible également que les cellules vivantes utilisent des dispositifs multiples régulés au niveau quantique, nous en évoquons quelques uns plus loin, dont l'architecture générale favoriserait les phénomènes de superposition.

Mais tout cela reste à étudier plus en détail et à démontrer dans des cas bien définis. Ces remarques et hypothèses sont intéressantes, mais expliquent-elles la différence entre les résultats observés et attendus ? J'en doute... D’autant que d’après les chiffres donnés par Wikipedia les molécules d’une antenne chlorophylliennes à température ambiante maintiennent leur superposition quantique pour des durée qui a mon avis sont des dizaines de milliers de de fois plus longue qu’attendue, peut-être même davantage. On comprend pourquoi les scientifiques « n’y croyaient pas » avant les récents résultats obtenus…

Contradiction apparente entre la théorie de la décohérence et les résultats obtenus dans l'antenne de chlorophylle

Mis à part la question de la durée encore inexpliquée de la cohérence, il existe également une contradiction apparente entre la théorie de la décohérence et les résultats obtenus dans l'antenne de chlorophylle.

Dans la théorie de la décohérence quantique celle-ci prévoit que le résultat de la sortie de l’état quantique de cohérence est ventilé de façon aléatoire selon la théorie des probabilités. A la fin de la superposition quantique de tous les états possibles, il se produit une réduction du paquet d'onde de tous les états possibles et au choix d’un état. Il y a unicité de la mesure dans le monde réel.

Dans le cas du chat de Schrödinger, le résultat est « que le chat est soit mort avec une probabilité de 0.5 ou soit vivant avec une probabilité de 0.5 (…) le mécanisme qui "choisit" l'état final du chat échappe à la théorie de la décohérence. Or, le postulat de réduction du paquet d'onde stipule que l'état final est bien projeté sur une et une seule valeur. Ce postulat n'est donc pas entièrement couvert par la théorie de la décohérence. [Toutefois], (…) le fait que les différents états soient mutuellement exclusifs suite à une décohérence implique que [lors de la mesure] l'état physique prend bien une et une seule valeur, les autres valeurs étant inaccessibles. ». C’est pourquoi, selon Wikipedia, il ne faut pas confondre décohérence et réduction du paquet d'onde. La décohérence donne des résultats possibles distribués selon la théorie des probabilités. La réduction du paquet d’onde dans le monde réel donne un résultat unique qui si l’expérience est répétée donne des résultats qui se rapprochent progressivement de la ventilation attendue du calcul des probabilités.

Ainsi, dans l’expérience de pensée du chat de Schrödinger, la décohérence donnerait une ventilation qui s’équilibre avec l’augmentation des expériences, tendant vers une chance sur deux d'avoir le chat vivant (ou mort) après décohérence du système.

Mais dans l’antenne de chlorophylle, c'est comme si le chat était vivant à chaque mesure, c’est bingo à chaque tirage ! Il y a donc contradiction apparente.

L’antenne de chlorophylle fonctionne comme machine quantique

Un photon va exciter des molécules à la périphérie de l'antenne dont les électrons vont transporter le potentiel d'excitation électronégatif apporté par le photon (appelé exciton) jusqu'au centre réactionnel receveur électropositif. « Cette molécule piège [réceptrice] cède alors un électron à un accepteur qui passe à l'état réduit. A ce stade l'énergie lumineuse est convertie en énergie chimique. » (Qu'est ce qu'un photosystème?) Le schéma 2 de ce lien montre que les chemins possibles pour arriver au centre receveur sont très variés. Le processus est appelé transfert d'énergie par résonance de type Förster, qui permet un transfert très rapide de l'énergie collectée sur des distances nanométriques.

C'est ce cheminement de l'énergie collectée qui s'effectue en état de superposition quantique. L'antenne effectue durant la superposition un calcul quantique complexe d'itinéraire de toutes les trajectoires possibles, qui sont chaque fois différentes, de l'énergie apportée par le photon incident (qui arrive avec un angle d'impact et une énergie variable) au sein des réseaux moléculaires en mouvement dans l’espace, jusqu’à trouver le trajet le plus économique énergétiquement vers la cible.

Selon techno-science.net, "Il se trouve que l'informaticien Lov Grover a utilisé une méthode analogue en 1997 en développant l'"algorithme de Grover", qui s'est avéré être la recherche la plus rapide possible dans une base de données non triée en calcul quantique. "Dans le cas de la photosynthèse, l'énergie recherche l'itinéraire optimal à suivre pour parvenir à l'endroit où elle sera utile," note Roseanne Sension de l'université du Michigan." L’article indique que la solution de l’algorithme de Grover est une fonction de probabilité de trouver le résultat cherché qui s’améliore avec le nombre d’itérations avant de décroître si celui-ci est trop élevé.

Ce type de calcul est propre aux ordinateurs quantiques. La décohérence est ajustée de façon à ce que le calcul ait le temps d’être effectué de façon optimum. Comme le montrent les expériences que nous avons décrites, c'est une durée de quelques centaines de femtosecondes qui est nécessaire.

La trajectoire est donc optimisée et « calculée » dans l’état quantique. La superposition est suffisamment longue pour permettre d'explorer toutes les trajectoires sur une distance déterminée en fonction des atomes présents, ce qui va permettre de transporter l'énergie quasiment sans déperdition. Tout cela évoque le fonctionnement d'une machine quantique effectuant des computations afin de produire un résultat prédéfini. Je préfère utiliser le terme de machine à celui d’ordinateur quantique que j'ai vu citer à propos de ces recherches, car le calcul quantique dans l’antenne produit un travail déterminé.

Le chaînage quantique fait que la réaction d'oxydoréduction se fait comme si la distance était abolie entre le premier atome excité et le centre de réaction de l’antenne. Le chemin le plus économique est choisi parce que la réaction électrochimique tend à s’écouler suivant le chemin de la plus faible résistance énergétique possible pour procéder à la réaction d’oxydoréduction. Il me semble qu’il s’agit tout simplement d’un exemple de ce qu’on appelle en  physique le « principe de moindre action » qui fait que la réaction d'oxydoréduction se réalise de la façon la plus économique possible.

Dans une version précédente de cet article, je m'étais interrogé sur le processus de calcul dans l'antenne. En fait je pense à présent que c'est le bouclage de la réaction d'oxydoréduction qui injecte l'équivalent d'un « programme de calcul quantique » dans l’antenne de chlorophylle et qui donne sa finalité au dispositif en créant une boucle de rétroaction qui tend à faire trouver le meilleur chemin au potentiel d'excitation énergétique pour que la réaction chimique intervienne avec le meilleur rendement possible.

L'antenne de chlorophylle constitue donc un exemple de la capacité de la vie à échapper à l'entropie en mettant de l'ordre, par une économie de moyen extraordinaire, qui protège ses fragiles structures moléculaires du désordre.

Un article de 2011 « Physics of life: The dawn of quantum biology » constitue une bonne synthèse du sujet que nous venons d'examiner. J'ai aussi consulté, pour une actualisation de cet article, « In Pursuit of Quantum Biology With Birgitta Whaley », avec une interview de K. Birgitta Whaley, une spécialiste de la question, qui date du 30/07/13, mais qui n'apporte guère de nouveautés sur la question.

La biologie quantique : un mécanisme de base du fonctionnement cellulaire ?

Le fait que l’antenne de chlorophylle ait un fonctionnement quantique « rouvre » à la mécanique quantique d’innombrables fonctions dans le domaine du vivant. Les états de superpositions quantiques se maintiennent visiblement de façon beaucoup plus longue que les estimations théoriques ne le supposaient et cela amène à penser que la superposition et les calculs quantiques sont des modalités de base du fonctionnement du vivant et qu'elles sont mises en œuvre dans d'autres objets cellulaires. Cela expliquerait la capacité de persistance extraordinaire de la vie depuis près de 4 milliards d’année, si elle dispose de mécanismes de contrôle et de régulation sophistiqués à l’interface du passage du monde quantique au monde classique. Cette régulation est en fait indispensable pour que la vie puisse lutter contre l'entropie et le désordre phénoménal qui règne au niveau atomique.

On a souvent utilisé les images des phénomènes d'organisation spontanés de la matière, comme les phénomènes tourbillonnaires, comme démontrant que la matière s'auto-organise spntanément, phénomène que la vie aurait utilisée à son niveau. Par exemple Edgar Morin a repris ces modèles dit de la complexité dans sa série d'ouvrage "La Méthode". Mais comme l'explique le spécialiste de la biologie quantique, Johnjoe McFadden dans une interview,

"Peut-on faire appel aux théories de la complexité pour expliquer l'émergence de l'ordre à partir du désordre, comme le font des théoriciens s'intéressant aux origines de la vie ? L'ordre spontané des systèmes complexes (tels les systèmes météorologiques) ressemble à celui de la vie. Dans les deux cas, il s'agit de systèmes dynamiques plutôt que statiques, constamment renouvelés par les éléments y entrant et en sortant.
(...) [Mais] Les systèmes organisés (tel l'anticyclone) émergeant de composant physiques ne sont organisés qu'au niveau macroscopique. Au niveau moléculaire, on ne trouve que des interactions au hasard. Or les cellules vivantes sont organisées jusqu'au niveau de leurs particules élémentaires. Les structures cellulaires macroscopiques ne résultent pas d'un chaos particulaire au hasard, mais du mouvement ordonné des particules individuelles. La vie est un phénomène de petits nombres et ne peut être décrite par la théorie de la complexité s'appliquant aux grands nombres. L'ordre de la vie relève d'un tout autre mécanisme."
La vie pourrait opérer une régulation fine de son organisation au niveau du passage du niveau quantique au niveau classique. Schrödinger avait eu 10 ans avant la découverte de l'ADN des intuitions géniales à ce sujet, formulées en 1944 dans Qu'est-ce que la vie ?

Toutefois, jusqu'à ces dernières années les spéculations sur les rapports entre biologie et mécanique quantique étaient considérées comme fumeuses. Paul Davies un physicien qui s’intéresse à la biologie quantique a toutefois effectué, en 2004, un tour d'horizon des hypothèses les plus solides dans ce domaine avec une approche historique dans "Does quantum mechanics play a non-trivial role in life ?". L'article ouvre des perspectives qui sont confortées par les découvertes récentes. Il est suffisamment récent, bien qu'antérieur aux premiers résultats sur la chlorophylle, pour s'appuyer sur la question fondamentale de la cohérence et de la décohérence quantique dans les systèmes biologiques et sur la question de la computation quantique éventuelle dans les systèmes biologiques (à base de qubits comme dans les ordinateurs quantiques au lieu de bits). L’article s’intéresse notamment à la question des origines de la vie (cf. infra).

La biologie quantique aux origines de la vie ?

On devrait rapidement en savoir plus sur les capacités quantiques de différentes structures biologiques élémentaires car le développement technique dans le domaine du laser, dans celui des nanotechnologies et dans le décryptage des structures biologiques au niveau moléculaire permet désormais de mettre au point des expériences et des observations au niveau de structures biologiques sans cesse plus réduites. On peut supposer que l'on tentera bientôt de monter des expériences sur toutes sortes d'objets cellulaires dont on sait qu'ils se situent à la frontière du fonctionnement quantique en terme de taille. Par ailleurs les expériences suscitent un grand intérêt de la part des physiciens quantiques qui tentent de développer des ordinateurs quantiques et qui vont certainement participer activement à ces recherches. En effet les calculateurs quantiques progressent très lentement et son soumis à des contraintes d'isolation très élevées qui hypothèquent leur développement. On devrait, à mon avis, voir apparaître des calculateurs quantiques biologiques s'appuyant sur les découvertes que nous venons d'évoquer. L'interview de K. Birgitta Whaley précitée semble toutefois indiquer qu'il y a peu d'avancées sur le sujet pour l'instant. On parle aussi régulièrement de « Photosynthèse artificielle », mais il s'agit d'un abus de langage par rapport aux caractéristiques de la photosynthèse dans les organismes vivants.

Paul Davies dans son article précédemment évoqué, section, "The origin of life" pense que le calcul quantique aurait pu intervenir aux origines de la vie dans la « soupe prébiotique » où se seraient créées via des proto-enzymes et des proto-assemblages d’ARN ou d’ADN des états de superposition permettant une exploration quantique de tous les états du système. Cette exploration sélectionnant et renforçant pour diverses raisons des structures complexes auto-réplicatives caractéristiques de la vie. Mais Paul Davies est à la peine pour expliquer comment les structures auto-réplicatives seraient sélectionnées.

On sait que l'apparition de la vie dans la soupe prébiotique est hautement improbable selon les lois de la physique macroscopique et que la mécanique quantique pourrait proposer des solutions à la question de l'origine de la vie sur laquelle la recherche bute depuis des décennies (lire aussi Quantum fluctuations and life de P. Davies). Toute la difficulté comme le reconnaît Paul Davies est que l'on se trouve dans ce domaine à la limite du finalisme, une théorie qui supposerait dans le cas d’espèce que la vie est une finalité inscrite dans la matière et qui "guiderait" l'apparition de la vie. Cette approche (qui remonte à Aristote) est souvent une façon plus ou moins consciente de réintroduire le dualisme religieux dans la science, car c'est Dieu ou son équivalent qui va être de facto le principe finalisateur dans la théorie par opposition à l'approche matérialiste ou les évolutions qualitatives au sein de la Nature s'expliquent à partir des caractéristiques propre à la Nature elle-même. L'approche finaliste se repère aussi dans le fait qu’elle suppose expliqué à l’aide de mots « valise » ce qui reste justement encore à expliquer. Par exemple dans le vitalisme, on « envisage la vie comme de la matière animée d'un principe ou force vitale, qui s'ajouterait pour les êtres vivants aux lois de la matière. Selon cette conception, c'est cette force qui insufflerait la vie à la matière. » Cette forme de raisonnement est typique du finalisme et de l’idéalisme philosophique. A partir d’une observation juste sur une qualité propre de la vie qui la distingue de la matière non vivante, on introduit du finalisme et on utilise le mot vitalisme qui remplace ce qui est à expliquer au travers de l’observation et de la compréhension réelle des phénomènes.

Pour tenter d’avancer, Davies s’appuie sur les travaux de biologie quantique de Johnjoe McFadden. L'auteur de “Quantum Evolution” (2000), est un biologiste travaillant dans le domaine quantique, mais je dois dire que je n’ai pas bien compris ses explications qui me semblent assez floues et je le soupçonne de réinjecter du finalisme à la place d’explication. Derek Abbott dans “Quantum Aspects Of Life” (2007) s’est penché plus récemment sur le même sujet mais là aussi je reste sur ma faim, même si les ouvrages que j'ai feuilleté sur Internet contiennent par ailleurs énormément d’informations utiles et intéressantes.

Les raisonnements finalistes se glissent facilement dans les théories de la biologie quantique. Par exemple à propos du calcul quantique qui se serait effectué dans la soupe prébiotique. Comme nous l’avons expliqué à propos de l’antenne de chlorophylle, ce n’est pas parce qu’il y a superposition qu’il y a pour autant calcul et obtention du calcul – résultat « souhaité ». S’il y a calcul quantique, il faut expliquer ce qui en est à l’origine et pourquoi la décohérence se stabilise sur un état favorisant la vie.

A mon avis il manque encore à ces tentatives théoriques une compréhension même élémentaire des modalités de ce calcul – action des machines quantiques comme l’antenne de chlorophylle. Une fois que l’on y verra un peu plus clair avec cette structure biologique élémentaire ou une autre, on pourra faire des hypothèses sur les modes de calcul quantiques les plus élémentaires qui auraient pu intervenir spontanément dans les premières chaînes du vivant assemblées spontanément dans la soupe prébiotique.

Le magazine Science et Vie d'avril 2011 a consacré sa une à "La vie serait quantique !" (repris ici). Je n'ai pas trouvé les articles traitant du sujet aussi approfondis que je l'aurai souhaité, mais cela permet de compléter et d'étendre à d'autres catégories de phénomènes biologiques certains aspects de notre billet de février 2010.

Rien de nouveau dans la revue par rapport à notre billet bien plus complet sur la chlorophylle. Par contre sont passés en revue d'autres mécanismes biologiques qui pourraient utiliser des effets quantiques.

Le meilleur article est celui consacré à Enzymes et effet tunnel : évocation des recherches de Judith Klinman qui a montré en 1989 que l'activité de l'enzyme alcool déshydrogénase semblait mettre en évidence le transfert d'un proton lors de la réaction par effet tunnel. Selon la revue, "désormais, les biochimistes en sont persuadés : une part du succès des enzymes est liée à un effet purement quantique, qui autorise une particule à jouer les passes murailles : l'effet tunnel." L'effet permettrait de réduire les temps de réaction, le transport via l'enzyme par effet étant quasi instantané et le coût énergétique étant très réduit. On retombe comme avec photosynthèse sur ce qui ressemble à des barrières de seuil que la vie aurait trouvé le moyen de contourner : "

L'observation de Judith Klinman est tout à fait inattendue. En effet, un proton est relativement lourd et l'efficacité de l'effet tunnel est inversement proportionnelle à la masse de la particule concernée. Si l'électron est coutumier de cet effet quantique pour transiter entre deux localisations séparées par une zone énergétiquement défavorable, il n'en va pas de même pour le proton qui est 2000 fois plus massif : son caractère ondulatoire étant moins marqué, on s'attend à ce qu'il soit assez peu sensible à ce jeu de passe muraille."

Malheureusement l'article ne nous en dit pas plus sur les difficultés théoriques que pose l'existence d'un effet tunnel ni comment il se produit exactement, quels sont les barrières biologiques qui contourne l'effet tunnel...

L'effet est pourtant d'autant plus intriguant que Judith Klinman indique qu'elle a depuis découvert que des atomes plus lourd comme le carbone et l'oxygène pourrait aussi utiliser l'effet tunnel. A noter que leur masse et respectivement 14 et 16 fois plus importante que le proton de l'hydrogène ! L'article précise aussi que les démonstrations de l'effet tunnel repose notamment sur l'utilisation d'isotopes, chimiquement identiques à leurs analogues mais qui réagissent différemment à l'effet tunnel du fait de masses différentes. L'article sur les enzymes est intéressant mais survole le sujet et on reste quand même sur sa faim.

Les autres aspects potentiellement liés à des effets quantiques et plus brièvement présentés par la revue sont le sens de l'odorat, les molécules olfactives activeraient l'olfaction suivant un mécanisme biologique de vibration proche de la spectroscopie à effet tunnel (travaux de Marshall Stonham).

Vient ensuite la stabilité de l'échelle d'ADN (Elisabth Riepert voir aussi vidéo en anglais, Classical and Quantum Information in DNA) qui serait liée à un effet d'intrication (article de qualité très moyenne).

Le sens de l'orientation des oiseaux lié à l'intrication quantique est également présenté.

Enfin en conclusion S. et V. propose un médiocre "Une nouvelle vision du vivant ?" qui ne mérite guère le temps passé à le lire. Bref un dossier assez décevant compte tenu de l'intérêt du sujet.

Le Workshop "Quantum Biology: Current Status and Opportunities" de l'université of Surrey

Un important symposium à l'université de Surrey

Ces ateliers ont réuni en septembre 2012 la crème des chercheurs s'intéresssant à la biologie quantique. Rappelons que la biochimie s'occupant du niveau atomique est par nature confrontée aux phénomènes quantiques qui sont ominiprésents à ce niveau. On parle de biologie quantique seulement quand on estime que la vie s'appuie de façon non aléatoire sur les phénomènes quantiques pour s'organiser, qu'elle "exploite" les propriétés quantiques. Les chercheurs ne sont pas tous du même avis sur l'importance à attribuer à ces phénomènes. Ceux qui se sont retrouvés dans cette réunion et ces ateliers estiment de façon générale que les effets quantiques jouent un rôle important.

Vous trouverez toutes les conférences via ce lien vers des vidéos de youtube, "Quantum Biology: Current Status and Opportunities". Le niveau scientifique est assez relevé et c'est en anglais, mais si vous êtes physicien ou biologiste ou étudiant dans ces domaines ou enfin si vous êtes autodidacte avec une bonne culture générale et intéressé par le sujet, c'est à charger sur vos tablettes pour visionner à tête reposée un stylo à la main pour noter quelques références utiles. Le niveau de vulgarisation varie selon les conférences, certains chercheurs utilisant des notations mathématiques qui ne m'étaient pas accessibles, mais c'est loin d'être le cas de toutes les conférences. Je n'ai malheureusement pas pu tout regarder et de loin, faute de temps.

Je conseille de démarrer par les 2 vidéos de Paul Davies, le résumé de son intervention et son intervention principale, en effet elles donnent bien le ton de la problématique de la biologie quantique. Ca a vraiment une autre allure que l'article de S. et V.
que nous venons d'évoquer. De plus Davies est un homme rigoureux et d'esprit très ouvert. Il a en particulier très bien compris que l'électricité biologique, à la fois au niveau cellulaire et tissulaire, joue un rôle clé d'organisateur de la matière biologique et que c'est cette l'organisation bioélectrique qui permet le déploiement des effets quantiques, les deux phénomènes étant distincts mais étroitement liés. Sans l'effet organisateur de l'électricité biologique au niveau atomique des cellules ainsi qu'à des niveaux supérieurs dans les tissus, la matière serait dans un état beaucoup trop désordonné pour permettre la manifestation des effets quantiques. Bien qu'il ne le cite pas, je pense que Paul Davies a pas mal réfléchi à partir des travaux de Robert O. Becker, dont j'ai parlé dans cette page dans une section sur L'électricité biologique. Il donne aussi des références de travaux plus récents dans ce domaine.

Les travaux de Johnjoe McFadden

Un des théoriciens de ce groupe qui a rendu possible da réunion de Surrey est Johnjoe McFadden, dont on pourra consulter une remarquable interview de 2002 que nous avons citée plus haut, par Automates Intelligents à l'occasion de la publication de son livre "Quantum Evolution, The new science of life" que Automates Intelligents avait également brièvement présenté. C'est un précurseur qui a fait un gros travail de défrichage avant que les résultats sur l'antenne de chlorophylle n'attire l'attention sur ce domaine de recherche et ne confirme sa fécondité.

Il a publié en 2014 avec Jim Al-Khaliliun l'uvrage "Life on the Edge: The Coming Age of Quantum Biology" présenté par Automates Intelligents, qui reprend probablement beaucoup des acquis du symposium de Surrey. Automates Intelligents conseille de lire "Life is quantum" de McFadden qui pourra servir d'introduction à l'ouvrage.

En 2002 McFadden insistait sur ce qu'il appelait l'effet Zenon inverse quantique qui serait utilisé par les systèmes vivants. Il s'agit de "l'aptitude de la mesure quantique à interagir et à modeler la dynamique d'un système quantique. La mesure quantique extrait de la superposition quantique de tous les états possibles une seule réalité observable dans notre monde physique." Le système vivant effectuerait (...) " une série de mesures quantiques suffisamment dense appliquées à une particule sur un chemin constitué d'une suite de positions peut déplacer cette particule le long de ce chemin. Ledit chemin peut n'être que l'un des milliards de milliards de chemins possibles, mais la mesure quantique peut forcer le système à évoluer dans cette direction mesurée." Ce système de mesure permettrait de favoriser la biosynthèse des composants utilisables par les systèmes vivants en bloquant les biosynthèses nuisibles. Ce mécanisme serait notamment utilisé par les enzymes. C'est un mécanisme complémentaire de celui évoqué pour l'antenne de chlorophylle, la capacité de la vie à faire sortir les substrats des systèmes vivants de l'état quantique pour les faire passer dans l'état classique souhaité.

En conclusion provisoire

Il y a beaucoup de fumisteries qui circulent actuellement sous le "label" de médecine quantique. C'est donc important de savoir que de nombreux chercheurs sérieux travaillent dans le domaine de la biologie quantique et de se faire une idée de la façon dont ils posent les problèmes dans ce domaine et de savoir comment ce champ de la connaissance évolue.

[Cet article a été réécrit et complété plusieurs fois, la dernière version date du 27/02/16]

10/02/10 : Psychiatrie orthomoléculaire : Les huiles de poisson pourraient réduire le risque de désordres psychotiques chez des individus à risque élevé.

Nous avons déjà parlé plusieurs fois de la psychiatrie orthomoléculaire sur Gestion Santé. Rappelons d'abord que Gestion Santé défend une approche intégrativeen matière de santé mentale, c'est-à-dire une utilisation raisonnée du meilleur des différentes pratiques médicales et sociales au service de la santé mentale de la population. L'intégration et la coordination suppose d'utiliser une véritable anthropologie médicale. Que nous définissions ainsi dans un article sur la psychothérapie :

" Rappelons que pour les sciences humaines, l'anthropologie médicale recouvre (ou devrait recouvrir) tous les aspects de la vie humaine, depuis la prévention, l'hygiène, le cadre de vie, l'alimentation, tous les aspects de la vie sexuelle, affective et relationnelle, la vie professionnelle, certains aspects de la vie spirituelle, la médecine s'intéressant en définitive, comme chaque science humaine, sous son angle d'intérêt particulier, à la totalité de la vie humaine dans sa complexité. Le traitement lui-même, même lorsqu'il s'agit de maladies organiques stricto sensu, peut-être éclaté en une multitude d'approches, éventuellement complémentaires."

La psychiatrie orthomoléculaire a été fondée par Dr. Abram Hoffer lorsqu'il a montré les effets remarquables de la vitamine B3 dans la schizophrénie. Nous écrivions à propos de l'approche orthomoléculaire en médecine et en psychiatrie :

"On sait que la médecine par les suppléments nutritionnels qui s'appelle parfois médecine orthomoléculaire , c.a.d. les bonnes molécules, au bon moment et en quantité optimisées (nutrithérapie conviendrait bien aussi en français et sonne moins prétentieux, cf. ci-après). Encore moins connue est la psychiatrie orthomoléculaire. Nous en avons dit un mot sur Gestion Santé à propos de son fondateur le Dr. Abram Hoffer qui a travaillé sur la vitamine B3 , la vitamine C et la schizophrénie avant la découverte des psychotropes. Mais il ne s'agit avec ces recherches que d'un des aspects d'un problème beaucoup plus général et comme l'explique le Dr Jean-Paul Curtay, un des pionniers français de la nutrithérapie au Journal Santé , "Cela peut étonner, mais le cerveau est l'organe le plus exigeant de notre organisme en ce qui concerne les calories, les vitamines, minéraux, acides gras et acides aminés. Il est aussi le plus sensible aux déficits. En redonnant au cerveau les outils qui lui permettent de mieux fonctionner, on peut éviter l'énorme majorité des anxiolytiques et antidépresseurs prescrits. Des millions de Français prennent des psychotropes qui ont des effets secondaires non négligeables et qui coûtent cher parce que des besoins basiques ne sont pas assurés. Le pire c'est que les médicaments ne les assurant pas, ils restent souvent dépendants d'eux pour compenser à défaut de mieux." "

L'apport de la psychiatrie moléculaire est de suggérer que dans de nombreux troubles psychiatriques pourrait intervenir un ou des troubles métaboliques. Des dérèglements enzymatiques entraineraient la surexpression ou la sous-expression de différentes substances nécessaires au bon fonctionnement cérébral et à l'équilibre psychosomatique. Ces troubles pourraient réagir positivement à la nutrition et à la supplémentation. Bien évidemment ces traitements nutritionnels devraient faire partie d'un système de soin intégré, les personnes souffrant de troubles psychiatriques ayant souvent besoin d'une prise en charge sociale et médicale interdisciplinaire cohérente et de qualité.

Nous donnons régulièrement des exemples de suppléments utilisables en psychiatrie et nous allons évoquer ici les omega-3. Nous avons déjà traité de la relation entre omega-3 et dépression dans un billet du 16/02/06 "Nouvelle étude sur l'acide gras DHA et la dépression".

Une nouvelle étude vient de montrer que les omega-3 pourrait aussi jouer un rôle dans le déclenchement des épisodes psychotiques chez des personnes à très haut risque (il s'agit de jeunes gens présentant de nombreux facteurs de risques). Selon ScienceDaily, sur un groupe de 81 personnes à très haut risque de décompensation psychotique (d'après leur tableau clinique ils avaient 40% de risque de décompenser dans les 12 mois suivants) 41 personnes ont pris 1,2 gramme d'omega-3 par jour pendant 12 semaines puis les deux groupes (groupe pacebo versus groupe traité) ont été observés sur 12 mois sans traitement. Dans le groupe traité 4,9% des patients ont évolué vers la psychose déclaré contre 27,5% dans le groupe placebo non traité. Soit un risque divisé par un facteur cinq ! Par ailleurs l'état psychologique général du groupe traité était sensiblement meilleur que celui du groupe placebo sur plusieurs paramètres de santé mentale.

Certes le groupe étudié était de relativement petite taille mais la puissance de l'effet plaide pour une démonstrativité élevée. L'étude présente cependant des lacunes que j'aimerai signaler. Comme nous l'indiquions dans un billet du 16/02/06, une approche extrêmement fructueuse et qui n'a malheureusement pas été retenue pour cette étude "consiste à mesurer la quantité d'omega-3 présentes dans les cellules stockant les graisses. C'est un marqueur à beaucoup plus long terme des apports alimentaires cumulés en corps gras et de leur métabolisation par l'organisme. Dans ces cellules c'est le DHA qui est un bon marqueur (le turn over de l'EPA étant beaucoup plus élevé il est moins bien stocké). L'indicateur DHA dans les cellules riches en graisses est donc un indicateur général de la quantité d'omega-3 consommé". Une telle recherche menée à l'entrée dans l'étude, à 12 semaines et à un an, aurait apporté des informations irremplaçables. D'abord pour comparer le niveau initial de DHA entre le groupe traité et le groupe placebo, cela aurait aussi permis de comparer ces taux à ceux d'une population comparable du même âge sans problème psychiatrique et cela aurait enfin permis de mesurer les modifications amenées au stock de DHA après 12 semaines de supplémentation ainsi que la persistance à un an dans les cellules grasses qui fournissent probablement une bonne analogie par rapport aux cellules nerveuses elles aussi très riches en graisse.

Il serait en particulier très intéressant de savoir si les personnes à haut risque psychiatrique ont tendance ou pas à être déficientes en omega-3 par rapport à une population sans risque particulier. Rappelons que si ces résultats se confirmaient les applications passeraient autant par une réorganisation générale de l'alimentation pour favoriser un apport équilibré en omega-3 (et éviter certaines graisses toxiques comme les acides gras hydrogénés) que par une supplémentation prise isolément dont on sait qu'elle ne permet pas toujours de corriger correctement les erreurs alimentaires faites par ailleurs. Nous avons expliqué ce point qui nous semble fondamental dans un billet du 29/03/06 lorsque nous avons rappelé les recherches de Michel de Lorgeril et Serge Renaud sur les omega-3.

Ce qui est le plus incroyable dans tout cela c'est qu'il faille attendre 2010 pour voir menée et publiée une telle étude alors que l'importance décisive des omega-3 pour le fonctionnement cérébral aurait du amener à mener des études beaucoup plus systématique depuis plus de vingt ans !

Pour lire le résumé de l'étude :

Long-Chain omega-3 Fatty Acids for Indicated Prevention of Psychotic Disorders
A Randomized, Placebo-Controlled Trial

G. Paul Amminger, MD ; Miriam R. Schäfer, MD ; Konstantinos Papageorgiou, MD ; Claudia M. Klier, MD ; Sue M. Cotton, PhD ; Susan M. Harrigan, MSc ; Andrew Mackinnon, PhD ; Patrick D. McGorry, MD, PhD ; Gregor E. Berger, MD
Arch Gen Psychiatry.  2010;67(2):146-154.

02/02/10 : La glycation et le vieillissement - Les médicaments antidiabétiques et la glycation - La L-carnosine - La benfotiamine - Les formes anti-glication de la vitamine B6 : la pyridoxamine et la tentative d'interdiction de la FDA aux USA - la forme coernzymée P5P.

Il y a eu une évolution significative des connaissances sur les propriétés anti-glycation de certaines formes de la vitamine B6 depuis que j'ai écrit ma page sur les vitamines B et je souhaitais depuis un moment faire une mise à jour sur cette question, mais comme j'ai peu parlé de la glycation proprement dite sur Gestion Santé jusqu'à présent, je pense que c'est l'occasion d'en parler un peu plus à l'occasion de ce billet. Tout cela va aussi nous permettre de faire une petite mise à jour - pas forcément très rassurante - sur certaines évolutions de la réglementation américaine sur les suppléments.

La glycation et le vieillissement

La glycation est liée à la réaction de Maillard et constitue une des modalités importantes du vieillissement cellulaire et tissulaire (on parle parfois - de façon imagée - de "caramélisation", lire : "La glycation, un phénomène méconnu du vieillissement"). Si elle est accélérée chez les diabétiques du fait qu'elle est liée à une réaction des sucres sur les protéines, et que l'excès de sucre sanguin caractérise le diabète, elle se manifeste également plus lentement chez tout un chacun. Elle peut être limitée en contrôlant les manifestations diabétiques ou prédiabétiques, en limitant les excès de sucres, notamment rapides et en évitant les aliments où la réaction de Maillard s'est déjà réalisée pendant la préparation des aliments, comme certaines viandes grillées. Elle peut aussi être limitée par certains médicaments et suppléments. Nous allons en présenter quelques uns sans viser en rien à l'exhaustivité en commençant par les médicaments puis en étudiant quelques suppléments.

Les médicaments antidiabétique et la glycation

Il existe des médicaments et des compléments qui limitent la glycation. Parmi les médicaments la metformine, un antidiabétique oral, est un médicament ancien dont le rôle est de diminuer l'insulino-résistance, qui a fait ses preuves et qui est très bien toléré (j'en ai parlé ici à propos de la vitamine B1 au dernier paragraphe). Aux USA certains "Life extensionistes" l'utilise car la metformine semble activer les gènes d'une façon qui ressemble beaucoup aux effets anti-vieillissement de la restriction calorique (lire BioMarker Pharmaceuticals Develops Anti-Aging Therapy). Pour le profil de sécurité de la metformine et le risque rare mais critique d'acidose lactique lire ici la section consacrée à la metformine. La metformine inhibe aussi dans des proportions variables l'assimilation de la vitamine B12 et une supplémentation en B12 devrait accompagner sa prise. La diminution de l'insulino-résistance permet aux sucres de rentrer dans les cellules pour y être métabolisés et diminue le risque de glycation. Une autre molécule en cours d'expérimentation pour le diabète et qu'on trouve parfois chez des sociétés de vente de supplément pointues est l'aminoguanidine. Une autre molécule le Rosiglitazone diminue l'insulino-résistance mais fait partie d'une classe de molécules ayant de nombreux effets secondaires qui fait que même en thérapeutique son intérêt est très discuté (lire par ex. le point de vue de la revue Prescrire : "Ni seules, ni associées : pas de glitazones pour les patients diabétiques".)

Les suppléments :

La L-carnosine

Parmi les acides aminés anti-glycation on trouve la L-carnosine un acide aminé encore assez coûteux, les meilleurs prix US actuels étant de l'ordre de 30$ les 90 unités de 500mg chez Jarrow (la prise recommandée est de 500 à 1g par jour). Compte tenu de son coût, il est possible d'optimiser le niveau de carnosine via ses deux acides aminés constituant (car c'est un dipeptide liant deux acides aminés), la beta-alanine, qui coute environ 27$ les 500g (qui peut provoquer un léger rougissement - sans danger - de la peau après la prise, un peu similaire à l'effet de la vitamine B3 niacine) et la L-histidine, plus chère et moins présente sur le marché : 12$ les 60 unités à 500mg. Le fabriquant Scifit est un des rares à proposer une poudre "Beta Alanine 2000 w/ L-Histidine" combinant les deux acides aminés dans un ratio destiné à augmenter le niveau de L-carnosine (19$ les 300g). La complémentation avec ces précurseurs aminés de la carnosine pourrait même avoir un intérêt spécifique et une supériorité sur la seule prise de L-carnosine. Pour approfondir le sujet je vous conseille de lire "Carnosine and Histidine Offer Unusual Benefits" et "Beta-alanine Supplementation Augments Muscle Carnosine Content and Improves Muscular Performance" publiés par le magazine life-enhancement (on peut trouver d'autres articles intéressants dans le même journal en tapant dans la recherche : carnosine, L-histidine ou beta-alanine).

La benfotiamine

Voir dans la section vitamine B1 de notre page sur les vitamines B.

Les formes anti-glycation de la vitamine B6 : la pyridoxamine et la P5P et tentative d'interdiction de la FDA aux USA

Comme je l'indique dans la section vitamine B6 de ma page sur les vitamines B, il existe 3 formes de base non coenzymées de vitamine B6 dont la pyridoxamine qui aurait les effets anti-glycation de loin les plus puissants des 3 formes. C'est un produit que l'on ne trouve que depuis quelques années en supplément, à des dosages de 50 à 100mg (60 unités à 50mg pour 17$ aux USA pour Life Extension - SuperSmart Europe proposant un dosage à 100mg à 24€). Ces résultats avaient amené la société Life Extension à mettre une dose substantielle de pyridoxamine dans son produit leader le Life Extension Mix (LEM), du fait de la remarquable efficacité anti-glycation de la pyridoxamine et aussi parce qu'elle ne présente pas la toxicité à des dosages élevée constatée chez certains utilisateurs avec la pyridoxine (nous avions évoqué cette question dès 2001). Lire sur les effets anti-glycation de la pyridoxamine et du P5P : "B6 Vitamers: Natural Protection Against the Complications of Diabetes and Accelerated Aging".

Malheureusement les choses ne se passent pas toujours simplement et du fait qu'une compagnie pharmaceutique travaille sur la pyridoxamine depuis quelques années et tente de la faire valider comme médicament pour certaines complications diabétiques. La FDA (agence américaine du médicament et de l'alimentation), qui cherche comme d'habitude a défendre les intérêts financiers des gros laboratoires, tente, suite à une requête de la firme pharmaceutique, d'empêcher la mise en vente de la pyridoxamine par les fabriquants de suppléments afin que les recherches couteuses sur le produit puissent continuer sans que la firme (où celle à qui elle revendra les droits) ait à craindre que la pyridoxamine ne soit disponible sur le marché de la supplémentation à des prix toujours plus bas, du fait de l'amélioration des techniques de fabrication et de l'augmentation des volumes vendus. Tout cela est fait en vue de la mise sur le marché d'un médicament hors de prix à une date qui reste indéterminée et pour des indications qui seront en tout état de cause très restreintes (par rapport aux applications potentielles anti-glycation de la pyridoxamine), comme certaines décompensations rénales et les neuropathies diabétiques. La quasi totalité des millions de personnes qui pourraient bénéficier des effets anti-glycation de la pyridoxamine en seront donc privées, quoi qu'il arrive, si la FDA parvient à ses fins. C'est ce qu'on appelle la médecine au service du profit. Ajoutons que la pyridoxamine n'est pas une forme synthétique de B6 et qu'elle existe en petites quantités dans différents aliments (source : FDA Seeks to Ban Pyridoxamine) et les fabriquants de suppléments devrait normalement être protégés par la législation autorisant les suppléments tirés des produits de l'alimentation.

Mais la FDA tente à cette occasion de restreindre les dispositions du Dietary Supplement Health and Education Act (DSHEA) de 1994 qui a légalisé et ouvert le marché US des suppléments nutritionnels et en propose une interprétation tout à fait abusive et restrictive. L'idée serait que les suppléments ayant fait l'objet de recherches par l'industrie pharmceutique pourraient ne plus être protégés par le DSHEA mais passeraient dans le domaine du médicament.

Tiens tiens ! j'ai déjà vu ça quelque part ! En effet en 2003 j'avais accompagné une organisation anglaise de défense des suppléments l'ANH qui menait une action de lobbying au parlement de Strasbourg, l'enjeu étant une directive européenne sur le médicament dont la formulation permettait de requalifier discrétionnairement un supplément en médicament. Nous remettons ci-dessous en bleu un passage de notre billet du 9 mai 2006.

"Mais la définition retenue est en même temps tellement vaste que tout produit alimentaire, cosmétique ou tout supplément nutritionnel qui va par définition également agir sur la physiologie en modifiant le métabolisme est donc de ce fait un médicament. L'eau par exemple répond parfaitement à cette définition du médicament ! D'où un risque d'insécurité juridique majeur pour toute une gamme de produits et le risque de voir toutes sortes d'intervenants à commencer par la puissance publique utiliser cette définition pour reclasser en médicament d'innombrables produits et en interdire de fait la distribution compte tenu des coûts prohibitifs associés aux études de sécurité pour la mise sur le marché des médicaments et lié à leur distribution par une poignée d'intervenant verrouillant la concurrence dans des circuits très restreints (les pharmacies) et eux aussi très peu concurrentiels.

Tout cela vient d'une contradiction dans la rédaction de la directive. On a d'une part le considérant 7 de la directive 2004/27/CE qui entendait éviter toute création d'insécurité juridique dans ce domaine en disant avec beaucoup de clarté que "Lorsqu'un produit répond de façon évidente à la définition d'autres catégories de produits, notamment les denrées alimentaires, les compléments alimentaires, les dispositifs médicaux, les biocides ou les produits cosmétiques, la présente directive n'est pas applicable." Malheureusement la définition du médicament précise à l'article 2 - 2. " En cas de doute , lorsqu'un produit, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, est susceptible de répondre à la fois à la définition d'un “médicament” et à la définition d'un produit régi par une autre législation communautaire, les dispositions de la présente directive s'appliquent."

C'est un point très important et une contradiction majeure sur laquelle nous avions déjà attiré l'attention en 2004 (lire : " Directive européenne sur les Produits Pharmaceutiques ")."

Je ne rentrerai pas dans le détail des arguties de la FDA et des firmes pharmaceutiques qui sont certainement très complexes et que les articles que j'ai pu consulter doivent beaucoup simplifier (je vous renvoie à une discussion nettement plus approfondie menée sur cette question sur ce forum américain). En ce qui concerne la société LEF et son produit LEM, elle a trouver une parade en reformulant son produit et en remplaçant la pyridoxamine qu'elle avait récemment introduite par le dérivé coenzymée de la vitamine B6, le P5P. En effet on vient de s'apercevoir de deux données fondamentales, l'une est que le P5P est également un remarquable agent anti-glycation, nettement supérieur même à la pyridoxamine dans certaines expériences (mais les deux produits sont très probablement complémentaires). Par ailleurs le P5P serait finalement d'après les dernières recherches tout à fait assimilable par voir orale contrairement à ce qu'on croyait précédemment et serait également moins à risque d'effet secondaire à dosage élevé que la B6 pyridoxine. Je m'étais moi-même beaucoup interrogé sur la question à différents moments, d'où certaines contradictions entre ce que j'écrivais dans la page "Vitamine B6 : Les anglais se rebiffent" et dans ma section sur la vitamine B6 dans ma page sur les vitamines B.

Mais il n'est pas certain que LEF soit au bout de ses peines car une autre firme essaie aussi de verrouiller l'accès au P5P sous prétexte là aussi qu'il y aurait eu par le passé des essais thérapeutiques sur le P5P par des firmes pharmaceutiques (lire Collusion to Ban Vitamins) ! Toutefois la P5P étant depuis longtemps dans le domaine des suppléments cette nouvelle attaque devrait je crois beaucoup plus difficilement aboutir. Il y a en tout cas une attaque concertée menée par des groupes pharmaceutiques pour tenter d'évincer du marché les deux formes anti-glycation de la B6 susceptibles de couler le nouveau médicament anti-diabétique pour lequel des sommes énormes ont été dépensées depuis une dizaine d'année sans résultat bien concluant.

On voit en tout cas comment la FDA pourrait facilement détricoter le DSHEA si on n'y prenait garde ! Tout cela annonce encore des frais d'avocat ruineux pour les fabriquants de suppléments nutritionnels alors que les poches de l'industrie pharmaceutique sont elles quasi inépuisables puisque ces poches sont en fait les notres dans lesquelles Big Pharma puise sans complexe via les prix délirants des médicaments toujours plus médiocres mis sur le marché !

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Créé le 01/02/10. Dernière modification le 29/10/13.